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17/05/2022 | FRANCE | N°18/02891

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 17 mai 2022, 18/02891


Arrêt n° 22/00287



17 mai 2022

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N° RG 18/02891 -

N° Portalis DBVS-V-B7C-E4JT

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

12 octobre 2018

17/00784

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Dix sept mai deux mille vingt deux







APPELANTE :



S.A.S.U

. PEOPLE & BABY prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Guy REISS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Elisa CACHEUX, avocat au barreau de PARIS, avoca...

Arrêt n° 22/00287

17 mai 2022

---------------------

N° RG 18/02891 -

N° Portalis DBVS-V-B7C-E4JT

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

12 octobre 2018

17/00784

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Dix sept mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.S.U. PEOPLE & BABY prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Guy REISS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Elisa CACHEUX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMÉE :

Mme [D] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric BLAISE, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Mme [D] [N] née [R] a été engagée par la Fédération Léo Lagrange, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 2013 en qualité de directrice de la crèche « La Forêt enchantée ».

Suivant avenant du 3 décembre 2014 prenant effet le 1er janvier 2015, Mme [N] s'est vu modifier son contrat de travail et appliquer un forfait en jours annuel relativement à sa rémunération.

Mme [N] était en arrêt de travail du 5 novembre 2015 jusqu'à son congé maternité du 1er février 2016 au 22 mai 2016, puis en congé parental jusqu'au 12 janvier 2017.

A compter du 1er avril 2016, la SAS People & Baby a repris la gérance de la crèche « La Forêt Enchantée » , devenant le nouvel employeur de Mme [N].

La convention collective applicable est celle applicable aux relations de travail de l'animation.

Par lettre remise en main propre en date du 10 mars 2017, Madame [N] a été convoquée à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 5 avril 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 avril 2017, Mme [N] a été licenciée pour motif réel et sérieux.

Par acte introductif enregistré au greffe le 19 juillet 2017, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- Constater que son licenciement pour motif personnel est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- Constater qu'elle a subi des agissements de harcèlement moral de la part de la SAS People & Baby ;

- Condamner en conséquence la SAS People & Baby à lui payer les sommes suivantes:

* 54 900,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 35 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

* 2 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'employeur aux entiers frais et dépens de l'instance.

La SAS People & Baby s'opposait aux demandes formées contre elle et sollicitait reconventionnellement 2 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Metz, section encadrement a statué ainsi qu'il suit :

- Requalifie le licenciement de Mme [N] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Dit que la demande de Mme [N] faite au titre du harcèlement moral n'est pas fondée,

En conséquence, le conseil de prud'hommes de Metz a :

- Condamné la SAS People & Baby, prise en la personne de son président, à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

'18 000,00 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que ces sommes portent intérêts de droit, au taux légal, à compter du 12 octobre 2018, date de prononcé du présent jugement,

- Débouté Mme [N] de sa demande au titre du harcèlement moral,

- Débouté la SAS People & Baby de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS People & Baby, prise en la personne de son président, à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage qui ont été versées à Mme [N] par cet organisme dans la limite de 6 mois d'indemnités sur le fondement de l'article L 1235-4 du code du travail ;

- Condamné la SAS People & Baby aux entiers frais et dépens y compris ceux liés à l'exécution du présent jugement.

Par déclaration formée par voie électronique le 7 novembre 2018, la SAS People & Baby a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 juillet 2019, la SAS People & Baby demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande au titre du harcèlement moral,

Statuant à nouveau :

- Dire bien fondé le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [N],

- Débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes en ce compris celles formulées dans le cadre de son appel incident,

- La condamner à la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens comprenant les frais éventuels d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 janvier 2020 et formant appel incident, Mme [N] demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement précité du conseil de prud'hommes de Metz en ce qu'il a :

'Requalifié le licenciement de Mme [N] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'Condamné la SAS People & Baby, prise en la personne de son président, à lui payer les sommes suivantes :

18 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'Dit que ces sommes portent intérêts de droit, au taux légal, à compter du 12 octobre 2018, date de prononcé du présent jugement,

' Débouté la SAS People & Baby de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'Condamné la SAS People & Baby, prise en la personne de son président, à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage qui ont été versées à Mme [N] par cet organisme dans la limite de 6 mois d'indemnités sur le fondement de l'article L 1235-4 du code du travail,

'Condamné la SAS People & Baby aux entiers frais et dépens y compris ceux liés à l'exécution du présent jugement,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre du harcèlement moral et statuant à nouveau, sur ce point, condamner la SAS People & Baby, prise en la personne de son président, à payer à Mme [N] la somme de 35 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- Condamner la SAS People & Baby, prise en la personne de son président, à lui verser 3 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SAS People & Baby aux entiers frais et dépens y compris ceux liés à l'exécution du présent jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2021.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la demande aux fins de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il résulte des dispositions de l'article L 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et des dispositions de l'article L 1232-6 du même code que l'employeur qui décide de licencier un salarié, lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, cette lettre comportant l'énoncé du ou des motifs invoqués pour procéder à son licenciement.

