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10/05/2022 | FRANCE | N°19/03261

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 10 mai 2022, 19/03261


Arrêt n° 22/00284



10 Mai 2022

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N° RG 19/03261 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FGEE

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

26 Novembre 2019

F 18/00883

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



dix Mai deux mille vingt deux





APPELANTE :



SAS LECLERC MALENA Prise

en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège.

14 rue du Malambas- 57280 HAUCONCOURT

Représentée par Me Frédéric BLAISE, avocat au barreau de METZ





INTIMÉ :



M. [L] [S]

14, Gran...

Arrêt n° 22/00284

10 Mai 2022

---------------------

N° RG 19/03261 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FGEE

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

26 Novembre 2019

F 18/00883

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

dix Mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

SAS LECLERC MALENA Prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège.

14 rue du Malambas- 57280 HAUCONCOURT

Représentée par Me Frédéric BLAISE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

M. [L] [S]

14, Grand'Rue- 57525 TALANGE

Représenté par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, pour le président régulièrement empêché, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [L] [S] a été embauché par la SARL Malena, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 2005, en qualité de chef d'atelier sciage et taille de pierre.

La SARL Malena a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au bénéfice de la SAS Leclerc Malena en décembre 2016 et le contrat de travail de M. [S] a été transféré à la SAS Leclerc Malena en application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail.

M. [S] a été convoqué par courrier du 31 janvier 2018 à un entretien préalable fixé le 9 février 2018.

M. [S] a exercé son droit de retrait à compter du 5 mars 2018 compte tenu de la dangerosité de l'atelier dans lequel il travaillait.

Par lettre en date du 06 mars 2018, la SAS Leclerc Malena a licencié M. [S] pour faute grave.

Par acte introductif enregistré au greffe le 28 novembre 2018, M. [S] a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de dire que la rupture de son contrat de travail pour faute grave est irrégulière et sans cause réelle et sérieuse et sollicite la condamnation de la SAS Leclerc Malena au paiement des sommes suivantes :

- 6.573,50 euros bruts au titre du préavis

- 657,35 euros bruts au titre de congés payés sur préavis

- 11.686,22 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement

- 40.000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice

Subsidiairement,

- 3.286,75 euros nets pour licenciement irrégulier

le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir

- 1.298,20 euros bruts de retenue sur salaire portant intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction

- 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par jugement du 26 novembre 2019, le Conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, a statué ainsi qu'il suit :

- Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- Condamne la SAS Leclerc Malena à payer à M. [S] :

- 6573,50 euros au titre du préavis à 657,35 euros au titre des congés payés y afférents

- 11.686,22 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement

- 1.298,20 euros bruts a titre de retenue sur salaire

le tout avec intérêt au taux légal à compter de la saisine de la juridiction

- 20.000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts

- 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision

- Ordonne l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile

- Condamne la SAS Leclerc Malena aux dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 18 décembre 2019 et enregistrée au greffe le jour même, la SAS Leclerc Malena a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 14 août 2020, enregistrées au greffe le même jour, la SAS Leclerc Malena demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Metz le 26 novembre 2019 en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [S] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à lui verser les sommes suivantes :

6 573,50 euros au titre du préavis ;

657,35 euros au titre des congés payés y afférents ;

11 686,22 euros net au titre de l'indemnité de licenciement ;

1 298,20 euros à titre de retenue sur salaire ;

20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- A titre principal, dire le licenciement justifié par une faute grave et par conséquent, débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes.

- A titre subsidiaire, dire le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et débouter M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

- A titre infiniment subsidiaire, limiter la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif à 6 mois de salaire.

En tout état de cause :

- Débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes.

- Condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Le condamner aux entiers frais et dépens.

Par ses dernières conclusions datées du 2 mars 2021, enregistrées au greffe le même jour, M. [S] demande à la Cour de :

- Rejeter l'appel de la SAS Leclerc Malena.

Et au contraire accueillant celui incident.

- Condamner la SAS Leclerc Malena à lui payer la somme de 40 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Subsidiairement,

- Condamner la SAS Leclerc Malena à lui payer la somme de 3 286,75 euros nets pour licenciement irrégulier avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

- Condamner la SAS Leclerc Malena à lui payer la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la SAS Leclerc Malena aux depens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions

respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

La lettre de licenciement en date du 6 mars 2018, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit :

« En décembre 2017, à l'occasion du point annuel comptable que nous avons réalisé avant de clôturer nos comptes sociaux, nous sommes aperçus que vous n'aviez pas établi de factures pour 2017.

