La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2022 | FRANCE | N°19/01635

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 17 mai 2022, 19/01635


Arrêt n° 22/00249



17 mai 2022

---------------------

N° RG 19/01635 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FB5H

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

29 mai 2019

18/00091

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Dix sept mai deux mille vingt deux





APPELANT :



M. [D] [Y]

[Adresse 4

]

[Localité 1]

Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Anny MORLOT, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant





INTIMÉE :



SARL BE ENERG'AIRE représentée par so...

Arrêt n° 22/00249

17 mai 2022

---------------------

N° RG 19/01635 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FB5H

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

29 mai 2019

18/00091

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Dix sept mai deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [D] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Anny MORLOT, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

INTIMÉE :

SARL BE ENERG'AIRE représentée par son gérant

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Frédérique STEFANELLI-DUMUR, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Laëtitia WELTER, Conseillère substituant la Présidente de Chambre, régulièrement empêchée et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [D] [Y] a été embauché par la société BE ENERG'AIRE selon contrat durée déterminée, à temps plein, à compter du 21 septembre 2015 au 23 octobre 2015, en qualité de diagnostiqueur amiante. Ce contrat a été renouvelé jusqu'au 22 avril 2016.

La convention collective applicable est celle des Bureaux d'études techniques (SYNTEC).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 04 avril 2016, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 14 avril 2016, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 avril 2016., M. [Y] a été licencié pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [Y] a, par acte introductif d'instance du 28 juillet 2016, saisi le Conseil de prud'hommes de Nancy aux fins de :

- Constater que la rupture du contrat de travail est abusive,

Et en conséquence,

- Condamner à lui payer diverses sommes aux titre d'indemnités de précarité, de rappels de salaire, d'heures supplémentaires, et de congés payés y afférents, d'indemnité de préavis et congés payés, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société Be Energ'aire à lui verser la somme de 1.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 20 septembre 2017, le Conseil de prud'hommes de Nancy s'est déclaré incompétent territorialement au profit du Conseil de prud'hommes de Metz à qui le dossier a été transmis.

Devant le Conseil de prud'hommes de Metz, M. [Y] a réitéré ses demandes par conclusions du 01 février 2018.

Par jugement du 29 mai 2019, le Conseil de prud'hommes de Metz, section activités diverses, a statué ainsi qu'il suit :

- Dit et juge qu'il n'y pas lieu à requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ,

- Dit et juge que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour faute grave est parfaitement justifiée,

En conséquence

- Déboute M. [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Déboute la société Be Energ'aire de sa demande reconventionnelle,

- Condamne M. [Y] à verser à la société Be Energ'aire, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [Y] aux entiers dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 28 juin 2019 et enregistrée au greffe le jour même, M. [Y] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 02 novembre 2020, enregistrées au greffe le jour même, M. [Y] demande à la Cour de :

- Dire qu'il y a lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

- Dire que M. [Y] n'a pas commis de faute grave à l'origine de la rupture de son contrat de travail ;

- Dire que M. [Y] a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées ;

Par conséquent :

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en date du 25 mai 2019 en ce qu'il a :

* Débouté M. [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

* Condamné M. [Y] à verser à la société Be Energ'aire, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamné M. [Y] aux entiers dépens ».

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en date du 25 mai 2019 en ce qu'il a :

* Débouté la société Be Energ'aire de sa demande reconventionnelle

Statuant à nouveau et y ajoutant :

A titre principal, si la Cour considère qu'il y a lieu à requalification du CDD en CDI :

- Condamner la société Be Energ'aire à verser à M. [Y] les sommes suivantes :

'1.800,00 € nets au titre de l'indemnité de requalification de CDD en CDI,

'18.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

'1.694,10 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'169,41 € bruts à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

'816,33 € bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire,

'81,63 € bruts à titre de congés payés sur rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire.

A titre subsidiaire si la Cour considère qu'il n'y a pas lieu à requalification du CDD en CDI

- Condamner la société Be Energ'aire à verser à M. [Y] les sommes suivantes :

'1.214,56 € nets à titre d'indemnité de précarité,

'18.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

'1.694,10 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'169,41 € bruts à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

'816,33 € bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire,

'81,63 € bruts à titre de congés payés sur rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire.

