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14/06/2022 | FRANCE | N°20/00692

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 14 juin 2022, 20/00692


Arrêt n° 22/00323



14 juin 2022

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N° RG 20/00692 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FIHH

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

31 janvier 2020

F 19/00082

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Quatorze juin deux mille vingt deux







APPELANTE :


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[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Saïkou DRAMÉ, avocat au barreau de METZ







INTIMÉE :



Mme [L] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]...

Arrêt n° 22/00323

14 juin 2022

---------------------

N° RG 20/00692 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FIHH

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

31 janvier 2020

F 19/00082

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatorze juin deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.R.L. SO CLEAN NETTOYAGE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Saïkou DRAMÉ, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

Mme [L] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er décembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, subsituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Madame [L] [E] a été embauchée par la société So Clean Nettoyage, à compter du 12 décembre 2018, en qualité d'agent d'entretien polyvalent.

Par requête introductive d'instance enregistrée au greffe le 15 avril 2019, Madame [E] a saisi le Conseil de prud'hommes de THIONVILLE aux fins de voir :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à la société So Clean Nettoyage, aux torts exclusifs de l'employeur,

- condamner la SARL So Clean Nettoyage à lui verser la somme mensuelle de 578,52 euros bruts du 1er février 2019 jusqu'au prononcé de la résiliation judiciaire majorée de 57,85 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- condamner la SARL So Clean Nettoyage à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation de travail,

- condamner la SARL So Clean Nettoyage à lui verser la somme de 289,26 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis majorée de 28,93 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,

- condamner la SARL So Clean Nettoyage à lui verser la somme de 81,40 euros bruts d'indemnité compensatrice de congés payés,

- condamner la SARL So Clean Nettoyage à lui remettre sous astreinte de 30 euros par document et par jour de retard, commençant à courir 8 jours après la notification de la décision à intervenir, ses fiches de paie de février 2019 jusqu'au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, ainsi qu'un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi, ces documents devant être conformes à la décision à intervenir,

- lui allouer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,

- condamner la SARL So Clean Nettoyage aux entiers frais et dépens.

Par jugement du 31 janvier 2020, le Conseil de prud'hommes de THIONVILLE, section commerce a statué ainsi qu'il suit :

- prononce la résiliation judiciaire de la relation de travail aux torts exclusifs de la SARL So Clean Nettoyage,

- dit que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

En conséquence,

- condamne la SARL So Clean Nettoyage, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame [E] les sommes suivantes :

* 6 363,72 euros bruts à titre de paiement des salaires du 1er mars 2019 au 31 janvier 2020,

* 636,37 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

* 1 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 289,26 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 28,93 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 81,40 euros bruts à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés,

- ordonne à la SARL So Clean Nettoyage de délivrer à Madame [E], les bulletins de paie des mois de février 2019 à janvier 2020, une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail en conformité des termes de la présence décision, sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document et ce, à compter de huit jours suivant la notification du présent jugement,

- dit que le Conseil se réserve la faculté de liquider ladite astreinte le cas échéant,

- condamne la SARL So Clean Nettoyage aux entiers frais et dépens,

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement en application de l'article R 1454-28 du Code du travail.

Par déclaration formée par voie électronique le 13 mars 2020 et enregistrée au greffe le jour même, la société So Clean Nettoyage a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 5 octobre 2020, la société So Clean Nettoyage demande à la Cour de :

Sur l'appel principal,

- dire et juger son appel recevable et bien fondé,

En conséquence,

- réformer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Thionville le 31 janvier 2020 dans l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la SARL So Clean Nettoyage n'a commis aucun manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail,

- constater que le contrat de travail a été rompu le 10 janvier 2020,

- condamner Madame [E] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance et en cause d'appel,

- la condamner aux entiers frais et dépens,

Sur l'appel incident et les demandes nouvelles de Madame [E],

- dire et juger la demande de requalification de la relation de travail en contrat à temps plein irrecevable et en tout état de cause mal fondée,

