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14/06/2022 | FRANCE | N°19/02848

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 14 juin 2022, 19/02848


Arrêt n° 22/00312



14 juin 2022

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N° RG 19/02848 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FFCD

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

09 octobre 2019

18/00294

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Quatorze juin deux mille vingt deux





APPELANT :



M. [Z] [T]


[Adresse 1]

Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Mohamed MENDI avocat plaidant au barreau de MULHOUSE





INTIMÉE :



SARL CENTRE DE VERIFICATION DE [Localité 4] prise en la...

Arrêt n° 22/00312

14 juin 2022

---------------------

N° RG 19/02848 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FFCD

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

09 octobre 2019

18/00294

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatorze juin deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [Z] [T]

[Adresse 1]

Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Mohamed MENDI avocat plaidant au barreau de MULHOUSE

INTIMÉE :

SARL CENTRE DE VERIFICATION DE [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric BLAISE, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la présidente de chambre régulièrement empêchée, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Monsieur [Z] [T] a été embauché par la SAS CENTRE DE VERIFICATION DE [Localité 4] (CVM), selon contrat à durée indéterminée à temps complet, à compter du 05 octobre 2010 en qualité de technicien. M. [T] a occupé le poste de responsable technique à compter du 03 septembre 2014.

Le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence avec possibilité de libération de l'interdiction de non-concurrence en cours d'exécution du contrat ou à l'occasion de sa cessation.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des bureaux d'étude technique.

En dernier lieu, M. [T] percevait une rémunération mensuelle brute de 3.053,23 euros pour 169 heures de travail effectif.

M. [T] a été placé en arrêt de travail à compter du 19 décembre 2016, prolongé successivement jusqu'au 18 juillet 2017.

Le 20 juillet 2017, l'employeur a adressé au salarié un nouveau contrat de travail présenté dans le cadre de la nouvelle organisation des tâches et responsabilités au sein de la société.

M. [T] a refusé ces nouvelles conditions contractuelles le 26 juillet 2017.

Par lettre du 31 juillet 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu au 16 août 2017. Dans l'intervalle, il a été de nouveau placé en arrêt maladie entre le 01 et le 14 août 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 21 août 2017, M. [T] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement, M. [T] a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz par acte introductif enregistré au greffe le 03 avril 2018, aux fins de :

- Dire et juger son licenciement abusif.

En conséquence,

- Condamner la société CVM à lui payer la somme de 48.089,70 € à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner la société CVM à lui payer la somme de 20.345,07 € au titre de la clause de non-concurrence ;

- Condamner la société CVM à lui payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers frais et dépens.

Par jugement du 09 octobre 2019, le Conseil de prud'hommes de Metz, section activités diverses a statué ainsi qu'il suit :

- Déclare recevables mais mal fondées les demandes de M. [T] ;

- Déboute la société CVM de se demande d'une mesure d'instruction ;

- Dit et juge que le licenciement de M. [T] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- Dit et juge que M. [T] ne relève pas du statut des commis commerciaux ;

En conséquence,

- Déboute M. [T] de l'intégralité de ses demandes ;

- Constate que l'employeur a régulièrement dénoncé la clause de non concurrence lors de la rupture du contrat de travail de M. [T] ;

- Dit et juge que la société CVM est déliée du versement d'une contrepartie financière à la clause contractuelle de non concurrence dénoncée ;

- Condamne M. [T] à verser à la société CVM la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [T] aux entiers frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 12 novembre 2019 et enregistrée au greffe le jour même, M. [T] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 29 janvier 2021, enregistrées au greffe le jour même, M. [T] demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de Metz en date du 9 octobre 2019 ;

Et statuant à nouveau :

- Dire et juger le licenciement de M. [T] abusif ;

En conséquence,

- Condamner la société CVM à payer à M. [T] la somme de 48.089,70 € à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts légaux ;

- Condamner la Société CVM à payer à M. [T] la somme de 20.345,07 € au titre de la clause de non-concurrence, augmentée des intérêts légaux ;

- Condamner la Société CVM à payer à M. [T] la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers frais et dépens.

