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10/05/2022 | FRANCE | N°19/01185

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 10 mai 2022, 19/01185


Arrêt n° 22/00285



10 Mai 2022

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N° RG 19/01185 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FAXQ

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

23 Avril 2019

18/00307

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



dix mai deux mille vingt deux





APPELANTE :



SARL COULEURS ET PEINTURES DE

FRANCE prise en la personne de son gérant

1, Rue de la Baillonville- 57140 WOIPPY

Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ







INTIMÉE :



Mme [U] [Z]

10 rue du Frère Laurent- 5728...

Arrêt n° 22/00285

10 Mai 2022

---------------------

N° RG 19/01185 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FAXQ

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

23 Avril 2019

18/00307

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

dix mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

SARL COULEURS ET PEINTURES DE FRANCE prise en la personne de son gérant

1, Rue de la Baillonville- 57140 WOIPPY

Représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

Mme [U] [Z]

10 rue du Frère Laurent- 57280 FEVES

Représentée par Me Redouane SAOUDI, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, pour le président régulièrement empêché, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Mme [U] [Z] a été embauchée par la SARL COULEURS ET PEINTURES de FRANCE, selon contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 02 juillet 2001, puis en contrat à durée indéterminée en temps partiel à compter du 01 février 2002, en qualité d'employée de bureau.

Le contrat de travail prévoyait initialement une durée mensuelle de travail effectif de 92 heures et un salaire mensuel brut de 674,62 euros. Selon avenant du 01 septembre 2013, la durée mensuelle de travail a été portée à 127,83 heures.

La convention collective nationale applicable est la convention collective du commerce de gros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 décembre 2017, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 08 janvier 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 12 janvier 2018 Mme [Z] a été licenciée pour faute grave.

Par acte introductif enregistré au greffe le 06 avril 2018, Mme [Z] a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de voir :

dire et juger que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamner la SARL Couleurs et peintures de France au paiement des sommes suivantes :

- 1.425,69 € nets au titre du licenciement irrégulier ;

- 2.851,38 € bruts au titre du préavis ;

- 285,14 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 6.653,22 € nets au titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 19.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Constater que la société Couleurs et peintures de France n'a pas respecté le maintien de salaire à 100 %( droit local).

En conséquence :

La condamner à lui payer les sommes suivantes:

- 148,14 € bruts au titre du maintien de salaire en arrêt maladie pour le mois de décembre 2017

- 14,81 € bruts au titre des congés payés y afférents;

- 59,11 € bruts au titre du maintien de salaire en arrêt maladie pour le mois de janvier 2018;

- 5,91 € bruts au titre des congés payés y afférents;

Constater que la société Couleurs et peintures de France ne lui a pas payé l'ensemble des congés payés ;

En conséquence :

La condamner à lui payer la somme de 395,88 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

Constater que la société Couleurs et peintures de France n'a pas respecté le salaire minimum conventionnel ;

En conséquence :

Condamner la société Couleurs et peintures de France à lui payer les sommes suivantes :

- 398,83 € bruts au titre du rappel de salaire sur la garantie conventionnelle pour l'année 2015 ;

- 39,83 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 398,83 € bruts au titre du rappel de salaire sur la garantie conventionnelle pour l'année 2016 ;

- 39,83 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 1.008,57 € bruts au titre du rappel de salaire sur la garantie conventionnelle pour l'année 2017;

- 100,86 € bruts au titre des congés payés y afférents;

Constater que la société Couleurs et peintures de France n'a pas respecté l'usage concernant la prime de fin d'année.

En conséquence :

La condamner à lui payer la somme de :

- 100,00 € bruts au titre de la prime de fin d'année pour l'année 2017 ;

- 10,00 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

Condamner la société Couleurs et peintures de France à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société aux entiers dépens ;

Ordonner l'exécution provisoire de la présente décision à intervenir.

Par jugement du 23 avril 2019, le Conseil de prud'hommes de Metz, section commerce a statué ainsi qu'il suit :

Dit que le licenciement pour faute grave de Mme [Z] n'est pas justifié ;

Requalifie le licenciement pour faute grave de Mme [Z] en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence de quoi,

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France à payer à Mme [Z] les sommes de :

- 1.425,69 € nets au titre du licenciement irrégulier ;

- 2.851,38 € bruts au titre du préavis;

- 285,14 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 6.653,22 € nets au titre d'indemnité légale de licenciement ;

Majoré des intérêts de droit à compter du jour de la demande.

