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14/06/2022 | FRANCE | N°20/00662

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 14 juin 2022, 20/00662


Arrêt n° 22/00328



14 juin 2022

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N° RG 20/00662 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FIEM

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

11 février 2020

18/00761

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Quatorze juin deux mille vingt deux







APPELANTE :



Mme

[W] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Florent KAHN, avocat au barreau de METZ







INTIMÉE :



S.N.C. DARTY GRAND EST représentée par son Gérant

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Denis MOREL,...

Arrêt n° 22/00328

14 juin 2022

---------------------

N° RG 20/00662 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FIEM

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

11 février 2020

18/00761

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatorze juin deux mille vingt deux

APPELANTE :

Mme [W] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Florent KAHN, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.N.C. DARTY GRAND EST représentée par son Gérant

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Denis MOREL, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Jean-Bernard MICHEL, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Mme [I] a été embauchée par la SNC Darty Grand Est, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 16 septembre 2013, en qualité de gestionnaire des appels.

La convention collective applicable est celle des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager du 26 novembre 1992

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 juillet 2018, Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 13 juillet 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, Mme [I] a été licenciée pour faute simple en date du 18 juillet 2018.

Par acte introductif enregistré au greffe le 05 octobre 2018, Mme [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- Constater que ses données personnelles ont été collectées et traitées sans qu'elle ait pu y avoir accès conformément à l'article 12 du règlement (UE) 2016/679 et sans qu'elle ait accès aux informations relatives au traitement conformément à l'article 15 du règlement (UE) 2016/679;

- Écarter des débats les pièces adverses n°2 à 11, 13 à 15 et la pièce n°17 ;

- Constater l'absence de règlement intérieur applicable au sein de l'établissement où elle travaillait ;

A titre principal :

- Dire et Juger son licenciement comme étant nul car en lien avec une discrimination en raison de son état de santé ;

- Condamner la société à lui payer la somme de 21 398,16 euros (12 mois) de dommages et intérêts pour licenciement nul.

A titre subsidiaire :

- Dire et Juger son licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société à lui payer la somme de 10 699,08 euros net (6 mois) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause:

- Annuler la mise à pied disciplinaire du 18 août 2017 ;

- Condamner la société à lui payer :

1 137,23euros brut de rappel de salaire au titre des mois d'avril à juin 2018 (sous déduction de 26,89 euros net) ;

750,00 euros brut au titre des heures supplémentaires ;

100,00 euros de rappel d'indemnité légale de licenciement ;

50,00 euros brut au titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis;

1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

142,90 euros brut de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire d'août 2017;

L'ensemble des sommes produiront des intérêts de droit à compter du jour de la demande;

- Condamner la société à lui délivrer les documents conformément au jugement à intervenir :

certificat de travail,

l'attestation Pôle Emploi,

les bulletins de paie de,

le reçu de tout compte ;

- Ordonner l'exécution provisoire sur le tout conformément à l'article 515 du Code de Procédure Civile.

- De condamner la société aux entiers frais et dépens de l'instance et d'exécution.

Par jugement du 11 février 2020, le Conseil de prud'hommes de Metz, section commerce a statué ainsi qu'il suit :

- Constate que Mme [I] [W] dispose du règlement intérieur de Darty Grand Est;

- Prend Acte que les données personnelles ont été remises à Mme [I] [W] à ce jour;

- Dit que le licenciement de Mme [I] [W] est fondé sur une cause réelle et sérieuse suite à ses absences injustifiées ;

En conséquence de quoi,

- Déboute Mme [I] [W] pour l'ensemble de ses demandes ;

- Déboute la SNC Darty Grand Est de sa demande sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Mme [I] [W] aux entiers frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 10 mars 2020 et enregistrée au greffe le jour même, Mme [I] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 05 janvier 2021, Mme [I] demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement entrepris.

A titre principal,

- Annuler son licenciement car en lien avec une discrimination en raison de son état de santé.

- Condamner la société Darty Grand Est à lui payer 21.398,16 (12 mois) de dommages et intérêts pour licenciement nul.

A titre subsidiaire,

- Dire et juger le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse.