Nous vous avons sollicité des explications et nous vous avons demandé de nous faire le point exacte de votre activité pour l'année 2017. Vous nous avez alors répondu que vous aviez procédé à la fabrication de plusieurs éléments en pierre jaune pour divers clients.

Le 15 décembre 2018, faisant suite à notre demande d'éc1aircissement, vous avez fait parvenir à notre service comptabilité/facturation 5 bons de livraison :

. Bon de livraison date du 23 mars 2019 (') : ce bon est à destination de l'entreprise FERSTER à COURCELLES CHAUSSY et se rapporte à la livraison d'une pierre sciée 6 faces. Ce bon est apparemment signé par le client mais ne mentionne pas de prix. La date de livraison que vous avez mentionnée sur ce document étant erronée (nous comprenons qu'il s'agit en fait du 23 mars 2017), nous avons quelques doutes légitime quant à la réalité de ce bon lequel, en outre, ne nous permet pas de procéder à la facturation de la prestation que vous dites avoir réalisée, puisque ce bon n'est pas accompagné d'un devis préalable signé et donc accepté par cette entreprise et/ou d'un bon de commande, ni ne mentionne le prix afférent à votre livraison.

.Bon daté du 2 mai 2017: ce bon est adressé à Monsieur [T] [C], habitant GORZE. Le prix de vente mentionné dans ce bon est de 154 € HT et 185,72 € TTC (au lieu de 184,80 € TTC). Ce bon ne mentionne pas l'adresse de Monsieur [T] [C] et n'est pas revêtu de la signature de celui-ci, ce qui ne nous permet pas, là encore, de facturer votre prestation à son bénéficiaire, ni d'en vérifier la réalité. De plus, là aussi, ce bon n'est pas accompagné d'un devis préalable signé et donc accepté par Monsieur [T] [C].

.Bon daté du 29 juin 2017 : ce bon est à destination de « [E] », sans plus de précision. Il est signé. Il concerne la livraison de 24 éléments de pierre au prix unitaire de 80€/m², mais sans détermination du prix de vente ; il n'est pas non plus accompagné d'un devis préalable signé et donc accepté et/ou d'un bon de commande, ce qui ne nous permet pas de procéder à la facturation de votre livraison. .

.Bon date du 19 septembre 2017 : ce bon est à destination de « [A] » sans plus de précision. Il est signé. Il se rapporte à la livraison de 5 unités de pierre sans prix unitaire et sans prix de vente ; il n'est pas non plus accompagné d'un devis préalable signé et doge accepté et/ou d'un bon de commande, ce qui ne nous permet pas de procéder à la facturation de votre livraison.

.Bon daté du 5 décembre 2017: ce bon est à destination de « [A] ». Il s'agit donc à priori du même client. II est signé. Il commence la livraison de 7 éléments de pierre sans prix unitaire et sans prix de vente ; il n'est pas non plus accompagné d'un devis préalable signé et donc accepté, et/ou d'un bon de commande, ce qui ne nous permet pas de procéder à la facturation de votre livraison.

Vous le savez, chacune de vos prestations et de vos livraisons auraient dû être précédées d'un devis préalablement signé par les clients, et/ou d'un bon de commande, et auraient dû faire l'objet d'un bon de livraison respectant un formalisme minimal : date, nom, adresse et coordonnées du client, signature et qualité du signataire, quantités livrées, prix unitaire, prix total etc., ce que nous vous avons rappelé lors de l'entretien préalable du 9 février 2018 et ce que vous n'avez pas contesté.

De plus, vous avez livré des pierres sans solliciter d'acompte aux clients, ni donc vous êtes assurés que ceux-ci procéderaient au paiement de vos livraisons qui d'ailleurs, eu égard à la date de vos prestations, nous paraissent désormais peu probables.

Ainsi, alors que vous nous avez soutenu, lors de cet entretien préalable, que vous aviez réalisé de nombreuses opérations de prospection, force est de constater que celles-ci n'ont quasiment pas eu de résultat (5 bons de livraison en une année !). En outre, le peu d'attention que vous avez accordé à la formalisation de ces commandes et des bons de livraison y afférents ne nous permettent pas de facturer les livraisons que vous dites avoir effectuées. Nous devons vous le confesser, nous doutons même de la réalité de vos prestations et des livraisons y afférentes.