Constate que la SARL Couleurs et peintures de France n'a pas respecté le maintien de salaire à 100 % ( droit local).

En conséquence :

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France à lui payer les sommes suivantes :

- 148,14€ bruts au titre du maintien de salaire en arrêt maladie pour le mois de décembre 2017

- 14,81€ bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 59,11€ bruts au titre du maintien de salaire en arrêt maladie pour le mois de janvier 2018 ;

- 5,91€ bruts au titre des congés payés y afférents ;

Majoré des intérêts de droit à compter du jour de la demande.

Constate que la SARL Couleurs et peintures de France ne lui a pas payé l'ensemble des congés payés ;

En conséquence :

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France à lui payer la somme de 395,88 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

Majorée des intérêts de droit à compter du jour de la demande.

Constate que la SARL Couleurs et peintures de France n'a pas respecté le salaire minimum conventionnel.

En conséquence de quoi et vu l'article 1353 du code civil,

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France à lui payer les sommes suivantes :

- 398,83 € bruts au titre du rappel de salaire sur la garantie conventionnelle pour l'année 2015 ;

- 39,83 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 398,83 € bruts au titre du rappel de salaire sur la garantie conventionnelle pour l'année 2016 ;

- 39,83 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

- 1.008,57 € bruts au titre du rappel de salaire sur la garantie conventionnelle pour l'année 2017 ;

- 100,86 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

Majoré des intérêts de droit à compter du jour de la demande

Constate que la SARL Couleurs et peintures de France n'a pas respecté l'usage concernant la prime de fin d'année

En conséquence :

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France à lui payer la somme de :

- 100,00 € bruts au titre de la prime de fin d'année pour l'année 2017 ;

- 10,00 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

Majoré des intérêts de droit à compter du jour de la demande.

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France à lui payer la somme de 17 000,00€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

Majorée des intérêts de droit à compter du prononcé de la décision à intervenir.

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France à lui payer la somme de 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL Couleurs et peintures de France au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail ;

Condamne la défenderesse aux entiers frais et dépens et aux éventuels frais d'exécution.

Par déclaration formée par voie électronique le 13 mai 2019 et enregistrée au greffe le jour même, la SARL Couleurs et peintures de France a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 08 mars 2021, enregistrées au greffe le jour même, la SARL Couleurs et peintures de France demande à la Cour de :

Déclarer l'appel interjeté par la SARL CPF recevable et en outre bien fondé,

Constater que le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de METZ est manifestement partial

Infirmer, au besoin réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de METZ le 2019 en ce qu'il a :

Dit que le licenciement pour faute grave de Mme [U] [Z] n'est pas justifié

Requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamné la SARL CPF à payer à Mme [U] [Z] les sommes de :

- 1.425,69 € nets au titre du licenciement irrégulier

- 2.851,38 € bruts au titre du préavis

- 285,14 € bruts au titre des congés payés sur préavis

- 6.653,22 € nets au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 148,14 € bruts au titre du maintien de salaire pour le mois de décembre 2017

- 14,81 € bruts au titre des congés payés y afférents

- 59,11 € bruts au titre du maintien de salaire de janvier 2018

- 5,91 € bruts de congés payés y afférents

- 395,88 € bruts d'indemnité compensatrice de congés payés

Constaté que la SARL CPF n'a pas respecté le salaire minimum conventionnel et l'a condamnée en conséquence à payer à Mme [U] [Z] :

- 398,83 € bruts au titre du rappel de salaire sur la garantie conventionnelle 2015

- 39,83 € bruts au titre des congés payés y afférents

- 398,83 € bruts de rappel de salaire sur la garantie conventionnelle 2016

- 39,83 € bruts de congés payés y afférents

- 1.008,57 € bruts de rappel de salaire sur la garantie conventionnelle 2017

- 100,86 € bruts au titre des congés payés y afférents

Constaté que la SARL CPF n'a pas respecté l'usage concernant la prime de fin d'année et l'a condamnée en conséquence à verser à Mme [U] [Z] la somme de :

- 100,00 € bruts au titre de la prime de fin d'année 2017

- 10,00 € bruts au titre des congés payés y afférents

Condamné la SARL CPF à lui payer la somme de :

