La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2022 | FRANCE | N°20/00701

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 23 mai 2022, 20/00701


Arrêt n° 22/00308



23 mai 2022

---------------------

N° RG 20/00701 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FIIH

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

14 février 2020

18/00879

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Vingt trois mai deux mille vingt deux







APPELANTE :



S.A

.S. DEKRA INDUSTRIAL prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Anny MORLOT, avocat au barreau de NANCY...

Arrêt n° 22/00308

23 mai 2022

---------------------

N° RG 20/00701 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FIIH

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

14 février 2020

18/00879

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt trois mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.S. DEKRA INDUSTRIAL prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Anny MORLOT, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

INTIMÉ :

M. [Z] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Antoine FITTANTE, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Laëtitia WELTER, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [Z] [C] a été embauché par la société DEKRA, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er février 2013, en qualité de Responsable d'activité.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2018, Monsieur [C] était licencié pour insuffisance professionnelle.

Le 27 novembre 2018, il saisissait le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- Dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,

- Condamner la SAS DEKRA INDUSTRIAL à lui payer les sommes suivantes :

* 66 566,28 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation de ses préjudices financiers et moraux ;

* 608, 11 € brut à titre de complément d'indemnité de préavis ;

- Dire et juger le jugement à intervenir exécutoire par provision en intégralité ;

- Condamner la SAS DEKRA INDUSTRIAL aux entiers frais et dépens ;

- Condamner la SAS DEKRA INDUSTRIAL à lui payer une indemnité de 4 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Par jugement du 14 février 2020, le Conseil de prud'hommes de Metz a :

- Requalifié le licenciement de Monsieur [Z] [C] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- Condamné la SAS DEKRA INDUSTRIAL, prise en la personne de son Président, à payer à Monsieur [Z] [C] la somme de 33 283, 14 € net à titre de dommages et intérêts conformément aux dispositions de l'article L.1235-6 du Code du Travail

- Dit que cette somme porte intérêts de droit, au taux légal, à compter du 14 février 2020, date de prononcé du présent jugement ;

- Dit que Monsieur [Z] [C] a été intégralement rempli de ses droits en matière d'indemnité de préavis

- Déboute Monsieur [Z] [C] de cette demande ;

- Condamne la SAS DEKRA INDUSTRIAL, prise en la personne de son Président, à payer à Monsieur [Z] [C] 1 500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Déboute Monsieur [Z] [C] du surplus de sa demande ;

- Déboute la SAS DEKRA INDUSTRIAL de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision conformément aux dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile ;

- Condamne la SAS DEKRA INDUSTRIAL, prise en la personne de son Président, à
rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage qui ont été versées à Monsieur
[Z] [C] par cet organisme dans la limite de six mois d'indemnités sur le fondement de l'article L.1235-4 du Code du Travail ;

- Condamne la SAS DEKRA INDUSTRIAL aux entiers frais et dépens de l'instance y compris ceux liés à l'exécution du présent jugement.

- Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision conformément aux dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile ;

Le 20 mars 2020, la société DEKRA INDUSTRIAL a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions du 05 février 2021, la société DEKRA demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Metz en ce qu'il a :

* Requalifié le licenciement de Monsieur [Z] [C] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* Condamné la société DEKRA INDUSTRIAL, prise en la personne de son Président, à payer à Monsieur [Z] [C] la somme de 33 283,14 € net à titre de dommages et intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 1235-6 du Code du travail ;
* Condamné la société DEKRA INDUSTRIAL, prise en la personne de son Président, à payer à Monsieur [Z] [C] la somme de 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Débouté la société DEKRA INDUSTRIAL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Condamné la société DEKRA INDUSTRIAL, prise en la personne de son Président, à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage qui ont été versées à Monsieur [Z] [C] par cet organisme dans la limite de six mois d'indemnités sur le fondement de l'article L. 1235-4 du Code du travail ;
* Condamné la société DEKRA INDUSTRIAL aux entiers frais et dépens de l'instance y compris ceux liés à l'exécution du présent jugement.