En conséquence,

- débouter Madame [E] de ses demandes tendant à voir condamner la société So Clean Nettoyage, aux sommes suivantes :

* 2 625,13 euros bruts de rappel de salaire du 12 décembre 2018 au 28 février 2019 majoré de 262,51 euros bruts d'indemnité de congés payés,

* 20 020,44 euros bruts au titre des salaires du 1er mars 2019 au 31 janvier 2020,

* 2 002,04 euros d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

* 1 820,04 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

* 143,35 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 455,04 euros d'indemnité de licenciement.

Par ses dernières conclusions datées du 9 juillet 2020, Madame [L] [E] demande à la Cour de :

- débouter la SARL So Clean Nettoyage de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 31 janvier 2020 par le Conseil des prud'hommes de THIONVILLE en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire de la relation de travail aux torts exclusifs de la SARL So Clean Nettoyage et dit que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais également en ce qu'il ordonne à la SARL So Clean Nettoyage de lui délivrer les bulletins de paie des mois de février 2019 à janvier 2020, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail en conformité avec la décision rendue, sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document, à compter du 8eme jour suivant la notification du jugement et qu'il se réserve la faculté de liquider ladite astreinte,

- l'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- ordonner la requalification de la relation de travail la liant à la SARL So Clean Nettoyage en un contrat de travail à temps plein,

- condamner la SARL So Clean Nettoyage à lui verser les sommes suivantes :

* 2 625,13 euros bruts de rappel de salaire du 12 décembre 2018 au 28 février 2019 majoré de 262,51 euros bruts d'indemnité de congés,

* 20 020,44 euros bruts au titre des salaires du 1er mars 2019 au 31 janvier 2020,

* 2 002,04 euros d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

* 1 820,04 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

* 182 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 143,35 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 455,01 euros d'indemnité de licenciement,

- constater qu'elle bénéficie d'une aide juridictionnelle totale,

- mettre les entiers frais et dépens à la charge de la SARL So Clean Nettoyage.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur l'exception d'irrecevabilité

La SARL So Clean Nettoyage soutient que les demandes présentées par Madame [E] et tendant à la requalification de la relation de travail en un contrat de travail à temps plein, ainsi que les demandes salariales et indemnitaires subséquentes, sont irrecevables comme étant nouvelles à hauteur de Cour.

Madame [E] n'a pas pris expressément position sur ce point.

L'article 564 du Code de procédure civile dispose qu'« à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ». L'article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. L'article 566 du même code prévoit enfin, que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, il est établi qu'à hauteur de Cour pour la première fois, Madame [E] entend solliciter la requalification de la relation de travail litigieuse en contrat de travail à temps plein, alors qu'elle s'était cantonnée à solliciter le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur en première instance, précisant qu'il s'agissait d'un contrat à temps partiel.

Cette demande, comme en décide une jurisprudence constante ne peut être considérée en droit du travail comme nouvelle dès lors qu'elle découle de l'exécution du même contrat de travail, de sorte qu'elle est l'accessoire ou le complément de la demande initiale.

Elle sera donc déclarée recevable.

Sur la demande de résiliation judiciaire

La SARL So Clean Nettoyage reproche au premier juge d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat, alors que le retard de paiement du salaire du mois de février avait été régularisé dès le 10 avril 2019. Elle ajoute que l'absence de contrat de travail écrit ne saurait pas davantage fonder une demande de résiliation judiciaire.

Madame [E] fait valoir que le défaut de paiement du salaire constitue une violation grave des obligations de l'employeur justifiant la résiliation judiciaire de la relation de travail, la seule régularisation étant insuffisante à éviter cette résiliation. En outre, elle expose qu'à défaut de contrat écrit, elle était soumise à des modifications incessantes de ses horaires de travail, ce qui justifie également le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur.