Plus encore, ce n'est qu'à notre demande et sous notre injonction, que vous avez bien voulu transmettre ces bons au service comptabilité de la SAS LECLERC MALENA dans des délais qui sont pour le moins inacceptables (près de 9 mois de retard pour le 1er bon), lesquels, en outre, ne nous permettent pas de facturer vos prestations et vos livraisons aux clients que vous avez désignés.

Vous n'avez pas, de plus, comme nous vous l'avons demandé lors de notre entretien préalable et alors que vous vous y étiez engagé, justifié les déplacements professionnels que vous prétendez avoir réalisés.

Lors de cet entretien, vous avez argué avoir effectué de nombreux métrés chez les prospects. Ces métrés selon vos dires étaient consignés dans un carnet. Mais nous n'avons aujourd'hui toujours eu connaissance de ces métrés, ni de votre carnet. Nous nous interrogeons donc sur la véracité de vos dires et surtout de l'objet de vos déplacements théoriquement professionnels.

Aussi, nous ne pouvons que conclure à un manque total de rigueur dans la réalisation de votre travail (métrés, devis chiffrés et adressé au client) et/ou, pire encore, à des déplacements qui n'auraient pas été effectués dans le cadre de votre activité professionnelle. En effet, vous n'avez pas été capable de nous justifier ces déplacements.

Or, le contrat de travail qui nous lie vous imposait, de par vos fonctions, votre statut, votre expérience professionnelle, et votre rémunération, des obligations que vous n'avez pas respectées et un professionnalisme dont vous n'avez pas fait preuve.

Il me semble même que si nous vous avions pas interrogé sur votre activité en fin d'année, vous ne nous auriez pas fait état de ces 5 livraisons alors que cela ressortait également et pleinement à votre activité et donc à l'obligation de loyauté à laquelle vous êtes tenu.

Vous avez donc désorganisé l'activité se rapportant à la taille et à la livraison de pierre, ce qui constitue une faute grave.

Aussi, nous nous voyons contraint de vos notifier votre licenciement pour faute grave ».

M. [S] fait valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et affirme que les griefs allant jusqu'au 19 septembre 2017 sont prescrits.

M. [S] assure qu'à chaque fois qu'un bon de livraison était établi, il le donnait au service concerné.

M. [S] affirme que l'établissement des devis ne faisait pas partie de ses attributions et que la SAS Leclerc Malena ne peut sérieusement lui faire supporter une prétendue désorganisation de l'activité alors qu'elle n'a pas entendu suppléer à l'absence de M. [Z], responsable commercial.

M. [S] souligne qu'il a souhaité prendre deux jours de congés les 11 et 12 janvier 2018 et qu'il a bien évidemment prévenu la secrétaire de son employeur.

M. [S] souligne que le jour de l'entretien préalable, l'employeur ne pouvait ignorer qu'il avait saisi l'Inspection du Travail compte tenu des dysfonctionnements de l'atelier et que son licenciement est lié, non pas à une faute grave qu'il aurait commise, mais aux conséquences d'un contrôle réalisé par l'Inspection du Travail.

La SAS Leclerc Malena réplique qu'elle s'est aperçue des fautes du salarié durant les mois de décembre 2017 et janvier 2018, alors qu'elle réalisait un point comptable sur l'année qui venait de se clôturer et précise que ce n'est que le 15 décembre 2017 que M. [S] a remis au service comptabilité/facturation les 5 bons de livraison.

La SAS Leclerc Malena affirme que les bons de livraison n'ont été transmis tardivement par M. [S] qu'en raison de la demande expresse de la direction et que l'absence de respect du formalisme des bons de livraison résulte d'une abstention volontaire du salarié ou est la conséquence de sa mauvaise volonté délibérée.

La société affirme aussi que le contrat de travail de M. [S] stipulait que l'aide à l'établissement des devis faisaient partie de ses attributions principales.

La société conteste les attestations produites par l'intimé et notamment l'attestation de M. [X] qu'elle considère être l'expression d'une appréciation subjective.

La SAS Leclerc Malena soutient que ne pas répondre à la demande de justification des déplacements est l'expression d'un acte d'insubordination mais également de l'impossibilité dans laquelle le salarié se trouvait de justifier des déplacements qui n'avaient pas d'objet professionnel.

La SAS Leclerc Malena soutient que les jeudi 11 et vendredi 12 janvier 2018, M. [S] ne s'est pas présenté à son poste de travail alors que son absence n'avait pas été précédée d'une autorisation et qu'il n'a pas n'ont plus jugé bon de prévenir ses supérieurs hiérarchiques de sorte qu'elle est bien fondée à invoquer l'avertissement du 25 janvier 2018 afin de justifier sa décision de licencier M. [S] pour faute grave.

