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23/05/2022 | FRANCE | N°20/01955

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 23 mai 2022, 20/01955


Arrêt n° 22/00292



23 mai 2022

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N° RG 20/01955 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FLUW

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

19 octobre 2020

19/00110

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Vingt trois mai deux mille vingt deux





APPELANT :



M. [P] [Z]
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[Adresse 1]

Représenté par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/007974 du 18/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnell...

Arrêt n° 22/00292

23 mai 2022

---------------------

N° RG 20/01955 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FLUW

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

19 octobre 2020

19/00110

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt trois mai deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [P] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/007974 du 18/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

INTIMÉE :

S.A.S. THOME prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Agnès BIVER-PATE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Etienne GUIDON, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [P] [Z] a été embauché par la SAS THOME, selon contrat à durée déterminée, à compter du 27 mai 2015 jusqu'au 30 novembre 2015, en qualité de magasinier chauffeur. 

Un contrat à durée indéterminée à temps plein a été conclu entre les parties le 28 octobre 2015, pour le poste de magasinier, statut ouvrier, niveau 2, échelon 1. 

La convention collective nationale applicable est la convention collective du commerce de gros.

M. [Z] a été convoqué le 29 novembre 2018 à un entretien préalable à une sanction.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 02 février 2019, M. [Z] a ensuite été convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 07 février 2019, assorti d'une mise à pied conservatoire. 

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 12 février 2019, M. [Z] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement, M. [Z] a, par acte introductif enregistré au greffe le 23 mai 2019, saisi le Conseil de prud'hommes de Thionville aux fins de voir condamner la SAS Thome à lui payer :

* 1.615 euros à titre dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;

* 16.150 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Les entiers frais et dépens ;

- La voir condamner à lui délivrer sous astreinte de 50 € par jour de retard commençant à courir 8 jours après la notification de la décision à intervenir une attestation destinée à Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir ;

- Ordonner l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile.

Par jugement du 19 octobre 2020, le Conseil de prud'hommes de Thionville, section commerce, a débouté M. [Z] de toutes ses demandes, l'a condamné à verser 500 euros à la SAS Thome en application de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 30 octobre 2020 et enregistrée au greffe le jour même, M. [Z] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 25 novembre 2020, enregistrées au greffe le jour même, M. [Z] demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Thionville le 19 octobre 2020 ;

Statuant à nouveau, 

- Condamner la SAS Thome à lui verser les sommes suivantes : 

* 1.615 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

* 16.150 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

* 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

- Condamner la SAS Thome à lui délivrer sous astreinte de 50 € par jour de retard commençant à courir 8 jours après la notification de la décision à intervenir une attestation destinée à Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir ;

- Condamner la SAS Thome à lui verser la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SAS Thome aux entiers frais et dépens. 

Par ses dernières conclusions datées du 08 février 2021, enregistrés au greffe le jour même, la SAS Thome demande à la Cour de : 

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de Thionville en date du 19 octobre 2020, 

En conséquence : 

- Dire et juger bien fondé le licenciement de M. [Z] et en conséquence le débouter de l'ensemble de ses demandesde dommages et intérêts ;

Y ajoutant : 

- Condamner M. [Z] à verser à la SAS Thome une somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; 

- Condamner M. [Z] aux entiers frais et dépens de la présente instance. 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur le bien-fondé du licenciement

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, pour apprécier la cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 12 février 2019, qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :

« Ce licenciement est motivé par les faits suivants :

En date du lundi 28 janvier 2019 à 7h45, vous avez eu une violente altercation avec votre collègue Monsieur [F] [O], au seul motif qu'il vous manquait un bon de livraison pour accompagner un kit de distribution destiné à un client.

Vous avez reproché à Monsieur [O] l'absence dudit bon prétextant qu'il ne faisait pas son travail et avez jeté le kit de distribution sur son bureau, en élevant le ton et particulièrement explosif, vous avez eu une attitude très menaçante et violente.

Vous en étiez presque venu aux mains avec Monsieur [O] et votre état d'excitation et votre gestuelle ont amené vos collègues Mesdames [E] et [D] présents à proximité à vous séparer, craignant que vous en veniez aux mains.

Le lendemain, mardi 29 janvier 2019 à 14h00, vous avez reproché avec véhémence à votre collègue Madame [M] [G], de ne pas mettre à votre disposition des rotules, que vous deviez pourtant vous-même récupérer dans le roll de la tournée correspondante.

Là encore selon les propos rapportés par vos collègues témoins, vous avez élevé de suite le ton, vous vous êtes montré très menaçant en vous agitant, et insultant en tenant des propos sexistes et dégradants, je cite : « tu es complètement débile, pas capable de faire ton travail, t'as un problème ça se voit à ton physique »...

