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23/05/2022 | FRANCE | N°20/01895

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 23 mai 2022, 20/01895


Arrêt n° 22/00300



23 Mai 2022

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N° RG 20/01895 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FLQC

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

13 Octobre 2020

18/00278

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



vingt trois mai deux mille vingt deux



APPELANT :



M. [I] [F]

[Adresse

1]

Représenté par Me Thomas BECKER, avocat au barreau de SARREGUEMINES





INTIMÉES :



S.C.P. NOEL [Y] LANZETTA prise en la personne de Maître [X] [Y] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [F] ...

Arrêt n° 22/00300

23 Mai 2022

---------------------

N° RG 20/01895 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FLQC

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

13 Octobre 2020

18/00278

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt trois mai deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [I] [F]

[Adresse 1]

Représenté par Me Thomas BECKER, avocat au barreau de SARREGUEMINES

INTIMÉES :

S.C.P. NOEL [Y] LANZETTA prise en la personne de Maître [X] [Y] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [F] DEPANNAGE

[Adresse 2]

Représentée par Me Antoine LEUPOLD, avocat au barreau de METZ

Association UNEDIC DELEGATION CGEA AGS DE [Localité 5]

[Adresse 3]

Représentée par Me Yaël CYTRYNBLUM, avocat au barreau de SARREGUEMINES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Laëtitia WELTER,, Conseillère, pour le président régulièrement empêché, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Monsieur [I] [F] a été embauché le 2 janvier 1983 par la SARL ENTREPRISE
[F] qui l'employait en dernier lieu en qualité de directeur, statut cadre.

Le 28 novembre 2018, Monsieur [F] saisissait le Conseil de prud'hommes de Forbach aux fins de :

- prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- dire et juger que les faits invoqués sont qualifiés de harcèlement moral,

- dire et juger que la société [F] n'a pas respecté ses obligations dans le cadre du
transfert de son contrat de travail concernant la rémunération et le statut de cadre,

En conséquence,

- fixer la créance de Monsieur [I] [F] au passif de la SAS [F]
DEPANNAGE comme suit :

- 10.000€ net à titre de réparation du préjudice moral découlant du harcèlement

- 79.800€ brut à titre d'arriérés de salaire,

- 5.000€ brut au titre du salaire du mois de janvier 2019,

- 8.480€ brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur arriérés de salaire,

- 15.000€ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.500€ brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 75.000€ net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 100.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- condamner la SCP [Y] & associés ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS
[F] DEPANNAGE à rétablir l'affiliation de Monsieur [I] [F] à la caisse des cadres à compter du 1er janvier 2016 et ce, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir,

- dire et juger que la demande de résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de
l'employeur est bien fondée,

- fixer la date de la rupture au 29 janvier 2019,

- condamner la SCP [Y] & associés ès qualités de liquidateur de la SAS [F]
DEPANNAGE aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au règlement d'une indemnité de 3.000€
par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger le jugement à intervenir exécutoire par provision.

Par jugement du 13 octobre 2020, le Conseil de prud'hommes de Forbach a

- Dit et jugé que Monsieur [I] [F] a été embauché par la société [F]
DEPANNAGE en date du 1er janvier 2016,

- Fixé la date de rupture du contrat de travail au 29 janvier 2019 pour motif économique,

- Rejeté la demande de résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur

- Dit et jugé que la demande de résolution judiciaire du contrat de travail est sans objet,

En conséquence,

- Débouté Monsieur [F] de sa demande à titre de réparation du préjudice moral
découlant du harcèlement,

- Débouté Monsieur [F] de sa demande à titre de rappel de salaire,

- Débouté Monsieur [F] de sa demande de rappel au titre du salaire du mois de janvier
2019,

- Débouté Monsieur [F] de sa demande à titre d'indemnité compensatrice de congés
payés sur arriérés de salaire,

- Débouté Monsieur [F] de sa demande d'affiliation à la caisse de retraite des cadres à compter du 1er janvier 2016,

- Débouté Monsieur [F] de sa demande à titre d'indemnité compensatrice de préavis,ainsi que sa demande à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférente,