En tout état de cause

- Condamner la société Be Energ'aire à verser à M. [Y] les sommes suivantes :

'843,18 € bruts à titre d'heures supplémentaires

'84,32 € bruts à titre congés payés sur heures supplémentaires

'10.166,44 € nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (6 mois de salaires)

- Débouter la société Be Energ'aire de toute demande et de toute demande nouvelle à hauteur de Cour,

- Débouter la société Be Energ'aire de sa demande de voir condamner M. [Y] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouter la société Be Energ'aire de sa demande de voir condamner M. [Y] aux entiers dépens y compris ceux de l'appel,

- Condamner la société Be Energ'aire à verser à M. [Y] la somme de 1.500,00 € au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

- Condamner la société Be Energ'aire à verser à M. [Y] la somme de 3.000,00 € au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure en appel,

- Condamner la société Be Energ'aire aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions datées du 05 janvier 2021, enregistrées au greffe le jour même, la société Be Energ'aire demande à la Cour de :

- Dire M. [Y] recevable mais mal fondé en son appel

- Dire qu'il n'y a pas lieu à requalification du CDD de M. [Y] en CDI

- Dire que M. [Y] a commis une faute grave

- Dire que la rupture anticipée du CDD de M. [Y] pour faute grave est parfaitement justifiée

- En conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* Débouté M. [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions

* Condamné M. [Y] à verser à la société Be Ener'gaire la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

* Condamné M. [Y] aux dépens

Statuant à nouveau,

- Débouter M. [Y] de toutes ses demandes principales et subsidiaires, fins et conclusions,

- Condamner M. [Y] à verser à la société Be Energ'aire la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel

- Le condamner aux entiers dépens y compris ceux de l'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2021.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la demande de requalification

En vertu de l'article L. 1242-1 du code du travail, « un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ».

Aux termes de l'article L.1242-2 du code du travail, « sous réserve des dispositions de l'article L1242-3, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants:

(...)

2°Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;(') ».

C'est à l'employeur qu'il appartient de rapporter la preuve d'un accroissement temporaire de l'activité justifiant le recours à un contrat à durée déterminée

En application de l'article L. 1245-1 du code du travail est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 précités.

Le contrat à durée déterminée conclu par les parties le 21 septembre 2015 stipule que M. [Y] est « engagé par la SARL BE ENERG'AIRE pour une durée déterminée, en vue de répondre à la nécessité qui s'impose à la société de faire face à un surcroît de travail administratif ». L'avenant du 16 septembre 2015 précise que cette mission n'a pu être achevée à la date prévue au contrat initial, justifiant le renouvellement du contrat jusqu'au 22 avril 2016.

La SARL Be Energ'aire expose que ce surcroît de travail administratif était justifié par la signature d'un nouveau marché d'une année avec l'organisme public Hamaris, bailleur social, avec un cahier des clauses techniques particulières (CCTP) imposé par cette dernière et qui contenait des exigences propres importantes en terme de travaux administratifs. Elle ajoute qu'elle a loué un local commercial à ce client pour permettre à ses salariés en charge des chantiers d'accomplir ces travaux administratifs.

L'employeur produit aux débats le CCTP propre à son client Hamaris, qui contient effectivement des exigences particulières en terme de tâches administratives dont, notamment, la rédaction d'un dossier technique amiante (DTA), de rapports de repérage, des pièces du DTA et d'autres éléments de suivi encadrés dans un processus rigoureux.

Contrairement à ce que soutient M. [Y], la date d'établissement du CCTP, à savoir novembre 2014, est cohérente avec le début du marché au cours de l'année 2015, s'agissant d'un marché conclu après appel d'offre ainsi qu'il ressort de ce document.

En outre, le fait que le contrat conclu avec Hamaris soit renouvelable chaque année ne permettait pas à la SARL Be Energ'aire d'être certaine de ce renouvellement et elle pouvait de ce fait considérer que cet accroissement d'activité, lié au début de sa relation avec ce client, n'était pas pérenne à ce stade mais temporaire.

La SARL Be Energ'aire produit d'ailleurs le bail commercial, également d'une durée d'un an renouvelable, conclu à compter du 1er octobre 2015 avec Hamaris en vue de l'utilisation de locaux pour effectuer les tâches administratives correspondant à la mission confiée par ce client.

La SARL Be Energ'aire justifie par conséquent le surcroit temporaire d'activité auquel elle a dû faire face du fait de la signature d'un marché d'un an, renouvelable, avec un nouveau client lui imposant des travaux administratifs inhabituels.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat à durée déterminée de M. [Y] et débouté ce dernier de toutes ses demandes formulées en conséquence.

