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15/06/2022 | FRANCE | N°19/00358

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 15 juin 2022, 19/00358


Arrêt n° 22/00330



15 juin 2022

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N° RG 19/00358 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-E6QQ

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

16 janvier 2019

17/00791

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Quinze juin deux mille vingt deux





APPELANTE :



Mme [K] [Y]

8 pl

ace Jean Baptiste Biot

57070 METZ

Représentée par Me Angelo LAURICELLA, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/001264 du 22/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridic...

Arrêt n° 22/00330

15 juin 2022

---------------------

N° RG 19/00358 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-E6QQ

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

16 janvier 2019

17/00791

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quinze juin deux mille vingt deux

APPELANTE :

Mme [K] [Y]

8 place Jean Baptiste Biot

57070 METZ

Représentée par Me Angelo LAURICELLA, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/001264 du 22/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

INTIMÉE :

Association Régionale pour le Logement et l'Insertion par l'Activité (ARELIA) prise en la personne de son Président

87 bis avenue du Général Leclerc

54000 NANCY

Représentée par Me Patricia AUBRY, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Valérie JANDZINSKI, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Mme [K] [Y] a été embauchée par l'Association Régionale pour le Logement et l'Insertion par l'Activité (ARELIA), selon contrat de travail à durée déterminée d'insertion à temps partiel pour une durée de 4 mois et 1 jour à compter du 1er octobre 2016, s'achevant le 31 janvier 2017, en qualité d'agent d'accueil.

Le 1er février 2017 le contrat a été renouvelé par un avenant pour une durée de deux mois, s'achevant le 31 mars 2017, puis renouvelé à nouveau le 1er avril 2017 pour deux mois supplémentaires.

Le 12 avril 2017, Mme [Y] a été placée en arrêt pour accident du travail suite à une altercation avec un autre salarié.

Le contrat de travail a pris fin le 31 mai 2017.

Par acte introductif enregistré au greffe le 30 juin 2017, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- Requali'er son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

- Condamner l'ARELIA à lui verser les sommes de :

'849,12 €, au titre de l'indemnité de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

'849,12 €, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'849,12 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 84,91 € bruts au titre des congés payés y afférents,

'15 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral,

'2 000,00 € bruts à titre de dommages et intérêts relativement à la violation par ARELIA de son obligation de sécurité de résultat,

' 2 000,00 € bruts à titre de dommages et intérêts relativement à la violation par ARELIA de son obligation d'encadrement, tutorat et formation,

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code du procédure civile,

- Condamner l'ARELIA à lui verser la somme de 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

L'association ARELIA a conclu au débouté des demandes formées contre elle par Mme [Y] et sollicite la condamnation de celle-ci à lui verser 2 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Par jugement du 16 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Metz, section activités diverses a statué ainsi qu'il suit :

- Ordonne la requali'cation du contrat de travail à durée déterminée de Mme [Y] en contrat de travail à durée indéterminée,

- Condamne l'association ARELLA à verser à Mme [Y] les sommes de :

. 849,12 €, au titre de l'indemnité de requali'cation,

. 424,56 €, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 849,12 € bruts à titre d'indemnité de compensatrice de préavis,

. 84,91 € bruts au titre des congés payés y afférents,

- Déboute Madame [Y] du surplus de ses demandes,

- Dit qu'il n'y pas lieu à l'exécution provisoire (article 515 du code de procédure civile),

- Déboute l'association ARELIA de ses demandes,

- Dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 7 février 2019, Mme [Y] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2020, Mme [Y] demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 16 janvier 2019 en ce qu'il :

'Condamne l'association ARELIA à verser Mme [Y] la somme de 424,56 €, au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'Déboute Mme [Y] du surplus de ses demandes ;

'Dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres frais et dépens ;

- Confirmer le jugement du 16 janvier 2019 du conseil de prud'hommes de Metz en ce qu'il :

'Ordonne la requali'cation du contrat de travail à durée déterminée de Mme [Y] en contrat de travail à durée indéterminée ;

'Condamne l'association ARELIA à verser à Mme [Y] les sommes de :

'. 849,12 €, au titre de l'indemnité de requalification ;

'. 849,12 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

'. 84,91€ bruts au titre des congés payés y afférents ;

'. 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure, relativement à la 1ere instance;

'Déboute l'association ARELIA de ses demandes,

-Et statuant à nouveau :

