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14/06/2022 | FRANCE | N°20/00376

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 14 juin 2022, 20/00376


Arrêt n° 22/00311



14 juin 2022

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N° RG 20/00376 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FHLX

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

27 janvier 2020

18/00191

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Quatorze juin deux mille vingt deux







APPELANTE :



S.

A.S. CAPFOR CONSEILS prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Patrick-Hugo GOBERT, avocat au barreau de METZ







INTIMÉ :



M. [O] [F]

[Adresse 2]

Représenté par Me Sarah SCHIFFE...

Arrêt n° 22/00311

14 juin 2022

---------------------

N° RG 20/00376 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FHLX

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

27 janvier 2020

18/00191

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatorze juin deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.S. CAPFOR CONSEILS prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Patrick-Hugo GOBERT, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

M. [O] [F]

[Adresse 2]

Représenté par Me Sarah SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la présidente régulièrement empêchée, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Monsieur [F] a été embauché par la SAS Capfor Fiduciaire, devenue la société CAPFOR CONSEILS, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 23 février 2002, en qualité d'assistant principal technique et production comptable.

La convention collective applicable est celle des cabinets d'expert-comptable et commissaires aux comptes. Le contrat de travail de Monsieur [F] avec la SAS Capfor Fiduciaire a pris fin le 4 janvier 2013.

Pour de multiples raisons, notamment, du fait du départ en retraite de son Président, les associés de la société CAPFOR CONSEILS ont décidé de mettre fin à son activité d'expertise comptable.

Un litige a déjà opposé les parties sur l'exécution du contrat de travail, qui a donné lieu à un jugement définitif du conseil de prud'hommes de Forbach en date du 30 septembre 2014.

Cette décision fut arrêtée après la conclusion d'un accord de présentation de clientèle en faveur de la société SOFICO FRANCE, société d'expertise comptable, dont le siège est à [Adresse 3].

Conformément aux dispositions de la convention de présentation de clientèle et en application des dispositions de l'article L.1224-1 du Code du travail, le contrat de travail de Monsieur [O] [F] s'est poursuivi avec la société SOFICO FRANCE.

Monsieur [O] [F] a pris l'initiative d'un départ en retraite avec effet du 28 février 2013.

La SAS CAPFOR CONSEILS sollicite diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation des dommages matériels subis du fait du détournement de clientèle et du préjudice moral subi du fait des actes déloyaux commis par Monsieur [F].

Par acte introductif enregistré au greffe le 23 août 2018, la société CAPFOR CONSEILS a saisi le Conseil de prud'hommes de Forbach aux fins de :

- Déclarer la demande recevable et bien fondée,

En conséquence,

Vu les dispositions de l'article 15 alinéa 4 du contrat de travail,

- Condamner Monsieur [F] à payer à la société CAPFOR CONSEILS la somme de 45.680,00€ à titre de dommages-intérêts en réparation des dommages matériels subis par elle du fait du détournement de clientèle,

- Condamner Monsieur [F] à payer à la société CAPFOR CONSEILS la somme de 5.000,00€ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par elle du fait des actes déloyaux commis par lui,

- Condamner Monsieur [F] à payer à la société CAPFOR CONSEILS la somme de 2.000,00€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [F] aux entiers frais et dépens de l'instance,

- Déclarer le jugement à intervenir exécutoire par provision pour l'intégralité de son dispositif.

Par jugement du 27 janvier 2020, le Conseil de prud'hommes de Forbach, section activités diverses a statué ainsi qu'il suit :

- Déclare l'assignation nulle,

- Déclare l'action prescrite,

- Dit et juge que l'action de la SAS CAPFOR CONSEILS se heurte au principe de l'unicité de l'instance,

- Dit et juge que l'action de la SAS CAPFOR CONSEILS se heurte à l'autorité de la chose jugée,

