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01/06/2022 | FRANCE | N°20/01127

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 01 juin 2022, 20/01127


Arrêt n°22/00324



01 juin 2022

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N° RG 20/01127 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FJPB

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

08 juin 2020

F 19/00025

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Premier juin deux mille vingt deux





APPELANT :



M. [Y] [R]>
18 rue des Charrons

57200 SARREGUEMINES

Représenté par Me Thierry COUMES, avocat au barreau de SARREGUEMINES





INTIMÉE :



Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Moselle prise en la personne de son repré...

Arrêt n°22/00324

01 juin 2022

------------------------

N° RG 20/01127 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FJPB

----------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

08 juin 2020

F 19/00025

----------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Premier juin deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [Y] [R]

18 rue des Charrons

57200 SARREGUEMINES

Représenté par Me Thierry COUMES, avocat au barreau de SARREGUEMINES

INTIMÉE :

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Moselle prise en la personne de son représentant légal

18/22 rue Haute-Seille

57000 METZ

Représentée par Me Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Laurent BESSE, avocat au barreau de BESANCON, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT :Madame Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

ASSESSEURS :Madame Anne FABERT, Conseiller

Madame Laetitia WELTER, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame Catherine MALHERBE

DATE DES DÉBATS : En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 février 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère et Mme Laëtitia WELTER, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour pour l'arrêt être rendu le 23 mai 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé pour l'arrêt être rendu le 1er juin 2022.

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Laëtitia WELTER, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [Y] [R] a été engagé par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Sarreguemines, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 1980, en qualité d'employé à la tenue et l'exploitation des fichiers, Niveau 2, Coef'cient 110.

Il a exercé des fonctions syndicales dès 1983, dont notamment les fonctions de secrétaire délégué syndical CFDT, délégué du personnel, et conseiller prud'homme, et ce jusqu'au mois de décembre 2017. Jusqu'en 2016, il bénéficiait d'une autorisation de détachement à temps plein pour ses fonctions syndicales.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale.

Depuis le 1er janvier 2010, la CPAM de Sarreguemines a été intégrée dans la CPAM de la Moselle.

Par acte introductif enregistré au greffe le 31 janvier 2019, M. [R] a saisi le Conseil de prud'hommes de Forbach aux fins de voir :

- condamner la CPAM de la Moselle à lui payer les sommes suivantes :

* 5.000 € net à titre de perte de chance du fait de l'absence d'entretien annuel d'évaluation sur la période 2004 à 2019,

* 50.346,65 € à titre de rappel de salaire 2004 à 2019,

* 5.034,65 € à titre de congés payés sur les rappels de salaire pour la période 2004 à 2019,

* 2.000 € net à titre de résistance abusive de l'employeur de régulariser les salaires,

* 10.000 € net à titre de non-respect de l'accord sur l'exercice du droit syndical,

* 10.000 € net à titre de dommages et intérêts sur la récidive de discrimination syndicale et salariale pour la période de 2014 à 2019,

* 20.000 € net à titre de dommages et intérêts sur le harcèlement moral et l'entrave aux fonctions de conseiller prudhommal,

- prononcer la résolution judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et le condamner au paiement d'une somme de 37.087,83 € brut,

- déclarer le jugement commun à la M.N.C.,

- débouter la défenderesse de l'ensemble de ses prétentions et la condamner au paiement d'une somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- réserver les droits du salarié pour engager une éventuelle procédure pénale s'agissant de la discrimination syndicale, salariale et de harcèlement moral.