Sur la rupture du contrat

Les modalités de rupture anticipée d'un contrat à durée déterminés sont régies par les articles L. 1243-1 et suivants du code du travail et non par les règles applicables à la prise d'acte. Ainsi, en application de l'article L. 1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

En l'espèce, le courrier de rupture anticipée du contrat de travail daté du 21 avril 2016 contient les motifs suivants :

« Début mars, une réunion a dû être organisée dans les locaux de d'HAMARIS, un de nos clients, avec le responsable en charge de notre marché, suite à de nombreuses remarques orales de leur part.

Par un courrier du 16 mars 2016, la société HAMARIS s'est plainte de divers manquements sur le travail que vous aviez réalisé.

Ainsi, il a été constaté :

- le non-respect des consignes de travail stipulées dans le CCTP (Cahier des clauses techniques particulières) dudit marché, document accessible depuis l'application SOLI téléchargée sur le téléphone portable qui vous a été remis par la société.

Notamment, il vous est reproché des prélèvements de matériaux non conformes dans les parties communes (prélèvements « destructifs », non rebouchés).

- le non-respect des consignes données par le client et communiquées par votre responsable, Monsieur [C] [O], avant intervention en diagnostic avant démolition.

En effet, alors que vous deviez contacter le chargé de secteur pour accéder à certains logements et puisque vous n'avez pas réussi à le joindre, vous avez pris la décision de « casser » les portes de ces logements et ce, à plusieurs reprises. Votre responsable, Monsieur [C], vous avait pourtant explicitement demandé de patienter. Par votre faute, la société a dû intervenir une seconde fois pour reboucher vos prélèvements et doit à ce jour, assurer la réparation voire le remplacement desdites portes.

Le client HAMARIS est un nouveau client pour lequel un marché a déjà été signé. Vos fautes ont des répercussions graves sur la société, puisqu'elles fragilisent la relation de la société avec son client HAMARIS et qu'il existe un risque sérieux de perdre ce marché, qui est renouvelable chaque année.

En outre, au-delà de ces manquements, nous avons également constaté que vous ne respectiez pas les règles élémentaires de sécurité liées à votre métier de diagnostiqueur immobilier amiante et ce, malgré plusieurs rappels à l'ordre oraux de la Direction.

Ces précautions vous ont également été apprises lors de votre formation et rappelées dans une note de service adressée au personnel en date du 26 février 2016.

Pourtant, nous avons de nombreux retours et constats de non utilisation de vos EPI ainsi que du matériel mis à votre disposition permettant de limiter la poussière occasionnée par les prélèvements faits dans les logements.

En outre, le retour de vos déchets ne permet pas de garantir une traçabilité convenable pour notre société (retours irréguliers, absence de bordereau de suivi).

Cette attitude, qui vous met en danger ainsi que les occupants des logements visités, n'est pas acceptable.

Vous faites encourir de nombreux risques à la société tant vis-à-vis de son obligation de sécurité, que d'un point de vue commercial. (Litige avec le client, perte de client, image de la société).

Enfin, nous avons également, à déplorer, un comportement inapproprié à l'égard de vos collègues, comme de votre Direction. Vous avez, en effet, tendance à être « agressif » avec vos collègues aussi bien dans vos échanges verbaux que écrits, et la communication s'avère difficile avec vos supérieurs car vous faite preuve de beaucoup de mauvaise foi.

L'ensemble de ces fautes constituent des manquements graves à vos obligations qui empêchent la poursuite de votre contrat de travail et justifient la rupture de ce dernier pour faute grave. »

Sur les manquements lors du travail fourni auprès du client Hamaris

En premier lieu, le courrier de rupture anticipée du contrat de travail daté du 21 avril 2016 reproche à M. [Y] les faits suivants :

« - le non-respect des consignes de travail stipulées dans le CCTP (Cahier des clauses techniques particulières) dudit marché, document accessible depuis l'application SOLI téléchargée sur le téléphone portable qui vous a été remis par la société.

Notamment, il vous est reproché des prélèvements de matériaux non conformes dans les parties communes (prélèvements « destructifs », non rebouchés).

- le non-respect des consignes données par le client et communiquées par votre responsable, Monsieur [C] [O], avant intervention en diagnostic avant démolition. (...) »

*Sur la prescription

En application de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Cependant, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à 2 mois dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai.