- Débouté Monsieur [F] de sa demande à titre d'indemnité conventionnelle de
licenciement,

- Débouté Monsieur [F] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Débouté Monsieur [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure
civile,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- Débouté la société [F] DEPANNAGE de sa demande au titre de l'article 700 du
code de procédure civile,

- Dit et jugé que la garantie de l'AGS n'a vocation à s'appliquer que dans les limites des
dispositions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail,

- Dit et jugé qu'au regard du principe de subsidiarité, le CGEA-AGS ne doit sa garantie
qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective,

- Dit et jugé que le CGEA-AGS ne garantit que les montants dus au titre de l'exécution du
contrat de travail,

- Dit et jugé que le CGEA-AGS ne garantit pas les montants alloués au titre de l'article 700 du code de procédure civile ni même les astreintes,

- Dit et jugé qu'en application des dispositions de l'article L.621-48 du code de commerce, les
intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective,

- Dit et jugé que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail,

- Laissé à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens.

Le 23 octobre 2020, Monsieur [F] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 19 octobre 2020, Monsieur [F] demande à la Cour de :

Fixer sa créance au passif de la SAS [F]
DEPANNAGE à :

- 10000 € nets à titre de réparation du préjudice moral découlant du harcèlement,

- 79800 € bruts à titre d'arriérés de salaire,

- 5000 € bruts au titre du salaire du mois de janvier 2019,

- 8480 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur arriérés de salaire,

- Condamner la SCP [Y] & associés ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS
[F] DEPANNAGE à rétablir l'affiliation de Monsieur [I] [F] à la caisse des cadres à compter du 1er janvier 2016 et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir.

- Dire et juger que la demande de résiliation du contrat de travail torts exclusifs de
l'employeur est bien fondée,

- Fixer la date de la rupture au 29 janvier 2019,

Par conséquent,

- Fixer la créance de Monsieur [I] [F] au passif de la SAS [F]
DEPANNGE à :

- 15000 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de de préavis,

- 1500 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 75000 € nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Condamner la SCP [Y] & associés ès qualité de liquidateur de Maître [Y] de la SAS [F] DEPANNAGE aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au règlement d'une
indemnité de 3000 € par application de l'article 700 du CPC,

- Dire et juger le jugement à intervenir exécutoire par provision.

Par ses dernières conclusions du 1er juin 2021, la société [F] DEPANNAGE demande à la Cour de :

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de FORBACH le 13 Octobre
2020 en toutes ses dispositions.

- Déclarer le demandeur irrecevable et mal fondé en ses demandes, l'en débouter.

- Constater que Monsieur [I] [F] a été licencié par lettre en date du 29 janvier 2019 pour motif économique.

- Dire et juger que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est sans objet.

- Condamner le demandeur à payer à la société [F] DEPANNAGE la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

- Condamner le demandeur en tous les frais et dépens.

Par ses dernières conclusions du 29 janvier 2021, enregistrées au greffe le jour même,
l'UNEDIC délégation AGS CGEA demande à la Cour de :

- Dire et juger l'appel mal fondé.

En conséquence,

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

- En tout état de cause, rappeler les grands principes et limites applicables en matière de
garanties sur les salaires.

- Mettre les entiers frais et dépens à la charge de Monsieur [F].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 novembre 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions
respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIVATION

A titre liminaire, il convient de préciser que Monsieur [I] [F] a repris la gérance de la société [F] à la suite du rachat des parts sociales de son père. Il est ainsi passé du statut de cadre à celui de gérant de cette dernière.

La société était placée en redressement judiciaire le 04 novembre 2014, puis en liquidation
judiciaire par jugement du 16 janvier 2019. Maître [U] était désigné mandataire liquidateur.

Le directeur de la société était alors Monsieur [M] [G], M. [F] en était le représentant légal non salarié.

Le 9 décembre 2015, Monsieur [M] [G], agissant ès qualités de gérant de la société
[F] DEPANNAGE a racheté le fonds de commerce de la SARL ENTREPRISE
[F] qui se trouvait alors sous le coup d'une procédure de redressement judiciaire.

