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10/05/2022 | FRANCE | N°20/00552

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 10 mai 2022, 20/00552


Arrêt n° 22/00277



10 mai 2022

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N° RG 20/00552 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FH2T

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

07 février 2020

19/00783

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Dix mai deux mille vingt deux





APPELANTE :



SAS DERICHEBOURG PROPRETE p

rise en la personne de son représentant légal et en son établissement situé [Adresse 1]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me François MAUUARY, avocat au barreau de METZ





INTIMÉE :



Mme [R] [Z]

[A...

Arrêt n° 22/00277

10 mai 2022

---------------------

N° RG 20/00552 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FH2T

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

07 février 2020

19/00783

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Dix mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

SAS DERICHEBOURG PROPRETE prise en la personne de son représentant légal et en son établissement situé [Adresse 1]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me François MAUUARY, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

Mme [R] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Laurent PATE, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/003335 du 16/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

'EXPOSÉ DES FAITS

Mme [R] [Z] effectue des prestations de nettoyage en qualité d'agent d'entretien à la CAF de [Localité 7] depuis 2011.

Plusieurs employeurs se sont succédé sur ce marché, détenu en dernier lieu par la SAS Derichebourg Propreté et Services associés (ci après Derichebourg), qui a conclu avec Mme [Z] le 2 janvier 2018 un avenant de transfert de son contrat de travail reprenant son ancienneté au 1er juillet 2011 et prévoyant un horaire de travail de 15 h par semaine pour un salaire mensuel de 650,65 euros bruts.

La convention collective applicable est la convention collective nationale des entreprises de propreté.

Mme [Z] a fait l'objet d'un avertissement le 16 mai 2018, suite à un contrôle de qualité du chantier effectué par M. [I], directeur de l'agence d'[Localité 5] et Mme [G], chef de secteur, qualifié par l'employeur de catastrophique.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 février 2019, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 5 mars 2019, puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mars 2019, elle a été licenciée pour faute grave pour non-qualité de ses prestations.

Mme [Z] a saisi le 3 juillet 2019 le conseil de prud'hommes de Metz pour demander que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et que la SAS Derichebourg soit condamnée, outre aux dépens de l'instance, à lui payer les sommes de :

* 1301,30 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 130,13 euros bruts pour les congés payés afférents,

* 1 138,63 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 5 205 euros à titre de dommages et intérêts,

* 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 7 février 2020, rendu en l'absence de comparution de la SAS Derichebourg, le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande, en fixant au montant de 1 951,95 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SAS Derichebourg a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 21 février 2020 et, par conclusions récapitulatives entrées au RPVA le 28 juillet 2020, elle demande l'infirmation de ce jugement, qu'il soit dit que le licenciement de Mme [Z] repose sur une faute grave et que la salariée soit déboutée de ses fins et prétentions et condamnée, outre aux dépens de l'instance, à lui payer la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au RPVA le 26 mai 2021, Mme [R] [Z] demande la confirmation du jugement entrepris et que la SAS Derichebourg soit condamnée aux dépens d'appel et à lui payer une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2011.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

La lettre de licenciement pour faute grave de Mme [Z] énonce que :

« (') Les faits reprochés sont relatifs à la non qualité de vos prestations. A cet effet, notre client CAF de [Localité 7] n'a pas hésité en date du 21 février dernier à nous faire part de son mécontentement par mail avec photos éloquentes à l'appui :

le nettoyage de la grande salle n'a jamais été fait correctement ou en totalité, alors que la salle est la vitrine du centre dans laquelle le client reçoit ses adhérents et partenaires

les sanitaires sont encrassés dans votre secteur

le local matériel est dans un état déplorable

le contrôle qualité du 21 février 2019 est catastrophique.

Pour rappel, il vous a déjà été notifié un avertissement pour des faits similaires en date du 16 mai 2018. Malgré les directives et rappels à l'ordre récurrents qui vous sont donnés par votre responsable hiérarchique, les réclamations persistent et aucune amélioration n'est constatée.