- 17.000,00 € à titre de dommages et intérêts

- 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau,

Dire et juger que le licenciement pour faute grave de Mme [U] [Z] est parfaitement régulier et fondé,

Constater que la SARL CPF a procédé à la régularisation et au paiement des rappels de salaire dû au titre de la garantie d'ancienneté,

En conséquence,

Condamner Mme [U] [Z] à rembourser à la société CPF la somme de 2.017,14 € bruts outre la somme de 201,71 € bruts au titre des congés payés y afférents,

Débouter Mme [U] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

La condamner à verser à la SARL CPF la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamner aux entiers dépens y compris ceux de l'appel.

Par ses dernières conclusions datées du 12 octobre 2020, enregistrées au greffe le jour même, Mme [Z] demande à la Cour de :

Dire et juger Mme [Z] recevable et bien fondée en son appel incident formé à l'encontre du jugement et y faisant droit, l'infirmer en ce qui concerne la somme accordée à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Confirmer le jugement sur l'ensemble des dispositions sauf en ce qu'il a accordé la somme de 17.000 euros à Madame [Z] à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur le montant accordé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Condamner la SARL Couleurs et peintures de France à payer à Mme [Z] [U] la somme de 19.000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

En tout état de cause

Condamner la société SARL Couleurs et peintures de France à payer 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 juin 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

A titre liminaire, il est relevé que si la SARL Couleurs et peintures de France demande à la Cour de « constater que le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de METZ est manifestement partial » eu égard à la composition de la formation de jugement, elle n'en tire aucune conséquence en terme de régularité du jugement.

Au demeurant, ses affirmations quant aux liens commerciaux dégradés qu'elle aurait précédemment entretenus un membre du bureau de jugement ayant statué sur l'affaire n'ont fait l'objet d'aucune discussion en première instance et ne sont étayées par aucun élément devant la Cour.

Il n'y a donc pas lieu de « constater » la partialité alléguée du jugement dont la nullité n'a pas fait l'objet d'une demande de la part de l'appelante.

Sur le licenciement

Sur le signataire de la lettre de licenciement

Il résulte des articles L. 1232-2, L. 1232-3 et L.1232-6 du code du travail que c'est l'employeur qui convoque le salarié qu'il envisage de licencier à un entretien préalable, qui indique les motifs de la décision envisagée, recueille les explications du salarié, qui décide de licencier et notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

L'employeur peut néanmoins mandater une personne de l'entreprise pour le représenter.

L'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, Mme [Z] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que les courriers de convocation à l'entretien préalable et de notification du licenciement ne sont pas signés, selon elle, par la gérante de la société.

Toutefois, il ressort de la lecture de ces courriers qu'ils ont été signés par le directeur, M. [I], et par la gérante, Mme [I].

La comparaison des signatures apposées sur l'avenant au contrat de travail de Mme [Z] et sur la lettre de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement et la lettre de notification du licenciement ne fait au demeurant pas ressortir de différence permettant de retenir que la signataire n'aurait pas été Mme [I], gérante de la SARL Couleurs et peintures.

En outre, il n'est pas contesté que l'entretien a été mené par M. [I], directeur et signataire des courriers précités, tel qu'il ressort de l'attestation de M. [S] qui a assisté la salariée.

Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur la faute grave

Lorsque l'employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, il lui incombe d'apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement, à charge ensuite pour le juge d'apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s'ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

En l'espèce, la lettre de licenciement, envoyée le 09 janvier 2018, est rédigée comme suit :

« Le mardi 23 novembre 2017 la brigade criminelle de METZ a « débarqué » dans nos locaux de WOIPPY en demandant à vous voir et à vérifier notre matériel informatique. Ils sont restés deux heures pour vérifier notre serveur et nos imprimantes.

Ces vérifications les ont conduits à prendre l'ordinateur professionnel qui vous est dédié (ordinateur qui ne nous a été restitué que quatre jours plus tard) et à vous placer immédiatement en garde à vue.

En effet, il résulte de ces investigations que ce matériel qui vous est dédié à servi à l'impression de fausses cartes grises et de faux papiers d'identité dans le cadre d'un trafic de voitures volées en bande organisée.