La preuve du caractère réel et sérieux ou non des motifs du licenciement est l''uvre commune des parties, le juge devant former sa conviction au vu des éléments fournis par chaque partie, mais l'employeur ayant néanmoins l'obligation d'alléguer les faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

Par ailleurs, l'employeur qui se base sur le terrain de l'insuffisance professionnelle, et non de la faute disciplinaire, doit justifier de faits objectifs matériellement vérifiables imputables au salarié pouvant caractériser cette insuffisance professionnelle et conférant au licenciement un caractère à la fois réel et sérieux, sans cependant que le juge ne puisse substituer son appréciation à celle résultant pour cet employeur de l'exercice de son pouvoir de direction.

Il convient d'apprécier successivement la réalité des faits imputés à la salariée au regard des éléments fournis par les deux parties, puis leur sérieux.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et les motifs invoqués devant être suffisamment précis, objectifs et vérifiables.

En l'espèce la lettre de licenciement, dont le contenu est repris par le jugement de première instance auquel il convient de renvoyer pour sa lecture, retient les motifs principaux suivants :

- absence d'animation de son équipe et de coordination du travail ;

- absence de respect du taux d'encadrement les 7 et 8 mars 2017 ;

- présence insuffisante à son poste de travail ;

- n'assure pas le fonctionnement quotidien de la crèche ;

- délègue l'ensemble de ses tâches.

La SAS People & Baby indique que ces manquements caractérisent l'insuffisance professionnelle de Mme [N] qui justifie ainsi son licenciement.

Mme [N] conteste ce motif de licenciement, indiquant que l'employeur s'est fondé sur un motif disciplinaire, que les manquements qui lui sont reprochés antérieurement à son arrêt maladie du 5 novembre 2015 sont prescrits, qu'aucun manquement n'est démontré sur la période ayant suivi son retour à compter du 12 janvier 2017, et que son insuffisance professionnelle n'est pas davantage démontrée.

L'examen de la lettre de convocation de Mme [N] à l'entretien préalable à un éventuel licenciement datée du 10 mars 2017 montre que l'employeur se fondait clairement à cette date sur un motif disciplinaire, l'employeur précisant qu'il envisage une sanction disciplinaire à l'encontre de Mme [N] pouvant aller jusqu'au licenciement, et assortissant cette convocation d'une mise à pied conservatoire, compte tenu de la « gravité des faits reprochés ».

Les termes utilisés dans la lettre de licenciement, qui ne précise pas qu'il s'agit d'un licenciement pour insuffisance professionnelle mais d'un licenciement pour « cause réelle et sérieuse », montrent que l'employeur considère que Mme [N] a manqué à ses obligations professionnelles sans toutefois faire état de manquement volontaire et délibéré pouvant caractériser un comportement fautif.

Si cette lettre de licenciement créé une incertitude sur le motif disciplinaire ou non-disciplinaire du licenciement prononcé contre Mme [N], la lettre datée du 1er juin 2017 établie par Mme [U], directrice des ressources humaines adjointe ayant par ailleurs signé la lettre de licenciement, qui répond à Mme [N] suite à sa contestation de son licenciement, précise clairement et de façon non équivoque que les « faits invoqués dans le courrier de licenciement sont avérés, (et) sont des fautes professionnelles » de la part de Mme [N].

Au vu de la lettre de licenciement précisée par la suite par la directrice adjointe des ressources humaines de la société, il convient de constater que l'employeur a fondé le licenciement de Mme [N] sur un motif disciplinaire.

En soutenant, dans le cadre de la présente procédure, que le licenciement de Mme [N] est justifié par une insuffisance professionnelle, par nature exempte de toute faute, l'employeur reconnaît l'absence de caractère volontaire des manquements reprochés à Mme [N] et donc l'absence de faute de sa part, de sorte que le licenciement disciplinaire prononcé pour des griefs, qui ne sont pas fondés par ailleurs, est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et si la réintégration n'est pas demandée, le juge octroie une indemnité au salarié, à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois, si le salarié a plus de deux ans d'ancienneté et si l'entreprise compte au moins onze salariés, ce qui est constant en l'espèce.

Au delà de ce minimum de six mois, le salarié doit justifier de la réalité de son préjudice.

Mme [D] [N] sollicite la somme de 18 000,00 € correspondant à 6 mois de salaire brut tel que perçu avant qu'elle se trouve en congé maternité (année 2015).