Conformément aux dispositions des articles 1224 et suivants du Code civil et L 1231-1 du Code du travail, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Le juge doit apprécier les manquements imputés à l'employeur au jour de sa décision. Si les reproches formulés doivent être appréciés de manière globale et non manquement par manquement, ils doivent cependant être examinés un par un afin de déterminer préalablement s'ils sont établis, la charge de la preuve des manquements incombant au salarié.

Dans le cas de manquements graves établis, la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Si l'employeur licencie le salarié postérieurement à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, d'une part, le juge doit d'abord examiner le bien-fondé de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail si le salarié est resté au service de son employeur jusqu'à ce licenciement et, d'autre part, c'est seulement s'il rejette la demande de résiliation judiciaire que ce juge doit se prononcer sur le bien-fondé du licenciement notifié par l'employeur.

La résiliation judiciaire prend en principe effet au jour de son prononcé si le contrat n'a pas été rompu à cette date, elle rétroagit au jour du licenciement dans le cas où un tel licenciement est intervenu en cours de procédure.

En l'espèce, la demande de résiliation judiciaire a été présentée par Madame [E] le 19 avril 2019, jour de la saisine du Conseil de prud'hommes et donc préalablement au licenciement notifié par l'employeur par courrier daté du 10 janvier 2020.

Pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail, Madame [E] se prévaut du défaut de paiement du salaire du mois de février 2019, de l'absence de remise d'un contrat de travail écrit et des modifications incessantes de ses horaires de travail.

Il est constant qu'aucun contrat écrit n'a été remis par l'employeur, malgré des demandes réitérées de Madame [E] fin février 2019.

Ce manquement revêt en lui-même une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail sollicitée, dès lors que, s'agissant d'un contrat à temps partiel, comme le reconnaissait la salariée en première instance, l'écrit est une condition nécessaire à sa validité, car permettant au salarié de connaître son rythme de travail.

En l'occurrence en vertu de l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne entre autres la durée mensuelle ou hebdomadaire de travail prévue et, sauf quelques cas dérogatoires :

- la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois,

- les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification,

- les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié ,

- les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Ainsi, même si Madame [E] ne rapporte pas la preuve des modifications des horaires de travail allégués, elle était en droit d'exiger un écrit, à défaut duquel elle n'était pas en mesure de prévoir ses plages de travail et donc d'exercer le cas échéant un autre travail à temps partiel pour compléter ses revenus, soit une entrave à sa liberté de travail.

Par ailleurs, le défaut de paiement du salaire, ou de ses accessoires, même pour un faible montant, constitue un manquement grave de l'employeur aux obligations qu'il tire du contrat de travail, le paiement régulier du salaire constituant son obligation principale. L'absence de respect de cette obligation empêche la poursuite du contrat de travail.

La régularisation de l'employeur ne permet pas d'écarter de facto la gravité de ce manquement.

En l'occurrence, il résulte des éléments du débat que le paiement du salaire du mois de février 2019 devait intervenir le 28 février 2019, ainsi que le confirme le bulletin de paie du mois concerné.

Madame [E] a réclamé le versement de ce salaire à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mars 2019, soulignant que cette situation la mettait en difficulté.

L'employeur a procédé au règlement du salaire du mois de février 2019 par un virement du 9 avril 2019.

En définitive, compte tenu des deux manquements retenus, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le jugement sera toutefois infirmé quant à la date des effets de cette résiliation, laquelle produira ses effets à la date du 10 janvier 2020, jour du licenciement de la salariée.

Sur la requalification du contrat de travail à temps plein

La Cour rappelle que c'est à celui qui invoque l'existence d'un temps partiel qu'il appartient d'en rapporter la preuve ; qu'ainsi l'employeur doit justifier, d'une part, non seulement de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, mais aussi de sa répartition sur la semaine ou le mois, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

S'il y a en outre absence d'écrit, l'employeur doit aussi rapporter la preuve préalable que l'emploi est à temps partiel.