- Condamner la société Darty Grand Est à lui payer 10.699,08 (6 mois) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. (L'ancienneté s'apprécie à la fin du préavis)

En tout état de cause,

- Condamner la société Darty Grand Est à lui payer :

* 1 137,23 euros brut de rappel de salaire au titre des mois d'avril à juin 2018 (sous déduction de 26,89 euros net)

* 750 euros brut au titre des heures supplémentaires.

* 100 euros de rappel d'indemnité légale de licenciement (si paiement des heures supplémentaires)

* 50 euros de rappel d'indemnité compensatrice de préavis (si paiement des heures supplémentaires)

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner la société à la délivrance des documents suivants, établis conformément au jugement à intervenir :

* solde de tout compte,

* attestation pôle emploi,

* certificat de travail.

* fiche de paye du mois de

- Dire et juger que l'ensemble des sommes produiront intérêts au taux légal depuis la date d'introduction de la présente demande

- Condamner la société aux frais et dépens d'instance et d'exécution.

Par ses dernières conclusions datées du 28 septembre 2020, la société Darty Grand Est demande à la Cour de :

- Dire et juger que le licenciement de Mme [I] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- Dire et juger qu'elle ne peut revendiquer un maintien de rémunération pour ses absences non justifiées dans les délais,

- Dire et juger qu'elle ne justifie pas d'avoir réalisé un temps de travail qui ne lui aurait pas été rémunéré,

- Débouter Mme [I] de l'intégralité de ses demandes.

- Confirmer en tous points le jugement.

À titre reconventionnel :

- Condamner Mme [I] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner Mme [I] en tous les frais et dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

La cour constate à titre liminaire que Mme [I] ne maintient pas en cause d'appel ses demandes tendant à faire constater que ses données personnelles ont été collectées et traitées sans qu'elle ait pu y avoir accès conformément à l'article 12 du règlement (UE) 2016/679 et sans qu'elle ait accès aux informations relatives au traitement conformément à l'article 15 du règlement (UE) 2016/679, à écarter des débats les pièces adverses n°2 à 11, 13 à 15 et la pièce n°17 et à faire constater l'absence de règlement intérieur applicable au sein de l'établissement où elle travaillait, sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 18 août 2017 et sa demande de rappel de salaire à ce titre de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée sur ces points.

Sur les heures supplémentaires

Mme [I] soutient qu'elle devait arriver tous les matins environ 5 minutes plus tôt que le début de son horaire de travail payé pour démarrer la session sur son ordinateur et être logée au programme de gestion de la clientèle et demande 750 euros au titre des heures supplémentaires.

La SNC Darty Grand Est réplique que les manipulations nécessaires à un conseiller client pour se connecter au système prenaient moins d'une minute et qu'aucune connexion différée de quelques minutes par rapport à l'heure de travail n'ont été reprochées.

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié.

Le salarié étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l'existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, à charge pour l'employeur de les contester ensuite en produisant ses propres éléments.

Ces éléments doivent être suffisamment sérieux et précis quant aux heures effectivement réalisées pour permettre à l'employeur d'y répondre.

En l'espèce, Mme [I] se borne à affirmer qu'elle devait arriver environ 5 minutes avant l'horaire de travail mais n'apporte aucun élément mettant en évidence qu'elle prenait effectivement son poste plus tôt que l'heure prévue au planning pour effectuer les démarches nécessaires au démarrage de son ordinateur et à la connexion à son compte ni que la société Darty Grand Est imposait aux salariés d'être connectés à leur session à l'heure de travail prévue alors que l'employeur assure quant à lui qu'il admettait un retard de quelques minutes entre la prise de poste et la connexion sur l'ordinateur.

Dès lors, en l'absence d'éléments précis et objectifs permettant de constater que Mme [I] a effectivement réalisé des heures de travail non rémunérées, il convient de constater que les demandes de la salariée ne sont pas suffisamment étayées et de la débouter de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires et des demandes subséquentes.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué en ce sens sur ces chefs.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

La lettre de licenciement pour faute simple, en date du 18 juillet 2018, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit :

« Certains faits récents nous ont contraints à vous convoquer à un entretien en date du 13 juillet 2018, en présence de votre directeur Monsieur [D] et lors duquel vous étiez assistée de M. [J].

Durant cet entretien, un point a été fait sur de graves manquements relevés dans le cadre de votre fonction de Conseillère Clients au sein du plateau de l'Assistance Technique Téléphonique d'[Localité 5].

