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23/05/2022 | FRANCE | N°19/00366

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 23 mai 2022, 19/00366


Arrêt n° 22/00286



23 mai 2022

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N° RG 19/00366 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-E6RG

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

10 janvier 2019

18/00331

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Vingt trois mai deux mille vingt deux





APPELANTE :



SAS EIFFAGE

ENERGIE SYSTEMES LORRAINE MARNE ARDENNES prise en la personne de son représentant légal et en son établissement du [Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Patricia AUBRY, avocat au barreau de METZ, ...

Arrêt n° 22/00286

23 mai 2022

---------------------

N° RG 19/00366 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-E6RG

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

10 janvier 2019

18/00331

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt trois mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

SAS EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES LORRAINE MARNE ARDENNES prise en la personne de son représentant légal et en son établissement du [Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Patricia AUBRY, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Vincent LOQUET, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

INTIMÉ :

M. [W] [J]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Denis MOREL, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Laëtitia WELTER, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Monsieur [J] a été embauché par la société EIFFAGE ENERGIE, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 14 octobre 1996, en qualité de chef de chantier.

Par lettre du 3 juillet 2017, Monsieur [J] était licencié pour faute grave.

Le 11 avril 2018, Monsieur [J] saisissait le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- Dire et Juger que son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Annuler l'avertissement du 31 mars 2016 ;

- Condamner l'employeur à lui verser :
* 1 436,99 € bruts au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
* 143,70€ bruts au titre des congés payés y afférents;

* 7 783,74€ bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 778,37€ au titre des congés payés y afférents ;
* 16 896,11 € nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
Ces sommes portant intérêts légaux du jour de la demande.
* 75 000 € de dommages et intérêts, nets de CSG-CRDS et de toutes charges sociales
éventuelles, pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Ces sommes portant intérêts légaux du jour du jugement

- Condamner la SAS EIFFAGE ENERGIE LORRAINE MARNES ARDENNES à lui délivrer sous astreinte de 50 euros par jour de retard :un bulletin de paie, l'attestation Pôle Emploi, un certificat de travail conformes au jugement à intervenir ;

- Déclarer le jugement à intervenir exécutoire par provision dans sa totalité sur le fondement de l'article 515 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner la SAS EIFFAGE ENERGIE LORRAINE MARNES ARDENNES aux entiers
frais et dépens de la présente instance.

Par jugement du 10 janvier 2019, le Conseil de prud'hommes de Metz a :

- Débouté Monsieur [W] [J] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 31 mars 2016 ;

- Condamné la SAS EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES LORRAINE MARNES ARDENNES,
prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [W] [J] les sommes de :

* 1 436,99 € bruts de rappel de salaires sur la période de mise à pied ;

* 143,69 € bruts de congés payés y afférents ;
* 7 783,74€ bruts d'indemnité compensatrice de préavis ;
* 778,37€ bruts de congés payés y afférents ;
* 16 696, 11 € nets d'indemnité conventionnelle de licenciement
Ces sommes portant intérêts légaux du jour de la demande.
* 58 000 € nets de CSG-CRDS et de toute charge sociale à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse ;
* 1 200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Ces sommes portant intérêts légaux du prononcé du jugement.

- Condamné la SAS EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES LORRAINE MARNES ARDENNES à délivrer, sous un délai de huit jours, à Monsieur [W] [J], sous astreinte de 50 € par jour de retard, un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent jugement ;

- Débouté la SAS EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES LORRAINE MARNES ARDENNES de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du CPC ;

- Rappelé l'exécution provisoire de droit en application des dispositions de l'article R1454- 28 du Code du travail ;

- Dit qu'il y a lieu d'appliquer en l'espèce les dispositions de l'article 515 du CPC ;

- Condamné la SAS EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES LORRAINE MARNES ARDENNES
aux entiers frais et dépens.

Le 08 février 2019, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES LORRAINE MARNES ARDENNES interjetait régulièrement appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions du 24 mars 2021, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES LORRAINE MARNES ARDENNES demandait à la cour de :

- Confirmer le jugement du 10 janvier 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de sa demande de voir annuler son avertissement du 31 mars 2016 ;

- Infirmer le reste du jugement du 10 janvier 2019 ;
Statuant à nouveau,

- Dire et juger que la faute grave est parfaitement caractérisée ;

- Débouter Monsieur [J] au titre de sa demande de voir requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et toutes les indemnités subséquentes indemnitaires et salariales ;

- Débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner Monsieur [J] à 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions du 05 janvier 2021, Monsieur [J] demande à la Cour de :

- Rejeter l'appel principal de la Société EIFFAGE ENERGIE LORRAINE MARNE ARDENNES.