La jurisprudence estime aussi que le seul fait de prouver, grâce aux bulletins de paye et aux plannings, que la durée du travail a toujours été inférieure à la durée légale de travail ne suffit pas à écarter la présomption de temps plein.

Enfin, si les conditions du temps partiel ne sont pas remplies, le contrat doit être requalifié en contrat à temps plein, la durée de travail à retenir en ce cas correspondant à la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, à la durée fixée conventionnellement.

La SARL So Clean Nettoyage ne produit en l'espèce aucun élément sur les horaires de travail de sa salariée, les chantiers qui lui étaient affectés, sauf la plainte d'un client, le Magasin Gautier, chez qui Mme [E] ne s'est pas présentée le 1er mars 2019 pour effectuer la prestation convenue, ou des plannings qui lui auraient été communiqués chaque mois comme l'exigent les dispositions du code du travail sur le temps partiel.

Par conséquent, même si Mme [E] a évoqué dans un courrier du 14 mars 2019 un horaire de travail de 59,2 pour le mois de février 2019 et a d'abord formulé ses demandes sur un temps partiel de ce nombre d'heures, force est à la Cour de considérer que les preuves d'un temps partiel ne sont pas rapportées par celui qui a la charge de cette preuve, de sorte que la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire et de la requalification à temps plein

La résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec effet au 10 janvier 2020, il convient d'examiner les différentes demandes financières formées par Madame [L] [E] et ce sur la base d'un salaire à temps plein de 35 heures par semaine, soit à raison d'un salaire horaire de 10,12 euros un salaire mensuel de 1 534,90 euros bruts (et non les 1 820,04 euros calculés par l'intimée)

Sur le rappel de salaire et de congés payés sur la période du 12 décembre 2018 au 28 février 2019

Compte tenu de la requalification du contrat à temps plein, Mme [E] peut prétendre à un rappel de salaire :

- pour décembre 2018  à 1 534,90 /31 x 12 = 594,15 euros

- pour janvier et février 2019 : 1 534,90 x 2 = 3 069,80 euros

dont à déduire les sommes perçues en brut par la salariée (235,47 + 578,52 + 619,46), ce qui donne un solde de 2 230,50 euros bruts, à assortir de 223,05 euros bruts pour les congés payés afférents.

Sur le rappel de salaires à compter du 1er mars 2019 et l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent

Il n'est pas contesté que Madame [E] a cessé sa prestation de travail le 1er mars 2019. L'employeur a enjoint à la salariée de reprendre son poste par courriers des 9 avril 2019 et 4 novembre 2019, auxquels Madame [E] n'a pas donné suite, de sorte qu'elle s'est trouvée en absence injustifiée durant la procédure de résiliation judiciaire pendant laquelle le contrat de travail s'est poursuivi.

Madame [E] ne justifiant pas être restée à la disposition de son employeur pour exécuter sa prestation de travail, ce qui est la condition requise pour pouvoir prétendre au paiement d'un salaire, elle sera ainsi déboutée de sa demande de rappel de salaires pour la période postérieure au 1er mars 2019, ainsi que sur sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent.

Concernant la journée du 1er mars 2019, il résulte des éléments du débat que Madame [E] a accompli sa prestation de travail auprès du magasin GAUTIER de 10 heures à 12 heures, puis a décidé de mettre un terme à sa relation de travail (cf pièce n° 2 de l'appelante : sms échangés le 1er mars 2019 et pièces n°11 à 14 : lettres adressées par l'employeur à Mme [E]).

Il convient par conséquent, de faire droit à la demande présentée par Madame [E] à hauteur d'une somme totale de 22,26 euros bruts, soit 20,24 euros à titre de rappel de salaire (10,12 euros x 2 heures) et 2,02 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent.

Le jugement entrepris sera ainsi infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Madame [E] demande à bénéficier d'une indemnité de licenciement qu'elle établit à la somme de 455,01 euros.

