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23/05/2022 | FRANCE | N°19/03022

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 23 mai 2022, 19/03022


Arrêt n° 22/00314



23 Mai 2022

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N° RG 19/03022 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FFOW

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

06 Novembre 2019

R 19/00011

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



vingt trois Mai deux mille vingt deux







APPELANTE :



S.A

.S. ADECCO FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie CLANCHET, avocat postulant au barreau de METZ et par Me François VACCARO, avocat plaidant au barreau de TOURS


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Arrêt n° 22/00314

23 Mai 2022

---------------------

N° RG 19/03022 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FFOW

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de THIONVILLE

06 Novembre 2019

R 19/00011

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt trois Mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.S. ADECCO FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie CLANCHET, avocat postulant au barreau de METZ et par Me François VACCARO, avocat plaidant au barreau de TOURS

INTIMÉE :

Mme [M] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Décembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, pour le président régulièrement empêché, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Mme [V] a été mise à disposition de la société Darty par la SAS Adecco France, selon contrats de mission, à compter d'octobre 2016, en qualité de téléconseillère/assistante commerciale.

Le 1er mars 2019, la société Adecco France a annoncé à Mme [V] le versement de primes d'objectif d'un montant total brut de 144,10 euros.

Par acte introductif enregistré au greffe le 10 avril 2019, Mme [V] a saisi le Conseil de prud'hommes de Thionville aux fins de condamner la SAS Adecco France au paiement des sommes suivantes :

'7.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

'3.515 euros nets correspondant au montant des primes sur objectif lui étant dues sur la période de 19 mois durant laquelle elle a été mise à la disposition de la Société Darty.

Par jugement du 06 novembre 2019, le Conseil de prud'hommes de Thionville, section référé, a statué ainsi qu'il suit :

- Condamne la SAS Adecco France à payer à Mme [V] la somme de 3 515,00 euros bruts au titre des rappels de primes.

- Déboute Mme [V] de la demande de dommages et intérêts au titre de harcèlement moral.

- Déboute la SAS Adecco France de toutes ces demandes.

- Déboute la SAS Adecco France sur la somme de 1000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Par déclaration formée par voie électronique le 20 octobre 2019 et enregistrée au greffe le jour même, la société Adecco France a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 06 novembre 2020, enregistrées au greffe le jour même, la société Adecco France demande à la Cour de :

- Dire que les demandes de Mme [V] soulèvent des contestations sérieuses ;

- Dire en conséquence que la formation de référé n'est pas compétente pour connaître des demandes de Mme [V] ;

- Infirmer l'ordonnance du 6 novembre 2019 rendue parle Conseil de prud'hommes de Thionville en ce qu'elle l'a condamnée à payer à Mme [V] 3 515 euros de rappel de prime ;

Statuant à nouveau,

- Débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

A titre subsidiaire,

- Constater que Mme [V] a perçu l'ensemble de ses salaires, primes et indemnités auxquels elle pouvait prétendre ;

- Dire qu'elle n'est en tout état de cause pas responsable des éléments de rémunérations ;

- Dire que dès lors la demande à ce titre de Mme [V] est infondée et infirmer l'ordonnance en conséquence ;

En tout état de cause et en conséquence,

- Constater que Mme [V] ne verse aucun élément probant à l'appui de sa demande au titre d'un prétendu harcèlement moral ;

- Dire qu'elle n'est en tout état de cause pas responsable de l'exécution du travail au sein de la société utilisatrice ;

- Dire que des lors la demande à ce titre de Mme [V] est infondée ;

- Confirmer l'ordonnance entreprise sur ce point en rejetant la demande au titre du harcèlement moral;

- Débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions comme étant irrecevables ;

- Condamner Mme [V] au paiement de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions datées du 27 août 2020, enregistrées au greffe le jour même, Mme [V] demande à la Cour de :

- Rejeter l'appel de la Société Adecco France et le dire mal fondé.

- Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf à préciser que la somme de 3.515 euros bruts que la Société Adecco France a été condamnée à lui payer au titre des rappels de primes est allouée à cette dernière à titre de provision.

- Condamner la SAS Adecco France en tous les frais et dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 février 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Mme [V] soulève le principe d'égalité de rémunération entre les salariés titulaires d'un contrat de travail temporaire et les salariés permanents de l'entreprise d'accueil et estime que c'est à l'entreprise de travail temporaire qu'incombe le respect du principe d'égalité de traitement.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas perçu les primes d'objectif dont bénéficiaient les salariés de la société Darty, à savoir une prime d'un montant maximum de 185 euros par mois.

Elle affirme que les contrats de missions sont totalement taisant s'agissant des primes sur objectifs et des éléments de calcul de cette rémunération variable de sorte qu'elle considère qu'elle est en droit d'obtenir l'intégralité de cette rémunération.

Mme [V] soutient que sa demande de rappel de primes ne se heurte à aucune contestation sérieuse et qu'en tout état de cause la formation de référé peut prescrire des mesures conservatoires pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La SAS Adecco France réplique qu'elle a établi les bulletins de salaire et a rémunéré la salariée au regard des éléments de rémunération mentionnées par l'entreprise utilisatrice.

