La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2022 | FRANCE | N°20/01674

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 23 mai 2022, 20/01674


Arrêt n° 22/00295



23 mai 2022

---------------------

N° RG 20/01674 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FK6A

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

10 septembre 2020

19/00029

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Vingt trois mai deux mille vingt deux







APPELANTE :



S.A.S. EST

OUVRAGES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric BLAISE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant ...

Arrêt n° 22/00295

23 mai 2022

---------------------

N° RG 20/01674 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FK6A

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

10 septembre 2020

19/00029

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt trois mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.S. EST OUVRAGES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric BLAISE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Sophie CORNU, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

INTIMÉ :

M. [X] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Bernard PETIT, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [X] [Y] a été embauché par la SAS EST OUVRAGES, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 09 décembre 2016, en qualité d'ouvrier.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics.

M. [Y] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 2.374,66 €.

Par courrier du 31 janvier 2018 la SAS Est Ouvrages a notifié à M. [Y] l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre et sa convocation à un entretien fixé le 12 février 2018.

Le 20 février 2018, la SAS Est Ouvrages a notifié à M. [Y] une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour injures prononcées envers ses supérieurs hiérarchiques.

M. [Y] a été placé en arrêt maladie à compter du 09 mars 2018, prolongé jusqu'au 03 juin 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 novembre 2018, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 06 décembre 2018. M. [Y] n'était pas présent lors de cet entretien.

Son licenciement pour faute lui a par la suite été notifié par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 11 décembre 2018.

Contestant ce licenciement, M. [Y] a, par acte introductif enregistré au greffe le 16 janvier 2019, saisi le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de voir la SAS Est Ouvrages condamnée à lui payer :

* 14.247,96 € nets à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SAS Est Ouvrages aux entiers frais et dépens ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile.

Par jugement du 10 septembre 2020, le Conseil de prud'hommes de Metz, section industrie, a statué ainsi qu'il suit :

- Dit et juge que le licenciement de M. [X] [Y] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Condamne la SAS Est Ouvrages à lui payer la somme de :

* 8.300,00 € nets à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

* 1.250,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lesdites sommes majorées des intérêts légaux à compter du prononcé de la présente décision,

- Ordonne l'exécutoire provisoire du présent jugement dans toutes ses condamnations en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- Condamne la SAS Est Ouvrages aux entiers dépens ainsi qu'aux frais éventuels d'huissiers en cas d'exécution forcée de la présente décision,

- Déboute la SAS Est Ouvrages de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration formée par voie électronique le 25 septembre 2020 et enregistrée au greffe le jour même, la SAS Est Ouvrages a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 16 décembre 2020, enregistrées au greffe le jour même, la SAS Est Ouvrages demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de METZ du 10 septembre 2020, en ce qu'il a :

* Condamné la SAS Est Ouvrages à verser à M. [Y] les sommes de 8.300 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1.250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* Ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile

* Condamné la SAS Est Ouvrages aux dépens

* Débouté la SAS Est Ouvrages de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

- Juger que le licenciement de M. [Y] procède bien d'une cause réelle et sérieuse

- Débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre

- Condamner M. [Y] à verser à la SAS Est Ouvrages la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions datées du 16 mars 2021, enregistrées au greffe le jour même, M. [Y] demande à la Cour de :

- Rejeter l'appel de la SAS Est Ouvrages,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de Metz en date du 10 septembre 2020,

- Condamner la SAS Est Ouvrages au paiement d'une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de Cour,

- Condamner l'appelante aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 juin 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

A titre préalable, la Cour relève que l'appelante, qui se prévaut de l'absence de diligences du salarié en vue de parvenir à un règlement amiable du litige préalablement à l'introduction de l'instance en justice, n'en tire aucune conséquence juridique. L'article 58 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la cause ne prévoit au demeurant pas l'indication de ces diligences à peine de nullité. Il n'y a donc pas lieu d'examiner ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, pour apprécier la cause réelle et sérieuse de licenciement, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 11 décembre 2018, qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit :

« Nous vous informons par la présente procéder à votre licenciement pour faute. Les raisons sont les suivantes :

Vous avez fait preuve d'insubordination vis-à-vis de votre supérieur hiérarchique M. [B] [R], conducteur de travaux.

