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10/05/2022 | FRANCE | N°19/00947

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 10 mai 2022, 19/00947


Arrêt n° 22/00283



10 Mai 2022

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N° RG 19/00947 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FADF

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Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de THIONVILLE

22 Janvier 2019

18/00015

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



dix mai deux mille vingt deux







APPELANTE :



SARL FERMI

BATI représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ





INTIMÉ :



M. [C] [N]

[Adresse 2]

Représenté par Me Bertrand COHEN SABBAN, avocat au ba...

Arrêt n° 22/00283

10 Mai 2022

---------------------

N° RG 19/00947 - N° Portalis DBVS-V-B7D-FADF

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de THIONVILLE

22 Janvier 2019

18/00015

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

dix mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

SARL FERMIBATI représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

M. [C] [N]

[Adresse 2]

Représenté par Me Bertrand COHEN SABBAN, avocat au barreau du Luxembourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Octobre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, pour le président régulièrement empêché, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [C] [N] a été embauché par la SARL Fermibati, selon contrat à durée indéterminé, à compter du 1er juin 2010, en qualité de technicien (poseur), avec reprise de son ancienneté à compter du 1er juin 2007.

La convention collective applicable est celle de la plasturgie.

M. [N] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute 2 608,07 €.

Le 1er décembre 2016, M. [N] a été victime d'un accident vasculaire cérébral et placé en arrêt maladie. Le 17 octobre 2017, M. [N] a été déclaré inapte par le médecin du travail à son poste de poseur, et apte à un travail à temps partiel administratif.

Par acte introductif enregistré au greffe le 2 février 2018, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Thionville aux fins de :

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [C] [N],

Condamner la SARL Fermibati à verser les sommes suivantes, assorties des intérêts légaux à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation :

'956,29 € pour la période du 19 novembre 2017 au 30 novembre 2017,

'2 608,07 € pour le mois de décembre 2017,

'2 608,07 € pour le mois de janvier 2018,

'2 608,07 € par mois pour les mois de février 2018 jusqu'au 1er octobre 2018, assorti des intérêts légaux pour chaque mois,

Condamner la SARL Fermibati à verser pour la période du 1er octobre 2018 jusqu'à la date du jugement, les salaires dus sur base de son salaire mensuel de 2 608,07 € assortis des intérêts légaux à compter de la date du jugement à intervenir,

Prononcer l'exécution provisoire,

Dire et juger qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la SARL Fermibati à payer:

'indemnité compensatrice de préavis : 5 216,14 € ,

'congés payés sur préavis 521,61 € ,

'indemnité légale de licenciement 7 667,24 € ,

Condamner la SARL Fermibati à payer :

. 26 087,00 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 4 543,29 € d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 1erjuin 2016 au 31 mai 2017,

. 3 081,06 € d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 1er juin 2017 au 31 mai 2018,

. 770,26 € d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 1er juin 2018 au 25 septembre 2018,

Condamner la SARL Fermibati à payer une somme de 2 000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La SARL Fermibati s'opposait aux demandes formées contre elle et sollicitait reconventionnellement la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [N] aux torts de celui-ci, outre 2 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Thionville, section industrie, a statué ainsi qu'il suit :

Condamne la SARL Fermibati à verser à M. [N] les sommes suivantes :

'36 773,78 € brut à titre de salaire pour la période du 19 novembre 2017 au 22 janvier 2019,

'3 677,37 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M.[N] et la SARL Fermibati;

Condamne la SARL Fermibati à verser à M. [N] les sommes suivantes :

'indemnité compensatrice de préavis : 5 216,14 € brut,

'congés payés sur préavis : 521,61 € brut,

'indemnité légale de licenciement : 7 949,76 € brut,

'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8 000,00 € net ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision;

Déboute M. [N] de sa demande d'exécution provisoire sur le fondement des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile;

Condamne la SARL Fermibati à verser à M. [N] une somme de 800,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Fermibati aux dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 11 avril 2019 et enregistrée au greffe le jour même, la SARL Fermibati a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2020, la SARL Fermibati demande à la Cour de :

Infirmer le jugement du 22 janvier 2019 ;

Déclarer M. irrecevable et subsidiairement mal fondé en sa demande de rappel de salaire ;

Déclarer M. [N] irrecevable et subsidiairement mal fondé en sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Donner acte à la SARL Fermibati qu'elle maintient la proposition de poste déjà présentée auprès du médecin du travail et en première instance tendant à attribuer à M. [N] un poste administratif à temps partiel, conformément aux prescriptions du médecin du travail ;