Condamner l'association ARELIA à verser Mme [Y] les sommes de :

. 849,12 €, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 15 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral;

. 2 000,00 € bruts à titre de dommages et intérêts relativement à la violation par ARELIA de son obligation de sécurité de résultat ;

. 2 000,00 € bruts à titre de dommages et intérêts relativement à la violation par ARELIA de son obligation d'encadrement, tutorat et formation ;

- En tout état de cause condamner l'association ARELIA à verser la somme de 2 000,00 € à Mme [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure, relativement à la procédure d'appel.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2019, l'association ARELIA demande à la Cour de :

- Réformer les termes du jugement du 16 janvier 2019 en ce qu'il a ordonné la requalification du contrat de travail à durée déterminée d'insertion en contrat de travail à durée indéterminée avec les condamnations afférentes et statuant à nouveau :

. dire et juger que les réclamations de Mme [Y] liées à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée d'insertion en contrat de travail à durée indéterminée sont injustifiées ;

- Confirmer les termes du jugement qui l'ont déboutée du surplus de ses demandes ;

- Débouter en conséquence Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner Mme [Y] à verser à l'association ARELIA une somme de 3 000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 1'appel ;

- Condamner Mme [Y] aux entiers frais et dépens d'instance et d'exécution éventuelle.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2021.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée :

- Sur le principe de la requalification :

Aux termes de l'article L 5132-15-1 visé par l'article 12 du contrat de travail de Mme [Y] relatif au renouvellement de son contrat, les ateliers et chantiers d'insertion, quel que soit leur statut juridique, peuvent conclure avec des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières des contrats à durée déterminée en application de L 1242-3 ('). La durée de ces contrats ne peut être inférieure à quatre mois, sauf pour les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation et bénéficiant d'un aménagement de peine. Ces contrats peuvent être renouvelés dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois (').

Selon l'article L 1242-3 du code du travail auquel il est renvoyé, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu au titre des dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi (').

En matière de renouvellement d'un contrat à durée déterminée, l'article L 1243-13 prévoit dans son deuxième alinéa que les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l'objet d'un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu.

Toutefois, le dernier alinéa de cet article prévoit que les dispositions de cet article ne s'appliquent pas au contrat de travail à durée déterminée conclu en application de l'article L 1242-3.

En l'espèce, la salariée reproche à l'association ARELIA de n'avoir renouvelé son contrat de travail à durée déterminée qu'après l'échéance de celui-ci, en lui faisant signer les deux avenants le lendemain du jour de l'échéance. Elle invoque les dispositions de l'article L 1243-13 du code du travail mais également les modalités de renouvellement prévues dans le contrat et les avenants faisant état de la nécessité de respecter un délai de prévenance de 7 jours avant l'échéance du terme.

L'association ARELIA indique que les dispositions de l'article L 1243-13 précitées ne s'appliquent pas à un contrat de travail à durée déterminée d'insertion et que le délai de prévenance de 7 jours n'impose pas la signature des avenants de renouvellement au moins 7 jours avant l'échéance.

En l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée d'insertion conclu le 1er octobre 2016 entre les parties prenait effet le 1er octobre 2016 pour s'achever le 31 janvier 2017. Le premier avenant a été signé le 1er février 2017, soit après l'échéance du contrat et prenait effet le jour de la signature pour s'achever le 31 mars 2017. Le deuxième et dernier avenant a lui été signé le 1er avril 2017, a pris effet à cette date et s'est achevé le 31 mai 2017.

Il résulte des dispositions des articles susvisés que le contrat litigieux, renouvelé par deux fois, entrait dans le cadre des dispositions de l'article L 1242-3 du code du travail et n'était dès lors pas soumis aux conditions de renouvellement prévues à l'article L 1243-13.

Seul le délai de prévenance de 7 jours, prévu contractuellement entre les parties, devait s'appliquer en l'espèce sans qu'aucune forme ne soit imposée par le contrat et les avenants.

Mme [Y] ne reprochant à l'employeur que le fait de ne pas avoir signé les avenants de renouvellement plus de 7 jours avant son échéance et n'alléguant pas ne pas avoir été avertie dans ce délai du renouvellement, sous une forme ou sous une autre, il convient de constater que l'association ARELIA a régulièrement renouvelé par deux fois le contrat de travail à durée déterminée d'insertion contracté entre les parties.