Par ses dernières conclusions datées du 24 mars 2021, enregistrées au greffe le jour même, la société CVM demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 9 octobre 2019 par le Conseil de prud'hommes de Metz en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société CVM de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau,

- Condamner M. [T] au paiement de la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile (1ère instance) ;

- Condamner M. [T] au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Le condamner aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2021.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur le licenciement

Selon l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il est également rappelé que la modification du contrat de travail, en ce qu'elle porte sur l'un des éléments essentiels du contrat tels que notamment la qualification, la rémunération ou la durée du travail du salarié, se distingue d'un simple changement dans les conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur et, dès lors, ne peut être imposée au salarié sans son accord.

Ainsi, le seul refus par un salarié d'une modification de son contrat de travail par l'employeur ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement et la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail proposée par l'employeur, pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.

En l'espèce, la lettre de licenciement de M. [T] qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

« Par courrier en date du 20/07/2017, nous vous avons soumis un projet de modification du contrat et des conditions de travail afin de recueillir votre accord. Par mail du 26 juillet 2017 vous nous avez fait part de votre refus d'accepter ces modifications. Suite à ce refus, nous vous avons convoqué en date du 16 aout 2017, pour un entretien pendant lequel vous étiez assisté.

Au cours de cet entretien, nous avons exposé les nécessités de procéder à ces changements et la mesure administrative existante en cas de refus. Nous avons essuyé votre refus de procéder à toute modification de votre contrat.

Dans le cadre de notre pouvoir de direction, et du projet de structuration de l'entreprise et de son développement présent et à venir, nous avons été amenés à modifier plusieurs éléments essentiels du contrat de travail de l'ensemble des techniciens, dont vous faites partie. Tous ont accepté, ces modifications étant plus favorables que celles dont vous bénéficiez actuellement.

Les éléments concernés sont les suivants :

la durée du temps de travail, avec le passage d'un contrat horaire à un contrat de forfait incluant des jours de RTT

Ce changement de mode de décompte du temps de travail repose sur des motifs objectifs liés aux besoins de l'entreprise et est lié à l'évolution de vos fonctions tant dans leur nature que du niveau de qualification afférent.

la qualification et la nature des fonctions de vos fonctions, avec :

- le passage du statut ETAM 240 au statut TECHNICIEN position 3.1. Coefficient 400

- et la révision des fonctions de technicien vérificateur ' responsable technique, vers technicien vérificateur ' responsable formation et métrologie.

Lors de l'entretien vous avez confirmé votre refus de voir modifier votre contrat de travail sur ces deux points pour les motifs que vous exposez dans votre mail à savoir « ' je refuse de signer ce projet de contrat dans lequel je ne trouve aucun intérêt en ma faveur... ».

Dans la situation actuelle, nous ne pouvons répondre à vos demandes de maintenir un système en place qui auparavant n'existait déjà pas tel que vous le présentez et qui pour une autre partie, n'existe plus dans l'entreprise après plus de 8 mois d'absence et plusieurs nouvelles embauches.

Nous tenons à souligner également que vos demandes ne correspondent ni à notre besoin organisationnel présent ni à vos compétences actuelles.

Nous nous voyons donc dans l'obligation de mettre un terme à la relation contractuelle qui nous lie et rompons le contrat de travail pour cause réelle et sérieuse.

Nous vous rappelons que le motif objectif nous ayant conduit à vous proposer cette modification est le suivant : réorganisation de l'ensemble des fonctions des salariés et des responsabilités au sein de la structure suite au projet stratégique de développement de l'entreprise présenté en janvier 2017. Ce motif est en rapport direct avec l'intérêt de l'entreprise et justifie la modification du contrat de travail. (...) »

Il ressort de ce courrier que la SAS CVM a uniquement fondé le licenciement de M. [T] sur son refus d'accepter les modifications proposées du contrat de travail, qui portaient sur la durée du temps de travail, la qualification et la nature de ses fonctions. Comme le relève l'appelant, la SAS CVM a elle-même qualifiées d'essentielles les modifications du contrat de travail qu'elle a proposées.

Or, de telles modifications se distinguent d'un simple changement dans les conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur et, dès lors, ne peuvent être imposées au salarié sans son accord.

Contrairement à ce que soutient la SAS CVM, aucun élément versé aux débats ne permet d'établir que M. [T] aurait donné son accord quant au changement de fonctions, précédemment à la proposition écrite faite par l'employeur. Aucun accord du salarié n'est davantage établi quant à la modification de la durée de travail.

Au demeurant, par l'envoi d'un nouveau contrat au salarié pour recueillir son accord, la SAS CVM reconnaissait qu'elle procédait ainsi à une modification du contrat de travail que le salarié pouvait refuser, et non à l'exercice de son pouvoir de direction lui permettant de modifier les conditions de travail du salarié.