Tout cela en présence de vos collègues : [H] [D] et [F] [O].

Madame [G] a été fortement choquée.

Votre attitude virulente, vos propos excessifs et agressifs tenus pendant le travail, et votre nature explosive, nous laissent à craindre de dégénérer en agression physique.

Nous vous rappelons qu'en juillet 2016, vous aviez déjà fait l'objet d'un courrier d'avertissement non contesté pour avoir tenu des propos menaçants envers votre collègue Madame [V].

A plusieurs reprises, votre hiérarchie a pu constater votre caractère explosif et lors de notre entretien du 07 février 2019, votre nature s'est à nouveau révélée être intimidante.

A aucun moment au cours de cet entretien, vous n'avez cru bon devoir prendre conscience de vos excès et vous excuser.

Compte tenu de ces éléments, la poursuite de votre contrat est devenue impossible et nous vous notifions votre licenciement qui prend effet à l'envoi de la présente lettre recommandée. »

La SAS Thome verse aux débats les multiples attestations émanant de collègues de M. [Z] et de clients :

- l'attestation de Mme [D], gestionnaire logistique et commerciale, qui relate l'altercation survenue le 28 janvier 2019 entre M. [Z] et M. [O] au sujet d'un bon de livraison manquant, en ces termes : « le ton est monté en quelques secondes nécessitant l'intervention de ma collègue [R] et moi-même ». Mme [D] précise « je n'ai personnellement pas eu d'altercation directe avec lui mais j'ai pu assister à pas mal de tensions et d'accès de colère de sa part. Accès de colère sur le matériel par moment et tensions avec certaines et certains de mes collègues, son comportement agressif et de manière imprévisible devenait difficile à gérer pour l'ensemble du personnel le cotoyant au quotidien à tel point que sur la fin nous étions tous sur la défensive. »

- l'attestation de Mme [E], technicienne logistique, relatant les mêmes faits du 28 janvier 2019 et indiquant qu'elle a alors « dû séparer les deux personnes (M. [Z] et M. [O]) ». Mme [E] précise qu'elle a elle-même déjà eu un problème avec M. [Z] qui l'avait menacée ainsi que sa famille. Elle expose qu'après cet événement elle ne savait plus comment s'entretenir avec lui car « il était totalement imprévisible. Un rien le faisait partir dans tous ses états. » Mme [E] expose qu'elle a vu et entendu à plusieurs reprises M. [Z] donner des coups de pieds dans les cartons et proférer des insultes.

- l'attestation de Mme [G], préparatrice de commandes, qui relate les faits survenus le 29 janvier 2019 en ces termes : « M. [P] [Z] est venu me trouver et m'a reproché de ne pas lui mettre à disposition des rotules qu'il devait lui-même récupérer dans le roll de sa tournée secteur « Jarny ». Il a monté de suite le ton, s'est montré menaçant envers moi, en s'agitant et en tenant des propos insultants et rabaissants, je cite : « tu es complètement débile, incapable de faire ton travail, tu as un problème, cela se voit à ton physique ».

- l'attestation de M. [W], responsable magasin et logistique relatant : « j'ai constaté dès le début que M. [Z] ne supportait pas de recevoir une instruction de la part de ses collègues féminines (Mmes [E], [N] et [L]). Ses réactions étaient épidermiques à toutes remarques de leur part, allant jusqu'à des gestes et des paroles agressives et menaçantes. Lorsque je recevais M. [Z] en entretien pour lui faire part de son comportement inapproprié, il se positionnait de suite en victime. M. [Z] faisait correctement son travail, cependant son relationnel avec ses collègues est devenu de ce fait inexistant. »

- l'attestation de Mme [L], assistante de gestion qui relate avoir été « à plusieurs reprises agressée et menacée verbalement par M. [P] [Z] » qui « criait, était vulgaire en langue française et une autre langue (...). Même seul il s'emportait, balançait le matériel sans se soucier si une personne pouvait être blessée et bien sûr jurait. » Mme [L] expose qu'elle a « fini par ne plus lui adresser la parole et à passer par un responsable qui lui transmettait (ses) doléances. »

- l'attestation de M. [Y], gérant du garage de [Localité 3], client de la société Thome et indiquant que M. [Z], qui le livrait régulièrement, s'était « montré particulièrement détestable » en s'emportant rapidement.

Ces attestations, toutes cohérentes et précises, confirment non seulement les faits visés dans la lettre de licenciement et survenus les 28 et 29 janvier 2019 entre M. [Z] et deux de ses collègues, mais également les graves problèmes de comportement et relationnels réguliers reprochés par l'employeur à M. [Z] pendant le travail.

