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17/05/2022 | FRANCE | N°18/01918

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 17 mai 2022, 18/01918


Arrêt n° 22/00294



17 Mai 2022

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N° RG 18/01918 - N° Portalis DBVS-V-B7C-EZUV

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

05 Juillet 2018

F 18/00112

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



dix sept mai deux mille vingt deux







APPELANT :



M. [B] [F]


[Adresse 2]

Représenté par Me Bernard PETIT, avocat au barreau de METZ







INTIMÉE :



S.A.R.L. NSTI prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Nadia WITZ, avocat au barreau de ...

Arrêt n° 22/00294

17 Mai 2022

---------------------

N° RG 18/01918 - N° Portalis DBVS-V-B7C-EZUV

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

05 Juillet 2018

F 18/00112

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

dix sept mai deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [B] [F]

[Adresse 2]

Représenté par Me Bernard PETIT, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.R.L. NSTI prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Nadia WITZ, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Décembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisièmealinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, pour le président régulièrement empêché, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [B] [F] a été embauché par la SARL NSTI à compter du 25 janvier 2011 et a signé un contrat à durée indéterminée, à compter du 26 décembre 2011, en qualité de monteur.

La convention collective applicable est celle de l'industrie des métaux de la Moselle.

M. [F] percevait une rémunération mensuelle brute de 1 592,55 €.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 avril 2014, M. [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail invoquant les manquements commis par l'employeur au cours de la relation de travail.

Par acte introductif enregistré au greffe le 17 novembre 2014, modifié ultérieurement, M.[F] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- Dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la SARL NSTI à payer à M. [F] les sommes de :

'3 336,74 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

'333,67 € brut au titre des congés payés afférents ;

'750,76 € net au titre de l'indemnité de licenciement ;

'540,00 € au titre de la prime de vacances ;

'16 276,52 € au titre des heures supplémentaires ;

'1 627,65 € au titre des congés payés afférents ;

'8 224,13 € au titre du repos compensateur obligatoire ;

'822,41 € au titre des congés payés afférents ;

avec intérêts de droit à compter du jour de la demande et exécution provisoire par application des dispositions de l'article|e R1454-28 du code du travail ;

'11 678,59 € net pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

'1 668,37 € net pour l'impossibilité d'accomplir le DIF ;

'1 0920,06 € net au titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir et exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;

- Condamner la SARL NSTI à payer à M. [F] la somme de 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

La SARL NSTI reconnaissait devoir 4 983,93 € au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi que la prime de vacances pour l'année 2013 mais s'opposait aux plus amples demandes formées par M. [B] [F]. Elle sollicitait reconventionnellement 3 185,20 € au titre du préavis non exécuté par M. [F].

L'affaire a été radiée du rôle une première fois le 1er octobre 2015 avant que l'instance ne soit reprise le 4 septembre 2017. Une seconde radiation a été prononcée le 1er février 2018, l'instance étant reprise le 8 février 2018.

Par jugement du 5 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Metz, section industrie, a statué ainsi qu'il suit :

- Constate qu'il y a prescription de la demande de rappel de salaire pour la période antérieure au 30 avril 2011 ;

- Dit et juge la demande de M. [F] est recevable et en partie fondée ;

- Prend acte que la SARL NSTI a produit les fiches de pointage de M. [F] du 14 mars 2011 au 20 décembre 2013 ;

- Dit et juge que les manquements évoqués par M. [F] ne sont pas suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de rupture de son contrat de travail aux torts de la SARL NSTI ;

- Dit et juge que cette prise d'acte s'analyse comme une rupture produisant les effets d'une démission ;

- Dit et juge que la période de référence pour les demandes au titre de rappel de salaire est celle qui couvre la période du 30 avril 2011 au 30 avril 2014 ;

- Dit et juge que le temps de trajet n'est pas un temps de travail effectif ;

- Condamne la SARL NSTI prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [F] les sommes de :

'5 062,36 € brut au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées sur la période du 1er mai 2011 au 30 avril 2014 ;

'506,24 € brut au titre des congés payés afférents ;

'2 677,50 € brut au titre des heures de repos compensateur obligatoire ;

'267,75 € brut au titre des congés payés afférents ;

'540,00 € brut au titre de la prime de vacance de 2013 ;

avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir et exécution provisoire par application des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail ;

- Condamne la SARL NSTI prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [F] la somme de 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute M. [F] de toutes ses autres demandes ;

- Déboute la SARL NSTI de toutes ses demandes reconventionnelles ;

- Condamne la SARL NSTI prise en la personne de son représentant légal aux entiers frais et dépens de l'instance.

