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23/05/2022 | FRANCE | N°20/01626

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 23 mai 2022, 20/01626


Arrêt n° 22/00297



23 mai 2022

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N° RG 20/01626 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FK2G

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

14 septembre 2020

19/00156

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Vingt trois mai deux mille vingt deux







APPELANTE :


>Mme [N] [F]

8 Impasse des Pluviers

57150 CREUTZWALD

Représentée par Me Coralie SCHUMPF, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/006184 du 12/11/2020 accordée par le bureau d'...

Arrêt n° 22/00297

23 mai 2022

---------------------

N° RG 20/01626 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FK2G

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

14 septembre 2020

19/00156

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt trois mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

Mme [N] [F]

8 Impasse des Pluviers

57150 CREUTZWALD

Représentée par Me Coralie SCHUMPF, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/006184 du 12/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

INTIMÉES :

Association UNEDIC Délégation AGS CGEA de NANCY prise en la personne de son représentant légal

96 rue Saint Georges

54000 NANCY

Représentée par Me Yaël CYTRYNBLUM, avocat au barreau de SARREGUEMINES

S.E.L.A.R.L. [E] ET ASSOCIES prise en la personne de Me [E] [D] es qualité de mandataire liquidateur de la SARL OCEAL SERVICES

18 rue Chamborand

57200 SARREGUEMINES

Représentée par Me Yaël CYTRYNBLUM, avocat au barreau de SARREGUEMINES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Mme [N] [F] a été embauchée par la SARL OCEAL SERVICES, selon contrat à durée indéterminée intermittent, à compter du 02 mai 2016, en qualité de d'assistante de vie.  

La convention collective applicable est celle des entreprises de services à la personne.

Par courrier du 30 juillet 2018, Mme [F] a contesté auprès de son employeur la légalité de son contrat de travail et lui a reproché d'avoir manqué à son obligation de sécurité en ne lui faisant passer ni visite médicale d'embauche, ni visite médicale de reprise.

Les parties ont par la suite conclu une rupture conventionnelle du contrat de travail en date du 24 octobre 2018.

En parallèle, afin de régler amiablement le litige qui les opposait, Mme [F] et la SARL Oceal Services ont conclu une transaction aux termes de laquelle Mme [F] s'engageait à ne pas saisir le Conseil de Prud'hommes en contrepartie du versement, par l'employeur d'une indemnité transactionnelle globale forfaitaire et définitive, d'un montant de 7.000,00 € nets.

La SARL Oceal Services n'a pas exécuté l'accord transactionnel et a été placée en redressement judiciaire par jugement en date du 02 octobre 2018, converti par la suite en liquidation judiciaire par jugement en date du 30 octobre 2018. Me [E] de la SELAS [E] & associés a été désigné en qualité de mandataire liquidateur. 

Par acte introductif enregistré au greffe le 01 avril 2019, Mme [F] a saisi le Conseil de prud'hommes de Forbach aux fins de :

- dire et juger recevables et bien fondées les demandes de Mme [F]

- dire et juger que le contrat de travail intermittent de Mme [F] est irrégulier et doit être requalifié en contrat de travail à temps plein,

Par conséquent,

- fixer au passif de la société Oceal Services les sommes suivantes :

* 20.206,33 € brut à titre de rappels de salaire de mai 2016 à septembre 2018,

* 2.020,63 € brut au titre des congés payés y afférents,

* 5.000,00 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Mme [F] suite à la violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

- dire et juger que ces sommes sont garanties par l'UNEDIC Délégation AGS-CGEA de Nancy,

- condamner la société Oceal Services prise en la personne de son liquidateur à justifier, sous astreinte de 5€ par jour, de la déclaration de Mme [F] aux différents organismes sociaux pour les années 2017 et 2018,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- fixer au passif de la société Oceal Services prise en la personne de son liquidateur, à payer directement entre les mains du Conseil de Mme [F], la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,

- condamner la société Oceal Services prise en la personne de son liquidateur aux entiers frais et dépens, y compris les éventuels frais d'exécution forcée.

