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14/06/2022 | FRANCE | N°20/00410

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 14 juin 2022, 20/00410


Arrêt n° 22/00321



14 juin 2022

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N° RG 20/00410 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FHOL

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Thionville

09 janvier 2020

18/00258

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Quatorze juin deux mille vingt deux





APPELANTE :



S.A.R.L. ACTION

MULTI SERVICES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marion DESCAMPS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Carlos DE CAMPOS, avocat au ba...

Arrêt n° 22/00321

14 juin 2022

---------------------

N° RG 20/00410 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FHOL

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Thionville

09 janvier 2020

18/00258

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatorze juin deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.R.L. ACTION MULTI SERVICES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marion DESCAMPS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Carlos DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant

INTIMÉE :

Mme [W] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Maud GIORIA, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/005563 du 25/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Madame [W] [E] a été engagée par la société ACTION MULTI SERVICES initialement suivant contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel à compter du 6 juin 2016.

Ce contrat a été renouvelé à compter du 1er septembre 2016.

Les relations contractuelles se sont poursuivies sous la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er décembre 2016.

Ce contrat de travail prévoyait un horaire mensuel de 65 heures du lundi au samedi de 6h à 8h30. Par avenant en date du 30 juin 2017, Mme [E] a accepté d'effectuer des travaux supplémentaires pour le client, le centre Leclerc de [Localité 5], ce qui a porté son horaire de travail à 130 heures par mois, pour un salaire brut de 1 292,20 euros.

Le 29 septembre 2017, Madame [E] a reçu une convocation à entretien préalable avant licenciement prévu le 12 octobre 2017.

Mme [E] a été licenciée pour faute grave, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 20 octobre 2017.

Par acte introductif enregistré au greffe le 04 décembre 2018, Madame [E] a saisi le Conseil de prud'hommes de Thionville aux fins de :

- Dire et juger la demande de Mme [E] recevable et bien fondée,

- Ordonner la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la S.A.R.L ACTION MULTI SERVICES à verser à Mme [W] [E] les sommes suivantes:

* Indemnité compensatrice de préavis : 1 292,20 € Brut,

* Congés payés y afférents: 129,22 € Brut,

* Indemnité légale de licenciement : 430, 73 € Net,

- Dire que ces sommes produiront intérêts légaux à compter de la demande introductive

d'instance,

* Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 5 000,00 Euros Nets

* Dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat: 1 500,00 Euros

* Dommages et intérêts pour l'absence de maintien des garanties" frais de santé et prévoyance'' : 2 500,00€

* Dommages et intérêts pour non respect du repos hebdomadaire obligatoire: 2 000,00€

- Dire que ces sommes.produiront intérêts légaux à compter du jour du jugement à intervenir,

* Article 700 du Code de Procédure Civile: 1 500,00 Euros,

- Condamner la partie défenderesse à délivrer à Mme [E] , ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision, un bulletin de salaire et l'attestation Pôle Emploi rectifiés conformément au jugement à intervenir,

- Dire que le Conseil se réservera le droit de liquider l'astreinte le cas échéant,

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- Condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens au visa de l'article 696 du Code de Procédure Civile.

Par jugement du 09 janvier 2020, le Conseil de prud'hommes de Thionville, section commerce a statué ainsi qu'il suit :

- Requalifie le licenciement prononcé pour faute grave à l'encontre de Mme [W] [E] par la S.A.R.L ACTION MUL TI SER VICES en licenciement dépourvu de

cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

- Condamne la S.A.R.L ACTION MULTI SERVICES prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

* 1 292,20 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 129,22 € bruts au titre des congés payés y afférents,

* 430,73 € nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la demande introductive

d'instance, soit le 9 Mai 2018,

* 1 938,30 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 250 € à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

soit le 9 janvier 2020,

* 1 000,00 € sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile,

- Ordonne à la S.A.R.L ACTION MULTI SERVICES de délivrer à Madame [W] [E] un bulletin de salaire de régularisation des éléments de salaire octroyés dans le présent jugement, et l'attestation destinée à Pôle Emploi, documents établis conformément au présent jugement, ce sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du huitième jour suivant la notification de la décision,

- Dit que le Conseil se réserve la faculté de procéder à la liquidation de !'astreinte le cas

échéant,

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement sur le fondement des dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile, ce pour l'ensemble des condamnations qui y sont prononcées,

- Condamne la S.A.R.L ACTION MULTI SERVICES aux dépens de l'instance.