M. [R] a pris sa retraite à effet au 01 janvier 2020.

Par jugement du 08 juin 2020, le Conseil de prud'hommes de Forbach, section activités diverses, a :

- Dit que la demande de M. [R] est recevable mais mal fondée,

- Débouté M. [R] de l'ensemble de ses prétentions

- Condamné M. [R] à payer à la CPAM de la Moselle la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [R] aux entiers frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 09 juillet 2020 et enregistrée au greffe le jour même, M. [R] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions enregistrées au greffe via RPVA le 25 février 2021, M. [R] demande à la Cour de :

- Recevoir son appel,

- Débouter la CPAM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la CPAM à lui verser la somme de 5.000 € pour perte de chance,

Statuant à nouveau :

- Condamner la CPAM à lui payer la somme de 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour indemniser sa perte de chance du fait d'absence d'entretien annuel d'évaluation, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- Faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Infirmer le Jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la CPAM à lui verser la somme de 50.346,66 € à titre de rappel de salaire, outre celle de 5.034,67 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

Statuant à nouveau :

- Condamner la CPAM à lui payer la somme de 50.346,66 € à titre de rappel de salaire, outre celle de 5.034,67 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes,

- Faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

- Infirmer le Jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la CPAM à lui verser la somme de 10.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour récidive de discrimination syndicale,

Statuant à nouveau :

- Condamner la CPAM à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- Faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Infirmer le Jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la CPAM à lui verser la somme de 10.000,00 € pour non-respect de l'accord sur exercice du droit syndical,

Statuant à nouveau :

- Condamner la CPAM à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour indemniser sa perte de chance imputable au non-respect des dispositions du Protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

La Cour fera application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Infirmer le Jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à la CPAM la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles.

Statuant à nouveau :

- Débouter la CPAM de sa demande en paiement de ses frais irrépétibles de première instance.

- Confirmer le Jugement déféré pour le surplus.

Y ajoutant :

- Condamner la CPAM à lui payer la somme de 2.500,00 € au titre des frais irrépétibles.

- Condamner la CPAM aux entiers frais et dépens.

Par ses dernières conclusions datées du 06 avril 2021, la CPAM demande à la Cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu en date du 8 juin 2020 par la section Activités Diverses du Conseil de Prud'hommes de Forbach ;

- Dire et juger que M. [R] n'a subi aucune perte de chance du fait de l'absence d'entretien annuel d'évaluation ;

- Dire et juger que M. [R] n'a subi aucune discrimination syndicale et salariale de la part de la CPAM de la MOSELLE à partir du mois de janvier 2004 ;

- Dire et juger que M. [R] n'a pas été victime de récidive de discrimination syndicale de la part de la CPAM de la MOSELLE ;

- Dire et juger que la CPAM de la MOSELLE a parfaitement respecté les dispositions du Protocole d'Accord sur l'exercice du droit syndical vis-à-vis de M. [R] ;

- Débouter purement et simplement M. [R] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la CPAM de la MOSELLE ;

- Condamner M. [R] à verser la somme de 2.500 € à la CPAM de la MOSELLE au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [R] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 septembre 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

A titre liminaire, il est relevé que M. [R] s'est désisté à hauteur de Cour de ses demandes relatives à la résistance abusive au titre de la régularisation des salaires, au harcèlement moral et à l'entrave aux fonctions de conseiller prud'homal ainsi qu'à la résolution judiciaire du contrat de travail.

Par conséquent, demeurent en litige devant la Cour les demandes de M. [R] portant sur la perte de chance du fait d'absence d'entretien annuel d'évaluation, le rappel de salaires et indemnité compensatrice de congés payés, la discrimination syndicale et enfin le non respect de l'accord sur l'exercice du droit syndical, qu'il convient d'examiner successivement.

Sur la perte de chance du fait d'absence d'entretien annuel d'évaluation

M. [R] fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande d'indemnisation à hauteur de 5.000,00 € au titre d'une perte de chance du fait de l'absence de tenue d'entretien annuel d'évaluation.

Il résulte du protocole d'accord relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois en date du 30 novembre 2004, dans son article 7 relatif à l'entretien annuel d'évaluation et d'accompagnement que « chaque salarié bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique. Cet entretien a pour finalité, à partir du référentiel de compétences de l'emploi occupé, d'échanger et de faire le point sur les attentes en termes professionnels du salarié et de son responsable hiérarchique. »

A compter de son entrée en vigueur, le protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical du 1er février 2008 que les deux parties invoquent au soutien de leurs demandes, prévoit dans son article 14.3 Évolution de carrière : « Le salarié mandaté dont le temps de travail est inférieur à un mi-temps, bénéficie tous les 3 ans, au cours d'un entretien, d'un examen approfondi de son évolution de carrière, notamment en termes de niveau de qualification. Un premier entretien a lieu dans le courant de l'année d'entrée en vigueur du présent accord pour les mandatés répondant aux conditions posées par l'alinéa précédent ».