Par jugement du 14 septembre 2020, le Conseil de prud'hommes de Forbach, section activités diverses a statué ainsi qu'il suit :

- Dit et juge recevables et mal fondées les demandes de Mme [F],

- Déboute Mme [F] de l'ensemble de ses demandes

- Laisse à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 18 septembre 2020 et enregistrée au greffe le jour même, Mme [F] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 14 décembre 2020, Mme [F] demande à la Cour de :

- Déclarer l'appel de Mme [F] recevable et bien fondé,

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Forbach le 14 septembre 2020

Statuant à nouveau,

- Dire et juger recevables et bien fondées les demandes de Mme [F]

- Dire et juger que le contrat de travail intermittent de Mme [F] est irrégulier et doit être requalifié en contrat de travail à temps plein

Par conséquent,

- Fixer au passif de la société Oceal Services les sommes suivantes :

* 20.206,33 € bruts à titre de rappels de salaire de mai 2016 à septembre 2018

* 2.020,63 € bruts au titre des congés payés y afférents

* 5.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Mme [F] suite à la violation par l'employeur de son obligation de sécurité 

- Dire et juger que ces sommes sont garanties par l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Nancy

- Condamner la société Oceal Services prise en la personne de son liquidateur à justifier, sous astreinte de 5 € par jour, de la déclaration de Mme [F] aux différents organismes sociaux pour les années 2017 et 2018

- Fixer au passif de la société Oceal Services prise en la personne de son liquidateur à payer directement entre les mains du Conseil de Mme [F], la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile

- Condamner la société Oceal Services prise en la personne de son liquidateur aux entiers frais et dépens, y compris les éventuels frais d'exécution forcée.

Par ses dernières conclusions datées du 10 mars 2021, Me [E] es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Oceal Services demande à la Cour de :

- Dire et juger l'appel mal fondé.

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

En conséquence,

- Débouter Mme [F] de l'ensemble de ses prétentions.

- Mettre les entiers frais et dépens à la charge de Mme [F].

Par ses dernières conclusions datées du 10 mars 2021, l'UNEDIC CGEA-AGS demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence, 

- Débouter Mme [F] de l'ensemble de ses prétentions ;

- Dire et juger que la garantie de l'AGS n'a vocation à s'appliquer que dans les limites des dispositions des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail ;

- Dire et juger qu'au regard du principe de subsidiarité, le CGEA AGS ne doit sa garantie qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective;

- Dire et juger que le CGEA AGS ne garantit que les montants dus au titre de l'exécution du contrat de travail ;

- Dire et juger que le CGEA AGS ne garantit pas les montants alloués au titre de l'article 700 du code de procédure civile ni même les astreintes ;

- Dire et juger qu'en application des dispositions de l'article L. 621-48 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective ;

- Dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail; 

- Mettre les entiers frais et dépens à la charge de Mme [F]. 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 juin 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur la demande de requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à temps plein

Aux termes de l'article L. 3123-34 du code du travail, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée. Il peut être conclu afin de pourvoir un emploi permanent qui, par nature, comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées. Ce contrat est écrit. Il mentionne notamment « 3° La durée annuelle minimale de travail du salarié ; 4° Les périodes de travail ; 5° La répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes. »

L'article L. 3123-38 du code du travail prévoit que « Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu définit les emplois permanents pouvant être pourvus par des salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent. »

Le contrat de travail qualifié d'intermittent doit être requalifié en contrat de travail de droit commun à temps plein s'il a été conclu en l'absence d'accord collectif qui l'autorise mais également si la convention collective se borne à prévoir le recours au travail intermittent pour pourvoir des emplois permanents soumis soit à des variations saisonnières ou de production, soit à des contraintes saisonnières ou extérieures de commercialisation, comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées, sans désigner de façon précise les emplois concernés.