Par déclaration formée par voie électronique le 10 juillet 2018, M. [F] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 9 janvier 2020, notifiées par voie électronique le 13 janvier 2020, M. [F] demande à la Cour de :

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté partiellement le salarié de sa demande d'heures supplémentaires ;

- Dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la SARL NSTI à payer à M. [F] les sommes suivantes :

'3 336,74 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

'333,67 € bruts au titre des congés payés sur préavis

'750,76 € nets au titre de l'indemnité de licenciement

'16 276,52 € bruts au titre des heures supplémentaires

'1 627,65 € bruts au titre des congés payés y afférents

'8 224,13 € bruts au titre du repos compensateur obligatoire

'822,41 € bruts au titre des congés payés y afférents

avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir et exécution provisoire par application des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail ;

'11 678,59 € nets pour licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

'10 920,06 € nets au titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir et exécution provisoire par application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;

- Subsidiairement, s'il était retenu que le temps de trajet pour se rendre aux chantiers n'est pas du temps de travail effectif, il sera alloué au salarié, pour chaque année, une somme de 2500,00 € annuels sur 3 ans, soit la somme de 7 500,00 € en contrepartie de la durée anormale du trajet domicile ' chantiers ;

- Condamner la SARL NSTI à payer à M. [F] la somme de 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SARL NSTI aux entiers frais et dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er avril 2020, la SARL NSTI demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 5 juillet 2018 dans toutes ses dispositions,

- Prononcer l'irrecevabilité de la demande nouvelle formée par M. [F] au titre d'une contrepartie financière pour temps de trajet domicile-chantiers pour les années 2011, 2012 et 2013,

- Subsidiairement, débouter M. [F] de cette demande de contrepartie financière et plus subsidiairement encore, la réduire à de plus justes proportions,

- Débouter M. [F] de toutes ses autres demandes,

- Condamner M. [F] à payer a la SARL NSTI la somme de 3 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2021.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la demande de prise d'acte

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par lui constituent des manquements d'une importance telle qu'ils empêchaient la poursuite des relations contractuelles, soit d'une démission dans le cas contraire.

Il appartient donc au juge de vérifier si les faits invoqués par le salarié sont établis et, dans l'affirmative, s'ils caractérisent des manquements d'une importance telle qu'ils empêchaient la poursuite des relations contractuelles, la rupture étant alors imputable à l'employeur et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

C'est au salarié qui prend l'initiative de la rupture qu'il appartient d'établir la réalité de ces manquements, à charge pour le juge à en apprécier la gravité, et si un doute subsiste la rupture produit les effets d'une démission.

Le juge se doit enfin d'examiner l'ensemble des griefs invoqués par le salarié, sans se limiter aux griefs mentionnés dans la lettre de rupture.

M. [F] invoque les points suivants, dans la lettre de rupture ou au cours de la présente procédure, au titre des manquements reprochés à son employeur :

. le non-paiement des heures supplémentaires et du repos compensateur ;

. le non-paiement des temps de trajet ;

. le non-paiement de la prime de vacances pour l'année 2013 ;

. le comportement inapproprié de l'employeur à son égard ;

. le non-respect des mesures de sécurité ;

. la modification de son échelon et de son coefficient pour les mois de janvier à mars 2014 ;

. le non-respect de la majoration pour les weeks-ends.

- sur le non-paiement des heures supplémentaires et du repos compensateur

M. [F] sollicite le paiement d'un rappel de salaires sur la période allant du 26 avril 2011 au 22 décembre 2013.

La SARL NSTI demande la confirmation de la décision de première instance qui a d'une part déclaré irrecevable comme étant prescrite la demande relative à la période antérieure au 30 avril 2011, et d'autre part n'a pas retenu le temps de trajet comme étant du temps de travail effectif à prendre en compte pour le calcul des heures supplémentaires.