La demande formée par Mme [Y] aux fins de requalification de son contrat de travail à durée déterminée d'insertion en contrat de travail à durée indéterminée sera donc rejetée et le jugement entrepris infirmé sur ce point.

- Sur les demandes financières qui en découlent :

En l'absence de toute requalification, il convient de débouter Mme [Y] de sa demande d'indemnité formée à ce titre en application de l'article L1245-2 du code du travail.

Le contrat de travail de Mme [Y] s'étant achevé à son échéance prévue après deux renouvellements au 31 mai 2017, la rupture des relations de travail ne peut pas s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et Mme [Y] sera déboutée de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ces chefs de prétentions.

Sur la discrimination et le harcèlement moral 

Selon l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

De plus, en application de l'article L 1132-1 du même code, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son état de santé ou de son handicap.

S'agissant de la preuve du harcèlement, l'article L 1154-1 du même code prévoit que « lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L 1152-1, (...) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Mme [Y] estime qu'elle a été victime de harcèlement moral et de discrimination par le fait qu'elle a subi dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail de la part de M. [P], cadre de l'association, des propos à connotation sexiste et homophobe, du fait de son homosexualité.

L'association ARELIA conteste la réalité de ces propos et de ces agissements et s'interroge sur la demande formée par Mme [Y] pour la première fois en septembre 2018, soir plus d'un an après l'introduction de sa demande devant le conseil de prud'hommes.

S'il résulte de nombreuses attestations d'anciens salariés et de salariés actuels de l'association ARELIA, versées aux débats par l'employeur et souvent rédigées en termes identiques, que M.[P] ne proférait pas habituellement de 'propos sexistes, racistes ou homophobes et plus généralement de propos discriminants',il est également établi par une ancienne salariée, Mme [F], que M. [P] a tenu des propos sexistes précis à Mme [K] [Y], dans le bureau en sa présence, en lui affirmant qu'elle aimait diriger les hommes car elle n'aimait pas les sexes d'hommes.

L'existence de ces propos, contestés par M. [P], est établie par cette attestation, le fait que la salariée n'en ait pas parlé dans sa première attestation n'étant pas suffisant pour lui dénuer toute force probante, et le témoin mentionnant précisément les termes proférés en sa présence par M. [P], à l'inverse des autres propos machistes, sexistes et dénigrant qu'elle lui reproche mais qui sont insuffisamment précis pour être caractérisés.

La blague sexiste (« il n'y a pas d'hommes impuissantes, il n'y a que des femmes feignantes ») dont M. [B], connaissance de Mme [Y], atteste avoir été témoin en venant chercher Mme [Y] sur son lieu de travail, et qu'il impute à M. [P], si elle peut constituer des propos d'un goût douteux, ne peut caractériser un acte susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de Mme [Y], dans la mesure où il n'est pas démontré qu'elle était adressée à celle-ci, le témoin précisant qu'elle a été racontée en présence des employés de la structure, sans indiquer qu'une ou plusieurs personnes particulières étaient spécifiquement visées par ces propos.

Par ailleurs, le fait que M. [B] indique dans son témoignage que Mme [Y] lui a précisé que M. [P] aurait proféré à son encontre des moqueries sur sa sexualité ne peut pas être retenu, s'agissant de propos rapportés.

L'attestation de Mme [R], connaissance de Mme [Y], dans laquelle elle indique avoir été témoin d'une conversation téléphonique entre M. [P] et Mme [Y] au cours de laquelle M.[P], en colère, aurait proféré des propos homophobes contre Mme [Y] (« êtes vous vraiment lesbienne ou avez vous juste marre des mecs ») n'est pas suffisante pour démontrer que ces propos, contestés par M. [P], ont bien été proférés par celui-ci, aucun élément ne permettant de constater que le témoin connaissait suffisamment M. [P] pour le reconnaître dans une conversation téléphonique.

L'attestation de Mme [H], connaissance de Mme [Y], ne permet que de constater l'état de stress de Mme [Y] et non les propos homophobes dont elle se plaignait auprès d'elle dont elle n'a pas été témoin.

Enfin, la dernière attestation de M. [A], salarié de l'association ARELIA, est trop imprécise sur les propos tenus par M. [P] en ce qu'il ne relate que des « propos sexistes » tenus par celui-ci à l'encontre de Mme [Y] à plusieurs reprises, sans préciser quels étaient les termes utilisés.