M. [Y] soutient que les faits relatifs aux prélèvements destructifs non rebouchés sont prescrits car ils ont été connus de l'employeur le 26 janvier, soit plus de 2 mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires le 04 avril 2016.

De tels faits s'inscrivent dans un grief plus largement défini, à savoir un non-respect des consignes de travail lors de ses interventions pour le marché Hamaris.

Comme le fait valoir l'employeur, ce manquement concerne également des prélèvements effectués les 24 et 25 février 2016 à l'adresse 400 et 500 du Champ de Tir, pour lesquels M. [Y] a dressé un rapport d'intervention le 26 février 2016 et qui ont été dénoncés par le client le 16 mars 2016.

Ces derniers faits, non prescrits, sont ainsi la réitération de faits précédents qui s'étaient déroulés le 21 janvier 2016 et avaient été portés à la connaissance de l'employeur le 26 janvier 2016 par le même client.

Le fait que l'employeur ait alors fait le choix d'effectuer un rappel général des règles à respecter auprès de ses salariés ne l'empêche pas d'invoquer, par la suite, les griefs correspondants dès lors que le comportement du salarié a été réitéré dans le délai de 2 mois.

Par conséquent, les faits reprochés à M. [Y] dans la lettre de rupture anticipée ne sont pas prescrits.

*Sur les faits

Par courriel du 26 janvier 2016, le client Hamaris a transmis à la SARL Be Energ'aire une réclamation d'un de ses locataires suite à l'intervention menée par M. [Y] le 21 janvier 2016, faisant état de dégâts occasionnés par celle-ci et, ainsi de manquements au CCTP et aux règles d'intervention convenues entre Hamaris et l'employeur.

Par courrier du 16 mars 2016, Hamaris a de nouveau informé la SARL Be Energ'aire de plusieurs manquements constatés suite à une intervention de M. [Y], à savoir :

«- les bâtiments n'avaient pas été refermés correctement ; en effet de nombreux volets et même des fenêtres sont restés ouverts,

- des portes intérieures ont été défoncées à coups de masse, alors que vos techniciens avaient été informés que les clés étaient à leur disposition à l'agence de [Localité 5] toute proche (bâtiment 200 du Champ de Tir),

- des locaux servant encore occasionnellement, et dans lesquels se trouvaient quelques tables et chaises, ont été définitivement mis hors service par les trous et marquages à la peinture rouge des prélèvements : vos techniciens auraient pu, en voyant ce mobilier, se renseigner auprès de l'agence avant d'effectuer leurs prélèvements. »

Ces faits, visés dans le courrier de rupture anticipée du contrat de travail, constituent des manquements aux consignes données par le client et que M. [Y] se devait de respecter lors de ses interventions. Ce dernier ne peut prétendre qu'il ne serait pas visé par le courrier précité dès lors que Hamaris fait référence à « vos techniciens », alors qu'il s'agit bien du chantier pour lequel le salarié a effectué un rapport le 26 février 2016.

En outre, si M. [Y] soutient que, s'agissant d'un bâtiment voué à la démolition, il était nécessaire de casser des portes pour faire des vérifications et qu'en outre, il avait été autorisé par le client à casser les portes, la réclamation postérieure du client ne permet pas de considérer qu'une telle autorisation ait effectivement été donnée lors de l'intervention et aucun autre élément ne vient corroborer cette affirmation.

Enfin, les prescriptions de la norme NF X 46-020 visées par M. [Y] ne permettent pas de justifier une démolition de plusieurs portes intérieures à coups de masse, ce d'autant que le salarié écrit lui-même que ces démolitions ont été réalisées non pas pour prélever des échantillons mais pour accéder aux logements fermés à clé.

Les manquements de M. [Y] sur ce point sont ainsi suffisamment établis.

Sur le non-respect des règles de sécurité

Le courrier de rupture anticipée du contrat de travail reproche également à M. [Y] le non-respect de règles de sécurité quant à l'utilisation des EPI et du matériel afin de limiter la poussière occasionnée lors des prélèvements faits dans les logements.

Ces manquements sont étayés par une attestation de M. [X], son collègue, qui expose avoir « eu un retour par un chargé de secteur d'un prélèvement sans port des EPI d'un matériau susceptible de contenir de l'amiante à côté même de ce dernier n'ayant pas de connaissance spécifique dans ce domaine. »

En outre, la SARL Be Energ'aire justifie avoir fait parvenir à ses salariés une note de service datée du 26 février 2016, rappelant l'exigence de respect des règles de sécurité dans le cadre de l'exercice des fonctions de diagnostiqueur immobilier ' spécificité amiante et le risque de sanction en cas de manquement.