- Accueillir l'appel incident de Monsieur [J].

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de METZ du 10 janvier 2019, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 31 mars 2016 et limité à 58 000 € les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau de ces deux chefs,

- Annuler l'avertissement du 31 mars 2016 ;

- Condamner la SAS EIFFAGE ENERGIE LORRAINE MARNE ARDENNES à payer à
Monsieur [W] [J] une indemnité de 75 000 € nette de CSG-CRDS et de toutes
charges sociales, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Y ajoutant,
- Condamner la SAS EIFFAGE ENERGIE LORRAINE MARNE ARDENNES à payer à
Monsieur [W] [J] une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 juin 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIVATION

Sur l'avertissement du 31 mars 2016

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mars 2016, la société notifiait un avertissement à M. [J].

Un salarié peut contester devant le juge prud'homal, dans le délai de prescription de deux ans, toute mesure disciplinaire prise à son encontre.

En l'espèce, le numéro de cette lettre recommandée avec accusé de réception est précisé en en-tête de la lettre, et la société verse aux débats l'accusé de réception correspondant, ce qui démontre bien que M. [J] a reçu notification de cet avertissement le 7 avril 2016.

Le salarié ne justifie quant à lui d'aucune démarche visant à contester cet avertissement dans le délai de prescription.

La contestation de cet avertissement, intervenue le 11 avril 2018, est donc irrecevable comme étant prescrite. Le jugement rendu par le conseil de prud'hommes sera donc confirmée sur ce point.

Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement de M. [J] du 3 juillet 2017, qui fixe les limites du litige, précise : « En date du jeudi 15 juin 2017, vous avez été surpris en fin de journée de travail par un encadrant de chantier d'Eiffage Construction Lorraine à marcher sur une dalle béton finie, en cours de séchage sur notre chantier du centre des congrès de [Localité 6], chantier où vous exercez vos fonctions de chef de chantier.

Comme vous l'avez admis lors de notre entretien, vous n'ignoriez pas les consignes de non circulation durant la période du 14 juin au 20 juin 2017 sur cette partie du rez-de-chaussée, zone A.

Cette interdiction d'accès à cette zone était suffisamment indiquée et relayée :

par un plan de circulation sur le chantier du 14 au 20 juin 2017 affiché à l'entrée du chantier

par des balisages et des gardes corps ne permettant pas l'accès à la zone sans les déplacer

par des directives données en réunion de chantier et relayées sur le chantier par les encadrants.

Vous avez délibérément enfreint les directives et avez sciemment circulé sur les zones interdites afin de vous rendre dans le local TGBT, local où vous stockiez du matériel. Vous auriez pu aisément vous organiser afin d'anticiper cette contrainte en stockant le matériel ailleurs. En effet, les informations concernant la zone condamnée au cours de cette période ont été transmises suffisamment tôt par Eiffage construction Lorraine.

En agissant de la sorte, vous avez maculé la dalle béton finie de vos traces de pas de telle sorte que Eiffage construction Lorraine va devoir curer et reprendre la dalle béton finie. Cet ouvrage engendrera des coûts supplémentaires estimés à 5 000 € hors taxes, coût qu'ils ne manqueront pas de nous refacturer. Ce surcoût économique causé par vos agissements gravées va être supporté par la société.

De surcroît, lorsque vous avez été surpris par l'encadrement d'Eiffage construction Lorraine, au lieu de faire profil bas, vous avez été cavalier à son encontre, et, comme vous nous l'avez avoué lors de notre entretien, vous avez refusé de lui donner votre identité en lui indiquant simplement que vous étiez « le chef de chantier électricien ». Vous avez également refusé de le suivre aux bureaux du chantier en prétextant que vous n'aviez pas le temps.

Nous vous rappelons qu'en votre qualité de chef de chantier ETAM niveau F, vous vous devez d'être irréprochable et exemplaire, vous représentez l'entreprise sur le chantier.

Vos agissements portent une lourde atteinte à l'image de marque de la société.

En conséquence de vos transgressions et de votre comportement, Eiffage construction Lorraine a décidé le jour même, jeudi 15 juin 2017, de vous exclure de façon définitive du chantier du centre des congrès de [Localité 6].

Pour mémoire, Eiffage construction Lorraine a totalement le droit de prononcer votre exclusion définitive du chantier puisqu'ils sont mandataires dans le groupe constructeur.

Et, pour conclure, le lendemain de l'incident, alors que vous ignoriez encore cotre exclusion du chantier, vous avez préféré ne pas vous présenter à votre poste de travail plutôt que de faire face à vos responsabilités. Nous considérons donc cette absence du vendredi 16 juin 2017 qui n'a ni été formalisée, ni acceptée, comme non justifiée.