La SAS People & Baby estime que la somme sollicitée correspond à 7,5 mois de salaire brut, au vu des dernières rémunérations versées à Mme [N], dont elle estime le montant de la rémunération à 2 400,55 € brut par mois. Elle précise que Mme [N] ne justifie pas d'un préjudice particulier de sorte qu'elle ne peut prétendre à plus de 6 mois.

En l'espèce, le licenciement de Mme [N] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et la salariée ne versant aux débats aucun élément relatif à sa situation postérieurement à son licenciement, la société sera condamnée à payer à Mme [N] une indemnité égale à 6 mois de salaire.

Le salaire à prendre en compte pour le calcul du montant de cette indemnité étant le salaire brut des six derniers mois, il convient de prendre en considération celui perçu par la salariée d'octobre 2016 à mars 2017 (2 400,55 € brut/mois), correspondants aux six derniers mois pleins où elle était salariée.

Au vu de ces éléments, il sera alloué à Mme [N] la somme de 14 403,30 € net (6 x 2 400,55 €), et le jugement entrepris sera infirmé sur le montant accordé.

Les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter du 12 octobre 2018, date du prononcé du jugement de première instance.

Sur le remboursement à Pôle Emploi

Conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, il sera ordonné à la SAS People & Baby de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées au salarié du jour du licenciement au jour du jugement à concurrence de 6 mois de ces indemnités.

Sur la demande au titre du harcèlement moral

Selon l' article L 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral s'entend en l'occurrence selon sa définition commune d'agissements répétés malveillants envers un subordonné ou un collègue en vue de le déstabiliser, le tourmenter ou l'humilier.

S'agissant de la preuve du harcèlement, l'article L 1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L 1152-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [N] invoque les éléments suivants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral dont elle s'estime victime :

- la proposition de rupture conventionnelle avec insistance, dès le jour de sa reprise, puis l'insistance et la menace lors d'un entretien ultérieur de la licencier si elle n'accepte pas la rupture puis les jours suivants ;

- la présentation lors de son retour que 75 % de l'équipe en place ne souhaite pas son retour ;

- le fait pour l'employeur de se fonder sur des écrits non vérifiés, sans mener la moindre enquête ;

- le fait pour l'employeur d'avoir eu un comportement instigateur de ses faits et gestes, par l'intermédiaire de salariés placés sous la responsabilité de Mme [D] [N] ;

- le fait pour l'employeur de la placer dans une situation très pénible à son retour après 13 mois d'absence en lui faisant comprendre clairement qu'elle n'est plus la bienvenue à son poste.

La SAS People & Baby conteste ces agissements qu'elle estime ne pas avoir commis.

Il est constant que Mme [N] a été en arrêt en maladie puis en congé maternité et congé parental à compter du 5 novembre 2015 et jusqu'au 12 janvier 2017, date de son retour à son poste.

Pendant cette période, la crèche « La Forêt enchantée » dont elle était directrice est passée à compter du 1er avril 2016 de la gestion par la Fédération Léo Lagrange à une gestion par la SAS People & Baby.

Les courriels échangés entre Mme [N] et M. [R], responsable opérationnel de la SAS People & Baby, montrent que le premier entretien organisé entre Mme [N] et la direction de la SAS People & Baby a eu lieu le 13 janvier 2017, l'employeur présentant à la salariée cet entretien comme ayant pour but de « faire connaissance » (courriel du 5 janvier 2017).

Si la SAS People & Baby et plus spécialement M. [R], dans son attestation, contestent avoir proposé à Mme [N] à cette occasion de quitter son poste sous la forme d'une rupture conventionnelle et de lui avoir expliqué que 75 % des membres de son équipe étaient inquiets de son retour, il résulte toutefois de l'attestation de Mme [L], directrice adjointe de la crèche, qu'elle a eu une conversation téléphonique avec Mme [N] le jour-même du 13 janvier au cours de laquelle celle-ci lui expliquait en pleurs avoir reçu ces informations lors de cet entretien.

Les pièces produites par Mme [N] montrent également que la salariée a parlé de cette proposition de rupture et de l'hostilité de son équipe dès le 23 janvier 2017 au médecin du travail avec lequel elle avait rendez-vous ce jour, tout comme elle l'a signalé le 7 février 2017 à l'inspecteur du travail.

Ces éléments concordants et la constance de Mme [N] dans ces affirmations, dont elle faisait état à son employeur par courrier du 15 mars 2017, démontrent la réalité des agissements invoqués par la salariée (présentation de la rupture conventionnelle et de l'hostilité de la majorité de l'équipe lors de l'entretien du 13 janvier 2017) qui laisse supposer l'existence d'un harcèlement.