. sur la prescription

Aux termes de l'article L 3245-1 du code du travail, issu de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

La demande formée par M. [F] ayant été formée le 17 novembre 2014, soit moins de trois ans après la date de promulgation de la loi du 14 juin 2013 intervenue le 16 juin 2013, il convient d'appliquer les mesures transitoires prévues à l'article V de l'article 21 de la loi du 14 juin 2013 qui prévoient que les dispositions du nouvel article L 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

En l'espèce, la demande formée en paiement de rappel de salaire pour les heures supplémentaires porte sur les heures dues à compter du 26 avril 2021, et est ainsi relative à une période qui n'est pas antérieure de plus de cinq ans à la date de la saisine de la juridiction prud'homale.

Cette demande n'est donc pas prescrite et doit être déclarée recevable dans sa totalité, le jugement devant être infirmé en ce sens.

. sur le calcul des heures supplémentaires

Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié.

Le salarié étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l'existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, à charge pour l'employeur de les contester ensuite en produisant ses propres éléments

Ces éléments doivent être suffisamment sérieux et précis quant aux heures effectivement réalisées pour permettre à l'employeur d'y répondre.

En outre selon l'article L 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

L'article L 3121-4 du code du travail dispose en outre que :

«  Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire ».

Ainsi le temps de déplacement de M. [F] entre son domicile et les premier et derniers chantiers de la journée ne peut pas être retenu comme temps de travail effectif et n'entre pas dans le décompte de la durée du travail pour l'application de la législation sur les heures supplémentaires quand bien même il peut donner lieu à récupération ou à indemnisation financière.

M. [F] produit un relevé des heures de travail qu'il a effectuées entre le 26 avril 2011 et le 20 décembre 2013 incluant les temps de trajet qu'il estime être dû, les départs à destination du chantier se faisant à partir de la société.

S'il est établi que les salariés avaient le choix entre se rendre au dépôt de l'entreprise pour partir ensuite sur les chantiers, ou se faire récupérer à leur domicile par le véhicule de service se rendant sur les chantiers (attestation de M.[L]), il résulte des éléments versés aux débats et notamment de l'attestation de M. [N] que M. [F] ne se présentait pas au départ des chantiers à l'entreprise, n'y venant que le vendredi soir pour présenter sa feuille de pointage, et qu'il était récupéré à son domicile par le véhicule et ses collègues se rendant sur le chantier. Par ailleurs il est constant que M. [F] était domicilié à près de 30km du siège de la SARL NSTI et qu'il ne disposait pas du permis de conduire au moment de l'exécution de son contrat de travail.

M. [F] ne justifiant pas se rendre au siège de l'entreprise avant de partir sur les chantiers, il convient de constater que son temps de trajet domicile-chantier ne doit pas être pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires.

La SARL NSTI produit des plannings de travail reconstitués au vu des fiches de pointage couvrant la période allant de mars 2011 à décembre 2013 inclus, ainsi qu'un tableau comparatif montrant les heures payées sur les bulletins de salaire et les heures supplémentaires restées impayées, dont le total impayé s'élève à 5 013,15 € (773,55 € pour 2011 ; 3 996,92 € pour 2012 ; 242,68 € pour 2013).

Ce tableau ne tient pas compte des heures de trajet entre le domicile de M. [F] et le chantier.

M. [F] ne conteste pas ce tableau mais sollicite le paiement des heures supplémentaires incluant ce trajet.

La SARL NSTI sollicite la confirmation de la décision de première instance qui l'a condamné à verser à M. [F] la somme totale de 5 062,36 € brut au titre du rappel de salaires pour les heures supplémentaires, outre 506,24 € pour les congés payés y afférents.

Les heures supplémentaires présentées dans le tableau produit par l'employeur étant justifiées et leur non-paiement au-delà de 39h par semaine reconnu par la SARL NSTI, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL NSTI à verser à ce titre à M. [F] la somme totale de 5 062,36 € brut au titre du rappel de salaires pour les heures supplémentaires, outre 506,24 € pour les congés payés y afférents.

. sur le repos compensateur

Selon l'article L 3121-27 ancien du code du travail, dans les entreprises de plus de vingt salariés, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires conventionnel ou réglementaire ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 100 % de chaque heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent.

Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22 du code du travail. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.

En l'espèce, le contingent annuel d'heures supplémentaires pour la branche métallurgie est fixé à 220 heures.