Par déclaration formée par voie électronique le 07 février 2020 et enregistrée au greffe le jour même, la société ACTION MULTI SERVICES a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 04 janvier 2021, la société AMS demande à la Cour de :

- Recevoir la SARL AMS en son appel et la déclarer bien fondée ;

En conséquence,

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de THIONVILLE en date du 9 janvier 2020, dans la mesure utile,

Et statuant à nouveau,

- Dire et juger que le licenciement pour faute grave de Mme [E] est parfaitement fondé ;

- Dire et juger que Mme [E] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice compte tenu de la remise des documents de fin de contrat ;

- Dire et juger que la société AMS a parfaitement respecté ses obligations au titre de la

portabilité des garanties Frais de santé et Prévoyance, ainsi que la législation au titre du repos hebdomadaire obligatoire ;

En conséquence,

- Débouter Mme [E] de l'intégralité de ses prétentions ;

- Condamner Mme [E] au paiement d'une somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la même aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions datées du 08 juillet 2020, Mme [E] demande à la Cour de :

- Déclarer la société ACTION MULTI SERVICES mal fondée en son appel.

- Le rejeter.

- Confirmer le jugement R.G. n° F 18/00258 rendu par le Conseil de prud'hommes de

THIONVILLE le 9 janvier 2020

- Déclarer Madame [W] [E] recevable et bien fondée en son appel incident.

En conséquence,

- Condamner la société ACTION MULTI SERVICES à payer à Madame [W] [E] les sommes de :

* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.500 € à titre de dommages et intérêts pour l'absence de maintien des garanties Frais de santé

et Prévoyance,

* 2.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire

obligatoire,

avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

En toute hypothèse,

- Condamner la société ACTION MULTI SERVICES à payer à Madame [W] [E] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- Condamner la société ACTION MULTI SERVICES aux entiers frais et dépens au visa de l'article 696 du même code.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement pour faute grave de Mme [E] en date du 20 octobre 2017 énonce que ::

« (') nous vous notifions par la présent votre licenciement sans préavis, ni indemnité pour faute grave et ceci pour les motifs suivants :

Par avenant à votre contrat de travail en date du 30 juin 2017, vous avez été embauchée pour satisfaire des travaux supplémentaires au centre LECLERC de FAMECK.

Vos horaires de travail étaient les suivants :

- Lundi au jeudi de 8h30 à 11h00

- Vendredi de 12h00 à 15h00

- Samedi de 12h00 à 14h0

Le 22 septembre 2017, nous avons été informés par le client qu'une auto-laveuse était en panne et que le site était sale.

Je mes suis personnellement déplacé sur le site le lendemain pour constater les faits.

J'ai pu lors de ce passage constater à 6h30 que vous étiez en pause avec votre collègue et votre chef d'équipe, qui d'après cette dernière avait commencé à 6h10. Vos horaires de travail étant de 6h00 à 8h30 selon CDI du 30/11/2016.

De plus j'ai constaté votre absence sur le site de 12h00 à 14h00.

Renseignement pris auprès des autres salariés sur place, il s'avère que vous ne vous êtes jamais présentée sur le site les vendredis et samedis après-midi.

En effet, votre nièce, Madame [Z] [C], Chef d'équipe, couvre votre absentéisme, afin que vous puissiez noter vos heures de travail.