Une société comme la nôtre se doit d'offrir des services de prestations de nettoyage de qualité à ses clients.

Les explications recueillies lors de notre entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits.

Le comportement que vous avez adopté contrevient aux engagements que vous avez pris, à savoir respecter l'obligation principale de votre contrat de travail par l'exécution d'une prestation de travail de qualité, et le respect de vos horaires de travail et sites d'intervention. Votre comportement nuit gravement à l'image et à la bonne marche de l'entreprise, en mettant en péril la relation commerciale avec notre client.

A ce titre, nous nous voyons contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, qui prend effet à la date de la présente lettre, sans indemnité. »

La Cour rappelle que, selon une jurisprudence constante, lorsque l'employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, il lui incombe d'apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement, à charge ensuite pour le juge d'apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s'ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la SAS Derichebourg produit :

- un mail en date du 21 janvier 2019 de M. [L] [V], manager opérationnel travaux et sécurité à la CAF de [Localité 8], qui évoque « de sérieux problèmes sur les prestations au centre social de [Localité 7] » et demande les coordonnées du responsable local,

- un mail de M. [F] [J], directeur du centre social CAF ''[Adresse 6]'' de [Localité 7], adressé à M. [I] en date du 21 février 2019, rédigé en ces termes :

« Merci de votre visite et de la prise en compte de la situation du centre social caf de [Localité 7].

Je confirme par ce mail que la grande salle n'a jamais été faite, correctement ou en totalité, depuis mon arrivée en tant que Directeur début octobre. Grande salle qui est la vitrine de notre centre et au sein de laquelle nous recevons nos adhérents et nos partenaires.

Je compte donc sur vous, comme évoqué lors de notre échange, pour que cette grande salle, ainsi que le reste du bâtiment, soit propre et donne enfin la vraie image de votre société et de ce centre social. »

- deux relevés de pointage, l'un au nom de Mme [Z] pour le mois de janvier 2019, l'autre au nom de Mme [M] [Y], qui lui a succédé sur le chantier, pour le mois de juillet 2020.

L'appelante estime que ces preuves sont suffisantes et soutient que, contrairement à ce qu'elle prétend, la charge de travail de Mme [Z] n'a pas augmenté lors de la reprise par elle du marché, ce dont atteste la comparaison des pointages de la salariée et de sa remplaçante au poste.

Elle considère aussi que les nombreuses fautes reprochées à la salariée, qui n'a pas réalisé les prestations demandées à plusieurs reprises, malgré un avertissement antérieur, ce qui a affecté l'image et la crédibilité de la société, caractérisent la faute grave.

Mme [Z] fait valoir pour sa part qu'elle a travaillé durant huit ans à la satisfaction de ses précédents employeurs, que lors de la reprise du marché, la collègue qui s'occupait de la grande salle a quitté l'entreprise et qu'elle s'est vu attribuer ce secteur en plus de celui dont elle s'occupait, l'appelante lui demandant toujours plus et plus vite, qu'elle faisait de son mieux, même si à 58 ans elle était peut être moins rapide, sans que cela ou la baisse de qualité de son travail ne relèvent d'une faute disciplinaire, enfin qu'elle conteste le contenu du mail de M. [J].

La Cour relève que la seule preuve un tant soit peu utile produite par la SAS Derichebourg est un mail du directeur du centre social (sans les prétendues photos éloquentes à l'appui), qui n'évoque, de manière peu circonstanciée, qu'un seul des griefs, le nettoyage incorrect ou non en totalité de la grande salle, mais que ne sont justifiés ni les toilettes encrassées, ni le local matériel mal rangé, ni même le contrôle « catastrophique » du 21 février 2019 ' étant observé qu'à titre de comparaison le contrôle du 11 avril 2018 ayant conduit à l'avertissement du 16 mai 2018 a, au vu du contenu de cet avertissement, donné lieu à une évaluation détaillée par lieux (bureaux, sanitaires, circulation, salle de réunion) et par prestations (sols, mobilier, poussières sur les hauts des placards, poubelles, téléphone, faïence, finitions hautes et basses, etc...).

