La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2022 | FRANCE | N°20/02213

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 23 mai 2022, 20/02213


Arrêt n° 22/00211



23 Mai 2022

---------------

N° RG 20/02213 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FMKQ

------------------

Pole social du TJ de METZ - POLE SOCIAL

06 Novembre 2020

18/01774

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



vingt trois Mai deux mille vingt deux







APPELANT :



L'ETAT représenté par l'Agence

Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

[Adresse 6]

ayant siège social

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Cathy NOLL, avocat au barrea...

Arrêt n° 22/00211

23 Mai 2022

---------------

N° RG 20/02213 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FMKQ

------------------

Pole social du TJ de METZ - POLE SOCIAL

06 Novembre 2020

18/01774

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt trois Mai deux mille vingt deux

APPELANT :

L'ETAT représenté par l'Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

[Adresse 6]

ayant siège social

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMÉE :

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Mme [R], munie d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sophie RECHT, Vice-Présidente placée, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Sophie RECHT, Vice-Présidente placée

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 03.05.2022

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [C] [V], né le 31 décembre 1948, a été employé par les [5], devenues [3], à différents postes, du 17 avril 1972 au 30 juin 2003.

Par une demande du 3 février 2017, Monsieur [V] a saisi la Caisse Autonome Nationale de la sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM), d'une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau 30B, accompagnée d'un certificat médical du Docteur [D] [N], pneumologue, du 21 novembre 2016, faisant état d'atteinte pleurale bénigne et plaques pleurales.

La caisse a procédé à l'instruction du dossier, interrogeant l'assuré et l'employeur.

Le 13 juin 2017, le médecin conseil a confirmé le diagnostic de plaques pleurales, fixant la date de première constatation médicale au 27 juin 2016, date du scanner et le 27 juin 2017, le colloque médico-administratif de la caisse s'est orienté vers un accord de prise en charge.

Le 4 juillet 2017, les services de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est ont transmis leur avis à la Caisse.

Par courrier du 7 août 2017, la Caisse a notifié à l'ANGDM la fin de l'instruction du dossier, l'invitant à venir en consulter les pièces constitutives.

Par décision du 28 août 2017, la Caisse a pris en charge la pathologie « plaques pleurales » de Monsieur [V] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 3 octobre 2017, l'ANGDM a contesté la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [V] devant la commission de recours amiable de la Caisse.

Par décision du 28 juin 2018, le conseil d'administration de la Caisse sur renvoi de la commission de recours amiable a rejeté la réclamation et confirmé l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle à l'employeur.

Par lettre recommandée avec avis de réception envoyée le 5 novembre 2018, l'ANGDM a saisi le pôle social du Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de la Moselle, afin de contester cette décision de rejet.

La Caisse primaire d'assurance maladie de Moselle (CPAM de Moselle) est intervenue pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM).

Par jugement du 6 novembre 2020, le pôle social du Tribunal judiciaire de METZ (nouvellement compétent) a :

- déclaré l'Etat, représenté par l'ANGDM, recevable en son recours,

- déclaré opposable à l'Etat, représenté par l'ANGDM, la décision de prise en charge rendue le 28 août 2017 par l'assurance maladie des mines, portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie du 21 novembre 2016 déclarée par Monsieur [C] [V] au titre du tableau 30B,

- condamné l'Etat, représenté par l'ANGDM, aux entiers frais et dépens.

Le 23 novembre 2020, le jugement a été notifié à l'Etat représenté par l'ANGDM, lequel en a interjeté appel par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 décembre 2020.

Par conclusions datées du 10 janvier 2022, déposées au greffe le 12 janvier 2022 et soutenues oralement à l'audience du 7 mars 2022 par son conseil, l'Etat représenté par l'ANGDM, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de METZ du 6 novembre 2020,

Statuant à nouveau,

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge du 28 août 2017, notamment en ce que l'exposition, et donc le caractère professionnel de la maladie, ne sont pas établis,

- enjoindre à l'assurance maladie des mines de saisir un CRRMP pour donner son avis sur la question de savoir s'il existe un lien direct entre la pathologie de Monsieur [V] et son activité professionnelle au sein des [5] et [3].