En effet, le mercredi 14 novembre dernier, celui-ci vous appelle et vous informe que êtes affecté sur le chantier de [Localité 4] le lendemain matin, vous lui répondez que vous refusez cette affectation et que vous ne serez pas présent sur chantier le lendemain !

Cela n'est pas la première fois que vous refusez une affectation de chantier. Cela n'est pas admissible.

Par ailleurs, nous vous avions déjà sanctionné le 20 février 2018 par une mise à pied pour injures prononcées à l'encontre de vos supérieurs hiérarchiques.

Les faits qui vous sont reprochés constituent en effet une faute suffisamment sérieuse pour empêcher la continuation de nos relations contractuelles. Par ces motifs, nous vous notifions votre licenciement pour faute. »

La SAS Est Ouvrages fonde ainsi le licenciement de M. [Y] sur des faits d'insubordination survenus le mercredi 14 novembre 2018, caractérisés selon elle par le refus du salarié de se rendre, le 15 novembre 2018, sur le chantier où il était affecté.

M. [Y] soutient que son refus était uniquement fondé sur le fait qu'il a été placé en arrêt maladie à compter du 14 novembre 2018 et ne pouvait donc se rendre sur ledit chantier le lendemain. L'employeur fait valoir que M. [Y], qui avait indiqué le 14 novembre au matin qu'il viendrait travailler le lendemain, a refusé l'affectation sur le chantier de [Localité 4] car il ne pouvait pas percevoir l'indemnité « grand déplacement » pour ce chantier et s'est ensuite placé en arrêt de maladie de complaisance.

La SAS Est Ouvrages verse aux débats :

* un SMS envoyé par le 14 novembre 2018 à 07h46 par M. [Y] à une certaine [O], salariée de l'appelante, rédigé en ces termes : « Bonjour [O] je serai pas là aujourd'hui j'ai des rendez vous important. Je serai là demain bonne journée me confirmer si demain je change ou je reste sur le même chantier ». Ce SMS a reçu pour réponse, à 14h51 « Je te rappelle ». Aucun élément n'est fourni sur l'existence ou la nature de l'appel qui aurait suivi.

* une attestation de M. [R], supérieur hiérarchique de M. [Y] qui indique : « j'ai appelé [P] [Y] le 14/11/2018 à 15h03 afin de l'informer qu'il était affecté le lendemain matin sur le chantier de [Localité 4]. (') Il m'a répondu qu'il acceptait d'aller à [Localité 4] seulement s'il touchait un grand déplacement. Je lui ai donc répondu que l'équipe effectuant ces travaux la touchait seulement quand elle dormait sur place et par conséquent qu'il toucherait le montant de déplacement prévu. Il m'a alors dit qu'il n'irait pas sur le chantier de [Localité 4] et qu'il irait sur le chantier de [Localité 5]. Après en avoir parlé à [O] [G], je l'ai rappelé à 15h40 pour lui reconfirmer qu'il était affecté au chantier de [Localité 4]. Il m'a répondu que quoi qu'il en soit il irait à [Localité 5] puis m'a rappelé à 15h42 en m'informant qu'il serait en arrêt maladie le lendemain. »

* un échange de SMS entre M. [R] et M. [Y], rédigé comme suit :

-« [X], tu es prévu à [Localité 4] demain matin. Je serai à 07h15 au dépôt afin que tu puisses prendre un jumpy pour y aller. A demain. » (15h50)

- « Bonsoir, je ne serai pas là demain pour cause de maladie. » (17h45)

Si l'attestation de M. [R] ne peut être écartée des débats du seul fait de l'existence d'un lien de subordination de l'attestant avec l'employeur, il appartient au juge d'en apprécier la force probante.