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Metz en ce qu'il a :

* Dit que Monsieur [Z] [C] a été intégralement rempli de ses droits en matière d'indemnité de préavis ;
* Débouté Monsieur [Z] [C] de cette demande ;
* Débouté Monsieur [Z] [C] du surplus de sa demande ;

Par ses dernières conclusions datées du 03 mai 2021, Monsieur [C] demande à la Cour de :

- Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel principal,

- Le déclarer mal fondé

- Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a dit et juger que le licenciement de Monsieur
[Z] [C] est sans cause réelle et sérieuse,

Pour le surplus,

- Faisant droit à l'appel incident

- Infirmer le jugement et Statuant à nouveau

- Condamner la SAS DEKRA INDUSTRIAL à payer à Monsieur [Z] [C] :
* 66 566,28 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation de ses préjudices financiers et moraux,

* 709,46 € brut à titre de complément d'indemnité de préavis,

- Condamner la SAS DEKRA INDUSTRIAL aux entiers frais et dépens,

- Condamner la SAS DEKRA INDUSTRIAL à payer à Monsieur [Z] [C] une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 juin 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIVATION

Sur le licenciement de M. [C]

La lettre de licenciement du 4 juillet 2018 de M. [C] précise « Votre poste de responsable d'activité implique la réalisation de missions recouvrant principalement trois grands domaines relatifs au pilotage de votre activité : l'animation de collaborateurs, visant à leur réussite personnelle et à la réussite collective ; la gestion budgétaire ; le développement technique et commercial.

Or, vous êtes en défaut sur l'ensemble de ces points et l'activité dont vous avez la responsabilité est très en retrait de ce qui est attendu. Vous ne répondez pas aux exigences de votre poste, ainsi que cela vous a été rappelé à maintes reprises, et vous ne prenez pas les décisions, d'urgence et de fond, qu'impose la persistance d'indicateurs durablement insatisfaisants reflétant votre activité.

Ainsi, depuis le début de l'année 2018, l'activité dont vous avez la responsabilité (composée de vous-même et de M. [O]) n'a facturé que 57 K € (chiffres arrêtés à fin mai 2018), soit moins de la moitié de ce que vous étiez censé facturer à cette date, ce qui, compte-tenu de la vacuité de votre plan de charge sur le reste de l'année, ramène à une projection annuelle en déficit, avec une marge en perte, et donc à votre incapacité à vous mobiliser, à atteindre vos objectifs, à dépasser les échecs passés et à mobiliser votre équipe.

Ce constat fait malheureusement suite à des constats de même nature s'agissant des années précédentes : ainsi, en 2017, malgré un périmètre d'intervention plus réduit (ce qui aurait dû vous permettre d'asseoir une forme de réussite afin de trancher avec les deux années négatives précédentes), vous n'avez personnellement facturé que 105 K €, soit à peine plus que M. [O] (91,5 K €), ce qui, au cumul, aboutit à un résultat de ' 30 % par rapport à l'objectif qui vous avait été assigné.

La hauteur de ce déficit de facturation est du même niveau que celui de 2016 (- 35 %) dont la rentabilité était déjà négative( - 15 K €) et de 2015 (- 32 %) dont la facturation était d'un niveau catastrophique.

Ainsi, qu'il s'agisse de facturation ou de rentabilité, vous n'atteignez pas les objectifs qui vous sont assignés.

Cette situation, qui vous est directement imputable, est particulièrement préjudiciable à votre activité, en ce qu'il ne permet pas d'assurer sa rentabilité.

Cet échec est la conséquence d'un certain nombre de situations qui vous sont directement imputables à faute, notamment :

une insuffisance des actes de prospection et de visites clients

l'absence d'animation de votre équipe, alors qu'il vous appartient d'être le pilote de votre équipe afin de la fédérer, de la dynamiser et de la challenger pour atteindre les objectifs annoncés par la direction dans les orientations stratégiques. De fait, M. [O] n'est pas au niveau attendu, et vous ne proposez aucune solution pour y remédier, vous contentant d'en faire le constat

une communication déficiente avec votre manager, qui n'a ni les compte-rendus hebdomadaires demandés (qui doivent dépasser la simple liste de tâches journalières) ni votre stratégie pour redresser la barre (notamment, quelles actions menées pour aller chercher de nouvelles affaires avec les clients existants et les nouveaux) sans laquelle vos actions n'ont pas de sens ;

une communication déficiente avec vos collègues (cf problèmes Cofrac, perte d'accréditation des Finlandais '), ce qui empêche d'anticiper les situations et difficultés ;

une absence d'investissement personnel, alors qu'il vous appartient d'être force de proposition ; vous n'êtes pas suffisamment investi de contribuer à nla réussite de votre activité, et de nous apporter une analyse, un plan d'action commerciale, une suggestion, une réflexion, une mise en perspective en termes de développement marché, produits, prestations...

