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10/05/2022 | FRANCE | N°19/02645

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 10 mai 2022, 19/02645


Arrêt n° 22/00247



10 mai 2022

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N° RG 19/02645 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FEPW

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

24 septembre 2019

F18/00555

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Dix mai deux mille vingt deux







APPELANTE :



SAS GUERMONT WEBE

R prise en la personne de son représentant légal

4, rue Teilhard de Chardin

ZI des Deux Fontaines - CS 60003

57063 METZ Cedex 3

Représentée par Me Philippe KAZMIERCZAK, avocat au barreau de METZ, avocat postulant ...

Arrêt n° 22/00247

10 mai 2022

---------------------

N° RG 19/02645 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FEPW

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

24 septembre 2019

F18/00555

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Dix mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

SAS GUERMONT WEBER prise en la personne de son représentant légal

4, rue Teilhard de Chardin

ZI des Deux Fontaines - CS 60003

57063 METZ Cedex 3

Représentée par Me Philippe KAZMIERCZAK, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Nicolas CHAVRIER, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

INTIMÉ :

M. [O] [W]

86, rue Saint Pierre

57000 METZ

Représenté par Me Anne BICHAIN, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [O] [W] a été embauché par la société Distrilab Industrie, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 17 juin 2000, en qualité de magasinier.

Le 1er juin 2010, son contrat de travail a été transféré à la SAS Guermont Weber.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 juin 2017, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 12 juillet 2017.

Le 21 juillet 2017, la SAS Guermont Weber a notifié à M. [W] un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Par acte introductif enregistré au greffe le 10 juillet 2018, M. [W] a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins :

- D'enjoindre la SAS Guermont Weber de fournir au conseil l'élément de preuve justifiant l'avertissement du 27 janvier 2017 ;

- D'ordonner les mesures d'instruction au regard de l'avertissement du 27 janvier 2017 ;

- D'annuler les avertissements du 27 janvier 2017 et du 06 mars 2017 ;

- De dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement ;

- De condamner la SAS Guermont Weber, en dernier lieu, au paiement des sommes suivantes :

* 29 720,00 euros nets à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2 000,00 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- De condamner la SAS Guermont Weber aux entiers frais et dépens.

Par jugement du 24 septembre 2019, le Conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, a statué ainsi qu'il suit :

- Dit qu'il n'y a pas lieu d'annuler les avertissements à l'encontre de M. [W] [O] ;

- Dit que le licenciement de M. [W] [O] n'est pas justifié par une cause réelle et sérieuse.

- Requalifie le licenciement pour cause réelle et sérieuse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit que le salaire brut mensuel est de 1 486,00 euros;

En conséquence de quoi,

- Condamne la SAS Guermont Weber en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [O] la somme de 9 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- Condamne la SAS Guermont Weber en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [O] la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.

Lesdites sommes portant intérêts an taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- Déboute M. [W] [O] de sa demande d'annulation des deux avertissements;

- Déboute la SAS Guermont Weber de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonne à la SAS Guermont Weber de rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômages versées à M. [W] [O] dans la limite des six mois, conformément à l'article L.1235-4 du Code du travail ;

- Rappelle que l'exécution provisoire est de droit en application de l'article R.1454-28 du Code du Travail ;

- Condamne la SAS Guermont Weber aux entiers frais et dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution.

Par déclaration formée par voie électronique le 16 octobre 2019 et enregistrée au greffe le jour même, la société Guermont Weber a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 26 novembre 2020, la société Guermont Weber demande à la Cour de :

- Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Metz, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des deux avertissements prononcés ;

Et, statuant à nouveau :

- Dire et juger que le licenciement de M. [O] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- Débouter M. [O] [W] de l'intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause et reconventionnellement :

- Condamner M. [O] [W] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner M. [W] aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions datées du 2 mars 2021, M. [W] demande à la Cour de :

- Dire et juger l'appel de la SAS Guermont Weber recevable mais mal fondé,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Condamner la SAS Guermont Weber à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés à hauteur d'appel,

- Condamner l'entreprise Guermont Weber aux entiers dépens de la présente procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 juin 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate que M. [W] n'a pas formé d'appel incident s'agissant des dispositions l'ayant débouté de ses demandes d'annulation des avertissements du 27 janvier 2017 et du 6 mars 2017 de sorte que le jugement est devenu définitif sur ce point.