Ainsi, compte tenu du fait que vous seule avez accès à cet ordinateur, il apparait que vous avez utilisé l'outil informatique de la société à des fins personnelles mais surtout illégales portant de surcroît atteinte à l'image de l'entreprise puisque cette perquisition de la brigade criminelle et votre placement en garde à vue se sont déroulés devant des clients. »

Il est constant entre les parties que la procédure pénale dans le cadre de laquelle ont eu lieu la garde à vue de Mme [Z] et la perquisition dans les locaux de la SARL Couleurs et peintures de France est toujours en cours et n'a pas donné lieu à une décision ayant autorité de chose jugée.

Il n'appartient par conséquent pas à la Cour dans le cadre de la présente instance prud'homale de porter une appréciation sur la réalité et l'imputabilité à Mme [Z] de l'infraction sur la base de laquelle ont été réalisées la perquisition des locaux de l'appelante et la saisie d'un de ses ordinateurs.

L'employeur, qui doit fonder sa sanction sur des éléments objectifs et certains, est donc tenu de rapporter la preuve de la réalité des fautes reprochées à la salariée, étant rappelé que si un doute subsiste, il profite à cette dernière.

En l'espèce, la lettre de licenciement invoque dans un premier temps qu'« il résulte de ces investigations que ce matériel qui est dédié [à la salariée] a servi à l'impression de fausses cartes grises et de faux papiers d'identité dans le cadre d'un trafic de voitures volées en bande organisée ».

Au soutien de cette affirmation la SARL Couleurs et peintures de France ne verse aux débats aucun élément de la procédure pénale en cours, auxquels elle expose ne pas avoir accès, mais se prévaut d'une attestation de Mme [N], secrétaire au sein de la société.

Cette dernière relate : «  Un gendarme a fait asseoir [U] [[Z]] à son poste de travail pour qu'elle démarre son ordinateur et entre ses codes d'accès, il s'est ensuite installé à sa place et l'a inspecté. Au bout d'un moment, ce gendarme m'a demandé l'adresse IP du copieur (...) il tenait un document en main, a fait le comparatif et a dit « c 'est bon j'ai ce qu'il faut, c'est bien celui là » ».

Cependant, ce seul élément qui ne repose que sur des propos très parcellaires et imprécis qui auraient été tenus par un gendarme au stade de l'enquête ne permet pas d'établir avec certitude que Mme [Z] a utilisé son matériel informatique professionnel à des fins infractionnelles, étant rappelé que le doute doit profiter à la salariée.

Au demeurant, l'attestation de M. [P] indique « Dès son arrivée dans le bureau, un policier lui a demandé d'allumer son PC (') Il a vérifié les imprimantes. Au bout d'une heure de recherches, ils ont décidé de prendre le PC de Madame [Z] afin de vérifier cela à leur bureau. (...) », ce qui ne permet pas de corroborer le fait que les enquêteurs avaient, avec certitude, établi le lien entre l'ordinateur professionnel de la salarié et les impressions litigieuses.

L'employeur invoque également un article de presse, paru dans L'Express, qui mettrait en cause Mme [Z] et sa famille. Toutefois, si cette dernière ne conteste pas le lien fait avec l'article de presse en question, dans lequel les noms ne sont pas révélés, elle souligne qu'il n'y est aucunement fait mention d'un lien entre les faits allégués et son lieu de travail. Cet article de presse ne peut ainsi constituer une preuve suffisante de l'utilisation, par Mme [Z], de ses outils de travail pour commettre une infraction.

L'employeur ne justifie d'aucun autre élément matériel reliant, avec certitude, Mme [Z] à l'impression de faux documents administratifs sur son lieu de travail.

La preuve de l'utilisation par la salariée de ses outils de travail à des fins délictuelles n'est donc pas suffisamment rapportée.

L'employeur reproche également à Mme [Z] d'avoir porté atteinte à l'image de l'entreprise, faisant valoir que la « perquisition de la brigade criminelle et votre placement en garde à vue se sont déroulés devant des clients ».

Toutefois, ni les mesures réalisées par les enquêteurs dans le cadre d'une procédure pénale, ni d'ailleurs la rédaction de l'article de presse, au demeurant anonymisé, ne sont imputables à la salariée.

