Arrêt n° 22/00319
02 juin 2022
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N° RG 18/02079 -
N° Portalis DBVS-V-B7C-E2CP
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE
28 juin 2018
17/00058
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Deux juin deux mille vingt deux
APPELANT :
M. [D] [F]
8 allée de Toul
57700 HAYANGE
Représenté par Me Lionel HOUPERT, avocat au barreau de THIONVILLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2018/007238 du 04/10/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉE :
S.A. CERFC LLERENA prise en la personne de son représentant légal
20 rue des Champs
67201 ECKBOLSHEIM
Représentée par Me Marie VOGIN, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Natalia ICHIM, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 décembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
Mme Laëtitia WELTER, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Laëtitia WELTER, Conseillère substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
M. [D] [F] a été embauché par la SA CERFC Llerena, selon contrat à durée indéterminée prenant effet le 16 mars 2015 en qualité de « formateur testeur cariste et magasinage ».
La convention collective applicable est celle des services de l'automobile.
M. [F] percevait une rémunération mensuelle brute de 1 780,00 €.
Il a été en arrêt de travail maladie à compter du 27 octobre 2015 jusqu'au 15 novembre 2015, puis à nouveau à compter du 16 décembre 2015.
M. [F] a en outre fait l'objet de deux avertissements en date du 9 novembre et du 8 décembre 2015.
Par acte introductif enregistré au greffe le 27 mars 2017, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Thionville aux fins de :
- A titre principal, dire et juger que la partie défenderesse n'a pas respecté la législation du travail, la convention collective, et le contrat de travail, et condamner la partie défenderesse en conséquence à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal depuis la date d'exigibilité de ces créances :
* 5 000,00 € net à titre de dommages et intérêts pour n'avoir pas respecté le décret n° 2014-423 du 24 avril 2014, en matière de surveillance médicale des travailleurs éloignés ;
* 3 572,14 € brut au titre des heures supplémentaires effectuées dans le cadre des déplacements vers son lieu de travail éloigné, outre 357,21 € brut pour les congés payés afférents,
* 3 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour non prise en compte des problèmes de santé de M. [F] lui occasionnant de nombreux déplacements ;
* 5 000,00 € net de dommages et intérêts pour les deux avertissements mal fondés :
* 1 200,00 € net au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- A titre essentiellement subsidiaire, condamner la SA CERFC Llerena à lui payer 3 929,35 € à titre de contrepartie des frais de déplacements,
- A titre infiniment subsidiaire, condamner la SA CERFC Llerena à lui payer 4 270,58 € à titre de remboursement des frais de déplacements,
- Débouter la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de toute autre demande d'indemnités et/ou de dommages et intérêts,
- Condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens de l'instance.
La SA CERFC Llerena s'opposait aux demandes formées contre elle et sollicitait la condamnation de M. [F] à lui verser 2 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 28 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Thionville, section activités diverses, a statué ainsi qu'il suit :
- Déboute M. [F] de l'ensemble de ses demandes,
- Déboute la SA CERFC Llerena de sa demande reconventionnelle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Par déclaration formée par voie électronique le 26 juillet 2018, M. [F] a régulièrement interjeté appel du jugement.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2020, M. [F] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Thionville du 28 juin 2018 ;
Statuant à nouveau :
- Annuler les avertissements notifiés les 9 novembre 2015 et 8 décembre 2015 ;
- Condamner la SA CERFC Llerena à verser à M. [F] les sommes suivantes :
* 5 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour défaut du respect des dispositions du décret du 24 avril 2014 ;
* 5 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour les deux avertissements infondés ;
* 3 000,00 € nets pour exécution déloyale du contrat de travail de M. [F] ;
* 3 572,00 € bruts à titre d'heures supplémentaires du fait des déplacements effectués par M. [F] outre 357,21 € pour les congés payés afférents ;
A titre subsidiaire :
- Condamner la SA CERFC Llerena à verser à M. [F] la somme de 4 270,58 € nets au titre des remboursements de frais de déplacement ;
En tout état de cause :
- Condamner la SA CERFC Llerena en tous les frais et dépens de la présente.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 octobre 2020, la SA CERFC Llerena demande à la cour de :
- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes,
Sur l'appel incident :
- Déclarer les demandes reconventionnelles de la SA CERFC Llerena recevables ;
- Condamner M. [F] à payer à la SA CERFC Llerena 1a somme de 5 000,00 € à titre de dommages et intérêts ;
A titre subsidiaire:
- Dire et juger que cette somme viendra se compenser à la condamnation dont fera l'objet la SA CERFC Llerena le cas échéant ;
En tout état de cause ;
- Condamner M. [F] à verser à la SA CERFC Llerena la somme de 3 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [F] aux entiers frais et dépens de la présente procédure.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2021.
Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS
Sur la demande au titre des heures supplémentaires et des frais de déplacement
Selon l'article L 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
En outre, en application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et, si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient néanmoins à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
La Cour entend rappeler qu'en application du dernier article cité ci-dessus, l'obligation incombant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande n'est pas une condition de recevabilité de la demande, mais une condition de preuve du bien fondé de la demande formée au titre des heures supplémentaires.
En l'espèce, les heures supplémentaires non payées invoquées par M. [F] correspondent au temps de trajet engagé par celui-ci entre son domicile et son lieu de travail, qui pouvait être l'un ou l'autre des différents établissements de la SA CERFC Llerena, trajet qu'il estime excéder la distance normale à réaliser.
L'article 2 du contrat de travail de M. [F] prévoit que « le lieu de travail de M. [D] [F] se situe indifféremment dans les centres de formation du groupe Llerena situés dans le Grand Est de la France ». Si la SA CERFC Llerena dispose de 11 établissements dans le Grand-Est, l'examen des plannings de M. [F] montre qu'il se rendait essentiellement sur les établissements de Ennery, Nancy, Sarrebourg et Strasbourg.
M. [F] soutient qu'il ne peut pas être qualifié de salarié itinérant de sorte que les articles 27 et 28 de la convention collective ne lui sont pas applicables, et que le temps de trajet pour se rendre sur les différents sites de son employeur doit être considéré comme du temps de travail effectif au sens des dispositions du code du travail et donc doit être rémunéré.
Les articles 27 et 28 de la convention collective s'appliquent aux vendeurs ou salariés itinérants soit « aux personnels affectés à la vente de véhicules et (aux) salariés cadres ou non cadres dont le contrat de travail prévoit que l'activité s'exerce principalement hors des locaux de l'entreprise et qu'elle implique une réelle autonomie dans l'emploi du temps ».
Il est constant en l'espèce que M. [F] exerce son activité de formateur dans l'un ou l'autre des établissements de l'entreprise qui constituent des locaux de l'entreprise au sens des dispositions sus-visées, de sorte que les articles 27 et 28 de la convention collective ne s'appliquent pas à M. [F].
L'article 15 de la convention collective prévoit en revanche pour les salariés non itinérants, dont fait partie M. [F], des contreparties (financières ou en repos) en cas de déplacements professionnels inhabituels.
L'ensemble des établissements de la SA CERFC Llerena, prévus par le contrat de travail, doivent être considérés comme des établissements habituels de travail de M. [F] de sorte que celui-ci ne peut bénéficier de contreparties au titre des trajets entre son domicile et ces établissements.
En l'absence de disposition spécifique prévue à la convention collective pour les déplacements habituels du salarié entre son domicile et son lieu de travail, les dispositions du code du travail, et notamment de l'article L 3121-4, s'appliquent en l'espèce.
Cet article prévoit :
« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.
Toutefois s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire ».
Ainsi le temps de déplacement de M. [F] entre son domicile et l'établissement de la SA CERFC Llerena ne peut pas être retenu comme temps de travail effectif et n'entre pas dans le décompte de la durée du travail pour l'application de la législation sur les heures supplémentaires.
M. [F] sera dès lors débouté de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
M. [F] ne maintenant pas en appel sa demande de contrepartie, il n'y a pas lieu à statuer sur ce point, étant constaté par ailleurs que la SA CERFC Llerena lui verse une prime de mobilité de 75 € brut par mois.