Nous vous rappelons que vous avez déjà reçu plusieurs rappels à l'ordre verbaux, ainsi qu'une sanction disciplinaire, relatif à votre comportement inacceptable : avertissement du 31 mars 2016 ».

La Cour rappelle que lorsque l'employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, il lui incombe d'apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement, qui doivent être des faits précis matériellement vérifiables, à charge ensuite pour le juge d'apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s'ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Sur le non respect de la zone balisée et interdite à la circulation sur le chantier

La lettre de licenciement reproche à M. [J] d'avoir « délibérément enfreint les directives et ]d'avoir[ sciemment circulé sur les zones interdites ».

La société précisait : « Cette interdiction d'accès à cette zone était suffisamment indiquée et relayée :

par un plan de circulation sur le chantier du 14 au 20 juin 2017 affiché à l'entrée du chantier

par des balisages et des gardes corps ne permettant pas l'accès à la zone sans les déplacer

par des directives données en réunion de chantier et relayées sur le chantier par les encadrants ».

Or l'appelant, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre aucunement que M. [J] a sciemment enfreint ces directives.

En effet, aucune pièce produite ne démontre que le plan de circulation était bien affiché à l'entrée du chantier.

Les photos produites par la société, non datées, floues, et inexploitables pour certaines (pièces 18 totalement noires) n'établissent pas qu'il existait des balisages et gardes corps tout autour de la zone présentée comme interdite.

De plus, le compte-rendu n° 22 « réunion de coordination TCE du 07/06/2017 » indique uniquement « EC informe tous les ST que le monte charge sera inutilisable au RDC les 14/06, 15/05 et 16/06 en raison des recharges de béton. EC diffuse un phasage des accès aux étages en fonction du planning des recharges béton ». Ce phasage n'est toutefois pas versé aux débats, les « plans de circulation du 14/06 au 20/06/2017 » produits n'étant que des annexes au rapport d'incident.

Au surplus, il n'est pas reproché à M. [J] d'avoir voulu utiliser le monte charge, mais d'avoir « sciemment circulé sur les zones interdites afin de vous rendre dans le local TGBT, local où vous stockiez du matériel ». Ce local n'est d'ailleurs jamais matérialisé sur les schémas produits, pas plus que le trajet qu'aurait effectué M. [J].

Par conséquent, la société échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de la faute reprochée à M. [J] dans les termes de la lettre de licenciement. Ce grief ne saurait donc servir de fondement à un quelconque licenciement du salarié.

Sur le comportement de M. [J] à l'égard de la société Eiffage construction Lorraine

La société reproche à M. [J], dans la lettre de licenciement, d'avoir été « cavalier » à l'égard de l'encadrement d'Eiffage , « vous avez refusé de lui donner votre identité en lui indiquant simplement que vous étiez « le chef de chantier électricien ». Vous avez également refusé de le suivre aux bureaux du chantier en prétextant que vous n'aviez pas le temps ».

M. [J] conteste avoir eu un comportement inadapté le 15 juin 2017.

Au soutien de ce grief, la société verse aux débats les mails adressés les 15 et 16 juin 2017 par M. [X] [R], conducteur de travaux à Eiffage construction, à M.[E] [D], de Eiffage Energie, ainsi que le « rapport suite à incident survenu le 15 juin 2017 sur le chantier centre des congrès de [Localité 6] » du 16 juin 2017 rédigé par M. [D].

Or, ni M. [R] ni M. [D] n'étaient présents au moment des faits. Ils se contentent tous deux de rapporter la discussion qui aurait eu lieu entre le conducteur du travaux, dont l'identité ne sera jamais révélée, et M. [J].

Le témoignage de ce conducteur de travaux anonyme qui aurait, lui, été plus probant, ne sera jamais fourni.

Au surplus, cette conversation rapportée ne corrobore pas les termes employés dans la lettre de licenciement. En effet, il ne ressort pas de ces mails que M. [J] aurait refusé de donner son identité se présentant uniquement comme « chef de chantier électricien ». De même, le fait d'avoir refusé de suivre le conducteur de travaux n'apparaît pas dans ces mails.

Par conséquent, la société échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de la faute reprochée à M. [J] dans les termes de la lettre de licenciement. Ce grief ne saurait donc servir de fondement à un quelconque licenciement du salarié.

