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23/05/2022 | FRANCE | N°18/02942

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 23 mai 2022, 18/02942


Arrêt n° 22/00298



23 Mai 2022

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N° RG 18/02942 - N° Portalis DBVS-V-B7C-E4NZ

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

12 Octobre 2018

F18/00050

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



vingt trois Mai deux mille vingt deux



APPELANTE :



SAS SOCIETE DE FOURNITURES

INDUSTRIELLES ET THERMIQUES 'SOFINTHER' prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et Me Perrine DEFEBVRE, avoca...

Arrêt n° 22/00298

23 Mai 2022

---------------------

N° RG 18/02942 - N° Portalis DBVS-V-B7C-E4NZ

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

12 Octobre 2018

F18/00050

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt trois Mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

SAS SOCIETE DE FOURNITURES INDUSTRIELLES ET THERMIQUES 'SOFINTHER' prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat postulant au barreau de METZ et Me Perrine DEFEBVRE, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIMÉ :

M. [W] [H]

[Adresse 2]

Représenté par Me Marcel-aimé VEINAND, avocat au barreau de THIONVILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Laëtitia WELTER, Conseillère, pour le président régulièrement empêché, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Monsieur [H] a été embauché par la société de fournitures industrielles et thermiques « SOFINTHER », selon contrat à durée indéterminée, à compter du 2 mars 2009, en qualité de commercial sédentaire.

Le contrat de travail de M. [H] a pris fin le 4 octobre 2016, au terme de son préavis, suite à la démission de celui-ci.

Le 22 janvier 2018, la société SOFINTHER saisissait le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- Constater la violation par Monsieur [W] [H] de sa clause de non-concurrence
Par conséquent

- Condamner Monsieur [W] [H] à lui rembourser les sommes qu'il a indûment perçues au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, soit la somme globale de 10 210,67 € nets ;

- Condamner Monsieur [W] [H] à lui verser les sommes suivantes :

- 28 699,50 € nets sur le fondement de la clause pénale attachée à la clause de non-
concurrence liant les parties ;

- 70 000,00€ de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence ;

- 5 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Débouter Monsieur [W] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure
abusive ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Réduire l'indemnisation de Monsieur [W] [H] pour procédure abusive en de notables
proportions ;

- Condamner Monsieur [W] [H] aux entiers frais et dépens qui comprendront en tant que
de besoin les frais d'exécution-forcée ;

Par jugement du 12 octobre 2018, le Conseil de prud'hommes de Metz a:

- Dit que la clause de non-concurrence qui liait la SAS SOFINTHER à Monsieur [Z]
[H] n'a pas été violée,

En conséquence

- Débouté la SAS SOFINTHER de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamné la SAS SOFINTHER, prise en la personne de son Président, à payer à Monsieur
[W] [H] les sommes suivantes :

- 6 000,00 € au titre du solde de l'indemnité issue de clauses de non-concurrence ;
Dit que cette somme porte intérêts de droit, au taux légal, à compter du 15 Juin 2018,

- 1 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Déboute Monsieur [W] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure
abusive ;

- Rappelle l'exécution provisoire prévue par les dispositions de l'article R.1454-28 du Code de Procédure Civile ;

- Condamne la SAS SOFINTHER aux entiers frais et dépens de l'instance, y compris ceux liés à l'exécution du présent jugement.

Le 13 novembre 2018, la société SOFINTHER a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, la société demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et formule les mêmes demandes qu'en première instance.

Par ordonnance d'incident de mise en état du 30 mars 2021, les conclusions de M. [H] étaient jugées irrecevables.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 juin 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions
respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIVATION

Sur la clause de non concurrence

Le contrat de travail de M. [H] du 19 janvier 2009 comportait une clause de non-concurrence lui interdisant de « s'intéresser directement ou indirectement, pour son compte ou celui d'un tiers, dans une entreprise concurrente ou susceptible de faire concurrence au secteur concerné mentionné dans ce contrat ».

En contrepartie du respect de cette clause de non-concurrence, le salarié devait percevoir une indemnité compensatrice d'un montant total de 1/3 mois, calculée sur la moyenne des 12 derniers mois précédent la rupture du contrat de travail.