Ces affirmations ont pu être vérifiées en concertation avec les vidéo-surveillances du centre LECLERC où vous n'apparaissez pas les vendredis et samedis en dépit de vos obligations contractuelles.

Il s'agit d'une violation particulièrement grave de vos obligations découlant de votre contrat de travail (...) »

La Cour rappelle que lorsque l'employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, il lui incombe d'apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement, à charge ensuite pour le juge d'apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s'ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La lettre de licenciement retient en l'occurrence trois griefs :

- une pause effectuée le 23 septembre 2017 entre 6h10 et 6h30 durant les horaires de travail assignées à la salariée par son contrat à durée indéterminée,

- une absence sur le site le même jour entre 12h00 et 14h00

- un absentéisme du site les vendredis et samedis après-midi, avec cette précision que la salariée note néanmoins ses heures de travail car sa nièce couvre cet absentéisme.

Pour justifier de ces griefs, l'employeur produit :

- un document manuscrit signé par six personnes, dont les documents d'identité figurent en annexe, se présentant comme salariées de la société Action Multi Services exerçant la fonction d'agent de service sur le site du centre commercial Leclerc, indiquant vouloir dénoncer des faits de « malfaçon » concernant leur chef d'équipe, Melle [C] [Z], notamment un retard permanent le matin et le fait qu'elle bois son café avec des collègues à 6h15, des demandes à ses collègues pour la remplacer à sa permanence du mardi ou un comportement considéré comme du harcèlement moral, lequel document mentionne aussi :

« Concernant Mme [E] [W] (sa tante) en renfort de permanence vendredi de 12h à 15h et samedi de 12h à 14h : n'est jamais présente, de connivence entre elles, pointe aussi ses heures. Elle est remplacée soit par des collègues ou par Mme [C] rarement, mais la personne de permanence se retrouve seule la plus part du temps

- des attestations de témoin en bonne et due forme rédigées par cinq de ces mêmes salariées, qui concernent surtout les faits reprochés à Mme [C], seuls trois des témoins évoquant Mme [E], à savoir :

* Mme [Y] [H], dont le témoignage est difficilement lisible, mais qui explique que plusieurs fois elle a remplacé Mme [C] ou Mme [E] durant leur permanence, cette dernière le vendredi et le samedi

* Mme [R] [J], qui, après avoir évoqué divers griefs à l'encontre de Mme [C], indique que « Mme [E] [W] (sa tante) n'assume jamais sa permanence de vendredi et samedi. Elle fait remplire (apparemment remplacer) part ses collègues sous les ordres de [Z] »

* Mme [I] [B], dont le témoignage reprend le contenu du manuscrit susvisé, dont elle était apparemment la rédactrice ;

- un formulaire intitulé « Feuille d'heures à rendre impérativement le 30 de chaque mois », se présentant sous forme d'un tableau avec une colonne « chantier » et des colonnes numérotées de 1 à 31, pour chaque jour du mois, portant en mentions manuscrites le nom de Mme [W] [E], le mois de septembre 2017, dans la rubrique chantier d'abord «Leclerc Fameck », correspondant pour les jours de travail à des mentions horaires de 6h à 8h30 (soit les horaires prévus initialement par le contrat à durée indéterminée du 30 novembre 2016 : de 6h à 8h30 du lundi au samedi), ensuite « renfort galerie », correspondant à des horaires de 8h30 à 11h, enfin « renfort permanence » correspondant aux heures des vendredis (12-15h) et samedis (12-14h) après midi, tous les horaires étant aussi renseignés manuellement ;

Il est relevé que cette feuille d'heures, signée par Mme [E], mentionne un arrêt maladie du 5 au 12 septembre, mais que la salariée aurait travaillé le 23 septembre, qui était un samedi, pour sa permanence de 12 à 14 h, alors que, dans la lettre qu'elle a envoyé à son employeur après la notification du licenciement, pour contester celui-ci, l'intimée a confirmé qu'elle était absente ce jour là de 12h à 14h, précisant qu'elle aurait demandé l'autorisation de sa chef d'équipe de partir pour un motif familial urgent.