Par ailleurs, en dehors de cet avertissement, il n'est justifié d'aucune des directives ou d'aucun des rappels à l'ordre récurrents du supérieur hiérarchique.

Enfin, la production des plannings permet tout au plus de constater que Mme [Y] ne travaille plus que 2h30 par jour sur le chantier, alors que Mme [Z], dont l'affirmation selon laquelle elle avait une collègue qui intervenait sur le même lieu n'est pas expressément contestée par l'employeur, effectuait 3 heures.

L'employeur ne rapporte donc pas la preuve de l'ensemble des griefs tels qu'énoncés dans la lettre de licenciement et la Cour estime que le seul courriel de M. [J] (celui de M. [V] étant particulièrement imprécis, outre qu'il n'est pas avéré qu'il a constaté lui-même les « sérieux problèmes » évoqués), qui n'a pas valeur de témoignage en bonne et due forme, est notoirement insuffisant à justifier d'une cause tant réelle que sérieuse pour le licenciement de la salariée.

Au surplus, il convient de rappeler que la mauvaise exécution d'un travail ne relève pas d'une faute de nature disciplinaire, donc de la faute grave qui revêt cette nature, mais de l'insuffisance professionnelle qui ne peut donner lieu, si elle repose sur des faits matériels établis, qu'à un licenciement pour cause réelle et sérieuse, sauf pour l'employeur à justifier du caractère intentionnel du comportement du salarié, à savoir d'une mauvaise volonté délibérée de sa part à ne pas exécuter correctement son travail ' une occurrence qui n'est pas davantage prouvée en l'espèce.

Le jugement entrepris sera donc confirmé pour avoir dit que le licenciement de Mme [Z] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, encore moins une faute grave.

Il sera aussi confirmé sur l'ensemble des montants accordés à Mme [Z], qui ne sont aucunement contestés par l'employeur dans leur principe ou leur calcul, étant aussi relevé que la salariée n'a pas formé d'appel incident sur le montant alloué à titre de dommages et intérêts qui était inférieur à celui qu'elle réclamait, mais a été correctement évalué par les premiers juges au plancher de trois mois de salaire prévu par le barème figurant à l'article L. 1235-3 du code du travail, faute pour Mme [Z] d'avoir justifié de sa situation après son licenciement.

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, l'employeur sera par ailleurs tenu de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à la salarié licenciés, du jour de son licenciement jusqu'au jour du jugement, dans la limite de six mois de ces indemnités et non de un mois comme prévu par le jugement entrepris, qui sera réformé sur ce point.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et la SAS Derichebourg, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

S'agissant des frais non répétibles, Mme [Z] bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, l'appelante sera tenue, en application de l'alinéa 2 de l'article 700 du code de procédure civile, de verser directement au conseil de Mme [Z] la somme de 2 000 euros pour les deux instances, à charge pour lui de renoncer à la perception de cette aide, a due proportion le cas échéant.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions concernant l'application de l'article L.1235-4 du code du travail et de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Ordonne, en application de l'article L 1235-4 du code du travail, à l'employeur de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement jusqu'au jour du jugement, dans la limite de six mois de ces indemnités ;

Condamne la SAS Derichebourg Propreté et services associés à verser entre les mains de Me Laurent Pate, conseil de Mme [R] [Z], la somme de 2 000 euros en application de l'article l'article 700 du code de procédure civile, alinéa 2 du code de procédure civile pour les deux instances ;

Condamne la SAS Derichebourg Propreté et services associés aux dépens d'appel.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêché

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/00552
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;20.00552 ?
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