Le contrat est considéré comme illicite dans ces deux cas, sans que l'employeur ne puisse tenter d'apporter la preuve du contraire.

La salariée estime en l'espèce que son employeur n'a pas respecté les prescriptions légales précitées en faisant référence à la convention collective qui ne définit pas les emplois pouvant bénéficier d'un contrat de travail intermittent.

L'article 2.4.1 de la convention collective nationale des entreprises de service à la personne du 20 septembre 2012 prévoit que « le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée, dont le temps de travail contractuel ne peut excéder 1 500 heures sur une période d'un maximum de 44 semaines par an et d'un minimum de 20 semaines par an, conclu afin de pourvoir des postes permanents qui, par nature, comportent une alternance, régulière ou non, de périodes travaillées et de périodes non travaillées. Il a pour objet d'assurer une stabilité d'emploi pour les catégories de personnels concernées dans les secteurs qui connaissent ces fluctuations d'activité ».

Cette convention collective ne désigne pas de façon précise les emplois permanents qui peuvent être pourvus par la conclusion de contrats de travail intermittent. Les dispositions légales spécifiques applicables aux entreprises de service à la personne invoquées par l'intimé ne prévoient aucune dérogation à l'exigence de définition des emplois et postes pouvant faire l'objet d'un contrat de travail intermittent.

Dès lors, le contrat de travail intermittent conclu malgré l'absence d'une convention collective contenant une telle désignation est illicite et doit être requalifié en contrat de travail à temps complet.

Au surplus, Mme [F] invoque l'absence de désignation, dans le contrat de travail, des périodes de travail, justifiant également la requalification du contrat en temps plein de droit commun.

Le contrat de travail intermittent qui ne définit pas les périodes travaillées et non travaillées doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à temps plein, sauf si l'employeur prouve que la salariée, connaissant ses jours et ses horaires de travail, ne se tient pas en permanence à sa disposition, ces éléments de preuve étant cumulatifs.

L'article 2.4.2. de la convention collective applicable précise que « le contrat doit contenir, outre les mentions prévues à l'article 2.1 de la présente convention, les mentions suivantes :

- la durée minimale annuelle de travail ;

- les périodes de travail, révisées annuellement ;

- la répartition des plages prévisionnelles indicatives à l'intérieur de ces périodes ;

- les conditions de modification de ces périodes »

En l'espèce, le contrat à durée indéterminée intermittent de la salariée mentionne bien une durée minimale de travail « l'employeur s'engage à assurer 20 semaines de travail pour un volume minimal annuel de 11*20h= 220 heures à la salariée ».

S'agissant des périodes travaillées, le contrat se réfère au calendrier qui lui est annexé. Toutefois, ce document ne peut pas servir de fondement à une distinction entre les périodes travaillées et les périodes non travaillées de la salariée puisqu'il est parfaitement vierge.

L'appelante verse aux débats seize documents qu'elle qualifie d'attestations, mais qui ne respectent en rien les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, aucune pièce d'identité n'étant fournie. Cinq d'entre eux sont même intégralement dactylographiés (à l'exception du nom de la salariée) avec en-tête de l'entreprise. Dans tous ces documents, les salariées, qui indiquent « recevoir chaque fin de mois le planning du mois suivant », n'évoquent toujours que leur situation personnelle, jamais celle de l'appelante, et ne sauraient donc permettre à l'employeur de prouver que celle-ci connaissait ses jours et ses horaires de travail.

L'appelante produit également des photographies de documents manuscrits qui correspondraient à des modifications d'emplois du temps « établis par les salariés ». Ces pièces, non signées, sont inexploitables dans la mesure où figurent uniquement des jours, des dates (sans précisions du mois ou de l'année), et des prénoms, par exemple « lundi 21 : matin, midi et soir : [K] ; mardi 22 : matin : [X], midi et soir : [K] ». Il est impossible de déterminer qui est l'auteur de ce document, ou encore, plus simplement, de qui et de quoi il est question. Le prénom de Mme [F] n'y apparaît au demeurant jamais.