Le salarié demeurait donc libre de refuser la modification de son contrat telle que présentée par l'employeur et ne pouvait, de ce seul fait, être sanctionné pour un tel refus.

Toutefois, le licenciement du salarié faisant suite à un refus de modification du contrat de travail n'est pas automatiquement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il appartient au juge d'examiner le motif de la modification proposée, motif qui peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, étant néanmoins rappelé qu'en présence d'un motif non inhérent à la personne du salarié, le licenciement doit comporter un motif économique.

En l'espèce, l'employeur a expressément retenu comme motif des modifications proposées un « motif objectif (') : réorganisation de l'ensemble des fonctions des salariés et des responsabilités au sein de la structure suite au projet stratégique de développement de l'entreprise présenté en janvier 2017. Ce motif est en rapport direct avec l'intérêt de l'entreprise ('). »

Les modifications ont donc été proposées pour un motif non inhérent à la personne du salarié, ce que la SAS CVM reconnaît dans ses conclusions en se défendant d'avoir voulu évincer M. [T] de l'entreprise en raison de ses arrêts maladie et de sa pathologie.

Dès lors, la rupture résultant du refus par M. [T] d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur constitue un licenciement pour motif économique.

Or, si la SAS CVM invoque l'existence d'une réorganisation nécessaire de l'entreprise, dans son intérêt, il n'est ni allégué ni a fortiori établi que cette réorganisation résulte de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle est indispensable à la sauvegarde à la compétitivité de l'entreprise suite à des difficultés économiques.

Au contraire, la SAS CVM expose dans ses écritures que cette réorganisation était liée à un accroissement d'activité et à un objectif de stratégie, de croissance et de polyvalence de l'équipe. Dans son courrier d'envoi du projet de nouveau contrat à M. [T], la SAS CVM indiquait ainsi que ces modifications avaient « une autre cause qu'économique puisque provenant d'un besoin d'organisation de l'entreprise suite à une croissance exponentielle dans les derniers mois notamment ».

De ces éléments, il ressort que l'employeur ne justifie d'aucun motif économique.

Par conséquent, le licenciement qui est uniquement fondé sur le refus du salarié d'accepter des modifications de son contrat de travail proposées pour un motif non inhérent à sa personne est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a statué en sens contraire.

Sur les demandes financières

Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif

Aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version applicable au jour du licenciement de M. [T], le salarié licencié dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

En l'espèce, il ressort des documents de fin de contrat dont l'attestation Pôle Emploi versée aux débats que la SAS CVM employait habituellement 8 salariés. Le licenciement de M. [T], dépourvu de cause réelle et sérieuse, produit donc les effets d'un licenciement abusif.

M. [T] sollicite l'allocation d'une somme de 48.089,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, faisant valoir les conditions injustifiées de son licenciement qui ont été graves et humiliantes.

La SAS CVM fait quant à elle valoir qu'il aurait retrouvé un emploi de sa propre initiative dès avant son licenciement. Elle ne produit cependant au soutien de cette affirmation qu'un courrier rédigé par elle-même, adressé à la société EDF qui serait le nouvel employeur de M. [T], sans autre élément permettant de corroborer les informations qu'elle y fait figurer. Ce courrier, émanant de l'employeur, est ainsi insuffisamment probant.

En outre, l'attestation de M. [U], salarié de la SAS CVM, qui relate une conversation qu'il aurait tenue avec Mme [F], compagne de M. [T], à ce sujet, est contredite par une attestation de Mme [F] elle-même. La force probante des propos rapportés par M. [U] est ainsi également insuffisante.

La Cour relève néanmoins que M. [T], s'il conteste les affirmations de la SAS CVM, ne fournit pas d'élément sur sa situation d'emploi postérieure au licenciement et que sa capacité à retrouver un emploi n'était pas altérée compte tenu de son âge au moment du licenciement (32 ans).

Dès lors, au vu de ces éléments, mais également de l'ancienneté du salarié (7 ans) et des circonstances du licenciement, survenu dans un contexte de fragilité physique et émotionnelle du salarié juste après son retour d'arrêt maladie pour une pathologie cardiaque ayant nécessité une lourde opération connue de l'employeur, le préjudice subi par le salarié sera justement réparé par l'allocation de la somme de 20.000 euros nets.