Cette dérogation au principe de l'entretien annuel, instaurée par le protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical précité, rappelait ainsi que le détachement professionnel à temps plein du salarié ne faisait pas perdre à la CPAM sa qualité d'employeur et n'impliquait pas qu'elle ne soit plus tenue, envers son salarié, à aucune obligation en matière d'évaluation des compétences.

Dès lors, la CPAM de Moselle devait organiser des entretiens d'évaluation avec son salarié dans le cadre à tout le moins triennal fixé par l'article 14.3 du protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical précité, ce qu'elle ne conteste pas ne pas avoir fait.

Toutefois, il incombe à M. [R] qui sollicite l'octroi de dommages et intérêts à ce titre de démontrer qu'il a subi un préjudice de ce fait, ce préjudice ne résultant d'aucune présomption contrairement à ce que soutient l'appelant.

Or, si ce dernier expose qu'il a subi une perte de chance de voir sa situation professionnelle évoluer et donc s'améliorer, tout comme il a subi une perte de chance de voir sa reprise d'activité facilitée au terme de son détachement, il ne fournit aucun élément précis pour justifier de l'existence de ce préjudice.

Il est ainsi relevé que M. [R] est demeuré en détachement à temps plein hors de la CPAM jusqu'au 1er juillet 2016, et qu'il n'indique pas comment les compétences qu'il a pu acquérir dans l'exercice de ses mandats auraient pu faire « évoluer » et « s'améliorer » sa situation professionnelle. Il est également relevé que M. [R] a bénéficié de l'attribution automatique de points de compétence lui permettant d'évoluer malgré l'absence d'activité professionnelle effective au sein de la CPAM et qu'il n'expose pas davantage les difficultés qu'il aurait rencontrées à son retour de détachement et qui seraient liées à l'absence d'évaluation professionnelle annuelle.

Enfin, M. [R] est parti à la retraite peu de temps après son retour de détachement à temps plein, de sorte que la perte de chance d'évolution dans ses fonctions, qui ont rapidement pris fin, est encore moins établie.

Aucun préjudice n'étant démontré par le salarié, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de dommages et intérêts.

Sur la discrimination syndicale

Sur l'existence d'une discrimination syndicale

M. [R] soutient qu'il a subi une discrimination syndicale persistante entre 2004 et son départ à la retraite. Il invoque une exclusion des évaluations et entretiens annuels qui lui auraient permis de voir sa carrière évoluer, une stagnation au niveau 3 depuis 1996 et jusqu'à son départ en retraite, ainsi qu'une évolution limitée de son coefficient (120 points en 38 ans). M. [R] en déduit que, malgré une première condamnation de l'employeur sur ce fondement en 2003, il subit une récidive de discrimination syndicale.

La CPAM de la Moselle conteste cette demande, faisant valoir qu'elle a procédé à la régularisation de la carrière de M. [R] en accord avec le jugement du Conseil de Prud'homme de Briey du 12 décembre 2003 puis régulièrement chaque année, ayant attribué des points de compétence à M. [R].

A titre préalable il sera relevé que le jugement dont appel n'a pas déclaré irrecevable la demande de M. [R] pour prescription et l'intimée n'a pas soulevé une telle fin de non-recevoir dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que les développements de M. [R] sur ce point ne sont pas pertinents et n'appellent pas de réponse de la Cour.

Ensuite, il est rappelé qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

L'article L. 2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En premier lieu, M. [R] fait valoir qu'il n'a pas eu d'entretiens et évaluations annuelles, ce qui laisse supposer une discrimination syndicale.

Toutefois, il ressort de l'article 14.3 du protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical précité que, pour les salariés bénéficiant d'un détachement à temps plein, un cadre triennal d'évaluation est mis en place.