Subsidiairement, M. [F] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser 4 270,58 € net au titre du remboursement des frais de déplacement.
La SA CERFC Llerena s'oppose à cette demande, expliquant que M. [F] ne fournit aucun justificatif des frais dont il demande le remboursement, et ajoutant que le salarié n'a jamais sollicité ces remboursements pendant le temps de l'exécution du contrat de travail où il avait la possibilité de le faire, ni demandé en outre des avances sur frais.
A l'appui de cette prétention, M. [F] produit un décompte des repas et nuitées dont il demande le paiement, couvrant la période allant du 20 avril au 15 octobre 2015.
Aucun justificatif n'est cependant versé aux débats (factures), de sorte que la demande formée par M. [F] à ce titre n'est pas justifiée et doit être rejetée, la décision des premiers juges étant confirmée sur ce chef de prétention.
Sur les deux avertissements des 9 novembre et 8 décembre 2015
Selon l'article L 1333-1 du code du travail, en cas de litige en matière de sanction disciplinaire, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L 1333-2 prévoit en outre que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
- Sur l'avertissement du 9 novembre 2015
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 9 novembre 2015, la SA CERFC Llerena a adressé un avertissement à M. [F] pour ne pas avoir respecté l'itinéraire pédagogique lors d'une formation qui s'est déroulée du 13 au 16 octobre 2015 dont il était le formateur référent.
Il est reproché à M. [F] d'avoir dispensé des cours théoriques (écoute pédagogique) et non pratiques, qui ont eu pour conséquence un taux d'échec important des cinq stagiaires à l'examen du CACES, provoquant un fort mécontentement des stagiaires et des entreprises qui avaient confié les stagiaires à la formation.
Il résulte des éléments versés aux débats et il n'est pas contesté par la SA CERFC Llerena, que M. [F] n'est resté que trois jours sur cette formation, du 12 au 14 octobre 2015, et qu'un autre formateur a pris sa place suite à son départ pour une autre formation.
Par ailleurs, la seule pièce montrant le mécontentement d'un stagiaire ou d'une entreprise est le courriel établi par M. [X], stagiaire, qui se plaint de n'avoir fait « aucune préparation à la théorie, aucun test, aucun exercice par faute de fourniture (ce que disait le formateur) », tout en indiquant également d'autres facteurs de mécontentements (formateurs qui se succèdent sans avoir la même pédagogie ; formateurs dépassés par le manque de moyens et le nombre de stagiaires).
M. [X] précise également dans le début de son message avoir fait tout de suite de la pratique le 1er jour du stage, de sorte que l'absence de pratique reprochée à M. [F] n'est pas établie, et tout manquement à l'itinéraire pédagogique ne peut être légitimement reproché à M. [F], le contenu de cet itinéraire pédagogique n'étant pas justifié par ailleurs par l'employeur.
Il convient dès lors de prononcer la nullité de cet avertissement qui n'est pas justifié.
- Sur l'avertissement du 8 décembre 2015
Par lettre recommandée datée du 8 décembre 2015, la SA CERFC Llerena a délivré un nouvel avertissement à M. [F] pour avoir utilisé son véhicule professionnel les 12 et 13 novembre 2015 alors qu'il se trouvait en arrêt maladie.
La SA CERFC Llerena estime que M. [F] a fait usage de son véhicule professionnel à des fins personnelles compte tenu du fait que le contrat de travail était suspendu à cette période du fait de l'arrêt maladie. Elle reproche également à M. [F] de s'être rendu sur l'établissement d'Ennery à son insu pendant cet arrêt maladie, ainsi de ne pas avoir restitué le véhicule alors que l'arrêt maladie a duré plus de trois jours.
Il résulte des éléments versés aux débats que M. [F] s'est trouvé en arrêt maladie entre le 27 octobre et le 15 novembre 2015.
Si la suspension du contrat de travail en raison d'un arrêt maladie n'oblige pas le salarié à restituer son véhicule professionnel, il ne lui est pas permis en revanche d'utiliser ce véhicule et il n'a pas non plus à venir sur son lieu de travail pour rencontrer des stagiaires ou autres collègues.