Sur l'absence du 16 juin 2017

La société affirme que M. [J] n'a aucunement été mis à pied à compter du 15 juin 2017. Elle précise que l'exclusion de chantier ordonnée à son encontre par la société Eiffage Construction le 15 juin 2017 à 16H45 ne constitue pas une mise à pied conservatoire, dans la mesure où M. [J] était salarié de la société Eiffage Energie, et non de la société Eiffage Construction.

Elle considère donc que le salarié était en abandon de poste pour cette journée du 16 juin 2017.

Le salarié relève que, dans ses conclusions de première instance, la société avait abandonné ce grief : « La société Eiffage Energie concède néanmoins que le fait de lui avoir notifié une mise à pied conservatoire à compter du même jour couvre cette absence qui au demeurant était initialement réellement injustifiée ».

Le conseil de prud'hommes avait suivi la société sur ce point, en indiquant qu'il n'y avait pas lieu de retenir ce grief qui n'est pas, en fait, établi.

Selon le rapport établi par M. [D] le 16 juin 2017, suite à l'échange entre M. [J] et le conducteur de travaux anonyme le 15 juin 2017, « l'encadrant d'Eiffage construction a exclu M. [J] du chantier. M. [J] s'est exécuté et a quitté le chantier vers 16h45 (') Après cela, l'encadrant d'Eiffage construction a envoyé un mail informant de l'exclusion de M. [J] : « Messieurs, comme indiqué par téléphone, nous venons d'exclure à titre définitif votre chef de chantier [W] [J] du chantier CCM ».

Par conséquent, M. [J] avait clairement été exclu définitivement du chantier, il ne saurait donc lui être reproché son absence du 16 juin 2017 sur ce chantier.

Ce grief ne saurait donc servir de fondement à un quelconque licenciement du salarié.

Ainsi, aucun des griefs invoqué dans la lettre de licenciement n'est caractérisé. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [J] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Conformément aux dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu du salaire perçu en dernier lieu par M. [J], à hauteur de 2 594 euros, de l'absence de justification quant aux démarches effectuées pour retrouver un emploi suite à son licenciement, mais également de son ancienneté, de son âge (il a été placé en « retraite » par pôle emploi le 01/03/2020) et des circonstances de son licenciement, il convient de lui allouer 58 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme réparant l'ensemble des conséquences dommageables, tant morales que financières, consécutives à la rupture.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Eu égard aux 15 ans d'ancienneté de M. [J], de son âge, et en application des dispositions de l'article 8,5 de la convention collective des ETAM-TP, le conseil de prud'hommes de Metz a alloué à M. [J] une indemnité conventionnelle de licenciement de 16 696,11 €, montant non contesté par l'employeur.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférent

En application des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, M. [J] aurait dû bénéficier d'un préavis conventionnel de trois mois.

En conséquence, il convient de lui allouer la somme de 7 783,74 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 778,37 € au titre des congés payés afférents. Le jugement du conseil des prud'hommes sera donc confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de mise à pied conservatoire et de congés payés y afférent

En raison de sa mise à pied, des salaires à hauteur de 1 436,99 € n'ont pas été versés à M. [J].

Le conseil des prud'hommes de [Localité 6] a donc alloué à M. [J] la somme de 1 436,99 € à titre de remboursement du salaire correspondant à la mise à pied conservatoire injustifiée, outre 143,69 € au titre des congés payés afférents, ces sommes produisant intérêts à compter du jour de la demande. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Aux termes de l'article L 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En conséquence, il convient d'ordonner à l'employeur de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [J] du jour de son licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne la société à délivrer à M. [J] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conforme à la présente décision.

Il sera infirmé en ce qu'il a assorti cette décision d'une astreinte. Il n'y a pas lieu à astreinte de ce chef.

L'appelante, qui succombe, supportera les dépens de l'appel, et sera condamnée à verser à M. [J] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Metz le 10 janvier 2019, sauf en ce qu'il a assorti d'une astreinte la délivrance par la SAS Eiffage Énergie Systèmes Lorraine Marne Ardennes à M. [W] [J] d'un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conforme à la présente décision ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit n'y avoir lieu à assortir d'une astreinte la délivrance par la SAS Eiffage Énergie Systèmes Lorraine Marne Ardennes à M. [W] [J] d'un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation pôle emploi conforme à la présente décision ;

Ordonne à la SAS Eiffage Énergie Systèmes Lorraine Marne Ardennes de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [W] [J] du jour de son licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois ;

Condamne la SAS Eiffage Énergie Systèmes Lorraine Marne Ardennes à payer à M. [W] [J] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Eiffage Énergie Systèmes Lorraine Marne Ardennes aux entiers frais et dépens d'appel.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/00366
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;19.00366 ?
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