- Vous deviez également vous présenter à votre poste au Plateau de l'Assistance Technique Téléphonique d'[Localité 5] en date du 07 et 09 juillet 2018.

Or, vous ne vous êtes pas présentée à ces dates.

Ce n'est que le 13 juillet 2018, que vous nous avez remis en main propre un arrêt de travail pour ces absences, toujours en dehors des délais légaux, ces 2 journées étant considérées comme des absences injustifiées.

- Vous deviez vous présenter à votre poste au Plateau de l'Assistance Technique Téléphonique d'[Localité 5] en date du 12,13 et 14 juin 2018.

Or, vous ne vous êtes pas présentée à ces dates.

Ce n'est que le 18 juin 2018, que vous nous avez remis en main propre un arrêt de travail pour ces absences, en dehors des délais légaux, ces 3 journées étant considérées comme des absences injustifiées.

- Il en a été de même les 24 et 25 mai 2018, on vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail.

Ce n'est que le 31 mai 2018, que vous nous avez remis en main propre un arrêt de travail pour ces absences, en dehors des délais légaux, ces 2 journées étant considérées comme des absences injustifiées.

- Nous avons également constaté votre absence injustifiée sur les journées des 3, 4 et 5 mai 2018, sachant que vous nous avez remis en dehors des délais légaux soit en date du 7 mai 2018 un arrêt de travail, ces 3 journées étant considérées comme des absences injustifiées.

- Il en a été de même le 28 avril 2018, on vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail.

Ce n'est que le 2 mai 2018, que vous nous avez remis en main propre un arrêt de travail pour cette absence, toujours en dehors des délais légaux, cette journée étant considérée comme une absence injustifiée.

- Il en a été de même les 25,26 et 27 avril 2018, où vous ne vous êtes pas présentée à votre poste travail.

Ce n'est que le 2 mai 2018, que vous nous avez remis en main propre un arrêt de travail pour absences, en dehors des délais légaux, ces 3 journées étant considérées comme des absences injustifiées.

Auparavant, nous avions déjà eu à déplorer d'autres absences injustifiées sur les 7,8 à 9 mars 2018, avec un arrêt de travail remis en dehors des délais légaux le 13 mars 2018, ainsi qu'une autre absence injustifiée le 28 mars 2018 pour un arrêt de travail posté en dehors des délais légaux le 6 avril 2018.

En effet, pour rappel, suivant l'article 5 du réglement intérieur : « si l'absence est imprévisible et notamment si elle est due à un cas fortuit ou de force majeur, le salarié doit informer dans les 24 heures ou faire informer au plus tôt la direction et faire parvenir au service du personnel dans les trois jours une justification de cette absence. A défaut de justification dans le délai ci-dessus, comme en cas de justification non valable (car non assorti d'un document officiel attestant des raisons de l'absence), l'absence est considérée comme une absence injustifiée, ce qui est effectivement le cas pour vos absences des :

- 25 au 27 avril 2018

- 28 avril 2018

- 3 au 5 mai 2018

- 24 au 25 mai 2018

-12 au 14 juin 2018

- 07 au 09 juillet 2018

Un tel comportement manifeste un irrespect de votre hiérarchie et des salariés du centre d'appel avec lesquels vous partagez l'activité qui subissent par vos absences injustifiées un surcroît d'activité, et une grande part de laxisme.

Lors de notre entretien du 13 juillet 2018, vous avez reconnu les faits.

Vous n'avez visiblement toujours pas pris conscience du fait qu'il est inadmissible que votre hiérarchie soit chaque jour dans l'expectative de votre venue, engendrant une désorganisation dans la planification des équipes du centre d'appels, votre encadrement n'ayant pas de visibilité sur la durée de votre absence.

Nous vous avions pourtant déjà sensibilisée à de très nombreuses reprises sur des faits similaires d'absences injustifiées et/ou de non-respect des délais légaux de justificatifs d'absence, notamment par courriers en date des 23 septembre 2016, 17 février 2017, 31 mars 2017 et 18 août 2017, représentant un recensement cumulé de 15 irrégularités.

Nous vous avions demandé de vous conformer à l'article 5 du Règlement Intérieur et à vos obligations contractuelles sur lesquelles vous vous êtes engagées lors de votre embauche, et de nous faire parvenir dans les délais requis et légaux vos justificatifs d'absences.