Aux termes de conclusions datées du 3 mars 2022, déposées et soutenues oralement à l'audience du 7 mars 2022 par son représentant, la Caisse primaire d'assurance maladie de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM, demande à la Cour de :

- déclarer mal fondé l'appel formé par l'ANGDM,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal judiciaire de METZ,

- condamner l'employeur aux entiers frais et dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.

SUR CE,

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE

L'ANGDM soutient que les conditions de fond du tableau n°30B ne sont pas remplies, en l'absence de preuve de l'exposition au risque et partant, elle prétend que la décision de prise en charge de la maladie lui est inopposable.

Elle relève que l'existence d'une maladie professionnelle inscrite à un tableau ne vaut pas en soi preuve de l'exposition au risque, pas plus que le seul constat des postes occupés et tâches exécutées; que le dossier d'instruction de la caisse ne contient aucun témoignage concernant les activités exercées par Monsieur [V] de nature à démontrer qu'il aurait été exposé de façon habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, ni aucune preuve de la présence d'amiante dans les outils de travail utilisés.

Elle reproche à la Caisse de n'avoir pas sollicité l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), l'exposition n'étant pas établie, et d'être défaillante dans l'instruction des demandes d'anciens mineurs, au mépris des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

La Caisse fait valoir que l'exposition au risque est avérée compte tenu de l'environnement de travail et des tâches accomplies telles que décrites dans le questionnaire d'enquête par Monsieur [V] en cohésion avec les postes occupés selon le relevé de carrière, ainsi que le confirme l'avis de la DREAL, le questionnaire employeur n'étant pas de nature à détruire la présomption d'origine professionnelle de la maladie.

*******

Aux termes de l'article L 461-1 du Code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le tableau n° 30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection dont notamment des travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements ou dans des locaux contenant des matériaux à base d'amiante.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint Monsieur [C] [V] répond aux conditions médicales du tableau n° 30B. Seule est contestée l'exposition professionnelle de Monsieur [V] au risque d'inhalation de poussière d'amiante.

Il convient de rappeler que les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l'inhalation de poussières d'amiante.

Il est constant que Monsieur [C] [V] a travaillé pour le compte des HOUILLERES DU BASSIN DE LORRAINE, devenues [3], du 17 avril 1972 au 30 juin 2003, à différents postes au fond, à savoir en qualité d'apprenti ouvrier de métier (du 17 avril 1972 au 31 octobre 1972), d'abatteur-boiseur chantier d'abattage front. exploitation (du 1er novembre 1972 au 27 juillet 1973), de boiseur de renforcement (du 11 juillet 1977 au 30 juin 1980, du 1er mai 1982 au 31 octobre 1982), de déhouilleur petit stoss (du 1er juillet 1980 au 31 octobre 1980), d'installateur taille ou traçage et voies (du 1er novembre 1980 au 28 février 1981 et du 1er juin 1983 au 31 mai 1984), de piqueur travaux accidentels (du 1er mars 1981 au 30 juin 1981), de boiseur de renforcement (du 7 septembre 1981 au 31 octobre 1981 et du 1er octobre 1984 au 31 décembre 1984), de rabasseneur (du 1er novembre 1981 au 31 janvier 1982, du 1er janvier 1985 au 30 septembre 1985 et du 1er novembre 1990 au 30 novembre 1993), de préposé déblocage en voie (du 1er février 1982 au 30 avril 1982), de préparateur extrémité taille (du 1er novembre 1982 au 31 mai 1983), de ripeur soutènement marchant (du 1er juin 1984 au 30 septembre 1984), de poseur de rails (du 1er octobre 1985 au 31 octobre 1990 et du 1er décembre 1993 au 30 juin 1998), avant d'être placé en congé charbonnier de fin de carrière (du 1er juillet 1998 au 30 juin 2003).

Dans ses réponses au questionnaire que lui a adressé la Caisse au cours de l'instruction de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, Monsieur [C] [V] a décrit les activités habituelles susceptibles de l'avoir exposé au risque amiante, à savoir notamment, lors des activités de taille, de poseur de rails et de chargeur.