La société [F] DEPANNAGE a alors embauché Monsieur [I] [F] à compter du 1° janvier 2016, en qualité de conducteur de travaux, statut ETAM, aucun contrat de travail écrit n'était signé entre les parties.

Par jugement du 16 janvier 2019, la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Metz prononçait la liquidation judiciaire de la société et désignait la SCP NOEL [Y] LANZETTA mandataire liquidateur.

Le 29 janvier 2019, la SCP NOEL [Y] LANZETTA ès qualité de mandataire liquidateur notifiait par lettre à M. [F] son licenciement pour motif économique, celui-ci ne s'étant pas présenté à l'entretien préalable et n'ayant pas retiré le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui lui avait été adressé.

Le 26 février 2019, au cours d'un entretien téléphonique avec le liquidateur, M. [F] sollicitait l'envoi pour la seconde fois de sa lettre de licenciement et de son dossier CSP.

Sur le harcèlement moral

L'article L. 1152-1 du Code du travail dispose qu' « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Le harcèlement moral s'entend en l'occurrence selon sa définition commune d'agissements malveillants envers un subordonné ou un collègue en vue de le déstabiliser, le tourmenter ou l'humilier.

S'agissant de la preuve du harcèlement, l'article L.1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L. 1152-1, « le salarié présente des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement » et « au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »

En l'espèce, M. [F] affirme avoir été dépossédé de ses outils, privé de travail et placé dans l'incapacité totale de satisfaire ses engagements à l'égard des fournisseurs et des clients, ce qui caractérise une mise à l'écart, et donc une atteinte à la dignité constitutive de harcèlement.

Au soutien de son assertion, M. [F] verse aux débats les attestations de M. [A] [D] et de M. [B] [J] [H] [V].

Cependant, M. [D], couvreur, se contente d'indiquer « on a eu l'impression que nous ne faisions plus partie de l'entreprise, le matériel n'arrivait jamais à temps sur les chantiers ».

Il n'évoque donc que la situation globale de l'entreprise, et non celle de M. [F] en particulier. De plus, les faits relatés ne sont pas datés.

Dans ses conclusions, M. [F] évoque d'autres propos qui auraient été tenus par M. [D] dans son attestation, mais qui ne figurent pas sur la pièce communiquée qui commence par « je travaillais dans l'entreprise [F] depuis mai 1990 » et se finit par « de me démerder avec [I] ». Il ne sera donc pas tenu compte de ces supposées déclarations.

M. [H] [V], couvreur, indique « M. [G] a tout de suite [aucune date précise n'est toutefois mentionnée] vidé tout l'atelier à [Localité 6], sans même nous laisser un minimum pour une entreprise de couverture zinguerie. On avait l'impression qu'on nous mettait à l'écart du groupe, et M. [F] avait de grosses difficultés pour avoir le matériel nécessaire au bon fonctionnement des chantiers ».

Encore une fois, le salarié ne fait que décrire, sans les dater, les difficultés d'une société en procédure collective.

Il ajoute « M. [F] a été mis au placard, on lui a même coupé la liaison avec les ordinateurs de [Localité 4] et ne pouvait plus faire de devis depuis le mois de juin 2018. On lui a même enlevé les ordinateurs en fin d'année ».

Toutefois, M. [H] [V] ne précise pas en quoi aurait consisté cette « mise au placard ».

S'agissant des ordinateurs, un mail du 27 septembre 2018 de Mme [Z] [F] précise « [I], pour information, tu auras un appel de SIGMA IP. Le contrat de location est terminé donc ils passeront récupérer 1 ordinateur fixe et 1 portable » (aucune précision sur le nombre d'ordinateurs dont il disposait alors).

Ainsi, la pénurie informatique dont souffrait M. [F] n'était pas liée à des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, mais était uniquement due aux difficultés économiques de la société justifiant la procédure collective qu'elle subissait.

M.[F] explique encore avoir dû faire face à une pénurie de moyens matériels l'empêchant d'exécuter son travail normalement.