Force est de constater que vous n'avez pas tenu compte de nos rappels à l'ordre, au regard de la réitération de faits similaires en dénombrant cette fois-ci des irrégularités en l'espace de seulement deux mois glissants.

Compte tenu de tout ce qui vient d'être dit et par de tels agissements de votre part, il nous est impossible d'envisager la poursuite de nos relations contractuelles.

Pour l'ensemble de ces faits nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, prenant effet à la date de la première présentation de la présente ».

Mme [I] fait valoir à titre principal que son licenciement est nul puisqu'elle a été licenciée pour des absences injustifiées alors qu'elle était en arrêt maladie de sorte qu'elle considère qu'elle a été licenciée parce qu'elle était en arrêt maladie.

Mme [I] soutient à titre subsidiaire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que les faits antérieurs au 28 juin 2018 sont prescrits et qu'elle n'avait pas besoin de transmettre le moindre certificat médical lorsque l'absence est inférieure à 4 jours d'après les dispositions de la convention collective.

Mme [I] assure qu'elle a toujours immédiatement prévenu de ses absences et qu'elles étaient toujours justifiées par des raisons médicales, les certificats médicaux ayant été quand même transmis alors qu'elle n'était pas obligée.

Elle précise que c'est la convention collective qui s'applique puisqu'elle est plus favorable que le règlement intérieur.

La SNC Darty Grand Est réplique que le motif véritable du licenciement de Mme [I] est son comportement fautif constitué par la remise tardive de ses justificatifs d'absence et conteste le caractère discriminatoire du licenciement.

La SNC Darty Grand Est soutient qu'elle pouvait prendre en considération des faits antérieurs à deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire dans la mesure où le comportement de la salariée s'est poursuivi dans ce délai.

La SNC Darty Grand Est affirme que le règlement intérieur de l'entreprise est un document contractuel parfaitement opposable à la salariée et ajoute qu'ils s'agissait d'instructions claires et précises rappelées à plusieurs reprises dans des courriers auxquelles Mme [I] devait se conformer.

La SNC Darty Grand Est souligne qu'il n'existe aucune hypothèse pour maladie qui ne serait pas « réglementée par les textes ou explicitée par la convention ».

Sur la discrimination liée à l'état de santé

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Par application de l'article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé ou de son handicap. Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

L'article L. 1134-1 prévoit que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, il ressort à la lecture de la lettre de licenciement que Mme [I] a été licenciée au motif qu'elle n'a pas remis ses certificats médicaux dans le délai de 3 jours conformément au règlement intérieur de l'entreprise, l'employeur considérant dans ces conditions les absences de la salariée comme injustifiées.

C'est donc vainement que Mme [I] soutient que son licenciement serait nul puisque motivé par ses absences pour maladie, ce qui constituerait une discrimination à raison de l'état de santé, alors qu'il est fait grief à la salariée, non pas d'être malade, mais de ne pas avoir justifié ses absences dans le délai imposé de 3 jours.

Ainsi, au regard des éléments qui précèdent, Mme [I] ne présente pas d'éléments de fait qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé au sens des textes précités.

Ses demandes relatives à la discrimination et à la nullité du licenciement doivent par conséquent être rejetées et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de ses demandes à ce titre.

Sur le licenciement pour faute simple

Les griefs formulés doivent être matériellement vérifiables et suffisamment sérieux pour justifier la mesure de licenciement.

En l'occurrence, l'administration de la preuve de la matérialité des faits reprochés et de leur gravité suffisante pour constituer une cause sérieuse de licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties.

Il ressort en effet de l'article L.1235-1 du code du travail, qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le délai de prescription des faits fautifs posé par l'article L.1332-4 du code du travail impose à l'employeur de déclencher des poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois courant du jour où il a eu connaissance des faits dans toute leur étendue et gravité. Il ne fait pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou répété dans ce délai.

En l'espèce, la cour constate d'abord que les manquements invoqués antérieurs au 28 juin 2018 ne sont pas prescrits étant donné que des faits reprochés de même nature, à savoir la transmission tardives des certificat médicaux, se sont répétés après cette date et que l'employeur a été au courant des derniers faits le 13 juillet 2018 soit le jour même de l'entretien préalable et donc dans le délai de deux mois précédant la procédure disciplinaire.