- Dit et juge que la SAS CAPFOR CONSEILS n'a pas qualité à agir,

- Déboute la SAS CAPFOR CONSEILS de l'intégralité de ses fins et prétentions,

- Déboute Monsieur [F] [O] du surplus de ses demandes,

- Condamne la SAS CAPFOR CONSEILS en tous les frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 06 février 2020 et enregistrée au greffe le jour même, la société CAPFOR CONSEILS a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 04 mai 2020, la société CAPFOR CONSEILS demande à la Cour de :

- Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Forbach en date du 27 janvier 2020 ;

Et statuant à nouveau :

- Condamner Monsieur [O] [F] à payer à la société CAPFOR CONSEILS la somme de quarante-cinq mille six cent quatre-vingt Euros (45.680,00 €) à titre de dommages-intérêts

en réparation des dommages matériels subis par elle du fait du détournement de clientèle ;

- Condamner Monsieur [O] [F] à payer à la société CAPFOR CONSEILS la somme de cinq mille Euros (5.000,00 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par elle du fait des actes déloyaux commis par lui

- Condamner Monsieur [O] [F] à payer à la société CAPFOR CONSEILS la somme de quatre mille Euros (4.000,00 €) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile tant au titre de ses frais irrépétibles de première instance qu'au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

- Condamner aux entiers frais et dépens de l'instance.

Par ses dernières conclusions datées du 22 mai 2020, Monsieur [F] demande à la Cour de :

- Débouter l'employeur de l'intégralité de ses fins et prétentions

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de FORBACH le 27/01/2020 en ce qu'il a :

- Déclaré l'assignation nulle

- Déclaré l'action prescrite

- Dit que l'action de la SAS CAPFOR se heurte à l'autorité de la chose jugée

- Débouté la SAS CAPFOR pour défaut de qualité à agir

- Dit que l'action de la SAS CAPFOR se heurte au principe de l'unicité de l'instance

- Débouté la SAS CAPFOR CONSEILS de l'intégralité de ses fins et prétentions

- L'infirmer sur le surplus,

Et, statuant à nouveau

- Condamner la SAS CAPFOR CONSEILS à verser à Monsieur [O] [F] une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire

- Condamner la SAS CAPFOR CONSEILS à verser à Monsieur [O] [F] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC de première instance et 4 000 € à hauteur de Cour

- Condamner la SAS CAPFOR CONSEILS en tous les frais et dépens, d'instance et d'appel

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la nullité de l'assignation

M. [F] invoque la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée par la partie appelante car elle ne mentionne pas, contrairement aux exigences de l'article 58 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l'espèce, les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Cependant, cette nullité n'est que relative, car constituant un vice de forme, dont la nullité ne peut, aux termes de l'article 114 du même code, être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, M. [F] reproche à son ancien employeur de ne pas lui avoir adressé une quelconque mise en demeure avant de saisir le conseil de prud'hommes, estimant que la procédure n'aurait pas été intentée s'il avait pu s'expliquer avant cette saisine, mais cette affirmation est hypothétique et ne caractérise donc pas un grief établi.

Dès lors, le jugement entrepris sera infirmé pour avoir dit l'assignation nulle.

- Sur la prescription de l'action

M. [F] invoque la prescription de l'action au visa de la loi du 14 juin 2013, en l'occurrence codifiée à l'article L. 1471-1 du code du travail, selon lequel toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Cette prescription a, selon ses dispositions transitoires de cette loi, trouvé à s'appliquer à toutes les actions engagées à partir de la date de sa promulgation, soit en l'espèce le 16 juin 2013, et aux prescriptions en cours, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, qui était de cinq ans, de sorte que, s'agissant en l'espèce d'une action fondée sur l'exécution dommageable d'une clause du contrat de travail, qui courait en l'espèce à compter de sa rupture, comme étant le jour où celui qui l'exerce aurait au plus tard du connaître les faits lui permettant de l'exercer, à savoir l'obligation de non concurrence dont la violation est invoquée, elle était donc acquise au 14 juin 2015, deux ans après la promulgation de la nouvelle loi.