Il verse ainsi aux débats divers mails ou SMS : « l'atelier est vide », « la carte de carburant ne fonctionne plus » (22 juin 2018), « le compte bancaire est bloqué » (28 septembre 2018). D'autres mails sont inexploitables : « on fait quoi !!!''' » sans plus de précision (25 septembre 2018), « VOUS M'AVEZ OUBLIE'''' » (20 mars 2017) ou sans emport sur la solution du litige.

Il produit également d'autres messages liés à des manques de matériels. Toutefois, la société était en redressement judiciaire depuis le 04 novembre 2014, puis en liquidation judiciaire le 16 janvier 2019, précisément parce qu'elle subissait les difficultés matérielles décrites par l'appelant.

M. [F] explique encore avoir été privé de toute autorité sur le personnel qu'il était pourtant censé encadré.

Au soutien de cette assertion, il verse aux débats un mail adressé à la direction le 17 juillet 2018 qui n'aurait pas obtenu de réponse. Ce message indique que M. [D] était venu chercher le matériel pour [Localité 7], mais aurait laissé l'atelier sans dessus-dessous « j'ai donc convoqué celui-ci ce soir pour lui dire ce que je pense et pour lui faire ranger le bordel. Monsieur n'est pas venu, et lorsque je l'appelle pour lui demander quand il compte venir, il me répond qu'il passera dans la semaine lorsqu'il aura le temps !!!!!

Je pense qu'il faut lui mettre un avertissement ».

Rien dans ce message n'indique que la direction prive d'autorité M. [F].

Il indique également dans ses conclusions « Il résulte des pièces du dossier que la société est allées jusqu'à réduire autoritairement sa rémunération de moitié et à supprimer son statut de cadre pour le traiter comme un ETAM à compter du transfert de son contrat de travail ».

Le salarié ne fournit toutefois aucun élément à ce propos, précisant qu'il y reviendra dans la suite de ses conclusions.

Enfin, M. [F] précise que le matériel et les véhicules n'étaient pas correctement entretenus, ce qui lui a causé un accident de la circulation.

Au soutien de cette assertion, l'appelant verse aux débats un mail qu'il a adressé le 15 juin 2018 à M. [M] [G] : « J'ai les freins qui ont lâché !! J'ai fait un tout droit dans le rond-point de [Localité 8] et [O] est venu avec sa dépanneuse. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres dégâts sur la voiture ».

La société produit quant à elle une liasse d'une dizaine de factures, de janvier 2017 à juillet 2018, établissant que les véhicules de la société étaient régulièrement entretenues par un garage.

Par conséquent, M. [F] ne présente pas des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement, sa demande à ce titre sera donc rejetée.

Sur le complément de salaire et le statut de cadre

M. [F] souligne qu'il bénéficiait d'une rémunération de 5000 € par mois au moment de son embauche.

Il affirme que la SAS DEPANNAGE [F] a unilatéralement réduit le montant de cette rémunération, qu'elle a fixée à 2720 € bruts par mois, procédant, ce faisant, à une modification illicite du contrat de travail.

De même, il précise que, selon le contrat conclu avec la SARL ENTREPRISE [F], il bénéficiait du statut de cadre, statut qui lui aurait été arbitrairement retiré par la société [F] DEPANNAGE.

En l'espèce, il convient de rappeler que M. [F] a été embauché le 2 janvier 1983 par la SARL ENTREPRISE [F] dont il a, par la suite, repris la gérance, suite au rachat des parts sociales de son père.

Suite à la procédure collective subie par la SARL ENTREPRISE [F], M. [M] [G], gérant de la société [F] DEPANNAGE a racheté le fonds de commerce de la SARL ENTREPRISE [F]. Par jugement du 1° décembre 2015 du Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines, le plan de cession de la société ENTREPRISE [F] était arrêté, et prévoyait le transfert de 15 contrats de travail, au nombre desquels ne figurait pas le contrat de travail de M. [F].

Le 1° janvier 2016, la société [F] DEPANNAGE embauchait M. [F] en qualité de conducteur de travaux, statut ETAM, sans qu'aucun contrat de travail écrit ne soit conclu par les parties.