Si M. [Y] soutient n'avoir reçu le bon équipement que 7 mois après son embauche, il ne fournit aucun élément sur ce point alors qu'il ressort des éléments versés aux débats qu'il a bien suivi, dès novembre 2015, une formation sur les risques et consignes sécurité associées et qu'il a restitué, à la fin de son contrat, bon nombre d'équipements de protection qui avaient été mis à sa disposition.

Ce manquement est donc établi.

Sur les manquements liés à la traçabilité des échantillons

Le courrier du 21 avril 2016 reproche également à M. [Y] les fait suivants : « le retour de vos déchets ne permet pas de garantir une traçabilité convenable pour notre société (retours irréguliers, absence de bordereau de suivi). »

Au soutien de ce grief, la SARL Be Energ'aire produit notamment un e-mail de Mme [F] faisant part à M. [Y] de bons de commandes manquants pour justifier l'envoi de ses analyses au laboratoire dans 12 dossiers différents. Mme [F] lui rappelait également à cette occasion les consignes à respecter concernant les bons de commande IGTA et le dépôt des dossiers Hamaris, chaque semaine, à son bureau.

M. [Y] ne conteste pas expressément ces faits, n'apportant aucune précision sur ce point précis.

Si un tel fait ne constitue pas, à lui seul, une faute grave justifiant la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée, il pouvait légitimement être pris en compte par l'employeur dans l'appréciation de l'ensemble des faits imputables au salarié constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.

Sur le comportement du salarié

La SARL Be Energ'aire a également fondé la rupture anticipée du contrat de travail de M. [Y] sur son comportement inapproprié envers ses collègues et sa direction.

Cependant, de tels problèmes de comportement ne ressortent d'aucun élément produit aux débats, étant relevé que l'attestation de M. [C], datée du 05 janvier 2017, ne désigne pas nommément M. [Y] et ne fait pas état de problèmes de comportements envers ses collègues ou la direction, mentionnant uniquement que le salarié « refuse d'effectuer les diagnostiques dans les caves ».

Ces faits ne permettent pas de confirmer que M. [Y] avait une « tendance à être «agressif » avec [ses] collègues » ou que la communication était difficile avec lui. Le manquement n'est donc pas établi et ne pouvait valablement fonder la rupture anticipée du contrat de travail.

Néanmoins, les griefs relatifs au travail fourni auprès du client Hamaris et au non-respect des règles de sécurité lors de la réalisation de certains prélèvements ainsi qu'aux manquements liés à la traçabilité des échantillons constituent, ensemble, des manquements fautifs d'une importance telle qu'ils rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En effet, de tels manquements ont eu des conséquences financières et commerciales sur la relation de l'employeur avec ce client qui a exprimé à plusieurs reprises son mécontentement. S'agissant d'un client récent et d'une relation commerciale non encore établie dans la durée, de tels manquements étaient particulièrement préjudiciables à l'employeur.

La SARL Be Energ'aire justifie à cet égard avoir dû prendre à sa charge le coût de réparation des portes que M. [Y] a détruites à coups de masse, produisant le courrier en ce sens envoyé à Hamaris le 15 avril 2016. M. [X], collègue de M. [Y] atteste également avoir « été rappelé ou [avoir] constaté que des trous de prélèvements n'ont pas été rebouchés par M. [Y] [D] et que d'importants dégâts étaient effectués par ce dernier. » Il indique avoir « du retourner très souvent faire ces réparations pour notre entreprise ».

En outre, s'agissant d'interventions particulièrement à risque concernant le diagnostic de la présence d'amiante, le non-respect des consignes de sécurité et de traçabilité des échantillons mettait en danger tant le salarié que les tiers et clients. Ces manquements présentaient également des risques importants pour la SARL Be Energ'aire, tenue de s'assurer de la sécurité de ses salariés et des clients auprès desquels elle intervenait.

Dans ce cadre, la rupture anticipée du contrat de travail de M. [Y] pour faute grave était bien fondée. Le jugement sera confirmé de ce chef et M. [Y] sera débouté de l'intégralité de ses demandes financières présentées en conséquence.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [Y] présente dans ses conclusions une demande portant sur le paiement d'une heure supplémentaire, par jour, à compter du 1er janvier 2016 jusqu'au 07 avril 2016.