Dans ce courrier, daté du 7 novembre 2017, Mme [E] évoque aussi son arrêt de travail du 28 septembre 2017, qui l'a empêchée de se rendre à l'entretien préalable, or la feuille d'heures mentionne néanmoins que la salariée aurait travaillé les vendredi 29 et samedi 30 septembre où elle a indiqué un horaire de 12h à 15h le vendredi et 12h à 14h le samedi.

L'intimée soutient, dans ce même courrier, que la direction aurait toujours su qu'elle prenait son service à 5h15 et que « sachant que la Direction Leclerc débute son service à 7h00, vous nous avez demandé de décaler notre pause avant l'arrivée de la Direction ». Concernant les propos de ses collègues sur le fait qu'elle ne se serait pas présentée à son travail les vendredis et samedis, elle fustige uniquement le fait que l'employeur ait eu accès à la vidéo-surveillancee du magasin, faisant observer qu'elle n'a pas été informée, ni par son contrat, ni par un représentant du personnel, des conditions techniques permettant le contrôle de l'activité des salariés.

Mme [E], qui conteste à présent dans ses conclusions tout absentéisme, produit à cette fin deux attestations :

- l'une de M. [V] [G], employé de la parapharmacie du centre Leclerc, qui indique que Mme [E] était affectée au nettoyage régulier de cette parapaharmacie les matins et affirme « avoir vu régulièrement Mme [E] [W] sur son chantier au magasin Leclerc les vendredis après-midi, ainsi que les samedis après-midi ».

- l'autre de Mme [L] [F], qui énonce que « C'est en faisant mes courses que j'ai fait la connaissance de Mme [E] [W]. Je fais mes courses en général le samedi après-midi et je déclare sur l'honneur l'avoir vu à son poste de travail entre 12h et 15h ».

De l'ensemble de ces éléments, la Cour retient que :

- même si les témoignages produits par l'employeur visent avant tout Mme [Z] [C], nièce de Mme [E], dont cette dernière indique qu'elle a également fait l'objet d'un licenciement, trois salariées de l'entreprise, qui étaient les mieux à même de connaître le temps de présence de leur collègue, attestent néanmoins que Mme [E] n'effectuait pas sa « permanence » des vendredis et samedis prévue, comme l'indique l'avenant à son contrat de travail du 30 juin 2017, et la feuille d'heures, de 12h à 15h le vendredi et de 12h à 14h le samedi, - ces heures de travaux supplémentaires à la demande du client ayant été convenues, selon l'avenant signé par elle, pour la période du 1er juillet au 31 octobre 2017 inclus -, étant remplacée par une autre collègue ou par Mme [C], ou encore laissant seule la collègue qu'elle devait assister ;

- les témoins de Mme [E] sont soit imprécis, M. [G] sur le caractère « régulier » des vendredis et samedis où il aurait vu la salariée travailler l'après-midi, sans préciser ni quand, ni où, ni ce qu'elle faisait, alors qu''elle ne s'était vue assigner le chantier que depuis le 1er juillet et qu'il reconnaît que celle-ci nettoyait habituellement la parapharmacie le matin, soit à l'évidence de complaisance, Mme [F] évoquant un horaire du samedi de 12 à 15h alors que l'horaire de Mme [E] était ce jour là de 12 à 14 h et le témoin n'ayant à l'évidence pas pu constater que la salariée travaillait sur toute cette plage horaire en faisant ses courses ;