La SAS Adecco France souligne que lorsque la société Darty lui a indiqué, pour la première fois, que des primes devaient être versées à Mme [V], elle a versé les éléments de rémunération manquant conformément aux instructions de la société utilisatrice.

La SAS Adecco France soutient qu'elle n'est donc pas responsable des éléments de rémunération et que les griefs au titre de l'exécution du contrat de travail ne peuvent être dirigés contre elle.

La SAS Adecco ajoute que Mme [V] n'étaye pas sa demande de rappel de primes puisque le bulletin de salaire qu'elle produit n'émane pas de la société et ne concerne pas les périodes de travail de la salariée.

La SAS Adecco France conclut qu'il existe une contestation sérieuse quant aux demandes de rappel de primes et de harcèlement moral de sorte que la formation de référé se trouve incompétente.

Sur ce,

En application des dispositions de l'article R. 1455-5 du code du travail, « Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».

L'article R. 1455-6 énonce que « La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

La cour rappelle que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés dès lors qu'ils sont placés dans une situation identique.

En l'occurrence, en application des articles L. 1251-43 et L. 1251-18 du code du travail, la rémunération des salariés intérimaires ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise utilisatrice un salarié de qualification équivalente occupant le même poste de travail.

Il ressort des dispositions précitées que les salariés intérimaires ont donc droit au paiement des primes versées aux salariés permanents de l'entreprise utilisatrice sous réserve qu'ils remplissent les conditions prévues pour l'attribution de celle-ci.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l'espèce, Mme [V] a travaillé pour la société Darty du mois d'octobre 2016 au mois de juillet 2018 dans le cadre de contrats de mission conclus avec la société Adecco France.

Mme [V] soutient qu'elle n'a pas perçu les primes d'objectif versées aux salariés permanents de la société Darty et sollicite un rappel de primes de la part de la SAS Adecco France en vertu du principe d'égalité de traitement.

La cour rappelle que c'est bien sur l'employeur de Mme [V], la SAS Adecco France, que pèse l'obligation de verser un salaire conforme aux modalités de rémunération figurant dans le contrat de mise à disposition et dans le contrat de mission, primes et accessoires de salaire compris. A cet égard, il apparentait à la SAS Adecco France de procéder aux investigations nécessaires afin de déterminer le montant du salaire de Mme [V], le cas échéant en mettant l'entreprise utilisatrice, la société Darty, en demeure de lui fournir toutes informations utiles notamment sur l'existence d'éventuels accords ou usages d'entreprise ou d'établissement.

Néanmoins, les demandes formulées auprès du juge des référé doivent présenter un caractère d'urgence et ne doivent se heurter à aucune contestation sérieuse. Or, l'appréciation même de l'existence d'une différence de rémunération entre les salariés mis à disposition et les salariés de l'entreprise utilisatrice suppose d'examiner les faits présentés par Mme [V] susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et les éléments objectifs expliquant la situation avancés par l'employeur, ce qui relève du juge du fond et constitue donc une cause de contestation sérieuse.

De plus, il résulte des pièces du dossier que Mme [V] a bien été rémunérée par la société Adecco France conformément aux dispositions des contrats de mission basés sur les informations figurant dans les contrats de mise à disposition conclus avec la société Darty.

Lorsque Mme [V] a sollicité la prime sur objectifs applicable au sein de la société Darty, la SAS Adecco France a interrogé la société Darty qui lui a répondu que le « taux d'atteinte des objectifs sur les années 2016 à 2018 sur les critères de productivité d'appels, taux de rebond, qualité post appel, productivité « terminés techniques » » ne donnait pas lieu à un versement de prime en 2016, donnait lieu à une prime de 67,30 euros bruts en 2017 et de 76,80 euros bruts en 2018.

La SAS Adecco justifie avoir régularisé la situation de Mme [V] en lui payant en mars 2019 la somme de 144,10 euros bruts (67,30 + 76,80) à titre de rappel de primes d'objectif.

Mme [V], qui estime que la prime aurait dû être de 185 euros par mois, ne produit aucune pièce laissant apparaître des modalités de calculs différentes que celles utilisées et expliquant un tel montant.

En l'absence de stipulations claires et précises que la SAS Adecco France n'aurait pas exécutées, cette dernière a rémunéré Mme [V] sans qu'aucune violation évidente d'une règle de droit ne soit établie de sorte que le trouble manifestement illicite dont se prévaut la salariée n'est pas caractérisé.

En présence d'une contestation sérieuse et en l'absence de trouble manifestement illicite, il n'y a pas lieu à référé s'agissant de la demande de rappel de primes d'objectif.

L'ordonnance entreprise sera dès lors infirmée sur ce point en ce sens.

Enfin, la cour constate que Mme [V] ne maintient pas sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral de sorte que la présente juridiction n'est pas saisie de ce chef de prétention et n'a pas à statuer sur ce point.

L'ordonnance entreprise sera confirmée s'agissant des dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile mais infirmée s'agissant des dépens.

Chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Compte tenu de la situation économique respective des parties, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre de harcèlement moral et s'agissant des dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau et dans cette limite,

Dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes relatives à l'inégalité de traitement et au rappel de primes d'objectif.

Renvoie les parties à se pourvoir au fond.

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens exposés en première instance et en appel.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/03022
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;19.03022 ?
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