Au vu de ces éléments, il convient de constater que M. [P] a bien tenu à une occasion, dans le bureau de la structure, des propos sexistes à l'adresse de Mme [Y].

Cependant, il n'est pas démontré que ces agissements ont été répétés, de sorte que ces propos ne peuvent caractériser un harcèlement moral qui implique la répétition de comportements susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité.

La demande au titre du harcèlement moral sera donc rejetée, tout comme celle au titre de la discrimination qui ne peut résulter que de la privation pour la salariée d'un de ses droits ou d'une opportunité, au sens de l'article L 1132-1, ce qui n'est pas allégué en l'espèce par Mme [Y].

Sur le manquement par l'employeur à son obligation de sécurité

Il est rappelé qu'aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés et l'employeur devant veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Mme [Y] souligne que l'obligation de sécurité incombant à l'employeur est une obligation de résultat, et reproche à l'association ARELIA de ne pas avoir mis en 'uvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs prévues aux articles L 4121-1 à L 4121-5 du code du travail, ce qui a eu pour conséquence qu'elle s'est trouvée victime d'une agression par un autre salarié le 12 avril 2017, et a entraîné son arrêt de travail et son impossibilité de reprendre toute activité professionnelle depuis en raison du stress et des troubles anxio-dépressifs qui en ont résulté.

L'association ARELIA indique avoir engagé des actions de formations de ses salariés permanents sur la problématique de la maltraitance, et précise qu'elle n'a pas l'obligation ni la possibilité de mettre un encadrant derrière chaque salarié en insertion, ceux-ci pouvant rester pendant quelques heures dans la journée en autonomie dans la structure, sans que cela n'ait jamais occasionné la moindre difficulté en dehors des faits du 12 avril 2017 dont Mme [Y] s'estime victime.

Elle estime qu'elle a respecté son obligation de sécurité qui n'est qu'une obligation de moyen renforcée, et souligne par ailleurs que le comportement de Mme [Y] était à l'origine des faits du 12 avril 2017 dont elle s'estime victime de sorte qu'elle ne peut légitimement reprocher à son employeur un manquement à son obligation de sécurité.

La Cour entend souligner que cette obligation est actuellement considérée par la jurisprudence comme une obligation de moyens renforcée et non plus de résultat.

L'association ARELIA justifie, par l'attestation de sa responsable des ressources humaines, Mme [O], que dans le cadre des orientations du plan de formation, l'association a priorisé depuis 2016 une formation sur la bientraitance et la prévention de la maltraitance à destination des salariés permanents (chefs de service ; encadrants techniques ; moniteurs d'ateliers ; travailleurs sociaux ; conseillers emplois formation ; secrétaires ; représentants du personne), et que 8 groupes de 10 à 14 personnes ont été formés entre 2016 et 2019.

Il est constant par ailleurs, que le jour de l'altercation, aucun cadre permanent n'était présent dans l'entrepôt aux côtés des salariés en insertion, M. [P] ayant été contraint de s'absenter quelques heures sur un autre chantier, ce que ses fonctions lui imposaient occasionnellement.

Les attestations de Mme [O] et de M. [P] confirment que cette organisation était courante, n'avait jamais posé de difficulté avant le 12 avril 2017, et permettaient de faire acquérir plus d'autonomie aux salariés en insertion.

Cependant, il résulte également des attestations de cadres de l'association (Mme [X] chef de service ; M. [P] dans sa première attestation précédant les accusations de harcèlement) mais également de salariés en insertion (M. [L], M. [G]), et d'un partenaire de l'association (Mme [N]) que Mme [Y] était connue pour avoir avec ses collègues un comportement jugé autoritariste, intrusif, agressif voire irrespectueux, qui n'était pas toujours bien accepté par les autres salariés en insertion.

Que ce soit Mme [K] [Y] ou M. [G] qui soit à l'origine de l'altercation du 12 avril 2017, il résulte des éléments qui précèdent que l'employeur avait connaissance du risque de heurts entre Mme [Y] et les autres salariés en insertion, et ce bien avant l'altercation du 12 avril 2017.

Dès lors, constitue un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, le fait pour ce dernier, bien qu'ayant connaissance du risque d'incident entre certains de ses salariés en insertion dont les divergences avaient déjà été constatées, de n'avoir pris aucune mesure concrète pour éviter qu'ils ne se retrouvent sans encadrement, hormis une formation des salariés permanents au risque de la maltraitance.