- l'affirmation de l'intimée, selon laquelle l'employeur aurait su qu'elle commençait à travailler à 5h15 le matin, ce que ne confirme pas la feuille d'heures signée par elle, ou aurait autorisé une pause dès 6 h30, soit à peine le travail commencé, parce que la direction du magasin n'était pas encore présente ( ! ), n'est aucunement confirmée, M.[A], gérant de la société et signataire de la lettre de licenciement, qui a constaté cette pause le 23 septembre 2017, ce que ne conteste pas la salariée, ayant au contraire relevé dans cette lettre son caractère incompatible avec les horaires de travail qui lui étaient assignés, l'appelante faisant aussi en l'occurrence justement valoir qu'aux termes de l'article L. 3121-33 du code du travail, une pause de 20 minutes n'est de droit que lorsque le temps de travail quotidien atteint six heures ;

- contrairement à ce que soutient Mme [E] la feuille d'heures ne peut être son « planning de travail », car ce document précise qu'il est « à rendre impérativement le 30 de chaque mois » et « afin d'éviter toutes réclamations, veuillez détailler la nature, le lieu du chantier et, le cas échéant, la personne remplacée Lorsqu'il s'agit de remises en état ou de travaux exceptionnels bien le noter également. », soit une référence à des mentions ne pouvant être portées sur cette feuille qu'après le remplacement d'un autre salarié ou la réalisation des prestations non ordinaires.

Ce document, signé par la salariée, est en l'occurrence à l'évidence destiné à retracer les heures de travail accomplies chaque mois, par chantier, et ses fausses mentions, comme en l'espèce celles des 23, 29 et 30 septembre 2017, où Mme [E] était en réalité absente, comme elle le reconnaît elle-même, confortent donc le grief concernant l'absentéisme avec cette circonstance que l'intimée notait néanmoins ses heures comme travaillées avec la complicité de sa nièce, chef de chantier, chargée nécessairement en cette qualité de contrôler les feuilles d'heure des personnes placées sous sa responsabilité.

La feuille d'heures du mois d'octobre 2017 de Mme [E], également produite par l'employeur, qui mentionne uniformément qu'elle a été en arrêt maladie, confirme la finalité de ce document, même si la salariée fait observer qu'elle a été signée par elle par anticipation puisqu'elle n'a plus reparu à son lieu de travail jusqu'à son licenciement.

Cette signature par avance n'empêchait pas des rectifications en fin de mois, avant la remise de la feuille à l'employeur, des mentions erronées, dont principalement celle en l'espèce de l'absence du 23 septembre, que la salariée n'a expliqué qu'a posteriori, une fois le grief connu, par une autorisation de sa chef d'équipe, qui n'est cependant pas prouvée et qui aurait nécessairement du donner lieu à la suppression de la mention d'un horaire de travail que la salariée n'a en réalité pas accompli.

En définitif, la Cour estime que la preuve de la réalité des griefs est suffisamment rapportée par l'employeur et que, compte tenu de leur nature et de leur répétition, ces griefs étaient non seulement sérieux, mais constituaient aussi une violation par Mme [E] de l'obligation principale née de son contrat de travail d'accomplir les prestations convenues durant le temps de travail assigné d'une importance telle qu'elle empêchait la poursuite des relations contractuelles.

Le jugement entrepris, dont la Cour relève qu'il est dépourvu de toute motivation relativement aux faits de l'espèce, sera donc infirmé pour qu'il soit dit que le licenciement pour faute grave de Mme [E] était fondé, la salariée étant par conséquent déboutée de toutes ses prétentions en lien avec ce licenciement.

- Sur les autres demandes

Mme [E] fait valoir qu'elle n'a reçu que début 2018 les documents de fin de contrat et demande donc la confirmation du jugement qui lui a alloué 250 euros de dommages et intérêts à ce titre.

La salariée justifie en l'occurrence qu'elle a du adresser une lettre recommandée avec accusé de réception à l'employeur le 24 novembre 2017 pour lui rappeler que dans la lettre de licenciement il avait indiqué envoyer ces documents par courrier séparé, mais qu'elle n'avait rien reçu et donc le mettre en demeure de s'exécuter dans les huit jours et par un courrier de Pôle Emploi que ce n'est que par notification du 17 janvier 2018 qu'elle a été admise au bénéfice de l'ARE consécutivement à la rupture de son contrat de travail intervenu le 24 octobre 2017.