La SAS Leclerc Malena ajoute que la lettre de convocation à entretien préalable a été envoyée à M. [S] avant qu'elle ne soit informée des démarches que celui-ci avait entreprises auprès de l'Inspection du travail et de la Médecine du travail.

Sur la prescription des faits fautifs

Le délai de prescription des faits fautifs posé par l'article L.1332-4 du code du travail impose à l'employeur de déclencher des poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois courant du jour où il a eu connaissance des faits dans toute leur étendue et gravité. Il ne fait pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou répété dans ce délai.

En l'espèce, la SAS Leclerc Malena évoque 5 bons de livraison qui n'auraient pas été précédés d'un devis signé et/ou d'un bon de commande, qui n'auraient pas été remis au service de comptabilité avant décembre 2017 et qui n'auraient pas respecté le formalisme requis pour la facturation, à savoir celui du 23 mars 2019, dont la date indiquée par le salarié est manifestement erronée et aurait dû être le 23 mars 2017, du 2 mai 2017, du 29 juin 2017, du 19 septembre 2017 et du 5 décembre 2017, et les verse aux débats.

Il sera relevé que les manquements du 23 mars 2017, du 2 mai 2017, du 29 juin 2017 et du 19 septembre 2017 ne sont pas prescrits étant donné que des faits reprochés de même nature se sont répétés le 5 décembre 2017 et que l'employeur a été au courant des derniers faits au plus tôt à cette date soit dans le délai de deux mois avant le déclenchement de la procédure disciplinaire en date du 31 janvier 2018.

Sur le bien fondé du licenciement

Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c'est-à-dire l'imputation au salarié d'un fait ou d'un comportement assez explicite pour être identifiable en tant que tel pouvant donner lieu à une vérification par des éléments objectifs.

En l'occurrence, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l'employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.

En l'espèce, la SAS Leclerc Malena reproche d'abord à M. [S] de ne pas avoir établi de factures pour 2017 alors que cette mission appartenait au service de comptabilité/facturation et non à M. [S] en qualité de chef d'atelier sciage débitage pierre et tailleur de pierre.

Ensuite, si la lettre de licenciement mentionne comme grief la réalisation de prestations sans devis accepté ou bon de commande, il n'est pas expressément reproché à M. [S] de ne pas les avoir établis lui-même mais seulement d'avoir effectué les livraisons sans avoir vérifié au préalable la présence d'un devis/bon de commande signé et d'un acompte.

Les parties s'accordent sur le fait qu'en l'absence de M. [Z], responsable commercial, aucun devis ni bon de commande n'a été établi, ce qui résulte d'ailleurs des attestations de ce dernier et de Messieurs [B] et [E], des clients, si bien qu'il est avéré que M. [S] a procédé aux livraisons du 23 mars 2017, du 2 mai 2017, du 29 juin 2017, du 19 septembre 2017 et du 5 décembre 2017 sans s'assurer qu'un devis/bons de commande avait bien été accepté par le client et qu'un acompte avait bien été versé.

L'employeur reproche aussi à M. [S] d'avoir remis au service de comptabilité/facturation les bons de livraison dans un délai de plusieurs mois, ce qui n'aurait pas permis au service concerné de facturer à temps les prestations.

La société produit à l'appui de ses allégations l'attestation de Mme [J] [Y], secrétaire comptable, qui dispose que « fin d'année 2017, Monsieur [L] [S] m'a remis 5 bons pour des enlèvements de pierre qui avaient été effectués durant l'année. Il ne m'a remis aucun autre bon d'enlèvement ou de livraison au cours de l'année 2017 », et démontre, à défaut de pièce émanant du salarié laissant apparaître qu'il a remis au service comptabilité/facturation les bons de livraison au fur et à mesure de leur réalisation, que M. [S] a communiqué tardivement les bons de livraison mais n'apporte pas la preuve qu'il a fallu que l'employeur les lui réclame.

De surcroît, l'employeur reproche à M. [S] de ne pas avoir respecté le formalisme des bons de livraison.