Le reproche formulé par Mme [N] à son employeur de ne pas vérifier les attestations des salariés mécontents de sa façon de travailler et de ne pas l'avoir mis en mesure de travailler dans de bonnes conditions est également caractérisé par les nombreuses attestations de salariés satisfaits des méthodes de management de Mme [N] (Mmes [L], directrice adjointe, [C], Rebours ' éducatrices de jeunes enfants, [V] ' animatrice, M. [J] ' stagiaire éducateur puis directeur adjoint, Mmes [P], [G] - animatrices) qui viennent contredire celles présentées par l'employeur (Mmes [O], [A]) et qui démontrent davantage une opposition de deux clans au sein des salariés de la crèche, l'un favorable aux méthodes de la remplaçante de Mme [N], Mme [O], et l'autre favorable à Mme [D] [N], plus que des manquements de cette dernière dans le respect de ses obligations professionnelles.

Mme [N] invoque une absence de la part de son employeur de mise en situation favorable de reprise de ses fonctions de directrice à son retour de congé parental, par le fait qu'elle n'a pas reçu de formation sur les protocoles et méthodes de travail de son nouvel employeur, la SAS People & Baby.

La Cour constate en premier lieu que Mme [N] a été placée en arrêt maladie à compter du 16 janvier et jusqu'au 26 février 2017, avant d'être à nouveau arrêtée pour raison médicale à compter du 13 mars 2017 et jusqu'à son licenciement.

La SAS People & Baby conteste ne pas avoir donné les informations suffisantes à Mme [N] à son retour de congé parental, en s'appuyant sur les attestations de Mmes [O] et [A], respectivement directrice remplaçante de Mme [N] et secrétaire.

Cependant, si ces personnes ont manifesté clairement une hostilité à l'égard de Mme [N] auprès d'autres salariés (M. [J], Mme [L], Mme [G]) de sorte que la force probante de leur attestation est contestable, il résulte du compte-rendu d'entretien établi par Mme [T], déléguée du personnel assistant Mme [N] lors de l'entretien du 2 mars 2017 organisé dans le cadre de la présentation de la rupture conventionnelle par l'employeur, que l'employeur a reconnu que si la SAS People & Baby avait eu en reprise la structure en amont, l'employeur aurait « fait le nécessaire pour former Mme [D] [N] et lui donner les éléments nécessaires pour manager au mieux la structure ».

Par ailleurs, il est constant qu'à compter du 27 février 2017, date du retour d'arrêt maladie de Mme [N] et jusqu'à son nouvel arrêt survenu le 10 mars 2017, la crèche « La Forêt enchantée » était co-dirigée par trois directrices, Mme [N], Mme [O] et Mme [L].

Les attestations de Mmes [L] et [C] montrent que les salariés étaient déstabilisés par cette présence de trois directrices et ne savaient pas comment étaient réparties les fonctions entre elles, ce qui ne participe pas non plus à une mise en fonction dans les meilleures conditions de Mme [N], la SAS People & Baby ne démontrant pas non plus avoir informé ses directrices de la répartition de leurs tâches entre elles, notamment pendant leurs périodes de travail en commun.

En revanche, le fait pour l'employeur de vérifier la présence de sa directrice à partir de son retour en janvier 2017, quand bien même ce serait par l'intermédiaire d'autres salariés, ne laisse pas supposer des faits de harcèlement, puisque relevant de son pouvoir de direction.

Les agissements laissant supposer l'existence de harcèlement établis par Mme [N] (proposition de rupture conventionnelle et présentation de l'hostilité de la majorité de son équipe dès le 13 janvier 2017; absence de vérification des griefs invoqués par certains salariés ; et absence de mise en situation favorable de Mme [N] à sa reprise de fonction) ne constituent pas cependant des actes répétés permettant de leur donner la qualification de harcèlement moral, mais participent à un agissement unique de l'employeur souhaitant rompre le contrat de travail, matérialisé principalement lors de l'entretien du 13 janvier 2017, dont les conséquences se sont prolongées jusqu'à la fin du contrat de Mme [N] ou tout au moins son arrêt maladie du 13 mars 2017.

Ainsi, si l'attitude de l'employeur, qui a manifesté dès le retour de Mme [D] [N] de son congé parental une hostilité à celle-ci, constitue un manquement à son obligation d'accomplir de bonne foi ses obligations du contrat de travail, il ne caractérise pas à lui seul un harcèlement moral dont Mme [N] peut demander l'indemnisation.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point et Mme [N] déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS People & Baby qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

La SAS People & Baby sera en outre condamnée à payer à Mme [N], compte tenu de l'équité, la somme de 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SAS People & Baby à verser à Mme [D] [N] née [R] la somme de 18 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne la SAS People & Baby à payer à Mme [D] [N] née [R] la somme de 14 403,30 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement prononcé le 12 octobre 2018 ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la SAS People & Baby à payer à Mme [D] [N] née [R] la somme de 2 000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SAS People & Baby aux dépens d'appel.

La GreffièreP/la Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 18/02891
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;18.02891 ?
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