S'agissant des faits du 28 janvier 2019, M. [Z] fait valoir que M. [O], avec qui il s'est emporté, n'a pas lui-même été choqué par cette altercation car les échanges entre eux étaient « toujours virils ». Toutefois, une telle altercation ayant nécessité l'intervention de plusieurs collègues pour séparer les protagonistes ne saurait relever d'un mode de communication normal, professionnel et respectueux dans un environnement de travail, quel que soit le mode d'échange que certains salariés peuvent considérer comme étant personnellement acceptable.

M. [Z] verse également de nombreuses attestations de clients de la SAS Thome qui relatent qu'il avait lors des livraisons un comportement courtois ou respectueux. Cependant, si ces attestations permettent de confirmer que le travail de M. [Z] auprès des clients n'est pas à l'origine de son licenciement, elles sont insuffisantes à établir que les relations avec ses collègues, au sein de l'entreprise, n'étaient pas conflictuelles et empreintes d'agressivité.

Ce fait est d'ailleurs relevé par M. [W], responsable du magasin qui précise qu'en raison de son comportement, le « relationnel (de M. [Z]) avec ses collègues est devenu de ce fait inexistant ». Au demeurant, il est relevé qu'une attestation d'un client livré par M. [Z] fait également état de difficultés relationnelles et de comportement de la part de ce dernier.

En outre, les problèmes de comportement rencontrés par M. [Z] se sont avérés récurrents, celui-ci ayant déjà fait l'objet en juillet 2016 d'un avertissement pour une altercation avec une autre salariée, s'étant montré menaçant à son encontre et ayant à plusieurs reprises tenu les propos suivants : « si t'étais pas une fille je te casserai la gueule ». Si ces faits fautifs ne peuvent être sanctionnés deux fois, en vertu du principe non bis in idem, le passé disciplinaire du salarié pouvait être invoqué à l'appui d'une nouvelle sanction ou pour aggraver celle-ci, de sorte que la SAS Thome pouvait évoquer cet avertissement dans la lettre de licenciement.

Puis, en novembre 2018, M. [Z] a fait l'objet d'une procédure disciplinaire, suite à la plainte d'une automobiliste quant à son comportement sur la route et des propos outranciers tenus à son encontre. Cette procédure n'avait finalement débouché sur aucune sanction, l'employeur ayant accepté de ne pas en prononcer en appuyant sur le fait que M. [Z] devait « comprendre qu'aucune autre réclamation ne sera tolérée ».

Mme [J], ayant assisté le salarié lors d'un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire le 29 novembre 2018, indiquait dans le compte-rendu de cet entretien que M. [Z] « a un tempérament sanguin et un timbre de voix emporté mais qu'il fait son travail consciencieusement ».

Or, ce « tempérament sanguin », également décrit par nombreux de ses collègues, caractérise en réalité une agressivité et un comportement empreint de violence verbale, voire physique par l'intimidation et la menace.

Il ressort en outre des éléments versés aux débats que le salarié n'a à aucun moment exprimé de regrets, ni excuses quant à ce comportement, le considérant comme relevant de son « caractère ». Il soutient encore dans la présente instance que les faits ne revêtent aucune gravité et que rien dans son attitude des 28 et 29 janvier 2019 ne révèle un comportement différent des autres jours, de sorte que l'employeur ne pouvait le lui reprocher.

Cependant, l'agressivité et l'impulsivité menaçante ne sauraient être acceptées sous couvert d'être attribuées à un trait de caractère ou liées à une personnalité.

Le comportement du salarié ne peut davantage être accepté au motif que l'employeur pouvait s'en rendre compte avant d'embaucher M. [Z] en contrat à durée indéterminée, les incidents s'étant multipliés de façon rapprochée entre novembre 2018 et janvier 2019, et M. [Z] ayant été expressément averti, en novembre 2018, qu'aucun autre incident ne serait toléré.

Ce comportement, s'étant manifesté de manière répétée dans le cadre de l'activité professionnelle du salarié et étant d'une gravité certaine, créant notamment de grosses difficultés relationnelles dans l'entreprise et un risque de violence pour les collègues du salarié, il constitue à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

A l'inverse, M. [Z], qui soutient que son licenciement est en réalité fondé sur son arrêt maladie de 2 mois et le risque qu'il soit de nouveau arrêté, n'apporte aucun élément pour démontrer qu'il s'agirait là de la véritable cause de licenciement.

Par conséquent, le licenciement est bien fondé sur des faits objectifs, précis et matériellement vérifiables qui constituent une cause réelle et sérieuse.