Il produit au soutien de sa demande :

- les notes de frais et justificatifs associés pour les périodes du 26 octobre 2015 au 03 décembre 2015, du 07 décembre 2015 au 06 février 2016 et du 08 février au 06 avril 2016 ;

- une capture d'écran d'envois de documents professionnels via icloud, après ses horaires contractuels de travail et ce, sur 7 jours différents.

Ces éléments attestent pour la majeure partie de repas ou frais de péage du salarié à des horaires qui n'ont pas un caractère inhabituel au vu de ses horaires de travail. En outre, il n'est pas possible au vu des éléments présentés d'établir que les justificatifs de frais de péage ou d'essence correspondent à des plages horaires de travail de M. [Y] et non à son trajet pour retourner à son domicile ou tout autre trajet sans lien avec son emploi.

Le fait que le salarié se soit fait rembourser à plusieurs reprises des envois de courrier ou des cartouches d'encre ne permet pas d'établir qu'il effectuait des heures supplémentaires.

M. [Y] ne peut d'ailleurs reprocher à son employeur le fait qu'il ait choisi de travailler depuis son domicile, alors que des locaux étaient mis à disposition sur place pour effectuer le travail administratif ainsi que le démontre l'employeur par la production du bail commercial desdits locaux et des factures relatives aux services informatiques et de copie qui s'y trouvaient.

Les notes de frais produites par le salarié ne sont donc pas suffisamment précises et ne permettent pas de corroborer l'affirmation du salarié selon laquelle il travaillait chaque jour, sans aucune exception, une heure de plus que le volume horaire contractuellement défini. M. [Y] ne produit d'ailleurs aucun un tableau détaillé par jour ou par semaine des horaires réels de travail qu'il soutient avoir fait sur la période concernée.

L'employeur fournit quant à lui le planning des horaires de travail de M. [Y] qui correspond aux amplitudes horaires prévues aux termes du contrat et du courrier de modification de la répartition du temps de travail daté du 28 janvier 2016.

Ces plannings font au demeurant ressortir, comme le souligne l'employeur, que M. [Y] n'effectuait pas toujours l'intégralité de ses heures de travail sur une journée en terminant, à titre d'exemple, certains jours à 15h ou débutant, d'autres jours, à 10h30.

L'employeur établit également que M. [Y] a pu, au moins ponctuellement, être injoignable sans explication durant ses horaires de travail (e-mail de Mme [F] du 12 janvier 2016) ou avoir effectué des compte-rendus de sa journée soulevant des interrogations sur son activité réelle (e-mail du 16 janvier 2016 de M. [C] lui demandant ce qu'il avait fait après 11h30 la veille ; e-mail de compte-rendu d'interventions terminées à 14h30). Les critiques de M. [Y] quant au dysfonctionnement de l'application mobile SOLI, utilisée dans le cadre de son activité professionnelle et notamment pour le suivi de ses horaires, ne sont étayées par aucun élément.

Dans ce cadre, la capture d'écran faisant apparaître l'envoi de documents professionnels (des rapports d'analyses) via icloud, à une destinataire désignée comme étant « Marine Pro », et ce, après 18h, voire 21h, ne permet pas d'établir que M. [Y] a réalisé des heures supplémentaires puisque celui-ci n'effectuait pas toujours des journées complètes de travail et pouvait donc très ponctuellement (ici, sur 7 jours uniquement) faire une tâche à un horaire décalé.

Enfin, des exemples d'envois tardifs sur 7 jours ne permettent pas de justifier de manière suffisamment précise l'existence d'heures supplémentaires mises en compte forfaitairement par le salarié pendant les 7 mois qu'a duré la relation de travail.

Dès lors, et en l'absence d'éléments suffisamment précis pour justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande en paiement d'heures supplémentaires ni, par conséquent, à sa demande fondée sur l'existence d'un travail dissimulé.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] de cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

M. [Y] qui succombe devant la Cour sera condamné aux dépens d'appel. Il sera également condamné à payer à la SARL Be Energ'aire la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel ;

Y ajoutant,

Condamne M. [D] [Y] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [D] [Y] à payer à la SARL Be Energ'aire la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [D] [Y] de sa propre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierP/ La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/01635
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;19.01635 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award