Il y précise l'utilisation habituelle de divers matériels tels que marteau piqueur, marteau perforateur, chargeuse'.

Le questionnaire employeur rempli le 16 mai 2017 par l'ANGDM, détaille les postes occupés par Monsieur [C] [V] au fond aux puits de [Localité 4], ainsi qu'aux puits [B] et à la HOUVE. Bien que l'ANGDM conteste l'exposition à l'amiante de Monsieur [V] dans les chantiers au fond, la description des postes qu'il a occupés correspond aux tâches décrites par ce dernier qu'elle ne vient pas contredire et elle confirme la diversité des matériels utilisés habituellement par Monsieur [V] (marteau piqueur, marteau perforateur, manipulation soutènement, perforatrice, matériel de levage et manutention, outillage de levage individuel et portatif).

L'ANGDM ne conteste pas un travail effectué par Monsieur [V] dans une atmosphère confinée, un milieu empoussiéré et bruyant empreint de chaleur humide.

Il ressort en outre, des pièces de la procédure que l'ANGDM reconnaît à minima, que certains joints utilisés au fond de la mine étaient constitués de matériaux contenant des fibres d'amiante et que les systèmes de freinage des convoyeurs blindés libéraient en fonctionnant des fibres d'amiante, même si elle fait état de quantités négligeables de fibres libérées. Elle admet également que les freins des treuils pouvaient contenir de l'amiante mais que les poussières engendrées par leur fonctionnement restaient enfermées dans un carter solidaire du châssis (cf conclusions de première instance du 20 mai 2020 déposées par L'angdm).

La pollution minime dont fait état l'ANGDM, ne saurait écarter la présomption d'imputabilité qui découle de l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, indépendamment de la question de la nocivité, le tableau 30 ne fixant pas de seuil de nocivité.

Ainsi, Monsieur [C] [V] a exercé au fond pendant plus de 20 ans, avant l'interdiction de l'utilisation de l'amiante.

Par ailleurs, l'avis des services de la DREAL émis le 4 juillet 2017 mentionne que « d'après les états de service décrits dans le dossier, Monsieur [V] [C] a été occupé pendant environ 22 ans dans les travaux du fond, période au cours de laquelle l'intéressé a pu être exposé à l'inhalation de fibres d'amiante contenues, par exemple, dans les pièces de friction des organes de frein des installations et machines utilisées au fond, installations électriques,'.».

Compte tenu de ce faisceau d'éléments, il y a lieu d'admettre que la nature des postes et les travaux exécutés par Monsieur [C] [V] le faisaient intervenir sur des matériels dont certains contenaient de l'amiante, dans les chantiers du fond dans un contexte de confinement propre au travail accompli au fond de la mine.

A supposer que Monsieur [V] n'ait pas utilisé lui-même des outils ou matériels contenant de l'amiante, il est établi qu'il a travaillé quotidiennement dans des sites dans lesquels il est constant qu'étaient utilisées des installations et machines contenant de l'amiante qui en fonctionnant libéraient des fibres d'amiante.

Les conditions de fond du tableau 30B étant remplies, il n'y avait pas lieu pour la caisse de saisir un comité de reconnaissance des maladies professionnelles.

C'est en vain que l'ANGDM prétend que la caisse a été défaillante dans son instruction. En effet, préalablement à sa prise de décision, la caisse a diligenté une enquête, interrogeant les intéressés et recueillant l'avis de la DREAL, conformément aux dispositions de l'article R 441-11 du Code de la sécurité sociale.

Par conséquent, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail trouve à s'appliquer et à défaut pour l'ANGDM d'apporter la preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans la survenance de la maladie, il convient de confirmer le jugement intervenu, lequel a déclaré opposable à l'employeur la décision de prise en charge du 28 août 2017.

SUR LES DEPENS

Partie succombante, l'ANGDM sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris rendu le 6 novembre 2020 par le Pôle social du Tribunal judiciaire de METZ.

CONDAMNE l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 20/02213
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;20.02213 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award