Ainsi, les griefs reprochés par l'employeur dans la lettre de licenciement de Mme [Z] étant soit non établis, soit non imputables à cette dernière, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur l'indemnité de préavis et de congés payés y afférents

Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus supérieure à deux ans, à un préavis de deux mois. L'article L. 1234-5 du code du travail précise que l'inexécution du préavis n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

Le licenciement de Mme [Z] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, celle-ci a droit au paiement d'une indemnité de préavis et de congés payés y afférents. L'employeur conteste le principe de la condamnation prononcée par le jugement, faisant valoir qu'en présence d'une faute grave, l'indemnité n'est pas due, mais n'en conteste pas le quantum.

N'étant pas contesté que le salaire mensuel brut de Mme [Z] étant en dernier lieu de 1.425,69 euros et que la salariée avait droit, de par son ancienneté, à un préavis de 2 mois, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la SARL Couleurs et peintures de France les sommes de 2.851,38 euros au titre du préavis et 285,14 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Le licenciement de Mme [Z] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, celle-ci a droit au paiement de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail. L'employeur conteste le principe de la condamnation prononcée par le jugement, faisant valoir qu'en présence d'une faute grave, l'indemnité n'est pas due, mais n'en conteste pas le quantum.

Compte tenu de l'ancienneté de 16 ans et 6 mois de la salariée et de son salaire mensuel brut de 1.425,69 euros, le montant de l'indemnité alloué par le jugement à hauteur de 6.653,22 euros doit être confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et en l'absence de réintégration du salarié, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau prévu par cet article.

En l'espèce, la SARL Couleurs et peintures de France emploie moins de 11 salariés et Mme [Z] avait une ancienneté de 16 ans et 6 mois lors de son licenciement.

La salariée n'apporte aucun élément sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement, mais l'employeur justifie de ce qu'elle a retrouvé un emploi à tout le moins depuis le mois de mars 2019.

Compte tenu de cette situation d'emploi environ une année après le licenciement, mais également de l'âge de la salariée (51 ans), de sa forte ancienneté (16,5 ans) et des circonstances particulières du licenciement survenu rapidement, sans élément matériel suffisant à l'encontre de la salariée et en sanction de la procédure pénale dont elle a fait l'objet, le préjudice subi par Mme [Z] sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 13.000 euros net, correspondant environ à 9 mois de salaire brut.

Le jugement sera amendé en ce sens.

Sur l'indemnité pour irrégularité de la procédure

Il résulte de l'article L. 1232-6 du code du travail que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

Le non-respect du délai prévu par l'article L. 1232-6 du code du travail entre l'entretien préalable et l'envoi de la lettre de licenciement constitue une irrégularité de forme dont le salarié ne peut solliciter réparation que si le licenciement est déclaré fondé sur une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, le licenciement de Mme [Z] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'intimée ne peut prétendre à une indemnité pour irrégularité de la procédure.

Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamnée la SARL Couleurs et peintures de France à payer à Mme [Z] une indemnité de 1.425,69 € nets au titre du licenciement irrégulier.

Sur les autres demandes financières

Sur la demande de maintien de salaires

Aux termes de l'article L. 1226-23 du code du travail applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, « le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire.

Toutefois, pendant la suspension du contrat, les indemnités versées par un régime d'assurances sociales obligatoire sont déduites du montant de la rémunération due par l'employeur ».

Le caractère relativement sans importance de la durée de l'absence s'apprécie en fonction de la durée de chaque arrêt, au regard notamment de l'ancienneté et de l'importance de l'entreprise.

A cet égard, la jurisprudence estime généralement que le délai prévu par le droit local ne doit pas en moyenne dépasser 20 jours, sinon il n'est plus « relativement sans importance ».

En l'espèce, il est constant que Mme [Z] a été absente pendant 42 jours consécutifs, pour arrêt maladie, entre le 4 décembre 2017 et le 13 janvier 2018. Son ancienneté de 16 ans au sein de l'entreprise ne permet pas, à elle seule, de considérer qu'une telle durée, qui dépasse le double de la moyenne généralement retenue, est relativement sans importance.

Dès lors, la demande de Mme [Z] doit être rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Les parties s'opposent sur le montant dû à Mme [Z] au titre de ses congés payés restant dus lors de l'établissement de son solde de tout compte.