La lettre de licenciement en date du 21 juillet 2017, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit :

« En date du lundi 26 juin 2017, peu avant 16 heures 30, vous avez endommagé un radiateur « Parada 22 / 600*2100 » préparé par Monsieur [F] [Z] pour la société MELLINGER de Metz.

En effet, alors que vous étiez en train de pousser un chariot de préparation, vide de marchandise, celui-ci est venu heurter le radiateur précité.

Le choc a causé une dégradation sur l'arrête de celui-ci et ce, malgré la présence d'un emballage cartonné.

Le dommage subi par le radiateur montre que le chariot de préparation a été poussé avec trop d'empressement et sans toute la vigilance qui s'impose tant lors des déplacements internes que pour garantir la sécurité des biens et des personnes.

Votre comportement est d'autant plus regrettable qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre verbaux et avertissements dans nos correspondances des 27 février 2014, 27 janvier 2017 et 06 mars 2017.

Au surplus, vous ne pouvez pas ignorer que votre fonction vous oblige à respecter les procédures internes et normes de sécurité en vigueur, comme cela vous a été régulièrement rappelé dans vos entretiens professionnels mais également :

- page 18 du livret sécurité qui vous a été remis en date du 25 juin 2010 et qui précise la consigne suivante « à pied, pas de précipitation dans vos déplacements ».

- lors de la projection du film sécurité dont vous avez validé les connaissances par un QCM le 22 septembre 2016.

Lors de notre entretien du 12 juillet 2017 et comme à chaque fois que vous êtes entretenu sur le sujet, vous avez cherché à minimiser les faits par ces mots : « Je ne suis pas allé à vive allure, j'ai serré à gauche et je n'ai pas vu le radiateur qui était, c'est vrai, dans un emplacement de stockage réglementaire. Je ne l'ai pas fait volontairement ; je ne vais maintenant plus confondre vitesse et précipitation. Je vais vraiment travailler lentement, être vigilant et faire attention à ma charrette ».

Vos propos confirment non seulement les faits reprochés mais également votre indéniable négligence et, d'évidence, vous comprendrez que vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation quant aux faits reprochés.

Votre attitude volontairement irresponsable et votre comportement survolté récurrent étant contraires aux consignes de sécurité les plus élémentaires, nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ».

M. [W] fait valoir que la première sanction prononcée à son encontre invoquée dans la lettre de licenciement date du 27 février 2014 soit de plus de 3 ans avant le licenciement.

M. [W] soutient qu'il a été convoqué à un entretien préalable le 03 février 2017, que l'employeur était tenu respecter le délai maximum d'un mois à partir du jour suivant celui fixé pour l'entretien et que la lettre d'avertissement aurait dû lui parvenir avant le 4 mars 2017. Il estime que l'avertissement du 6 mars 2017 est nul et ne peut venir à l'appui de son licenciement.

M. [W] soulève que l'employeur ne peut pas le sanctionner pour les mêmes faits fautifs en prononçant ultérieurement son licenciement.

M. [W] ajoute que la détérioration d'une marchandise n'est pas inhabituelle dans un entrepôt de préparation et que M. [U] n'a jamais été sanctionné pour des mêmes faits.

Il assure que le radiateur se trouvait dans l'allée piétonne et que c'est la raison pour laquelle il l'a involontairement percuté.

Il soutient que le radiateur présentait une simple rayure d'ongle et que son licenciement est disproportionné par rapport aux faits qui lui sont reprochés.

M. [W] conteste les attestations produites par l'employeur en ce que le paragraphe concernant la sanction du faux témoignage n'est pas rempli, en ce que les cases concernant le lien de subordination sont raturées et en ce qu'elles ne relatent pas d'événement déterminé.

M. [W] affirme qu'il a été victime de rumeurs, fondées exclusivement sur des préjugés racistes, selon lesquelles il était le responsable de vols au sein de l'entreprise et que les auteurs des vols, Messieurs [L] [K], responsable des stocks, et [F] [Z], préparateur, étaient à l'origine des sanctions infligées à son encontre.