Ensuite, la SNC Darty Grand Est, qui reconnaît expressément que Mme [I] prévenait bien sa hiérarchie par e-mail ou par téléphone de ses arrêts de travail, reproche à l'appelante de ne pas avoir transmis les certificats médicaux dans le délai de trois jours prévu par le règlement intérieur de l'entreprise et rappelé dans les courriers du 23 septembre 2016, du 17 février 2017, du 31 mars 2017 et du 18 août 2017.

En l'occurrence, la SNC Darty Grand Est produit l'ensemble des avis d'arrêts de travail de la salariée visés dans la lettre de licenciement sur lesquels est indiquée la date de réception par le service du personnel qui démontrent que Mme [I] a transmis ses justificatifs d'absence plus de trois jours après le premier jour d'arrêt de travail.

L'article 5 du règlement intérieur de la société, dont un exemplaire a été fourni à la salariée, dispose que « si l'absence est imprévisible et notamment si elle est due à un cas fortuit ou de force majeur, le salarié doit informer dans les 24 heures ou faire informer au plus tôt la direction et faire parvenir au service du personnel dans les trois jours une justification de cette absence. A défaut de justification dans le délai ci-dessus, comme en cas de justification non valable ».

Or, la cour rappelle que le délai de communication du certificat médical en cas de maladie est fixé par le règlement intérieur ou par les usages à défaut de dispositions conventionnelles sur ce point et que le règlement intérieur ne peut contenir des clauses contraires ou plus sévères que la convention collective applicable dans l'entreprise.

Mme [I] évoque à cet égard l'article 29 de la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager du 26 novembre 1992 qui prévoit que « Les accidents autres que ceux visés à l'article 30 de la présente convention sont assimilés à la maladie.

En dehors des cas d'absence par ailleurs réglementés par les textes ou explicités dans la présente convention, le salarié absent pour maladie doit prévenir son employeur et motiver cette absence.

Au-delà de 3 jours, cette absence doit en outre être justifiée par certificat médical.

En cas de non-respect de l'une ou l'autre des obligations citées ci-dessus, l'employeur peut engager une procédure disciplinaire selon les dispositions prévues à l'article L. 122-41 du code du travail.

Toutefois, la mise en oeuvre de cette procédure peut être annulée si le salarié concerné apporte la preuve d'un cas de force majeure l'ayant empêché de respecter ses obligations.

Par cas de force majeure, on entend un événement soudain, imprévu, irrésistible et extérieur à la volonté du salarié.

La maladie n'est pas un motif de rupture du contrat de travail sous réserve de l'application de l'article 29.2 ci-dessous ».

Aussi, le règlement intérieur de la SNC Darty Grand Est, exigeant la transmission d'un certificat médical dans un délai de 3 jours pour les absences même d'une journée, impose aux salariés des conditions plus contraignantes que celles prévues par convention collective qui autorise quant à elle, dans les cas non autrement réglementés, des absences de 3 jours sans qu'il soit nécessaire de remettre à l'employeur un certificat médical sous réserve que le salarié prévienne et motive ses absences, ce que Mme [I] a fait pour chacun de ses arrêts de travail.

En conséquence, il ne peut être considéré qu'en ayant transmis les certificats médicaux à l'employeur près d'une semaine après le premier jours de ses arrêts de travail d'une durée variant entre un et trois jours, Mme [I] a commis une faute alors que la convention collective applicable exige la remise d'un certificat médical à l'employeur seulement pour les absences supérieures à 3 jours, peu important que l'employeur ait donné des instructions contraires dans les courriers envoyés à la salariée ou ait annexé le règlement intérieur à son contrat de travail.

Aussi, seul l'arrêt de travail de prolongation du 28 avril 2018, rendant l'absence qui a débuté le 25 avril 2018 supérieure à 3 jours, a été remis le 2 mai 2018 soit au delà du délai imparti de 3 jours mais, même en considération des antécédents disciplinaires, notamment du courrier du 23 septembre 2016 relatif à un retard dans la communication des justificatifs pour l'absence du 12 au 17 septembre 2016, les autres courriers visant des absences de moins de 3 jours pour lesquelles la production d'un certificat médical n'était pas obligatoire, le retard minime dans la transmission de l'avis d'arrêt de travail du 28 avril 2018 ne suffit pas à établir le caractère sérieux du licenciement.