Selon l'appelant, il convient de faire application des dispositions de l'article 1224-1 du Code du Travail : lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

En l'espèce, M. [F] se prévaut des dispositions de l'article 1224-1 du Code du Travail pour en déduire que la société [F] DEPANNAGE devait nécessairement reprendre son contrat de travail initial conclu avec la SARL ENTREPRISE [F]. Toutefois, à aucun moment, l'appelant ne justifie des conditions d'application de cet article.

En effet, l'application de l'article L 1224-1 du Code du Travail exige la réunion de deux conditions passées sous silence par l'appelant : le transfert d'une entité économique autonome et le maintien de l'identité de l'entité transférée avec poursuite ou reprise de cette activité de cette entité par le repreneur.

Le transfert doit porter sur une entité économique autonome, c'est à dire un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre. L'entité économique doit conserver son identité après le transfert, ce qui résulte notamment de la poursuite ou de la reprise par le repreneur de l'activité avec les moyens d'exploitation nécessaire.

En l'espèce, M. [F] ne verse aux débats aucun pièce venant justifier de l'application de l'article L 1224-1 du Code du Travail tel que détaillé précédemment, ce dernier se contentant d'en solliciter le bénéfice.

Il affirme que l'article L 12224-1 du Code du Travail s'applique de plein droit aux à une cession d'entreprise, partielle ou totale, intervenue dans le cadre d'un plan de redressement judiciaire, ajoutant que les seules conditions unilatéralement mises par le cessionnaire dans son offre à la reprise de l'entreprise ne permettent pas de déroger à ces dispositions d'ordre public.

Sauf qu'en l'espèce, il n'est pas question d'une « offre » d'un cessionnaire, mais bien d'un jugement définitif rendu par la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines le 1° décembre 2015 qui n'a jamais fait l'objet d'aucune contestation par M. [F].

Aux termes de ce jugement définitif, le plan social arrêté emportait la reprise de 15 contrats de travail au nombre desquels ne figurait pas le contrat de travail de l'appelant, point qu'il n'a jamais remis en question.

Au surplus, M. [F] a, pendant pendant deux ans et demi, reçu une fiche de paie avec une ancienneté au 1° janvier 2016, ce qu'il n'a jamais contesté.

Enfin, il a adressé un avis de déclaration de créance salariale au liquidateur faisant mention d'une date d'entrée dans l'entreprise au 1° janvier 2016.

Par conséquent, la demande de M. [F] sur ces deux points sera rejetée et le jugement entrepris confirmé.

Sur la demande de résiliation judiciaire

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce denier est licencié ultérieurement pour un motif autre survenu au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation de contrat était justifiée.

En l'espèce, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat le 28 novembre 2018, et a reçu la lettre recommandée avec accusé de réception lui notifiant son licenciement économique le 29 janvier 2019.

Il convient donc d'examiner la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur formulée par l'appelant.

M. [F] fonde sa demande sur : le harcèlement moral qu'il aurait subi, l'absence de paiement du salaire initialement convenu, et la modification unilatérale, selon lui, de son statut.

Ces trois éléments ayant été jugés infondés précédemment, la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur le salaire du mois de janvier 2019

L'appelant soutient que son salaire du mois de janvier 2019 ne lui a pas été versé par son employeur. Il sollicite donc le versement de la somme de 5 000 €, sans plus de précision.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 janvier 2019, le licenciement pour motif économique de M. [F] lui était notifié suite à la liquidation judiciaire de la SAS [F] DEPANNAGE prononcée par le Tribunal de Grande Instance de Metz le 16 janvier 2019.

Dans le cadre de cette procédure collective, M. [F] a renseigné un avis de déclaration de créances salariales à hauteur de 2034,13 € pour le mois de janvier 2019. La procédure de liquidation judiciaire de la société étant toujours en cours actuellement, la demande de M. [S] sera rejetée.

En conséquence, le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

L'appelant, qui succombe, supportera les dépens de l'appel.

Il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Forbach le 13 octobre 2020 en toutes ses disposions ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [I] [F] aux entiers frais et dépens d'appel.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/01895
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;20.01895 ?
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