La SAS Guermont Weber réplique M. [W] a expressément reconnu avoir endommagé le radiateur et que son licenciement était justifié.

La SAS Guermont Weber soutient que le choc a été tel qu'il a occasionné une dégradation de l'arrête dudit radiateur sur plusieurs centimètres, ce malgré la présence de l'emballage cartonné destiné à le protéger, et affirme que seule une direction du chariot de préparation précipitée et non respectueuse des consignes de sécurité, de nature à ne plus garantir la sécurité des biens mais aussi des personnes, a été l'origine de ce sinistre.

La SAS Guermont Weber ajoute que M. [W] a lui-même reconnu que le carton était bien situé dans une zone réglementaire lors de son entretien préalable et qu'il n'a aucunement remis en cause ce point dans son courrier de contestation réceptionné le 28 mai 2018.

La SAS Guermont Weber soutient que, à l'aune notamment des deux avertissements pour le moins sévères en date des 27 janvier 2017 et 6 mars 2017, dont la régularité et validité ne peuvent plus être judiciairement contestées à hauteur de Cour, elle espérait qu'elle n'aurait plus à déplorer le moindre incident de la part de M. [W].

La SA Guermont Weber précise que la seule tenue d'un entretien n'était pas de nature, à elle seule, à entraîner l'application du délai de notification d'un mois prévu par l'article L.1332-2 du Code du travail.

La société ajoute que ces sanctions n'ont été évoquées dans la lettre de licenciement que pour illustrer la réitération des manquements de M. [W] à ses obligations professionnelles ainsi que les alertes préalables l'invitant à se reprendre, ce afin de mettre en exergue le caractère plus que sérieux des faits survenus le 26 juin 2017 ayant, seuls, conduit l'appelante à rompre son contrat de travail.

La SAS Guermont Weber conclut que les allégations de M. [W] de suspicions de vol en considération de « préjugés racistes » sont parfaitement fantaisistes et de nature à ne convaincre personne, la décision de procéder à son licenciement n'ayant, de surcroît, été prise par aucun des deux protagonistes.

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, M. [W] conteste d'abord les avertissements du 27 février 2014 et du 6 mars 2017.

S'agissant de l'avertissement du 27 février 2014, M. [W] soutient à juste titre que cette sanction ne pouvait valablement être invoquée dans la lettre de licenciement étant donné qu'en application des dispositions de l'article .1332-5 du code du travail, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.


En revanche, si des faits fautifs ne peuvent être sanctionnés deux fois, en vertu du principe non bis in idem, le passé disciplinaire d'un salarié peut être invoqué à l'appui d'une nouvelle sanction ou pour aggraver celle-ci si bien que la SAS Guermont Weber pouvait évoquer les avertissements du 27 janvier 2017 et du 6 mars 2017 dans la lettre de licenciement.

S'agissant de l'avertissement du 6 mars 2017, M. [W] considère que cet avertissement est nul mais ne sollicite plus l'annulation de cet avertissement en cause d'appel.

De plus, bien que le courrier d'avertissement du 6 mars 2017 mentionne un « entretien du 03 février 2017 », pendant lequel l'employeur a recueilli les explications du salarié le jour même de l'incident, il n'est pas démontré que l'employeur a procédé à une convocation formelle à un entretien préalable avant sanction avec assistance du salarié au sens de l'article L.1332-2 du code du travail de sorte que la procédure prévue à l'article précité, énonçant que la sanction ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien, ne s'appliquait pas.

En outre, M. [W] ne conteste pas les griefs sur lesquels repose l'avertissement du 6 mars 2017 à savoir que le 3 février 2017, il a gravement mis en danger l'un de ses collègues de travail en se déplaçant à très vive allure avec un chariot de préparation de marchandises au sein des allées de l'établissement. Le chariot de M. [W] était en effet chargé de tiges filetées qui dépassaient de chaque côté de l'appareil et qui arrivaient à hauteur de personne et M. [I] [U], a été dans l'obligation de se déporter précipitamment sur le côté pour éviter d'être percuté en plein visage par ces tiges.