Là encore, vous vous contenter de constats, en en référant à votre manager de qui vous attendez des actions, sans porter aucun projet, aucune amélioration, aucune action pro-active ' alors que vous devez, au contraire, être moteur force de proposition '

Et lorsque celui-ci vous demande de réaliser une mission en clientèle afin de booster un chiffre d'affaire inexistant, et en tout cas insusceptible de compenser les charges de votre activité et celle de M. [O], vous la décliner en cherchant les raisons de ne pas y donner suite.

Cette situation d'ensemble, sur laquelle vous avez été destinataire d'alertes précises et qui pénalise le service auquel vous appartenez, caractérise une attitude professionnelle fautive incompatible avec les attendus essentiels de votre fonction et des missions qui vous sont confiées, et qui nous paraît sans solution à ce jour  ».

Différents griefs sont ainsi formulés à l'encontre de M. [C] qu'il convient donc d'examiner successivement.

Sur l'insuffisance de résultats

M. [C] considère avoir été licencié pour insuffisance professionnelle, et pas seulement insuffisance de résultats comme le soutient son employeur. Il ajoute que la société lui impute des fautes, ce qui rendrait son licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où l'insuffisance professionnelle n'est jamais fautive.

L'employeur souligne que M. [C] n'a pas été licencié pour insuffisance professionnelle, mais pour insuffisance de résultats, qui, elle, peut être fautive.

La lettre de licenciement de M. [C] précise : « depuis le début de l'année 2018, l'activité dont vous avez la responsabilité (composée de vous-même et de M. [O]) n'a facturé que 57 K € (chiffres arrêtés à fin mai 2018), soit moins de la moitié de ce que vous étiez censé facturer à cette date [']

Ce constat fait malheureusement suite à des constats de même nature s'agissant des années précédentes : ainsi, en 2017, malgré un périmètre d'intervention plus réduit (ce qui aurait dû vous permettre d'asseoir une forme de réussite afin de trancher avec les deux années négatives précédentes), vous n'avez personnellement facturé que 105 K €, soit à peine plus que M. [O] (91,5 K €), ce qui, au cumul, aboutit à un résultat de ' 30 % par rapport à l'objectif qui vous avait été assigné.

La hauteur de ce déficit de facturation est du même niveau que celui de 2016 (- 35 %) dont la rentabilité était déjà négative( - 15 K €) et de 2015 (- 32 %) dont la facturation était d'un niveau catastrophique ».

Ainsi, M. [C] a été licencié en raison de fautes reprochées par son employeur à l'origine d'une insuffisance de résultats de 2015 à 2018.

Pour que les mauvais résultats constituent un motif réel et sérieux de licenciement, il faut que le salarié se soit vu fixer des objectifs commerciaux. Ces objectifs, qui peuvent être fixés de façon contractuelle ou unilatéralement par l'employeur doivent être réalistes, compatibles avec le marché et le salarié doit avoir les moyens de les atteindre.

En l'espèce, la société verse aux débats un plan d'action individuel concernant M. [C] élaboré pour l'année 2015 par M. [W].

Au cours de l'entretien de progrès et de développement de 2016, il était constaté que ces objectifs n'étaient pas atteints. Pendant ce même entretien, des objectifs de chiffre d'affaire pour 2016 étaient fixés.

Au cours de l'entretien de progrès et de développement de 2017, il était constaté que les résultats précédemment fixés n'étaient pas atteints. Suite à ce constat, M. [W], supérieur hiérarchique de M. [C], a décidé de réduire le périmètre d'intervention de M. [C] à une seule région pour 2017. Un objectif chiffré était assigné à M. [C].

Au cours de l'entretien de progrès et de développement de 2018, il était constaté que M. [C] n'avait réalisé que 10 % de ses objectifs en 2017. Les objectifs pour l'année 2018 étaient établis à cette occasion.

L'appelante indique qu'en mai 2018, M. [C] n'avait réalisé que 27 510 € de chiffre d'affaire pour un objectif annuel de 160 000 € qu'elle considérait donc comme inatteignable.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [C] s'est bien vu fixer des objectifs commerciaux par son employeur au cours de ses entretiens annuels de progrès et de développement.

Toutefois, la société ne produit aucun document permettant à la cour de déterminer si ceux-ci sont réalistes, compatibles avec le marché, ou encore si M. [C] avait les moyens de les atteindre.

En effet, elle se prévaut d'une pièce qu'elle nomme « tableaux comparatifs du chiffre d'affaires des inspecteurs », document inexploitable dans la mesure où il ne s'agit que d'une succession de chiffres dont il est impossible de déterminer la nature, les colonnes n'ayant aucun titre.

Par conséquent, la société échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de ce grief qui ne saurait donc servir de fondement à un licenciement.