Enfin, il n'est pas démontré, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, que Mme [F] ait exercé d'autres activités salariées pendant la durée de son emploi auprès de la SARL Oceal Services dès lors que :

- Mme [F] justifie des revenus perçus en 2016, étant précisé que son contrat avec la SARL Oceal Services a débuté le 02 mai 2016, et, qu'avant cela, la salariée avait été mise à disposition de la SARL Oceal Services par la société Med Inter GMBH entre janvier et mai 2016. Elle pouvait donc légitimement exercer une autre activité pendant cette période.

- Le relevé de son compte retraite indique au demeurant qu'elle aurait exercé une activité avec la société « Eclaircir » rémunérée à hauteur de 430 euros ce qui correspond à une durée particulièrement limitée. Le certificat de travail émis par ladite société Eclaircir fait état d'une période d'emploi du 08/10/2015 au 31/12/2015. La SARL Oceal Services n'apporte à l'inverse pas la preuve que cette activité était exercée après la conclusion du contrat de travail intermittent.

Pour l'année 2017, Mme [F] aucune activité ne figure sur le relevé de carrière de la salariée. Les revenus figurant sur l'avis 2018 de situation déclarative à l'impôt sur le revenu 2017 ne font pas ressortir l'exercice d'une autre activité qui n'est donc, là encore, pas établi.

Pour l'année 2018, Mme [F] justifie avoir déclaré les sommes perçues auprès de la SARL Oceal Services jusqu'au terme de son contrat. Aucune autre somme n'apparait sur la ligne « salaires » de son avis d'imposition et rien ne permet là encore d'établir qu'elle aurait perçu des salaires d'une autre activité, étant relevé que son contrat s'est terminé en octobre 2018.

Par conséquent, le contrat de travail intermittent de l'appelante ne définissant pas les périodes travaillées et non travaillées, et l'employeur ne prouvant pas que la salariée, connaissant ses jours et ses horaires de travail, ne se tenait pas en permanence à sa disposition, ce contrat doit, pour cet autre motif également, être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à temps plein.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande et les demandes financières formées en conséquence.

La salariée sollicite le versement de la somme de 20.206,33 € brut au titre de rappel de salaire correspondant à la différence entre les heures qui lui ont effectivement été payées et le montant qui lui aurait été payé pour un temps complet, et ce, de mai 2016 à septembre 2018, outre 2.020,63 € au titre des congés payés afférents. La SARL Oceal Services représentée par son liquidateur ne conteste aucunement le quantum sollicité.

Eu égard à la liquidation judiciaire de la SARL Oceal Services, il convient de fixer au passif de la société la somme de 20.206,33 € au titre du rappel de salaire dû, somme calculée du 02 mai 2016 au 24 octobre 2018 inclus, outre 2.020,63 € au titre des congés payés afférents.

Il sera rappelé que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société a fait cesser le cours des intérêts.

Le CGEA de Nancy devra sa garantie pour les sommes dues à la salariée sur le fondement de l'article L. 3253-8 1° du code du travail s'agissant de sommes dues au salarié par l'employeur à la date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Cette garantie sera accordée en application des règles et selon les limites prévues par les dispositions légales et réglementaires applicables en la matière.

Cette garantie étant en l'espèce subsidiaire, elle n'est due qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans le cadre de la liquidation judiciaire. Elle ne s'étend qu'aux créances rattachées à l'exécution du contrat de travail.

Sur la demande de dommages et intérêts

Mme [F] sollicite l'allocation d'une somme de 5.000 euros en réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité. Elle fait valoir que l'employeur n'a pas organisé de visite médicale d'embauche ni de visite médicale de reprise, ce qui l'a contrainte à prendre des jours de congés payés car elle ne pouvait pas retourner travailler.