La salariée soutient que l'employeur reste à lui devoir la somme de 395,88 euros dès lors qu'elle devait être rémunérée à hauteur de 65,80 euros par jour de congés payés. La SARL Couleurs et peintures de France soutient que la somme de 65,80 euros correspond à deux jours de congés payés.

Il est constant et non contesté que Mme [Z] percevait un salaire mensuel brut de 1.425,69 euros pour un temps partiel de 127,83 heures par mois, soit 30h par semaine. Elle percevait par conséquent un salaire horaire de 11,153 euros en moyenne et un salaire journalier (5,90 heures) de 65,80 euros. Ces éléments figurent au demeurant sur ses dernières fiches de paye, notamment les fiches de paye de août à novembre 2017 qui, à titre d'exemple, font apparaître à la ligne « Congés payés », une base de « 1.00 » et un taux salarial de « 65,80 ».

L'employeur n'explique pas pourquoi ce taux est divisé par deux sur la fiche de paye de décembre et il n'explique pas davantage son propre calcul ayant, in fine, conduit au versement de 2.005,82 euros pour un solde de 36,50 jours.

Le compteur de congés payés de Mme [Z] indiquant au 31 décembre 2017 un solde de 36,50 jours, elle devait donc effectivement percevoir la somme de 2.401,70 euros et non 2.005,82 euros.

Dès lors, la demande de Mme [Z] est fondée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 395,88 euros brut correspondant au différentiel restant dû au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur le rappel de salaires

Mme [Z] sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué une somme de 1.008,57 euros au titre du rappel de salaire sur la garantie conventionnelle pour l'année 2017 et la somme de 100,86 euros au titre des congés payés y afférents.

La SARL Couleurs et peintures de France soutient que cette somme a été versée deux fois à la salariée, par régularisation hors de l'instance et en exécution de la décision dont appel. Cependant, elle ne justifie pas du versement de cette somme à Mme [Z] dès 2018 et ne produit pas les fiches de paye correspondantes remises à la salariée.

Le courriel du cabinet comptable de l'employeur, adressé à ce dernier, qui indique « Vous trouverez ci-joint le document de calcul de la régularisation de salaire de Madame [Z] », avec un tableau de calcul (pièce 8 de l'appelante), n'est pas suffisant à établir la preuve d'un versement effectif de cette somme.

Les parties s'accordant sur le montant dû par l'employeur, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement formée par Mme [Z] à ce titre. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de remboursement formée en conséquence par la SARL Couleurs et peintures de France envers Mme [Z].

Sur la prime de fin d'année

La Cour rappelle que constitue un usage une pratique générale, constante, et fixe constatée dans l'entreprise. Cet usage s'impose à l'employeur jusqu'à sa dénonciation régulière.

En l'espèce, la SARL Couleurs et peintures de France ne conteste pas le caractère d'usage de la prime de fin d'année.

Il n'est pas davantage contesté que le montant de la prime versée à Mme [Z], à savoir 600 euros, était inchangé depuis six années.

L'employeur soutient que le montant de la prime était en fonction des performances de la salariée mais n'apporte aucun élément qui viendrait étayer cette affirmation.

Enfin, la prime ayant été versée en fin d'année pendant six ans sans qu'aucun critère précis ne soit établi, l'absence de la salariée au cours du mois de décembre, due à un arrêt maladie, ne saurait diminuer son droit à la percevoir dans son intégralité.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL Couleurs et peintures de France à payer à Mme [Z] la somme de 100 euros bruts au titre du complément de prime de fin d'année et 10 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

La SARL Couleurs et peintures de France qui succombe principalement devant la Cour sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [Z] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement dont appel en ce qu'il a fait droit aux demandes de Mme [U] [Z] relatives à l'indemnité au titre du licenciement irrégulier, au maintien des salaires en décembre 2017 et janvier 2018 et en ce qu'il a alloué à Mme [U] [Z] la somme de 17.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France à payer à Mme [U] [Z] la somme de 13.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Déboute Mme [U] [Z] de sa demande en paiement d'une indemnité au titre du licenciement irrégulier ;

Déboute Mme [U] [Z] de sa demande de maintien de salaires pendant son arrêt maladie pour les mois de décembre 2017 et janvier 2018 et congés payés y afférents ;

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France aux dépens ;

Condamne la SARL Couleurs et peintures de France à payer à Mme [U] [Z] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/01185
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.01185 ?
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