La SAS Capfor Conseils estime en l'espèce que le jour où elle a connu les faits lui permettant d'exercer ses droits serait celui où elle a découvert les faits de concurrence déloyale, soit selon elle au cours du second semestre de l'année 2016, au cours de l'année 2017 et au cours du premier semestre 2018, mais ce n'est pas ces faits en eux-mêmes qu'il s'agit éventuellement de sanctionner, mais la violation d'une clause du contrat de travail qui a pris fin le 4 janvier 2013 et qui au surplus limitait l'application de l'interdiction d'apporter sa collaboration à l'un des clients de la société ou de s'installer dans une des professions citées à une durée de trois ans « à dater de la cessation des fonctions », soit une obligation qui a pris fin le 4 janvier 2016, trois ans après la rupture du contrat de travail, ce qui implique que les faits prétendument découverts postérieurement à cette date par l'appelante ne sont en tout état de cause plus susceptibles de sanction.

Il convient de relever en outre que l'appelante ne justifie d'aucune façon de cette découverte tardive des faits, ni d'ailleurs des faits eux-mêmes, les seules pièces produites par elle aux débats pour fonder son action étant, outre les conventions qui la liaient aux trois clients qu'elle reproche à M. [F] d'avoir détournés, uniquement deux lettres de mission adressées en mars 2013 par la société Sofico Finance (et non M. [F], qui n'est jamais cité) à deux de ces clients et deux lettres en réponse de ces mêmes clients indiquant qu'ils ne souhaitent pas contracter avec cette société, datées de septembre et novembre 2013.

Les premiers juges ont aussi à juste titre fait observer que la demande reconventionnelle présentée par l'employeur le 16 avril 2013 lors de l'instance ayant déjà opposé les parties et ayant abouti au jugement du 30 septembre 2014, portait sur la même prétention, donc des faits déjà connus.

Le jugement entrepris sera donc confirmé pour avoir déclaré l'action de la SAS Capfor Conseils prescrite.

- Au surplus, sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu le 30 septembre 2014 par le conseil de prud'hommes de Forbach

Aux termes de l'article 480 du code de procédure civile « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal (') a dès son prononcé l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche », l'alinéa 2 précisant que le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4, qui dispose que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

En l'espèce, il est constant que le jugement susvisé a débouté la SAS Capfor Conseils d'une demande reconventionnelle qui portait sur la condamnation de M. [F] à lui payer des dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de respect de la clientèle et action déloyale, soit une prétention déjà formulée par elle dans les mêmes termes que celle présentée dans le cadre de la présente instance, dont l'objet est identique, à savoir sanctionner la même violation d'une clause du contrat, peu important si les clients prétendument détournées, à l'exception de la société CODA, visée par les deux procédures, ne sont pas eux-mêmes identiques.

Le jugement entrepris sera donc aussi confirmé pour avoir, bien que de façon surabondante, retenu que l'action de la SAS Capfor Conseils se heurte à l'autorité de chose jugée.

- Sur le surplus

Le jugement sera aussi confirmé, par adoption par la Cour de ses motifs, pour avoir, toujours à titre surabondant, aussi dit que l'action se heurtait au principe d'unicité de l'instance, applicable à l'instance précédemment engagée, et que la SAS Capfor Conseils n'avait plus qualité à agir pour avoir cédé son portefeuille clients à la société Sofico, devenue l'employeur de M. [F].

Il sera par contre infirmé pour ne pas avoir retenu le caractère abusif et vexatoire de la procédure, dont la Cour estime qu'il justifie d'allouer à M. [F] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens.

La SAS Capfor Conseils, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable par ailleurs d'allouer à M. [F] une somme totale de 5 000 euros pour les frais autres que les dépens exposés lors des deux instances.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit l'assignation nulle et débouté M. [O] [F] de ses demandes reconventionnelles ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la nullité de l'assignation ;

Condamne la SAS Capfor Conseils à payer à M. [O] [F] les sommes de :

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

- 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Capfor Conseils aux dépens d'appel.

La Greffière, P/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/00376
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.00376 ?
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