Il ressort en outre du courrier de M. [R] du 13 juillet 2016 que celui-ci a bénéficié d'un entretien en 2010, puis qu'un entretien était prévu à la fin de l'année 2012. La tenue, ou l'absence, de cet entretien n'est pas clarifiée par les parties.

Au demeurant, l'absence d'entretiens triennaux n'a pas été accompagnée d'une absence d'évolution automatique comme prévu par le protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical, de sorte que cet élément n'est pas en lui seul suffisant pour laisser supposer une discrimination syndicale.

S'agissant ensuite des éléments invoqués par M. [R] quant à l'évolution de sa carrière et rémunération, il ressort des pièces versées aux débats que, afin de tenir compte des conclusions résultant du jugement du 12 décembre 2003 par lequel le Conseil de Prud'hommes de Briey avait retenu l'existence d'une discrimination syndicale dans l'évolution de carrière de M. [R], la CPAM a reconstitué la carrière de M. [R] en lui attribuant spontanément, le 14 septembre 2004, des degrés de compétence rétroactivement et dans les conditions suivantes :

Degré 2 au Niveau 3 à effet du 1er mai 2000 ;

Degré 3 au Niveau 3 à effet du 1er mai 2002 ;

Degré 4 au Niveau 3 à effet du 1er janvier 2004.

La CPAM de Moselle justifie également avoir alors versé à M. [R] une somme de 3.000,00 € à titre de rappel de salaire pour cette reconstitution de carrière rétroactive.

Si M. [R] conteste cette décision en faisant notamment valoir qu'elle n'a pas été basée sur sa valeur effective et que la discrimination perdurait, invoquant au soutien de ce moyen le courrier de l'UCANSS à la CPAM de Sarreguemines du 29 juin 2004, force est de constater à la lecture de ce courrier que l'UNCASS a indiqué à la CPAM que les propositions faites pour la reconstitution de carrière de M. [R] lui paraissaient « équitables, compte tenu des éléments de comparaison [retenus] », l'UNCASS précisant que « En particulier, la demande présentée par le représentant régional de la CFDT tendant au reclassement de l'agent au niveau 4 ne paraît pas fondée compte tenu des parcours professionnels qu'ont connus les autres salariés de la caisse ayant la même ancienneté. En effet, il apparaît au regard des pièces [communiquées] que parmi les 9 salariés embauchés en 1979 ou 1980 qui sont dans une situation de travail comparable à celle du requérant, aucun n'a fait l'objet d'une promotion au niveau 4, les différences de salaire tenant exclusivement à l'attribution des degrés 3 et 4. Par conséquent, l'agent ne saurait exiger, sous couvert de non discrimination syndicale, un parcours professionnel plus important que celui de ses collègues. »

Il ressort de ce qui précède que M. [R] ne présente pas d'élément de fait laissant supposer qu'il subissait encore une discrimination syndicale, en 2004, en dépit des mesures prises par la CPAM.

S'agissant de la période postérieure à 2004, M. [R] fait valoir que l'application de l'article 14.1 du protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical précité, en ce qu'il ne prévoit au profit des salariés mandatés qu'une évolution minimale de leur rémunération, ne permet pas de prendre en considération les acquis résultant de son activité syndicale et donc sa valeur effective.

Toutefois, ce protocole d'accord, issu de négociations entre l'employeur et les syndicats, prévoit pour des situations différentes, basées sur le temps de travail effectif des salariés mandatés, des modes d'évolution différents qui se justifient objectivement par l'impossibilité, pour l'employeur, non seulement d'évaluer l'activité du salarié à son poste en l'absence d'activité professionnelle effective, mais également de porter une appréciation sur les activités syndicales du salarié mandaté.

Il ne peut donc être reproché à la CPAM de la Moselle d'avoir fait une application de ce protocole d'accord qui s'impose à l'employeur et aux salariés.