De surcroît, la SNC Darty Grand Est, qui invoque une désorganisation dans la planification des équipes du centre d'appels dans la lettre de licenciement, n'apporte aucun élément sur ce point et ne démontre donc pas que l'organisation de l'entreprise ait été perturbée par les absences répétées de l'intéressée ni à fortiori que le remplacement définitif de cette dernière était nécessaire.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que le licenciement de Mme [I] est donc dépourvu d'une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la salariée sur ce point et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Mme [I] comptait lors de son licenciement plus de 2 ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés de sorte que la salariée relève du régime d'indemnisation de l'article L.1235-3 al 2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire et une indemnité maximale de 6 mois de salaire pour une ancienneté de 5 ans.

Aussi, compte tenu de l'âge de la salariée lors de la rupture de son contrat de travail (42 ans), de son ancienneté (5 ans) et du montant de son salaire mensuel (1 783,18 euros bruts), et alors qu'elle ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle après la rupture, il convient d'allouer à Mme [I] la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le maintien de salaire

Mme [I] soutient qu'elle n'était pas en absence injustifiée mais en arrêt maladie et sollicite dans le dispositif de ses conclusions un rappel de salaire au titre du maintien de salaire en application du droit local pour la période d'avril à juin 2018.

La SNC Darty Grand Est énonce qu'elle n'a pas maintenu le salaire que lorsque la salariée n'a pas transmis son arrêt maladie dans les 3 jours conformément à l'obligation mentionnée dans le règlement intérieur repris dans son contrat de travail.

L'article L.1226-23 du Code du travail, relatif aux dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et Haut-Rhin, dispose que le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire.

Il est de droit que la durée des absences doit s'apprécier séparément et que la notion de « durée relativement sans importance » doit s'analyser pour chaque arrêt de travail compte tenu des circonstances de l'espèce, au regard notamment de l'ancienneté et de l'importance de l'entreprise.

En l'espèce, il résulte des certificat médicaux de Mme [I] qu'elle a été placée en arrêt de travail pour maladie du 25 au 28 avril 2018 soit pendant 4 jours, du 3 au 5 mai 2018, soit pendant 3 jours, du 24 au 25 mai 2018, soit pendant 2 jours, et du 12 au 14 juin 2018, soit pendant 3 jours, et il ressort des bulletins de paie de la salariée qu'elle n'a perçu aucune rémunération pour ces journées.

De telles durées d'arrêt de travail, alors que Mme [I] avait plus de 4 ans d'ancienneté constitue des absences d'une durée relativement sans importance compte tenu de l'ancienneté de la salariée et de la taille de l'entreprise de sorte qu'il y a lieu d'appliquer l'article L. 1226-23 précité, ce sans que la transmission tardive des avis d'arrêt de travail ne puisse faire obstacle au maintien de salaire.

Il convient donc d'allouer à Mme [I] la somme de 609 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période d'avril à juin 2018 (50,751 euros bruts x 12 jours).

Sur le surplus

La SNC Darty Grand Est devra remettre à Mme [I] l'attestation Pôle emploi, le solde de tout compte, le certificat de travail et les bulletins de salaires conformes à la présente décision.

Les conditions s'avèrent réunies pour ordonner le remboursement, par l'employeur, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée, du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités.

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

La SNC Darty Grand Est qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Conformément aux prescriptions de l'article 700 du code de procédure civile, La SNC Darty Grand Est sera condamnée à verser à Mme [W] [I] la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette dernière en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme [W] [I] de ses demandes de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de maintien de salaire pour la période d'avril à juin 2018 ainsi que s'agissant des dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [W] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SNC Darty Grand Est à payer à Mme [W] [I] les sommes suivantes :

- 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 609 euros bruts à titre de maintien de salaire pour la période d'avril à juin 2018,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne le remboursement, par la SNC Darty Grand Est, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [W] [I] du jour du son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Ordonne à la SNC Darty Grand Est de délivrer à Mme [W] [I] les documents de fin de contrat et les bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt.

Condamne la SNC Darty Grand Est aux dépens de première instance et d'appel.

La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/00662
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.00662 ?
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