Le 31 Octobre 2012, un nouveau contrat de travail était conclu qui précisait, notamment, les termes de la clause de non-concurrence :

- M. [H] s'interdit d'exercer, sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement, des fonctions similaires ou concurrentes de celle de la société pour une durée d'une année,

- l'interdiction est limitée au département d'affectation de Monsieur [W] [H] et aux
départements limitrophes

- une augmentation de l'indemnité compensatrice à hauteur de 50% du salaire brut moyen de
rémunération moyenne mensuelle des douze derniers mois.

Le 22 août 2016, Monsieur [W] [H] démissionne de son poste chez SOFINTHER. Son préavis s'achève le 04 octobre 2016.

Le 17 Octobre 2016, Monsieur [W] [H] signe un contrat à durée indéterminée avec la société
2A Distribution.

Le 07 Novembre 2016, la SAS SOFINTHER adressait une lettre recommandée avec accusé de réception à la société 2A Distribution pour lui faire part de la clause de non-concurrence signée par M. [H] « cette interdiction s'applique pendant une durée d'un an à compter du jour de la cessation effective du contrat et couvre le département de la Moselle ainsi que les départements limitrophes ».

Le 22 Novembre 2016, la société 2A Distribution répondait que M. [H] leur avait fait part de cette clause dès leur premier entretien : « nous avons bien noté que cette clause ne s'applique que sur le département de la Moselle, ainsi que sur les départements limitrophes et ne concerne que l'exercice d'une activité identique à celle qu'il exerçait au sein de votre société. Dans les deux cas, M. [H] respectera sa clause de non concurrence, il agira pour notre compte sur les départements non concernés par sa clause et exercera des fonctions non similaires à celles qu'il exerçait au sein de votre société ».

La société SOFINTHER et la société 2A distribution ont toutes deux pour objet le commerce de gros (commerce inter-entreprise) de fourniture pour la plomberie et le chauffage. Ce sont donc des entreprises concurrentes.

Selon le contrat de travail conclu entre la société SOFINTHER et M. [H], ce dernier avait « la responsabilité d'assurer la promotion des produits de la société, notamment en présentant leur qualité, utilité, spécificité technique au regard des produits concurrents ».

Aux termes du contrat de travail conclu entre la société 2A Distribution, M. [H] était engagé en qualité de technico commercial itinérant, le lieu de travail contractuellement prévu étant [Localité 7], en Moselle.

Au soutien de l'activité concurrente reprochée à M. [H], l'appelante verse aux débats le rapport d'un détective ainsi qu'un constat d'huissier.

Le 4 avril 2017, le détective M. [J] [L] rédigeait un rapport à la demande de la SAS SOFINTHER concernant les allers et venues de M. [H] du 20 février 2017 au 13 mars 2017.

M. [L] constatait notamment que M. [H] s'était garé sur le parking de la société 2A Distribution à [Localité 7] et à [Localité 6], qu'il y avait chargé des cartons dans son coffre, et était également parti de [Localité 6] « en direction de la zone commerciale de [Localité 4] », pour se rendre, le 8 mars 2017, « tour à tour dans les enseignes KFC, Casa France, MDA avant de se diriger vers l'autoroute A 31 en direction de [Localité 5] ».

Le 8 juin 2017, Maître [X], huissier de justice, remettait à l'appelante les conclusions de son enquête sur les activités de M. [H] au sein de la société 2A Distribution.

M. [H] avait ainsi déclaré à l'huissier de justice qui examinait son ordinateur portable qu'il était rattaché aux agences de [Localité 7] et de [Localité 4], mais qu'il ne serait affecté, pour l'heure qu'aux départements 88, 55 et au Luxembourg.

Il ressort également de ce constat d'huissier que, parmi les devis clients rattachés à M. [H] apparaît une ligne «  DALKIA FRANCE référence CNPE [Localité 3] », centrale nucléaire située à [Localité 3] en Moselle.

La sociéte SOFINTHER produit également un mail de M. [I] [K] de la société XYLEM du 13 décembre 2016 qui indique « J'ai effectivement rencontré [A] [G] et [W] [H] de la société 2A Distribution à [Localité 7], groupe eau et vapeur, le vendredi 4 novembre 2016 à leur demande. Ils ont exprimé le souhait de développer les ventes des pompes comparables au Magna et de travailler avec nous comme c'est déjà le cas en région parisienne ['] malgré l'envie qu'a 2AD de travailler avec nous, je leur ai clairement expliqué même s'ils ne sont que oraux, que j'ai pris des engagements vis-à-vis de toi et que je m'y tiendrai « SOFINTHER est et restera notre partenaire sur le secteur ».