Sur l'insuffisance de prospection et de visite de clients

La lettre de licenciement de M. [C] souligne « une insuffisance des actes de prospection et de visites clients ».

La société affirme avoir établi à l'attention de M. [C] un plan d'action commercial sur lequel figure une liste de clients à prospecter, et précise qu'il n'en a visité aucun.

La pièce sur laquelle se fonde l'appelante est, une fois encore, inexploitable. Intitulée « plan d'action commerciale à l'attention de M. [C] », il s'agit d'un tableau excel, non signé, dont la date d'établissement n'est pas précisée et qui liste 25 sociétés, leur « date de création » (') allant de janvier 2014 à août 2016.

Au surplus, la société inverse la charge de la preuve lorsqu'elle indique « il ne ressort d'aucune pièce du dossier adverse la moindre preuve d'une quelconque activité de prospection digne de ce nom et à la mesure de la situation ».

C'est en effet à la société que revient la charge de prouver que M. [C] a manqué à son activité de prospection et de visite clients, ce qu'elle ne fait pas.

Ce grief ne peut donc servir de fondement au licenciement de M. [C].

Sur l'absence d'animation de l'équipe

La lettre de licenciement de M. [C] indique « l'absence d'animation de votre équipe, alors qu'il vous appartient d'être le pilote de votre équipe afin de la fédérer, de la dynamiser et de la challenger pour atteindre les objectifs annoncés par la direction dans les orientations stratégiques. De fait, M. [O] n'est pas au niveau attendu, et vous ne proposez aucune solution pour y remédier, vous contentant d'en faire le constat ».

La société fonde ce grief sur les feuilles d'objectifs des années 2016 à 2018 pour affirmer que le « management : organisation générale, rituels, montée en compétence, délégation, communication » n'a jamais été rempli par M. [C].

La fiche 2018 est entièrement barrée « annulée ».

Les fiches 2016 et 2017, dactylographiées en ce qui concerne les objectifs chiffrés, font l'objet de notes manuscrites pour les objectifs de performance, dont le management : il est donc impossible de déterminer qui a noté cet objectif, quand, si cela a été porté à la connaissance de M. [C] avant qu'il signe afin qu'un débat contradictoire sur ce point puisse avoir lieu.

Ces pièces sont donc insuffisantes à caractériser une quelconque faute commise par le salarié.

Au surplus, la société procède, à nouveau, à une inversion de la charge de la preuve lorsqu'elle indique « à aucun moment il ne rapporte la preuve dans son dossier de la moindre initiative en ce sens ».

Ce grief ne peut donc servir de fondement au licenciement de M. [C].

Sur la communication déficiente avec le manager

La lettre de licenciement de M. [C] précise « une communication déficiente avec votre manager, qui n'a ni les compte-rendus hebdomadaires demandés (qui doivent dépasser la simple liste de tâches journalières) ni votre stratégie pour redresser la barre (notamment, quelles actions menées pour aller chercher de nouvelles affaires avec les clients existants et les nouveaux) sans laquelle vos actions n'ont pas de sens ».

La société verse aux débats des mails adressés par M. [W] à M. [C] en février, mars et mai 2018 où il est, notamment, demandé au salarié « un point toutes les semaines à partir de maintenant [mars 2018] sur l'évolution [du chiffre]. J'espère que cela va évoluer significativement, sinon il va falloir prendre de sérieuses décisions comme déjà discuté » ou encore des « plans d'action » à même de pallier des objectifs en berne.

Dans ses conclusions, le salarié ne contredit pas ce point. Il ne verse d'ailleurs aux débats aucune pièce justifiant avoir effectué ce point hebdomadaire.

Toutefois, dans un mail du 16 mai 2018 adressé à M. [W], M. [C] souligne « je t'ai fait et je continue de te faire un retour hebdo comme convenu à ta demande ». Aucune contradiction en retour n'est produite.

Par conséquent, la société échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de la communication déficiente de M. [C] envers son manager.

Ce grief ne peut donc servir de fondement au licenciement de M. [C].

Sur la communication déficiente avec ses collègues

La lettre de licenciement de M. [C] indique « une communication déficiente avec vos collègues (cf problèmes Cofrac, perte d'accréditation des Finlandais '), ce qui empêche d'anticiper les situations et difficultés ».

La société affirme dans ses conclusions « cette carence fautive de M. [C] a engendré des problèmes avec la COFRAC et une perte d'accréditation des finlandais, ce qui a aussi été à l'origine de l'insuffisance de résultats ».