M. [R] présente également sa fiche de paye de décembre 2017 indiquant les éléments de carrière suivants : « Emploi : technicien prestation spécialisé

Catégorie : Employé ou cadre

Niveau 03S

Coefficient 215 points au 01/05/12

Pts Expérience 50 points au 01/01/10

Pts Compétence 65 points au 01/01/16 ».

Il fait valoir qu'ayant stagné dans son évolution de carrière, demeurant au même coefficient depuis 2012, il a fait l'objet d'une discrimination syndicale.

A cet égard, et en application de l'article 14.1 du protocole précité, la CPAM de la Moselle justifie avoir accordé à M. [R] chaque année à compter de 2011 et jusqu'à la fin de son détachement en 2016, des points de compétence à hauteur de 2 ou 3 par an selon les années.

S'il n'est pas justifié de l'application de ce protocole entre 2004 et 2011, la CPAM de la Moselle fournit toutefois un tableau de comparatif de carrière, établi en 2016, regroupant les 25 agents, dont M. [R], embauchés à la même date. Sur les 24 autres salariés, 4 exercent des fonctions d'encadrement et 20 ont des fonctions analogues à celles de M. [R].

En incluant M. [R], sur ces 21 salariés aux fonctions analogues, 10 étaient au niveau 4 et 11 au niveau 3. Ils bénéficiaient en 2016, date du tableau, d'une classification allant du coefficient 292 au coefficient 362, la classification moyenne étant au coefficient 334, étant au demeurant relevé que 3 agents avaient été embauchés à un coefficient plus élevé que celui de M. [R] et 3 à un coefficient moindre.

Parmi l'ensemble de ces salariés, une seule salariée exerçait au sein du même service que M. [R], laquelle bénéficiait d'une classification au coefficient total 328 soit inférieure à celui de M. [R] (330).

L'évolution du salarié sur sa carrière, à savoir 120 points en 38 ans, n'est donc pas différente de celles de ses collègues qui n'étaient pas détachés à temps plein et ne laisse pas supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. [R].

Enfin, s'agissant de la rémunération du salarié, il ressort de la lecture de ce tableau que parmi les 20 salariés exerçant des fonctions analogues à celles de M. [R], 10 avaient une rémunération supérieure à la sienne et 10 autres une rémunération inférieure. Au sein du niveau 3, la rémunération de 90% des collègues de M. [R] était inférieure à sa rémunération.

L'évolution de carrière du salarié était ainsi effectivement comparable à celle des salariés placés dans une situation identique objective.

Dès lors, l'existence d'une inégalité de traitement de M. [R], et a fortiori d'une discrimination syndicale, n'est pas établie.

Sur le rappel de salaires et indemnité compensatrice de congés payés

La discrimination syndicale n'étant pas caractérisée, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de rappel de salaires et indemnité compensatrice de congés payés formée en conséquence par M. [R].

Sur le non respect de l'accord sur l'exercice du droit syndical

M. [R] sollicite l'allocation d'une somme de 10 000,00 € à titre de dommages et intérêts en raison du non-respect, par la CPAM de Moselle, de l'accord sur l'exercice du droit syndical. Le salarié fait valoir qu'il a de ce fait subi une perte de chance de connaître une évolution de carrière.

Les prévisions de l'accord sur l'exercice du droit syndical dont M. [R] se prévaut sont les suivantes :

« Article 15.2. Entretien d'aide à l'orientation

A la demande du salarié mandaté, un entretien d'aide à l'orientation de carrière peut être organisé avec le responsable des ressources humaines de l'organisme.

L'entretien a pour objet de dresser un état de la situation professionnelle du salarié, de faire le bilan des compétences acquises dans le cadre de son mandat, et de définir ses possibilités d'évolution professionnelle.

Cet entretien peut déboucher sur une formation adaptée au salarié au regard de son poste de travail, et/ou sur un bilan de compétences permettant une réorientation de carrière.

(...)

Article 15.4. Valorisation de l'expérience syndicale

Lors de la reprise d'activité du salarié mandaté, et à sa demande, les organismes prennent toutes mesures d'accompagnement utiles permettant de valoriser les compétences et connaissances qui résultent de l'expérience acquise dans le cadre de l'exercice d'un mandat syndical.