En agissant ainsi, M. [F] a manqué à ses obligations résultant du contrat de travail et l'avertissement délivré constitue une sanction proportionnée à ce manquement.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a estimé justifié cet avertissement dont l'annulation ne sera pas prononcée.
- Sur les dommages et intérêts
M. [F] sollicite le versement de la somme de 5 000,00 € en réparation des deux avertissements infondés qu'il s'est vu notifier par l'employeur.
Il démontre avoir contesté ces avertissements par courrier du 24 mars 2016 auquel l'employeur a répondu par lettre du 30 mars 2016 en maintenant sa position antérieure.
Compte tenu du fait qu'un seul des avertissements est infondé, il convient de fixer à 500,00 € le montant du préjudice subi par M. [F] du fait de la délivrance d'une sanction injustifiée qui porte atteinte à sa réputation professionnelle.
Le jugement entrepris, qui a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, sera infirmé et la SA CERFC Llerena sera tenue de verser cette somme à M. [F].
Sur les dommages et intérêts pour non respect des dispositions du décret du 24 avril 2014 relatif à la surveillance médicale des travailleurs éloignés
M. [F] reproche à la SA CERFC Llerena d'avoir manqué à son obligation de surveillance individuelle médicale des salariés, en ne lui proposant pas de se voir examiné par le médecin du travail à son domicile, alors qu'il se trouvait en incapacité de se déplacer et éloigné de son lieu de travail.
Selon l'article D 4625-25 du code du travail issu du décret n°2024-423 du 24 avril 2014, l'employeur peut adhérer à un ou plusieurs services de santé au travail de proximité situés dans le département où travaillent, à titre principal, ses travailleurs éloignés.
En l'espèce, M. [F] s'est trouvé en arrêt maladie du 27 octobre au 15 novembre 2015 puis à compter du 16 décembre 2015, arrêt renouvelé au-delà du 4 février 2016 et jusqu'au 4 octobre 2017, de sorte qu'en février 2016, l'employeur n'avait aucune obligation de demander une visite médicale de reprise pour M. [F], en application de R 4624-31 du code du travail, compte tenu de l'absence d'interruption de son arrêt maladie.
Cependant, suite à des échanges avec M. [F] le 6 novembre 2015 sur l'impact de son lieu de travail sur sa santé, l'employeur organisait lors de ce premier arrêt maladie une visite de pré-reprise et contactait le médecin du travail pour l'informer de la situation de M. [F].
Celui-ci ne se rendait pas à la visite organisée le 30 novembre 2015, indiquant par courriel être dans l'incapacité de se déplacer.
L'employeur tentait ensuite en mars 2016 de contacter un service de santé plus proche du domicile de M. [F] pour lui permettre de ne pas faire le déplacement jusqu'en Alsace, lieu d'exercice du service de santé dont la SA CERFC Llerena dépend (Eckbolsheim -67).
L'organisme notifiait son refus à la SA CERFC Llerena par courrier du 17 mars 2016 précisant qu'elle n'avait pas de temps médical disponible et rappelant à l'employeur qu'il pouvait organiser le déplacement de ses salariés ou du médecin du travail en vue de la réalisation de la surveillance médicale individuelle.
La SA CERFC Llerena proposait alors en janvier et en mai 2016 à M. [F] de se déplacer en train et en tram mais celui-ci refusait cette organisation pour des raisons de santé ne lui permettant pas de se déplacer.
La SA CERFC Llerena contactait enfin le médecin du travail pour organiser le déplacement de celui-ci auprès de M. [F] mais se heurtait également au refus du médecin qui précisait dans un mail du 17 mai 2016 qu'il ne se déplacerait pas au domicile de M. [F] pendant son arrêt maladie, l'ayant eu au téléphone récemment, M. [F] ne lui ayant formulé aucune demande de visite. Le médecin suggérait à l'employeur d'attendre que le salarié annonce sa reprise du travail pour organiser une visite.
En entamant des démarches, y compris pour permettre à M. [F] de rencontrer le médecin du travail à son domicile, alors qu'il n'y était pas légalement contraint, l'employeur ne peut se voir reprocher l'absence effective de visite médicale du médecin du travail au domicile du salarié qui ne justifie par ailleurs d'aucune demande auprès du médecin du travail.