L'appelante précise que M. [C] était accrédité ASAP, puis, en 2013, auprès de l'organisme notifié DEKRA en Finlande, avant de finalement ne plus être accrédité par ces organismes.

Outre le fait que l'appelante procède uniquement par voie d'affirmation, sans appuyer son raisonnement sur aucune pièce, il est impossible de déterminer le lien qui existerait entre ces problèmes d'accréditation et « la communication déficiente avec ses collègues » qui est reprochée à M. [C].

Ce grief ne peut donc servir de fondement au licenciement de M. [C].

Sur l'absence d'investissement personnel

La lettre de licenciement de M. [C] souligne « une absence d'investissement personnel, alors qu'il vous appartient d'être force de proposition ; vous n'êtes pas suffisamment investi de contribuer à la réussite de votre activité, et de nous apporter une analyse, un plan d'action commerciale, une suggestion, une réflexion, une mise en perspective en termes de développement marché, produits, prestations... ».

A l'appui de ce grief, la société verse aux débats un échange de mails entre M. [W] et M. [C] du 14 au 16 mai 2018 relativement à la réalisation d'une mission en clientèle destinée à booster son chiffre d'affaire.

M. [W] lui indique « on aura besoin de toi chez Kelvion pour une mission d'assistance au plus tôt. Un démarrage mardi prochain le 22/05 te semble-t-il possible ' On partirait sur le même format que lors de ta précédente mission qui devrait aller jusqu'à fin juin -mi-juillet. Dans l'attente de ta confirmation ».

M. [C] lui répond ne pas être intéressé, ce à quoi M. [W] rétorque qu'au regard de ses résultats « je ne pense pas que tu sois en situation de dire que cette mission ne t'intéresse pas. Ta non performance, ainsi que celle d'[F], met tout le CDP 0372 en difficulté. Comme déjà abordé, vos chiffres actuels ne couvrent même pas vos charges salariales. Dans l'intérêt de l'activité et de la survie du pôle inspection, je te demande de revoir ta position sur le sujet ».

Le salarié répond en précisant, notamment qu'il ne connaît pas le nouveau référentiel ISO 9001, qu'il n'y a pas été formé, ou encore qu'il ne comprend pas en quoi travailler à [Localité 5] un mois va développer le business dans l'Est.

En tout état de cause cette divergence de vue sur une mission à [Localité 5] ne saurait, à elle seule caractériser l'absence d'investissement personnel reproché à M. [C].

Ce grief ne peut donc servir de fondement au licenciement de M. [C].

Par conséquent, aucun des griefs formulé dans la lettre de licenciement n'étant caractérisé, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [C] affirme que le salaire moyen à prendre en compte en l'espèce est de 5 547,19 €, ce que conteste la société. Elle se prévaut d'un tableau établi par ses soins aux termes duquel le salaire moyen de M. [C] sur les 12 mois ayant précédé son licenciement serait de 5 066,88 €. La société n'a toutefois pas cru bon de produire à la cour les bulletins de paie de juillet 2017 à juin 2018 qui auraient permis de vérifier la réalité de ces montants.

En outre, il ressort du jugement de première instance, que le salaire moyen de 5 547,19 € n'était alors pas contesté par l'employeur.

Par conséquent, conformément aux dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, eu égard à l'ancienneté du salarié, de son âge et des circonstances de son licenciement, il convient d'allouer à M. [C] la somme de 5 547,19 € * 6 mois = 33 283,14 €.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur le complément de préavis

M. [C] sollicite la somme de 709,46 € à titre de complément de préavis, car, selon lui, son préavis aurait dû s'achever le 30 octobre et non le 20 octobre.

La lettre recommandée avec accusé de réception portant licenciement a été notifiée à M. [C] le vendredi 6 juillet 2018, date à laquelle le préavis a commencé à courir.

Le préavis contractuel de trois mois de M. [C] devait donc s'achever le 5 octobre 2018

Or, le salarié était en congés du lundi 9 au vendredi 27 juillet 2018, soit 15 jours ouvrés, menant ainsi la fin du préavis au 20 octobre.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de complément de préavis de M. [C].

Sur les autres demandes

Aux termes de l'article L 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

L'appelante, qui succombe, supportera les dépens de l'appel, et sera condamnée à verser à M. [C] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Metz le 14 février 2020 en toutes ses dispositions,

Condamne la SAS DEKRA INDUSTRIAL à payer à M. [Z] [C] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS DEKRA INDUSTRIAL aux entiers frais et dépens d'appel.

La GreffièreP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/00701
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;20.00701 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award