L'association ARELIA, qui a manqué à son obligation de sécurité, devra indemniser Mme [Y] de son préjudice.

Au vu des blessures subies par Mme [K] [Y] (douleurs et hématomes sur les bras et les épaules ; anxiété) telles que cela résulte du certificat du docteur [S] du 13 avril 2017, mais aussi du comportement actif de Mme [K] [Y] dans la survenance de l'altercation qui ressort des attestations de M. [L], témoin des faits, et de Mme [X], chef de service ayant reçu les déclarations de tous les salariés présents, il convient de fixer le montant du préjudice subi par Mme [Y] à la somme de 1 000,00 €.

L'association ARELIA sera condamnée au paiement de cette somme et le jugement entrepris infirmé sur ce point.

Sur le manquement par l'employeur à son obligation de formation, d'encadrement et de tutorat

Aux termes de l'article L 5132-15 du code du travail, l es ateliers et chantiers d'insertion conventionnés par l'Etat sont organisés par les employeurs figurant sur une liste. Ils ont pour mission :

1° D'assurer l'accueil, l'embauche et la mise au travail sur des actions collectives des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ;

2° D'organiser le suivi, l'accompagnement, l'encadrement technique et la formation de leurs salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d'une insertion professionnelle durable.

Mme [Y] reproche à l'association ARELIA de ne pas avoir assuré son suivi que lui impose la loi dans le cadre du contrat d'insertion (L 5132-15 du code du travail) ainsi que le contrat de travail qui prévoit à l'article 8 qu'elle devra faire l'objet d'actions d'accompagnement, de tutorat et de formation.

Elle souligne qu'elle était souvent seule sans encadrement, que les consignes lui étaient fréquemment laissées par écrit, qu'elle a dû travailler sur son ordinateur personnel, et que l'employeur ne démontre pas la réalité de son encadrement, de son tutorat et des formations pratiquées à son égard.

L'association ARELIA conteste ce manquement, expliquant que les contestations des conditions de travail (locaux, ordinateur) ne sont pas justifiées, que l'encadrement ne devait pas être permanent pour favoriser l'autonomie, et que si Mme [Y] a bénéficié d'un suivi, elle n'a pas manifesté de volonté d'évoluer dans son projet présenté initialement de sorte que son suivi a été compliqué.

Cependant, si des salariés et cadres permanents de l'association ARELIA (M. [P], Mme [X]) attestent de ce que le suivi et l'accompagnement de Mme [Y] dans son projet a été rendu difficile par le comportement de la salariée et la volonté de celle-ci de ne pas évoluer compte tenu d'un projet de départ au Portugal, ce que Mme [K] [Y] conteste par ailleurs, l'association ARELIA ne justifie d'aucun document de suivi (projet, compte-rendu d'entretien, dates de rendez-vous,') montrant le refus d'évoluer de Mme [Y] et permettant de démontrer que son suivi et son accompagnement étaient réel.

L'association ARELIA ne justifiant pas du respect de cette obligation contractuelle, il convient de la condamner à indemniser Mme [Y] de ce manquement à hauteur de la somme de 200,00 €, correspondant à son préjudice au vu de la durée totale du contrat de travail à durée déterminée d'insertion de Mme [Y].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'équité et le fait que Mme [Y] bénéficie de l'aide juridictionnelle commandent de débouter Mme [Y] de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ou en cause d'appel.

L'association ARELIA succombant, même que partiellement, à la présente procédure, elle sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déboute Mme [K] [Y] de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée déterminée d'insertion en contrat de travail à durée indéterminée ;

Déboute en conséquence Mme [K] [Y] de ses demandes en paiement d'une indemnité de requalification, d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'association ARELIA à verser à Mme [K] [Y] la somme de 2 000,00 € à titre de dommages et intérêts au titre du manquement par l'employeur à son obligation de sécurité ;

Condamne l'association ARELIA à verser à Mme [K] [Y] la somme de 200,00 € à titre de dommages et intérêts pour manquement par l'employeur à sa mission de tutorat, d'encadrement et de formation ;

Condamne l'association ARELIA aux dépens de première instance ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [K] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne l'association ARELIA aux dépens d'appel.

La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/00358
Date de la décision : 15/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-15;19.00358 ?
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