Dès lors, aucun manquement ne peut être reproché à la SA CERFC Llerena sur ce point, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur
M. [F] forme cette demande sans préciser ni justifier dans ses dernières conclusions à quoi se rapporte l'exécution déloyale qu'elle invoque, ni justifier d'un manquement distinct de ceux précédemment allégués au titre des autres prétentions.
La demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sera donc rejetée comme n'étant pas justifiée, le jugement devant être confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts
La SA CERFC Llerena sollicite 5 000,00 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la diffamation, de l'intimidation et de l'atteinte à sa réputation dont elle a fait l'objet.
M. [F] soulève l'irrecevabilité de cette demande sans lien avec le litige et formée pour la première fois en cause d'appel, et subsidiairement indique que le préjudice invoqué par la SA CERFC Llerena est totalement inexistant.
Selon l'article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel, et ce à condition qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, en application de l'article 70 du même code.
La demande indemnitaire formée par la SA CERFC Llerena est relative au comportement que le salarié a adopté à son encontre à l'occasion de la procédure prud'homale, matérialisé par l'envoi de différents messages électroniques en rapport avec cette procédure.
Cette demande faisant apparaître un lien suffisant avec les demandes formées par M. [F] au titre des manquements par l'employeur à l'exécution de ses obligations résultant du contrat de travail, il convient de la déclarer recevable.
La SA CERFC Llerena indique que par ses nombreux courriers et courriels, M. [D] [F] a voulu se venger et lui nuire, notamment en adressant des lettres diffamatoires à ses principaux clients.
Cependant la SA CERFC Llerena ne démontre pas l'existence des courriers adressés à ses clients, ni le fait qu'elle a eu des retours de ces derniers l'obligeant à s'expliquer, l'audition de la directrice suite à la plainte de la société ne faisant que les mentionner.
L'examen des nombreux courriels adressés par M. [F] à la SA CERFC Llerena entre le 5 avril 2018 et le 15 janvier 2019 montre en revanche que M. [F] demandait des explications ou des informations sur les sanctions disciplinaires envisagées, mais reprochait également à la société, par l'intermédiaire de sa directrice, de ne pas respecter les lois, d'agir dans la parfaite illégalité, de ne pas être polie, d'être malhonnête, de mentir à la justice, la prévenant que cela lui coûterait cher, de l'avoir gravement maltraité, d'être un patron voyou, ou d'avoir spolié de nombreux stagiaires de leurs droits.
Si la menace d'exercice des voies de droit ne peut constituer une faute, elle dégénère en abus lorsqu'elle s'accompagne comme en l'espèce de propos oppressants ou insultants (voyous, malhonnête).
Compte tenu de la nature des propos tenus et de la fréquence des messages adressés à la société par M. [F], il convient de fixer le préjudice subi par la SA CERFC Llerena du fait de ces agissements à la somme de 500,00 € et de dire que M. [F] sera tenu au règlement de celle-ci à la SA CERFC Llerena.
Compte tenu des sommes réciproquement dues par les parties, il convient d'ordonner la compensation entre elles en application de l'article 1347 du code civil, de sorte qu'aucune partie ne sera condamnée au paiement, s'agissant de sommes égales dans leur montant.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties succombant partiellement à leurs prétentions, elles conserveront chacune les dépens d'appel qu'elles ont engagé dans la présente procédure.
L'équité commande de débouter la SA CERFC Llerena de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [D] [F] de ses demandes au titre des avertissements ;
Statuant à nouveau et dans cette limite :
Prononce l'annulation de l'avertissement du 9 novembre 2015 ;
Dit que la SA CERFC Llerena est tenue de verser à M. [D] [F] la somme de 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Déclare recevable la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par la SA CERFC Llerena ;
Dit que M. [D] [F] est tenu de verser 1 000,00 € à la SA CERFC Llerena à titre de dommages et intérêts ;
Dit que les deux créances se compensent entièrement de sorte qu'aucune des parties ne sera condamnée au paiement ;
Déboute la SA CERFC Llerena de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel.
La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée
La Conseillère