Il ressort des formulaires des bons de livraisons que le salarié devait a minima y indiquer les coordonnées des clients et les matériaux livrés et les faire signer par la clientèle, ce d'autant plus qu'il n'existait pas de devis ou de bon de commande. Or, la cour constate que le bon de livraison du 23 mars 2017 n'indique pas la nature de la pierre livrée à M. [G], le bon du 2 mai 2017 ne mentionne pas l'adresse de M. [C] et n'est pas revêtu de la signature du celui-ci et les bons du 29 juin, du 14 septembre et du 5 décembre 2017 ne mentionnent pas non plus l'adresse des clients.

Ce grief est donc établi mais aucun élément ne met néanmoins en évidence que M. [S] a volontairement décidé de ne pas respecter le formalisme requis pour les bons de livraison ni qu'il s'agissait d'une mauvaise volonté délibérée de sa part comme l'employeur le prétend.

La SAS Leclerc Malena, qui affirme que 2 des livraisons n'ont pas pu être payées à défaut de devis/bon de commande et de renseignement sur les bons de livraison, ne justifie d'aucune difficulté de facturation ou de paiement des prestations effectuées et ne démontre notamment pas que la société était dans l'impossibilité de connaître l'adresse des clients ni que M. [G] a contesté la qualité de la pierre livrée par l'intimé.

La SAS Leclerc Malena soutient également que M. [S] a refusé de justifier les déplacements professionnels qu'il prétendait avoir réalisés chez des prospects dans le cadre de l'exercice de ses fonctions mais ne produit aucune pièce démontrant que M. [S] aurait déclaré des déplacements chez des prospects et encore moins que M. [S] aurait refusé de justifier de ces trajets.

Ce grief ne sera donc pas retenu, tout comme celui fondé sur un « manque total de rigueur dans la réalisation de votre travail (métrés, devis chiffrés et adressé au client) et/ou, pire encore, à des déplacements qui n'auraient pas été effectués dans le cadre de votre activité professionnelle » pour lequel l'employeur n'apporte pas d'avantage d'élément.

Enfin, la partie appelante évoque l'avertissement du 25 janvier 2018 qui sanctionne l'absence injustifiée de M. [S] du 11 et 12 janvier 2018. M. [S] conteste cet avertissement mais se borne à affirmer qu'il a averti la secrétaire si bien qu'il est avéré que le salarié n'a pas demandé d'autorisation d'absence à la direction et ne lui a remis aucun justificatif.

M. [S] fait valoir que son licenciement a été décidé parce qu'il s'est plaint de la dangerosité de l'atelier de sciage et a saisi l'inspection du travail alors que la société a engagé la procédure disciplinaire le 31 janvier 2018 avant même de réceptionner le courrier du salarié en date du 1er février 2018 dans lequel il l'informait de certains dysfonctionnements d'équipements dans l'atelier.

Par ailleurs, l'attestation de M. [X] dans laquelle il relate qu'aucune discussion n'était possible avec M. Leclerc, président de la société, lors de l'entretien préalable du 9 février 2018 puisque ce dernier avait déjà fait son choix pour la sanction relève de l'interprétation strictement personnelle du témoin qui ne décrit aucun fait précis.

En définitive, les faits matériellement établis, à savoir la réalisation de 5 livraisons malgré l'absence de devis accepté ou de bon de commande et d'acompte, le non respect du formalisme des bons de livraisons et la transmission tardive des 5 bons de livraisons par M. [S] au service de facturation, constituent par leur nature et leurs conséquences un manquement du salarié à ses obligations professionnelles qui justifiaient la rupture de son contrat de travail, soit au moins une cause sérieuse de licenciement, étant donné que l'absence de devis signé ou de bon de commande peut engendrer un désaccord avec le client sur le prix ou la nature de la marchandise livrée et ainsi des impayés pour l'entreprise et qu'en attendant la fin de l'année pour transmettre les bons de livraison, les prestations ont été payées par les clients en retard, voir après la clôture du bilan de l'année 2017.

Par contre, compte tenu du fait que les manquements de M. [S] n'ont pas eu d'autre incidence qu'un retard dans le paiement des 5 livraisons et de l'ancienneté de M. [S] au sein de la société de plus de 13 ans, la Cour considère qu'il n'y avait pas matière à rupture immédiate du contrat donc qu'il n'y a pas lieu de retenir la faute grave.

Le licenciement de M. [S] est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse et ce dernier sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M. [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué au salarié des dommages et intérêts à ce titre mais sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents, et à l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas autrement contestés.