Il résulte de l'article L 1234-9 du Code du travail que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement et de l'article R 1234-2 du Code du travail, en sa version applicable à l'espèce, que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Au vu de l'ancienneté de Madame [E], plus d'un an à la date d'effet de la résiliation judiciaire, il convient de lui allouer la somme de 383,72 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement (1 534,90/4).

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Mme [E] ayant un an révolu d'ancienneté dans l'entreprise, elle peut prétendre, en application de l'article L. 1234-1 du code du travail à un préavis d'un mois.

En conséquence, il sera fait droit à sa demande, mais pour le montant recalculé de 1 534,90 euros bruts, assorti d'une somme de 153,49 euros bruts pour les congés payés afférents.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Madame [E] sollicite le versement d'une somme de 143,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, soit 81,40 euros bruts au titre de sa période d'activité du 12 décembre 2018 au 31 janvier 2019, majoré de l'indemnité de congés payés pour février 2019 à hauteur de 61,95 euros.

La SARL So Clean Nettoyage ne conteste pas devoir la somme de 81,40 euros au titre du reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés.

Au regard des bulletins de paie de la période considérée, Madame [E] est fondée en sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de la somme totale de 143,35 euros pour les mois de décembre 2018 à février 2019 (1 433,47 euros bruts sur les 3 mois /3).

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L 1235-3 du Code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise, soit en l'occurrence entre 1 à 2 mois de salaire brut pour une ancienneté de un an révolu.

En l'occurrence force est à la Cour de constater que dans le dispositif de ses conclusions, Mme [E] n'a ni demandé la confirmation du jugement entrepris sur le montant alloué à ce titre par les premiers juges, soit 1 000 euros, un montant inférieur à celui auquel elle pouvait prétendre, ni actualisé sa demande, ce chef de demande ayant en fait été omis, également dans le corps de ses conclusions.

Il est impossible à la Cour, qui ne peut statuer ultra petita, de statuer sur une demande omise, sauf à relever que Mme [E] n'a pas expressément formé appel incident sur ce point du jugement entrepris, qui sera dès lors confirmé quant au montant alloué.

Sur le surplus

Il convient d'ordonner la remise des documents de fin de contrat et les bulletins de salaire des mois de février 2019 à janvier 2020 rectifiés, sans qu'il soit nécessaire de prononcer d'ores et déjà une astreinte.

Par ailleurs, compte tenu de l'issue du litige, la SARL So Clean Nettoyage sera déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Enfin, le jugement entrepris sera confirmé sur les dépens. Partie succombante pour l'essentiel, la SARL So Clean Nettoyage sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dit que la demande présentée par Madame [L] [E] tendant à la requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps plein et les demandes subséquentes sont recevables ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail ayant existé entre les parties aux torts de la SARL So Clean Nettoyage, sauf en ce qui concerne la date de la rupture qui doit être fixée au 10 janvier 2020 ;

- condamné la SARL So Clean Nettoyage à payer à Mme [L] [E] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- ordonné la délivrance des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés, sauf en ce qu'il a assorti cette obligation d'une astreinte ;

- condamné la SARL So Clean Nettoyage aux dépens de première instance ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Requalifie la relation de travail ayant liée les parties en contrat à durée indéterminée à temps plein ;

Déboute Madame [L] [E] de sa demande de rappel de salaires pour la période postérieure au 1er mars 2019 ;

Condamne la SARL So Clean Nettoyage à verser à Madame [L] [E] les sommes suivantes :

- 2 230,50 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 12 décembre 2018 au 28 février 2019,

- 223,05 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 20,24 euros bruts à titre de paiement du salaire de la journée du 1er mars 2019,

- 2,02 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

- 383,72 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1 534,90 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 153,49 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 143,35 euros bruts à titre de reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Déboute la SARL So Clean Nettoyage de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL So Clean Nettoyage aux dépens d'appel.

La Greffière P/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/00692
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.00692 ?
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