L'article R. 4624-10 du code du travail dans sa version applicable à la date d'embauche de Mme [F] dispose que « Le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail. »

L'article R. 4624-31 du même code dispose également que « Le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise. »

Si, en cas de défaut d'organisation par l'employeur, le salarié peut solliciter lui-même la visite de reprise à condition d'en aviser celui-ci au préalable, l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier en fait la demande, ou manifeste la volonté de reprendre le travail et se tient à la disposition de l'employeur pour qu'il y soit procédé.

L'employeur n'a cependant pas l'obligation d'organiser la visite de reprise si le salarié n'a ni repris le travail ni manifesté sa volonté de le reprendre, et ne sollicite pas l'organisation de cette visite.

Enfin, la visite peut être organisée dans les huit jours à l'issue des congés payés qui ont immédiatement fait suite à la fin de l'arrêt de travail.

En l'espèce, Mme [F] soutient qu'elle n'a eu ni visite médicale d'embauche, ni visite médicale de reprise lors de ses deux arrêts de travail de plus de 30 jours.

Elle ne fait cependant état d'aucun préjudice résultant de l'absence de visite médicale d'embauche, qu'elle soutient avoir demandé à plusieurs reprises à l'employeur sans aucune justification à cet égard.

S'agissant des visites médicales de reprises, les parties s'accordent sur leur absence pour les arrêts de travail ayant couru du 09 février 2017 au 08 avril 2017 et du 09 avril au 10 juin 2018, alors que ces arrêts étaient d'au moins 30 jours.

Toutefois, aucun élément n'est versé aux débats concernant la reprise du travail par la salariée et Mme [F] ne justifie pas, comme elle le soutient, avoir demandé à l'employeur d'organiser une visite médicale de reprise.

Concernant les suites de l'arrêt de travail ayant couru jusqu'au mois d'avril 2017, aucun élément probant n'est produit quant à l'existence d'un préjudice de la salariée de ce fait. Les certificats médicaux produits par Mme [F] sont postérieurs de près d'un an à cette reprise et ne sont donc pas probants quant à son état de santé et à l'existence de douleurs dès avril 2017.

S'agissant des suites de l'arrêt de travail ayant couru jusqu'au 10 juin 2018, Mme [F] expose avoir posé des congés payés à l'issue d'un des arrêts de travail précités car elle n'était plus capable de travailler dans l'attente de la date de visite. Cependant, elle ne fournit dans ses conclusions aucun élément chronologique précis et ne communique pas les dates des congés correspondants.

Il ressort de l'analyse de la fiche de paye du mois de juin 2018, dont le contenu n'est pas contesté par la salariée, que Mme [F] n'a pas travaillé pendant tout le mois, ayant été en arrêt maladie immédiatement suivi de congés payés jusqu'au début de son arrêt maladie suivant. Il ne peut ainsi être reproché à l'employeur de n'avoir pas organisé de visite médicale de reprise en présence d'une pose continue de congés payés entre deux arrêts maladie.

En outre, rien ne permet d'établir qu'avant cette pose de congés payés, la salariée avait manifesté la volonté de reprendre le travail ou de voir organiser de visite de reprise. La causalité entre la pose de ces congés et l'absence de visite médicale de reprise n'est donc pas avérée.

Il en est de même du nouvel arrêt de travail de Mme [F] à compter du 1er juillet 2018, rien ne permettant d'établir que cet arrêt de travail, qui s'explique par l'état de santé de la salariée à cette date, serait imputable directement à l'absence de visite médicale de reprise que l'employeur ne pouvait au demeurant organiser lors des congés de la salariée.

Enfin, les termes de l'accord transactionnel conclu par les parties ne contiennent pas de reconnaissance du manquement de l'employeur, stipulant au contraire « A titre purement transactionnel, et sans que cela implique une quelconque reconnaissance de torts de sa part, la société Oceal Services accepte de prendre en considération le préjudice allégué par Mme [N] [F], né de l'absence de visite médicale de reprise. » Il ne peut donc être utilement tiré argument de cet accord transactionnel comme preuve du préjudice de la salariée.