M. [Z] sera donc débouté de l'intégralité de ses demandes formées en conséquence, le jugement étant confirmé sur ces points.

Sur la régularité de la procédure de licenciement

Sur le délai de convocation

Aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Selon l'article L. 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

En l'espèce, il est établi et constant entre les parties que le courrier de convocation à l'entretien préalable au licenciement a été réceptionné par M. [Z], selon accusé de réception, le 02 février 2019, l'entretien étant fixé au 07 février 2019, date à laquelle il s'est effectivement déroulé.

Le délai de 5 jours ouvrables précité, qui n'inclut pas le jour de réception du courrier de convocation, n'a donc pas été respecté.

Néanmoins, M. [Z] ne conteste pas avoir refusé de recevoir en main propre la lettre de convocation qui lui a été présentée le 30 janvier 2019, contraignant l'employeur à lui faire parvenir par voie postale. Il ne peut donc soutenir qu'il n'aurait pas eu connaissance de l'existence de sa convocation suffisamment de temps avant la tenue de l'entretien.

En outre, si M. [Z] expose qu'il n'a pas disposé d'un temps suffisant pour préparer sa défense, il ne justifie pas réellement de ce préjudice.

En effet, il ressort des éléments versés aux débats, dont principalement le compte-rendu de l'entretien litigieux, qu'il a pu être présent à l'entretien et assisté de Mme [J], qui l'avait déjà assisté lors d'un précédent entretien de nature disciplinaire. Il a, lors de cet entretien, pu faire valoir sa version des faits après que l'employeur lui a exposé les motifs de sa convocation.

M. [Z] n'indique pas quel autre élément il aurait voulu exposer lors de cet entretien s'il avait bénéficié d'un temps complémentaire pour le préparer et sa version des faits est toujours la même dans la présente instance.

Enfin, le fait que M. [Z] ait des difficultés à accepter la fin de son contrat ne présente aucune causalité avec le délai de sa convocation à l'entretien.

Ainsi, faute de préjudice établi, sa demande d'indemnisation sur ce fondement sera rejetée.

Sur le déroulé de l'entretien

M. [Z] fait également valoir deux irrégularités dans la tenue de l'entretien, tenant d'une part au nombre de personnes présentes et d'autre part à la volonté de l'employeur de le licencier avant même la tenue de cet entretien.

Au terme des articles L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. Au cours de l'entretien, il indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.

L'irrégularité de la procédure doit être constatée lorsque l'employeur s'est fait assister pendant l'entretien par un grand nombre de personnes en détournant la procédure de licenciement de son objet.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'employeur, représenté par son directeur des ressources humaines M. [K], a été assisté de M. [W], responsable magasin de Manom, et de M. [X], responsable des magasins auto Thome, soit deux personnes. M. [Z] était présent et assisté de Mme [J].

Le compte-rendu de l'entretien rédigé par cette dernière indique au demeurant que seuls M. [K] et M. [X] ont pris la parole lors de l'entretien, M. [W] s'étant abstenu.

Il ne ressort pas davantage du déroulé de l'entretien, lors duquel l'employeur a présenté les faits reprochés au salarié puis a laissé ce dernier s'exprimer à ce sujet et prendre la parole à la fin, que celui-ci ait été détourné de son objet et se soit transformé en enquête ou en « procès » comme le soutient M. [Z].

Ainsi, le compte-rendu de l'entretien préalable au licenciement rédigé par Mme [J] ayant assisté le salarié fait ressortir que les échanges se sont déroulés conformément aux prévisions de l'article L. 1232-3 précité, M. [Z] ayant bien été informé des faits qui lui étaient reprochés avant de pouvoir fournir des explications.

Le compte-rendu indique ensuite que ce n'est qu'« aux termes de ces échanges divergents » entre les parties que l'employeur énonce la possibilité de mettre un terme au contrat de M. [Z] en présentant les trois cas de ruptures pour faute envisageable.

Dès lors, le seul fait que l'employeur ait été assisté par deux personnes ne caractérise pas un détournement par l'employeur de la procédure de licenciement et ne constitue pas une irrégularité de la procédure ouvrant pour M. [Z] droit à une indemnisation. En outre, rien n'établit que la décision de licencier le salarié ait été prise avant l'entretien et aucune irrégularité n'est davantage caractérisée à cet égard.

La demande d'indemnisation présentée par M. [Z] sur ce fondement sera par conséquent rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

M. [Z] qui succombe devant la Cour sera condamné aux dépens d'appel et à payer à la SAS Thome la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [Z] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [P] [Z] à payer à la SAS Thome la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [P] [Z] de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/01955
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;20.01955 ?
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