Ces éléments sont suffisants pour justifier de son préjudice et le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour le montant retenu.

S'agissant des frais de santé et de la prévoyance, pour laquelle elle a bénéficié de la portabilité, Mme [E] reproche à son ancien employeur de ne pas l'avoir avertie du changement de compagnie d'assurances au 1er janvier 2018, ne lui ayant envoyé les documents à signer que mi-mars 2018, puis ayant omis de les transmettre à cette compagnie.

Elle indique aussi exposer d'importants frais en soins dentaires et ophtalmologie pour lesquels elle a du faire l'avance.

Cependant, la salariée ne justifie pas de son préjudice, à savoir des sommes ainsi avancées ou d'un refus de prise en charge de ces soins par la nouvelle mutuelle, et l'appelante produit un courrier de cette dernière adressé à l'intimée en date du 22 octobre 2018 pour lui rappeler qu'elle est toujours en attente de son attestation pôle emploi pour lui délivrer la carte de tiers-payant et lui demander de lui envoyer les décomptes de sécurité sociale depuis le 1er janvier pour pouvoir procéder aux remboursements des dépenses de santé, ce qui indique que le retard de paiement n'a pas été le fait de l'employeur.

Le jugement entrepris sera donc confirmé pour l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Concernant le non respect du repos hebdomadaire, Mme [E] fait valoir qu'en décembre 2016, elle a travaillé tous les jours sauf le 25 décembre, de sorte que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 3132-1 du code du travail qui interdit de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine et de l'article L. 3132-2 du même code prévoyant un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 24 heures auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien, soit 11 heures.

Elle demande par contre une indemnisation pour ce manquement à hauteur de 500 euros par semaine.

Mme [E] produit en l'espèce sa feuille d'heures pour ce mois de décembre 2016, qui indique, outres les horaires de travail effectués durant la semaine, du lundi au samedi, trois dimanches travaillés de 7h30 à 12h30 les 4, 11 et 18 décembre pour « ouverture exceptionnelle ».

La société Action Multi Services est muette sur cette demande, qui a été rejetée par les premiers juges par manque de preuve.

Le document produit par Mme [E] n'étant pas contesté par l'employeur et le bulletin de salaire de l'intéressée pour le mois de décembre 2016 faisant mention du paiement de 16h50 en heures supplémentaires à 200%, ce qui correspond à des heures travaillées le dimanche, le non respect du repos hebdomadaire reproché à l'employeur est suffisamment établi et il sera accordée à la salariée un montant de 750 euros pour les trois semaines consécutives sans repos, à raison de 250 euros par semaine, le jugement entrepris étant amendé sur ce point.

- Sur le surplus

La demande de remise de documents rectifiés sous astreinte est devenue sans objet, compte tenu des termes de cet arrêt et le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Mme [E] succombant sur l'essentiel de ses demandes concernant le licenciement, elle supportera les dépens de première instance et d'appel.

L'équité n'impose pas par contre l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties, chacune succombant partiellement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris pour :

- avoir condamné la SARL Action Multi Services à payer à Mme [W] [E] la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,

- avoir débouté Mme [W] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour l'absence de maintien des garanties frais de santé et prévoyance ;

Infirme ce jugement pour le surplus et, statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que le licenciement de Mme [W] [E] pour faute grave était fondé ;

Déboute Mme [W] [E] de ses demandes indemnitaires en rapport avec ce licenciement, de sa demande de remise sous astreinte de documents de fin de contrat rectifiés et de sa demande de dommages et intérêts pour l'absence de maintien des garanties frais de santé et prévoyance ;

Condamne la SARL Action Multi Services à payer à Mme [W] [E] la somme de 750 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du repos hebdomadaire obligatoire en décembre 2016 ;

Condamne Mme [W] [E] aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/00410
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.00410 ?
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