Dès lors, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [F].

Sur l'affiliation aux organismes sociaux

La salariée affirme que son relevé de carrière de l'assurance retraite ne fait pas apparaître la SARL Oceal Services comme un de ses employeurs. Elle conclut par conséquent à la condamnation de la SARL Oceal Services représentée par son liquidateur à justifier sous astreinte de 5 euros par jour, de la déclaration aux différents organismes sociaux pour les années 2017 et 2018.

L'intimée affirme en réponse avoir rencontré des « difficultés matérielles dans le cadre de la transmission des informations », mais soutient avoir payé les cotisations salariales. La situation étant, selon l'employeur, régularisée, il est conclu au débouté de la demande de la salariée qui dispose de ses bulletins de salaire et peut obtenir la régularisation de leur affiliation auprès des différentes caisses et organismes sociaux.

Il résulte des éléments du dossier et notamment de l'état des débits établi par l'URSSAF à la date du 28 août 2018 que la SARL Oceal Services a bien déclaré les cotisations au titre de l'ensemble des années 2015, 2016, 2017 et 2018 et que seul un solde de pénalités restait dû à cette date pour la période allant de septembre 2017 à mai 2018, les cotisations étant entièrement réglées.

Par ailleurs, les DADS (déclarations annuelles des données sociales) pour les années 2015 et 2016 ont été retrouvées en janvier 2018 par les agents de l'organisme de retraite Malakoff, tel que cela ressort du courriel daté du 22 janvier 2018 adressé par l'organisme de retraite à la SARL Oceal Services, et les noms des salariés, et de celui de la salariée en particulier, apparaissent bien sur les justificatifs établis par Malakoff, régularisés le 22 juillet 2018.

Dès lors, il convient de constater que la SARL Oceal Services a bien respecté son obligation légale de déclarer les salaires et cotisations sociales auprès des organismes de retraite et de l'URSSAF.

Au surplus, aucun élément produit aux débats ne permet de constater que la salariée ait besoin d'obtenir les documents relatifs aux déclarations aux différents organismes sociaux pour les années 2017 et 2018. Les courriers produits en pièces 31 et 32 par l'intimée démontrent au demeurant que, pour faire rectifier le relevé de situation individuelle des droits à la retraite ne faisant pas apparaître la SARL Oceal Services comme employeur, seuls sont nécessaires les bulletins de paye de la période concernée, et non des documents relatifs aux déclarations de l'employeur aux différents organismes sociaux.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris et de débouter la salariée de sa demande formée à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

Me [E], en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Oceal Services qui succombe en partie devant la Cour, sera condamné à payer à Mme [F] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles.

Les dépens des deux instances accroîtront les frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement dont appel uniquement en ce qu'il a débouté Mme [N] [F] de sa demande au titre du rappel de salaire et congés payés y afférents et en ses dispositions statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe au passif de la SARL Oceal Services la somme de 20.206,33 € au titre du rappel de salaire dû, somme calculée du 02 mai 2016 au 24 octobre 2018 inclus, outre 2.020,63 € au titre des congés payés afférents ;

Dit que l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Nancy doit sa garantie à titre subsidiaire pour le paiement des créances fixées en application de l'article L. 3253-8 1° du code du travail, selon les conditions et les limites prévues par les lois et règlements applicables en matière de garantie des salaires ;

Rappelle que la liquidation judiciaire a fait cesser le cours des intérêts ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront traités comme frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Oceal Services représentée par Me [E], membre de la SELAS [E] et Associés, es qualité de mandataire liquidateur ;

Condamne Me [E], membre de la SELAS [E] et Associés, es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Oceal Services à payer à Mme [N] [F] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/01626
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;20.01626 ?
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