Cet accompagnement passe notamment par :

- l'aide à la constitution de dossiers dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience ;

- l'aide et l'aménagement du temps de travail pour le salarié qui s'engage dans une formation diplômante. »

M. [R] soutient qu'il a sollicité le bénéfice de cet article à la reprise de son activité professionnelle par courrier du 13 juillet 2016.

Par ce courrier, M. [R] a effectivement indiqué qu'il souhaitait s'« engager dans l'ensemble du dispositif de l'article 15 du protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical », tout en indiquant qu'il sollicitait un entretien portant plus largement sur sa situation et « une discussion sur l'ensemble des problèmes évoqués ».

Suite à ce courrier, un entretien a été tenu le 25 octobre 2016, lors duquel M. [R] n'a pas abordé une quelconque demande d'aide à l'orientation de carrière ni, plus largement, une demande d'accompagnement dans la reprise de ses fonctions, ainsi qu'il ressort de l'attestation de M.[M] qui l'assistait lors de ce rendez-vous.

En outre, il ressort des stipulations de l'article 15.4 précité que l'accompagnement passe notamment par l'aide à la constitution de dossiers dans le cadre d'une VAE, ou lorsque le salarié s'engage dans une formation diplômante, ce que M. [R] n'a pas fait.

Ce dernier ne démontre pas davantage de quelles autres mesures d'accompagnement il aurait eu besoin, le courrier du 13 juillet 2016 dont il se prévaut envers son employeur ne comportant aucune demande précise quant à une « mesure d'accompagnement utile » ni aucune précision quant à un souhait de valoriser ses acquis ou encore un quelconque besoin d'accompagnement pour s'engager dans une formation diplômante, ni encore pour orienter sa carrière.

Il n'apporte aucun élément sur ce point et ne décrit pas les évolutions de carrière qu'il aurait souhaité ou pu connaître, étant au demeurant rappelé qu'il a ensuite sollicité le bénéfice de l'admission anticipée à la retraite 2 ans après.

M. [R] ne peut donc prétendre à l'existence d'aucun préjudice qui résulterait de l'absence de mise en 'uvre d'une mesure d'accompagnement qu'il n'a ni définie, ni sollicitée effectivement.

Enfin, le salarié invoque également plus largement le bénéfice des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail, qui prévoient que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Le même article dispose que l'employeur peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret et que les actions de formation mises en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.

S'il n'est effectivement pas justifié par la CPAM de la Moselle de l'exécution de son obligation de formation du salarié, force est de constater qu'aucun préjudice n'est là encore démontré par M. [R] dès lors qu'il a, en l'espèce, été détaché à temps plein jusqu'en 2016, et, lors de son retour, a été réintégré dans son emploi.

En outre, aucune difficulté d'adaptation de M. [R] à son poste de travail à son retour de détachement ne ressort des éléments versés aux débats et sa capacité à occuper un emploi n'a pas été remise en question, ce d'autant qu'il a fait valoir dès 2018 une demande de départ à la retraite anticipé.

Par ailleurs, les dispositions précitées relatives aux formations qui participent au développement des compétences prévoient que « l'employeur peut » proposer de telles formations et non qu'il le doit.

Dès lors, le salarié se contentant d'affirmer, à nouveau, qu'il a été privé d'une possibilité de voir sa carrière évoluer, sans plus de précision et eu égard aux circonstances particulières d'emploi de ce dernier rappelée ci-dessus, l'existence d'un préjudice en relation directe causale avec le manquement invoqué n'est pas prouvée.

La demande de dommages et intérêts présentée par M. [R] sur ces fondements doit par conséquent être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

M. [R] qui succombe devant la Cour sera condamné aux dépens d'appel et à payer à la CPAM de la Moselle la somme de 1 000,00 € au titre des frais irrépétibles, la demande de M. [R] présentée sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [R] aux dépens ;

Condamne M. [Y] [R] à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Moselle la somme de 1 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/01127
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;20.01127 ?
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