La SAS Guermont Weber produit d'ailleurs les attestations de M. [I] [U], un collègue de travail, qui relate qu' « Il (M. [W]) est arrivé très vite à ma hauteur et au moment où je me suis retourné, seul un réflexe de ma part a permis d'arrêter net la marche du chariot. J'ai pu ainsi éviter l'accident car les tiges filetées posées en haut du chariot dépassaient et auraient pu empaler mon visage » et de M. [B] [R], un autre collègue, qui confirme que « [E] (M. [W]) n'a pas fait suffisamment attention et sans un réflexe de mon collègue se trouvant sur son passage il aurait pu être gravement blessé par les tiges filetées qui arrivaient à hauteur de son visage ».

L'avertissement du 6 mars 2017 était donc justifié par des faits établis et pouvait venir à l'appui du licenciement de l'intimé reposant sur des faits de même nature.

M. [W], outre qu'il ne demande plus l'annulation de l'avertissement du 27 janvier 2017, ne le conteste plus à hauteur de cour si bien que l'avertissement du 27 janvier 2017, justifié par le fait que le salarié a endommagé la scanette mise à sa disposition pour enregistrer les articles le 20 janvier 2017, pouvait également venir à l'appui de son licenciement.

M. [W] soutient ensuite que son licenciement en date du 21 juillet 2017 est disproportionné.

M. [W] reconnaît avoir endommagé un radiateur avec son chariot le 26 juin 2017 lors de ses déplacements au sein de l'entrepôt tant dans ses conclusions que dans son courrier en date du 25 septembre 2017 dans lequel il indique «  je n'ai pas nié et ne nie toujours pas être le responsable de ladite rayure montrée lors de l'entretien préalable ».

La SAS Guermont Weber produit en l'occurrence une photo du radiateur qui présente une rayure importante, au delà d'une « simple rayure d'ongle » ou une « égratignure » comme le salarié le prétend. Le radiateur était tout du moins suffisamment endommagé pour ne pas pouvoir être vendu en l'état, ce malgré l'emballage en carton qui le protégeait.

M. [W], qui soutient que le radiateur était entreposé dans l'allée piétonne et non à son emplacement réglementaire, produit quant à lui une photographie d'étagères et un plan manuscrit du dépôt qui ne permettent pas de démontrer que le carton était placé en dehors de la zone d'emplacement réglementaire étant au demeurant observé que M. [G], responsable logistique, affirme dans son attestation produite par la société que « Monsieur [W] m'a indiqué lors de notre entretien que le radiateur, qu'il a endommagé, se trouvait bien dans un emplacement réglementaire au moment des faits » et que M. [W] n'a à aucun moment évoqué que le carton n'était pas à son emplacement habituel dans son courrier de contestation réceptionné le 28 mai 2018.

Par ailleurs, dans l'hypothèse où le radiateur aurait été entreposé dans l'allée piétonne, cela ne justifie pas le fait que le salarié ait percuté le carton dans la mesure où il devait exclusivement se déplacer dans la zone de circulation des chariots et ne devait pas conduire sur le chemin réservé aux piétons, au risque de heurter un collègue.

L'incident du 26 juin 2017 ne peut s'expliquer que par le fait que M. [W], qui avait 17 ans d'expérience dans la conduite d'engins et avait bénéficié d'une formation le 22 septembre 2016 relative notamment à la sécurité des manutentions au chariot élévateur, s'est manifestement déplacé dans l'entrepôt sans vigilance ni précaution alors qu'il lui appartenait de s'assurer de la sécurité des biens et des personnes présents sur son passage.

La SAS Guermont Weber produit les attestations suivantes qui, nonobstant le fait qu'elles ne précisent pas les conséquences d'une fausse déclaration ni l'existence d'un lien de subordination, ce qui ne suffit pas à les écarter, la preuve étant libre en matière prud'homale et une attestation, même incomplète, gardant valeur de renseignement, confirment que M. [W] avait un comportement imprudent lorsqu'il conduisait son chariot, à savoir :

- l'attestation de M. [B] [R], magasinier, qui affirme que M. [W] « avait pour habitude de travailler trop vite et du coup il baclait son travail. Il ne faisait pas attention à ses collègues, il se croyait tout seul et ça pouvait créer des situations dangereuses d'accident. Malgré les remarques des autres employés et de son supérieur, il n'en faisait qu'à sa tête »,

- l'attestation de M. [H] [T], responsable d'exploitation, qui énonce que « j'ai eu l'occasion de travailler avec Monsieur [W] et j'ai pu constater de nombreuses fois qu'il avait un comportement abrupt et particulièrement dangereux quand il se déplaçait dans le dépôt ».