En outre, en application de l'article L 3121-11 du code du travail, dans sa version applicable postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, le salarié ne peut pas prétendre au paiement d'une indemnisation au titre du repos compensateur obligatoire et de la contrepartie obligatoire en repos pour heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent que si l'existence des heures supplémentaires est constatée.

Le tableau comparatif des pointages établi par la SARL NSTI montre que M. [F] n'a accompli des heures supplémentaires au-delà de 220 heures que pour l'année 2012 (475 heures au total contre 172 heures pour l'année 2013 et 220 heures pour l'année 2011).

En outre il est constant que M. [F] n'a pas travaillé en 2014, ayant été placé en arrêt maladie à compter du 3 janvier 2014 et jusqu'à la rupture de son contrat de travail.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL NSTI à verser à M. [F] la somme de 2 677,50 € brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour l'année 2012, outre 267,75 € pour les congés payés afférents.

- sur le non-paiement du temps de trajet

Selon l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Pour la première fois par conclusions datées du 9 janvier 2020, notifiées par voie électronique le 13 janvier 2020, M. [B] [F] demande à titre subsidiaire, si le temps de trajet n'est pas reconnu pour le paiement des heures supplémentaires, une contrepartie financière de 2 500,00 € par an sur les trois années concernées par la demande.

Cependant, s'agissant d'une demande subsidiaire tendant à voir indemniser un temps de trajet intégré dans les heures supplémentaires dans la demande principale, cette prétention ne peut être qualifiée de demande nouvelle au fond de sorte qu'il n'y a pas lieu à la déclarer irrecevable.

La SARL NSTI sera déboutée de sa fin de non-recevoir.

Sur le fond, si en application de l'article L 3121-4 du code du travail le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif, le temps de trajet du salarié de son domicile aux différents lieux où il peut être amené à exercer son activité, lorsqu'il excède le temps normal de déplacement « entre son domicile et son lieu habituel de travail », doit donner lieu à récupération ou à contrepartie financière.

Cette contrepartie peut être fixée soit par la convention collective, soit par le contrat de travail. A défaut, il appartient au juge du fond d'en fixer le montant, sans pouvoir assimiler les temps de déplacement à des temps de travail effectifs.

En l'espèce, il ressort du contrat de travail et des bulletins de salaire de M. [F] que celui-ci bénéficie de primes de panier en fonction des déplacements effectifs réalisés sur les chantiers (déplacement 78.20 ; déplacement 16.8 ; déplacement 8,50 €) représentant une part importante de sa rémunération (exemple : 961,40 € sur les 2170,93 € nets versés sur la paye de juin 2011).

En outre, il n'est pas contesté par le salarié que l'employeur, par un engagement unilatéral, faisait bénéficier ses salariés de jours de repos supplémentaires.

Le salarié ayant déjà bénéficié d'une contrepartie à ses temps de déplacement en application du contrat de travail, il convient de constater que la demande subsidiaire formée par M. [F] à ce titre n'est pas justifiée, de sorte que l'appelant sera débouté de ce chef.

- sur le non-paiement de la prime de vacances 2013

M. [F] sollicite le paiement de la somme de 540,00 € correspondant à la prime de vacances pour l'année 2013, prime prévue par la convention collective applicable à la relation de travail.

La SARL NSTI reconnaît devoir cette somme, expliquant qu'il s'agit d'un oubli, et rappelant qu'elle avait été versée à M. [F] pour l'année 2012.

La créance étant justifiée, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL NSTI au versement de cette prime.

- sur le comportement inapproprié de l'employeur

M. [F] reproche à son employeur d'une part d'avoir tenu à son encontre des propos particulièrement inappropriés, et d'autre part de l'avoir incité à quitter l'entreprise lors d'un entretien qui s'est déroulé le 3 janvier 2014.

La SARL NSTI conteste l'existence de propos inappropriés et précise qu'il n'a pas été question de son départ lors de l'entretien du 3 janvier 2014 qui ne concernait que des problèmes d'organisation des chantiers.

En ce qui concerne les propos inappropriés, M. [F] verse aux débats les attestations de plusieurs autres salariés (Mrs [Y], L.[F], [T], [W]) qui se bornent à constater, de façon identique pour chacune de ces attestations, qu'ils ont « personnellement assisté à des propos dégradants, humiliants ainsi qu'à des ultimatums non justifiés » envers « M. [Z] [E] ».