La SAS CVM sera par conséquent condamnée à payer à M. [T] la somme de 20.000 euros nets en réparation du préjudice causé par son licenciement abusif, le jugement dont appel étant infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la clause de non-concurrence

L'article 74 du code de commerce local applicable dans les départements du Bas-Rhin du Haut-Rhin et de la Moselle dispose ainsi que« la convention prohibitive de la concurrence n'est obligatoire qu'autant que le patron s'oblige à payer pour la durée de la prohibition une indemnité annuelle de la moitié au moins des rémunérations dues en dernier lieu au commis en vertu du louage de services. »

Selon l'article 75 a du code de commerce local : « Le patron peut, avant la fin du contrat de louage de services, renoncer à la convention prohibitive de concurrence par une déclaration écrite ; il est alors libéré de l'obligation de payer une indemnité après l'expiration d'une année depuis la date de cette déclaration. »

Il est de jurisprudence constante que seul le commis commercial peut se prévaloir des articles 74 et 75 de ce code qui ne régit que les rapports des commis et apprentis commerciaux avec les commerçants. L'article L. 1226-24, alinéa 3, du code du travail définit le statut de commis commercial comme « le salarié qui, employé par un commerçant au sens de l'article L. 121-1 du code de commerce, occupe des fonctions commerciales au service de la clientèle. »

Pour caractériser le statut de commis commercial, à interprétation restrictive, il y a lieu d'examiner les fonctions confiées au salarié sous l'angle de deux critères principaux à savoir l'exercice de fonctions commerciales en relation avec la clientèle et l'absence d'indépendance dans l'exercice des fonctions. Ainsi, le commis commercial ne doit pas bénéficier d'une grande autonomie dans son travail ou dans l'organisation de son travail et le seul contact avec la clientèle n'est pas suffisant pour caractériser ce statut, les fonctions du salarié devant être à prépondérance commerciale et non manuelle ou technique.

En l'espèce, M. [T] exerçait les fonctions de « technicien vérificateur ' responsable technique » et, selon sa fiche de poste, avait pour mission d' « organiser et gérer le laboratoire afin qu'il soit à même de répondre aux besoins internes de la société CVM, et aux demandes de ses clients et pour qu'il évolue en fonction de ceux-ci, dans le respect des règles imposées par l'accréditation COFRAC. Assumer la responsabilité de la réalisation des opérations techniques liées au laboratoire. »

La liste des tâches prévue dans la fiche de poste ne contient aucune tâche commerciale, la seule mention des liens avec le client étant dans la tâche « apporter des conseils techniques aux clients » et ayant ainsi une dimension technique uniquement.

Les échanges de courriels produits aux débats et relatifs à l'établissement de devis pour la clientèle confirment au demeurant que M. [T] intervenait dans l'édition de devis au contact des clients sur des aspects techniques, signant ses courriels en qualité de « responsable technique », et non sur l'aspect commercial.

Enfin, s'il ressort de l'entretien annuel d'évaluation du salarié daté du 16 février 2016, que celui-ci avait vocation à développer des compétences et activités commerciales, la lecture de ce compte-rendu d'entretien et les e-mails d'échanges de M. [T] avec certains clients font apparaître que ces activités n'étaient manifestement encore que très partielles à la date du licenciement et non prépondérantes dans les fonctions du salarié qui demeuraient donc essentiellement techniques. Les attestations de salariés de la SAS CVM produites par M. [T] et qui se bornent à indiquer, à l'identique, que « tous les techniciens ainsi que M. [T] étaient commerciaux » ne sont pas assez précises pour établir la prépondérance de fonctions commerciales dans l'activité du salarié.

Dans ce cadre, M. [T] ne peut utilement se prévaloir de la qualité de commis commercial et sa demande d'indemnisation de la clause de non-concurrence, dont l'employeur l'a délié lors de la rupture du contrat, doit être rejetée.

Le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

La SAS CVM qui succombe devant la Cour sera condamnée aux dépens d'instance et d'appel et à payer à M. [T] la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] [T] de sa demande au titre de la clause de non-concurrence ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [Z] [T] par la SAS Centre de vérification de [Localité 4] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Centre de vérification de [Localité 4] à payer à M. [Z] [T] la somme de 20.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Condamne la SAS Centre de vérification de [Localité 4] aux dépens d'instance et d'appel ;

Condamne la SAS Centre de vérification de [Localité 4] à payer à M. [Z] [T] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière, P/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/02848
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;19.02848 ?
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