Par conséquent, eu égard à l'ensemble de ces éléments, M. [H] a bien exercé des fonctions similaires ou concurrentes au sein de la société 2A Distribution, dans l'année qui a suivi la fin de son contrat de travail avec la société SOFINTHER, et a, par conséquent, violé la clause de non concurrence le liant à la société SOFINTHER. Le jugement entrepris sera donc infirmé.

Sur les conséquences de la violation de la clause de non concurrence

M. [H] ayant violé la clause de non concurrence le liant à la société SOFINTHER, il sera condamné à rembourser à celle-ci le montant de l'indemnité compensatrice indûment perçue, soit 10210,67 € nets, outre la somme de 6 000 € bruts, soit 4 657,78 € nets, montant restant dû au titre du solde de l'indemnité de la clause de non concurrence, auquel la société avait été condamné par le jugement de première instance, soit un total de 14 868,45 € nets.

La société réclame également le versement de la somme de 28 699,50 € au titre de la clause pénale attachée à la clause de non concurrence les liant, ainsi que 70 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du non-respect par M. [H] de sa clause de non concurrence.

Le contrat de travail de M. [H] précisait « toute infraction aux dispositions de la présente clause donnera lieu au profit de la société au versement de dommages et intérêts dont le montant est fixé forfaitairement, à titre de clause pénale, au montant des salaires perçus au cours des 12 derniers mois précédant la fin effective de son contrat ».

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l'espèce, la société affirme avoir subi « un préjudice financier et commercial avéré et extrêmement important dès lors que M. [H] a notamment permis à la société 2A Distribution de lui faire bénéficier des informations sur la clientèle et la stratégie commerciale de son ancien employeur ».

Elle affirme que les agissements du salarié auraient « a minima permis le détournement du client UEM et une perte de commandes à hauteur d'environ 70 000 € HT depuis le 1° novembre 2016 ».

Elle précise que la société avait réalisé un chiffre d'affaires de près de 150 000 € avec le client UEM en 2015, et de près de 130 000 € en 2016, « avec une perte de contrat au profit de la société 2A Distribution le 31 octobre 2016 ».

Au soutien de ces assertions, la société se prévaut du mail de M. [I] [K] de la société XYLEM du 13 décembre 2016 précédemment cité. Toutefois, si cette pièce témoigne de la violation de la clause de non concurrence par M. [H], elle ne permet pas de chiffrer la baisse du chiffre d'affaire de la société SOFINTHER.

L'appelante se fonde également sur le procès-verbal de constat d'huissier dressé par Me [X], qui ne permet cependant pas de chiffrer les pertes soulignées par la société appelante.

Enfin, la société ne démontre pas le lien de causalité direct et certain entre la violation de la clause de non concurrence par M. [C] et les pertes financières subies.

Par conséquent, la clause pénale étant manifestement excessive, il convient de la réduite à la somme de 1 000 €.

De plus, la société ne justifiant d'aucun préjudice distinct de celui réparé par la clause pénale, il convient de rejeter sa demande de dommages et intérêts supplémentaire.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les conclusions et pièces de M. [H] ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller chargé de la mise en état le 30 mars 2021.

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de M. [H] a été rejetée par le conseil de prud'hommes, et n'a, évidemment, pas fait l'objet d'un appel de la part de la société Sofinther.

Par conséquent, la cour n'est pas saisie de ce point du jugement qui ne sera donc pas examiné ici.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

M. [H] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

M. [H] sera condamné à verser à la SAS SOFINTHER la somme de 2 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [W] [H] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;

Et, statuant à nouveau,

Constate la violation par M. [W] [H] de la clause de non concurrence stipulée par son contrat de travail ;

Condamne M. [W] [H] au remboursement à la société de fournitures industrielles et thermiques « SOFINTHER » de la somme de 14 868,45 € nets, montant de l'indemnité compensatrice à la clause de non concurrence indûment perçue ;

Condamne M. [W] [H] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne M. [W] [H] à payer à la société de fournitures industrielles et thermiques « SOFINTHER » la somme de 2 000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [W] [H] aux dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 18/02942
Date de la décision : 23/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-23;18.02942 ?
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