Les faits du 26 juin 2017 reprochés à M. [W] sont donc avérés et il a précédemment été constaté que ce dernier avait déjà endommagé du matériel le 20 janvier 2017, sanctionné par l'avertissement du 27 janvier 2017, et avait déjà enfreint des règles de sécurité et de vigilance dans la conduite de son chariot le 3 février 2017, sanctionné par l'avertissement du 6 mars 2017, de sorte que l'incident litigieux, réitéré quelques mois après la dernière sanction, n'est pas un fait isolé mais révèle un comportement négligent et imprudent du salarié constituant une faute.

La SAS Guermont Weber a pourtant rappelé à M. [W] dans le courrier du 6 mars 2017 que « ce n'est pas la première fois que nous constatons un manquement dans l'application des règles de sécurité. A plusieurs reprises, je vous ai demandé d'être plus vigilant lors de vos déplacements et lors de l'utilisation du matériel de manutention. Dernière fois au cours de votre entretien annuel du 22 décembre 2016, je vous l'ai de nouveau rappelé. Votre comportement est inadmissible. Nous vous rappelons que la sécurité est une priorité dans l'entreprise et que nous ne tolérons plus aucun manquement » et produit le compte rendu de l'entretien annuel d'évaluation de l'année 2016, signé par le salarié, qui qualifie de « moyen » les aptitudes de M. [W] à « appliquer les consignes de sécurité relatives aux engins de levage et aux travaux de manutention », à « respecter les procédures internes et normes de sécurité et de qualité », à être « vigilent » et « rigoureux » et qui indique « [O] est un collaborateur investit dans son travail mais il ne doit pas confondre vitesse et précipitations s'il veut être complet dans son travail », « il doit apprendre à être plus attentif à son environnement ».

La circonstance que d'autres salariés aient aussi cassé du matériel et n'auraient pas été sanctionnés pour des accidents similaires, ce qui n'est pas démontré, n'est pas de nature à modifier l'appréciation de la Cour sur le caractère sérieux du licenciement de M. [W] d'autant que la société verse l'attestation de M. [T] qui « certifie que les dégradations de matériel n'étaient absolument pas chose courante dans l'entrepôt ».

Enfin, M. [W], qui se borne à produire deux articles de presse ne mentionnant ni la société concernée ni le nom de l'auteur de vols de matériels, n'apporte aucun élément mettant en évidence qu'il aurait été désigné comme le responsable de vols sur la base de préjugés racistes ni qu'il aurait fait l'objet de stratagèmes de la part de Messieurs [L] [K] et [F] [Z] dans le but d'être sanctionné par l'employeur puis d'être licencié.

En définitive, il résulte de l'ensemble des éléments du débat, appréciés à l'aune des antécédents disciplinaires du salarié, que la dégradation du radiateur du fait de la négligence fautive de M. [W] dans la conduite de son chariot étant caractérisée, la cour considère que son licenciement est fondé sur une cause tant réelle que sérieuse au regard de la nature et de la persistance du comportement imprudent du salarié et risques encourus pour les personnes amenées à se déplacer dans l'entrepôt alors que M. [W] était soumis à une obligation générale de prudence et de vigilance accrue du fait de la manipulation d'engin de manutention et que l'employeur a une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés.

La cour précise que l'absence de mise à pied conservatoire ne permet pas d'amoindrir le caractère sérieux des faits reprochés, M. [W] n'ayant pas été licencié pour faute grave, mais seulement pour cause réelle et sérieuse.

M. [W] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Le jugement entrepris sera aussi infirmé en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

M. [W], qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel et de première instance.

Compte tenu de la situation économique respective des parties, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la SAS Guermont Weber tant en première instance qu'à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [O] [W] fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Déboute M. [O] [W] de l'ensemble de ses demandes.

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne M. [O] [W] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier P/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/02645
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.02645 ?
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