Seul M. [K] indique que ces agissements ont été commis contre M. [B] [F] et contre d'autres salariés.

Aucun de ces témoignages ne donne de précision sur les propos tenus de sorte qu'il n'est pas permis de les caractériser.

En ce qui concerne l'entretien du 3 janvier 2014, seuls les courriers établis par M. [F] font état de la demande qui aurait été formulée par l'employeur à M. [B] [F] de quitter l'entreprise, demande contestée par la SARL NSTI et qui n'est confirmée par aucun élément, l'arrêt maladie de M. [F] accordé le jour-même au salarié n'étant pas suffisant pour démontrer la réalité de cette demande.

Ce manquement n'est donc pas établi en l'état des pièces versées aux débats et ne pourra être retenu contre la SARL NSTI.

- sur la modification de l'échelon et du coefficient sur les bulletins de salaire

M. [F] reproche à son employeur d'avoir modifié son coefficient et son échelon sur les trois mois de janvier à mars 2014 inclus, en les faisant passer respectivement de 1 à 0.3 et de 170 à 155.

L'examen des bulletins de salaire montre que ces données ont été modifiées en ce sens pendant ces trois mois avant de reprendre leur ancienne valeur en avril 2014, mais aussi qu'aucune conséquence n'en est résulté sur le montant de la rémunération de M. [F] qui est restée identique pendant cette période (1592,55 € de salaire brut mensuel de base).

Dès lors, s'agissant d'une erreur purement matérielle, ce grief ne peut constituer un manquement imputable à l'employeur.

- sur le non-respect des mesures de sécurité et le non-respect de la majoration prévue pour les fins de semaine 

M. [F] invoque ces manquements dans sa lettre de rupture sans cependant les reprendre dans ses conclusions récapitulatives ni expliquer en quoi l'employeur a manqué à ses obligations.

Il convient dès lors de constater que ces manquements ne sont pas établis.

Au vu de ces développements, seul le non-paiement des heures supplémentaires dépassant 39 heures par semaine et des repos compensateurs constituent des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles, les autres griefs invoqués par M. [F] n'étant pas établis.

Compte tenu de leur nombre, et du fait que l'employeur a accordé spontanément des jours de repos supplémentaires, ce manquement n'est pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La demande de prise d'acte formée par M. [F] par courrier du 30 avril 2014 ne peut dès lors pas être qualifiée de rupture imputable à l'employeur et produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci produisant les effets d'une démission.

En conséquence, il convient de débouter M. [F] des demandes qui en découlent formées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (et des congés payés afférents), de l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »

Selon l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

M. [F] indique que la SARL NSTI ne pouvait pas ignorer qu'il effectuait des heures supplémentaires qui apparaissaient à l'employeur sur les fiches de pointage qu'il remplissait toutes les semaines.

La SARL NSTI conteste l'existence de l'élément intentionnel, même si elle reconnaît la matérialité d'heures supplémentaires non réglées, précise qu'elle a régulièrement déclaré M. [F] et qu'elle n'avait pas l'intention de dissimuler ses heures de travail.

Il résulte des éléments versés aux débats que la SARL NSTI payait les heures supplémentaires jusque 39 heures par semaine à M. [F] (cf ses bulletins de salaire) et qu'elle avait instauré un système de compensation par des jours de repos qu'elle pensait régulier, les jours de repos mentionnés par l'employeur dans le tableau récapitulatif n'étant pas contestés par le salarié.

Au vu de ces éléments, il convient de constater que l'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas établi, de sorte que la demande de dommages et intérêts formée par M. [F] à cette fin sera rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL NSTI partie perdante à la procédure, sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande en revanche de laisser à M. [F] la charge des frais non compris dans les dépens qu'il a engagés à hauteur d'appel, de sorte que sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme étant prescrite la demande de rappel de salaires pour la période antérieure au 30 avril 2011 ;

Statuant à nouveau et dans cette limite,

Déclare recevable la demande de rappel de salaires pour la période antérieure au 30 avril 2011 ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande subsidiaire formée par M. [B] [F] aux fins de voir condamnée la SARL NSTI à lui verser une indemnité à titre de contrepartie pour la durée anormale des trajets domicile-chantiers ;

Déboute M. [B] [F] de cette prétention ;

Déboute M. [B] [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SARL NSTI aux dépens d'appel.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 18/01918
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;18.01918 ?
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