La Cour considère à cet égard que cette attestation, dont le contenu est contesté par M. [Y], émane d'un salarié de la SAS Est Ouvrages et relate une conversation téléphonique à laquelle aucun tiers n'a participé et dont le contenu n'est corroboré par aucun autre élément. La SAS Est Ouvrages n'a notamment pas fourni d'indication sur l'appel qui a pu être passé à M. [Y] par Mme [O] [G] et cette dernière n'a pas attesté des échanges qu'elle aurait eu à ce sujet avec M. [R].

En outre, le SMS envoyé le 14 novembre au matin par M. [Y] ne fait ressortir aucun souhait de ne pas être affecté à un autre chantier et prévient que ce dernier a des « rendez-vous importants », corroborant son affirmation selon laquelle il avait un rendez-vous prévu avec son médecin dans la journée.

Au demeurant, la SAS Est Ouvrages qui a indiqué à M. [Y] dans la lettre de licenciement que « cela n'est pas la première fois [qu'il refuse] une affectation de chantier » n'apporte aucun élément probant à cet égard qui pourrait venir étayer la réalité et les motifs des refus d'affectation précédents du salarié.

Le courrier du 20 février 2018 notifiant à M. [Y] sa mise à pied disciplinaire pendant 3 jours indique que cette sanction fait suite à des injures prononcées à l'encontre de ses supérieurs hiérarchiques devant ses collègues, mais ne fait aucune mention d'un refus d'affectation de chantier.

Dès lors, la force probante de l'attestation de M. [R] est très limitée quant aux faits reprochés au salarié.

Ainsi, les seuls éléments certains qui ressortent des pièces versées aux débats sont que M. [Y], informé d'une affectation le 15 novembre 2018 sur le chantier de [Localité 4], a répondu à son employeur qu'il était en arrêt maladie et ne pourrait s'y rendre ; que cet arrêt maladie est produit aux débats et que, bien que contestée par l'employeur, sa validité n'a pas été remise en cause par la CPAM ou le Conseil national de l'ordre des médecins.

La SAS Est Ouvrages ne fournit au demeurant aucune réponse sur le fait, souligné par le salarié, que ce dernier a été victime d'un accident du travail en août 2018, soit quelques mois avant l'arrêt de travail litigieux et pouvait par la suite présenter un état de santé fragile.

Aucun élément ne permet donc à la Cour de remettre en cause la force probante de l'arrêt de travail de M. [Y], document médical rédigé par un professionnel de la santé tenu par une déontologie.

Dès lors, il n'est pas avéré que M. [Y] a refusé oralement le déplacement sur le chantier de [Localité 4] pour les motifs invoqués par l'employeur, ni qu'il a sollicité et obtenu un arrêt de travail de complaisance pour ne pas se rendre sur ledit chantier. Un doute subsistant sur la réalité des faits d'insubordination reprochés au salarié, il doit profiter à ce dernier.

Le licenciement de ce dernier est par conséquent dénué de cause réelle et sérieuse.=

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières

Devant les premiers juges M. [Y] avait formé une demande en paiement de la somme de 14.247,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, demande à laquelle il a été fait droit à hauteur de 8.300 euros nets.

Dans ses conclusions d'appel, la SAS Est Ouvrages ne consacre aucun développement ni contestation sur le montant de cette condamnation.

M. [Y] n'a pas formé d'appel incident sur le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués.

Par conséquent, le jugement sera confirmé de ce chef également.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

La SAS Est Ouvrages qui succombe devant la Cour sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [Y] la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Est Ouvrages aux dépens d'appel ;

Condamne la SAS Est Ouvrages à payer à M. [X] [Y] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Est Ouvrages de sa propre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/01674
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;20.01674 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award