Sur la retenue de salaire pour absences injustifiées

M. [S] sollicite un rappel de salaire pour les 15, 16, 27 et 28 février 2018 et du 1er au 07 mars 2018.

M. [S] soutient qu'il était présent sur son lieu de travail jusqu'au 5 mars 2018 et que par lettres en date du 5 mars 2018 il a déploré n'avoir aucune nouvelle de l'impérieuse nécessité des travaux à mettre en place et a invoqué son droit de retrait compte tenu de la situation dangereuse de son lieu de travail.

La SAS Leclerc Malena réplique que M. [S] n'a daigné l'informer de l'utilisation de son droit de retrait que plusieurs jours après l'avoir mis en 'uvre et affirme que le salarié aurait dû continuer à travailler (opérations de prospection, aider à l'établissement de devis et apporter son expertise technique sur les chantiers).

L'article L. 4131-1 du code du travail dispose que le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'il présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.

En l'espèce, M. [S] a été placé en absence injustifiée les 15, 16, 27 et 28 février 2018 et du 1er au 07 mars 2018 d'après ses bulletins de salaire.

La cour constate que M. [S] a averti son employeur le 5 mars 2018 qu'il exerçait son droit de retrait à compter de cette date compte tenu de l'absence de travaux pour remettre en conformité l'atelier de sciage conformément aux prescriptions de l'inspection du travail du 22 février 2018.

Le salarié apporte la preuve d'un danger grave et imminent, qui justifie et rend légitime son droit de retrait à compter du 5 mars 2018, par la production des observations et de la mise en demeure préalable à procès verbal de l'inspection du travail du 22 février 2018 qui font état de câbles dénudés dans le hall, de câbles d'alimentation au sol stagnant dans l'eau, de l'omniprésence d'une épaisse poussière sur des enchevêtrements de câbles, d'un local haute tension abritant un transformateur à pyralène laissé accessible, de canalisations électriques volantes, d'absence de neutralisation de câbles sous tension et mal isolés en d'absence de protection contre les contacts directs et indirects et de défaut de protection contre les surintensités, sachant qu'il n'est pas démontré que M. [S] bénéficiait d'un véhicule de service ou d'un bureau et pouvait travailler en dehors de l'atelier de sciage.

Avant cette date, l'employeur ne prouve pas que M. [S] était absent de son poste de travail et ne produit aucune demande de justification d'absence ou de mise en demeure de reprendre le travail de sorte que le salarié était bien à son poste les 15, 16, 27 et 28 février 2018 et du 1er au 4 mars 2018.

Dès lors, il convient d'allouer à M. [S] la somme totale demandée de 1 298,20 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 15, 16, 27 et 28 février 2018 et du 1er au 4 mars 2018 pendant laquelle l'intimé était à son poste de travail et pour la période du 5 au 7 mars 2018 pendant laquelle il a légitimement exercé son droit de retrait.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point en ce sens.

Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement

M. [S] fait valoir que la lettre de convocation à l'entretien préalable du 31 janvier 2018 n'indique pas l'adresse précise du lieu de l'entretien et se contente de mentionner « nos bureaux zone industrielle du Malambas 57280 Hauconcourt ».

L'article R.1232-1 du code du travail dispose que la lettre de convocation prévue à l'article L.1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien.

En l'espèce, bien que le courrier du 31 janvier 2018 de convocation à l'entretien préalable fixé le 9 février 2018 ne précise pas l'adresse complète du lieu où devait se tenir l'entretien (« à nos bureaux zone industrielle du Malambas 57280 Hauconcourt »), il n'empêche que M. [S] était bien présent à l'entretien préalable.

M. [S] ne justifie donc d'aucun préjudice et sera débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement étant au demeurant observé que M. [S] invoque sans plus de précision l'application d'au moins 2 conventions collectives par l'employeur, ce qui ne rend pas la procédure de licenciement irrégulière.

Sur le surplus

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Leclerc Malena succombant pour partie sera condamnée aux dépens d'appel.

 

Conformément aux prescriptions de l'article 700 du code de procédure civile, la SAS Leclerc Malena sera condamnée à payer à M. [L] [S] la somme de 800 euros au titre des frais exposés par ce dernier qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit le licenciement de M. [L] [S] sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il lui a accordé des dommages et intérêts à ce titre.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [L] [S] repose sur une cause réelle et sérieuse, mais qu'il n'y a pas lieu de retenir la faute grave.

Déboute M. [L] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Déboute M. [L] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Condamne la SAS Leclerc Malena à payer à M. [L] [S] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS Leclerc Malena aux dépens d'appel.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/03261
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.03261 ?
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