Dire et juger que si M. [N] refuse la proposition de poste, le contrat de travail sera résilié et que cette résiliation prendra l'effet d'une démission à effet au 2 février 2018, date de sa demande en justice ;

Déclarer M. [N] irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes indemnitaires et autres demandes ;

En tout état de cause,

Condamner M. [N] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions datées du 25 mars 2020, enregistré au greffe le 15 avril 2020, M.[N] demande à la Cour de :

Débouter purement et simplement l'appelant de toutes ses prétentions moyens et fins,

Confirmer le jugement du 22 janvier 2019 en ce qu'il a condamné la SARL Fermibati à lui payer 36 773,78 € brut à titre de rappel de salaire outre 3 677,37 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période allant du 19 novembre 2017 au 22 janvier 2019 ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, avec effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirmer le jugement en ses dispositions sur l'indemnité compensatrice de préavis, sur les congés payés sur préavis et sur l'indemnité légale de licenciement ;

Juger irrecevables les moyens et prétentions de l'appelant au visa de l'ordonnance du 27 janvier 2020 sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Réformer le jugement en ce qu'il condamne la SARL Fermibati à payer le montant de 10.000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

Condamner la SARL Fermibati à payer le montant de 26 807,00 €, et subsidiairement celui de 10 000,00 €, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

Réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande en condamnation d'indemnité compensatrice de congés payés moyennant solde de 36,80 jours au 31 mai 2017;

Condamner la SARL Fermibati à lui payer une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 4 543,29 € pour la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017;

Dire que ces sommes produiront intérêts légaux à compter du 22 janvier 2019, au taux de créance applicable à l'égard des particuliers n'agissant pas pour des besoins professionnels, les intérêts légaux étant majorés de 5 points à compter du 22 mars 2019 ;

Réformer le jugement en ce qu'il condamne l'employeur à régler une indemnité de procédure d'un montant de 800,00 € pour la première instance;

Condamner l'employeur à régler une indemnité de procédure d'un montant de 2 000,00 € pour la première instance ;

Condamner l'employeur à régler une indemnité de procédure d'un montant de 4 000,00 € pour l'instance d'appel ;

Condamner l'employeur en outre à tous les frais et dépens de l'instance d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 décembre 2020.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la recevabilité des conclusions datées du 10 février 2020 établies par la SARL Fermibati et des moyens ultérieurement présentés

Selon l'article 914 du code de procédure civile, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à (...) déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910. Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.

En l'espèce, M. [N] soulève l'irrecevabilité des conclusions établies par la SARL Fermibati le 10 février 2020 suite à son appel incident, sur la base de l'article 910 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture étant intervenue le 2 décembre 2020 et la SARL Fermibati ayant conclu le 10 février 2020 et surtout le 1er septembre 2020, date de ses dernières conclusions, il convient de constater que M. [N] n'a pas saisi le conseiller de la mise en état avant le prononcé de l'ordonnance de clôture qui était seul compétent pour statuer sur la recevabilité des moyens et prétentions émis par l'employeur dans ses deux jeux de conclusions précités.

La présente Cour n'étant pas compétente pour statuer sur la recevabilité des conclusions datées du 10 février 2020 ou sur les moyens et prétentions présentés dans des conclusions postérieures, il convient de se déclarer incompétent sur ce point.

Sur le rappel de salaires pour la période allant du 19 novembre 2017 au 22 janvier 2019

Selon l'article L 1226-4 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

Par ailleurs, aux termes de l'article L 1226-23 du même code, applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire. Toutefois, pendant la suspension du contrat, les indemnités versées par un régime d'assurances sociales obligatoire sont déduites du montant de la rémunération due par l'employeur.

Il est constant en l'espèce que M. [N] a été placé en arrêt maladie à compter du 1er décembre 2016, et que son arrêt de travail a été prolongé sans interruption jusqu'au 13 août 2017, de sorte qu'il s'est trouvé en arrêt maladie pendant plus de 8 mois.

Les dispositions de droit local prévues à l'article L 1226-23 précité ne s'appliquant que lorsque la suspension du contrat de travail est d'une « durée relativement sans importance », il convient de constater qu'elles ne s'appliquent pas en l'espèce, l'arrêt maladie de M. [N] de plus de 8 mois n'étant pas d'une durée sans importance au sens du texte susvisé.

Dès lors, seules les dispositions prévues à l'article L 1226-4 précité s'appliquent, étant par ailleurs constaté qu'il est constant que l'accident dont M. [N] a été victime le 1er décembre 2016 (AVC) n'a pas été reconnu d'origine professionnelle.

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que suite à son arrêt de travail allant du 1er décembre 2016 au 13 août 2017, et à la reconnaissance du 20 juin 2017 par la CPAM du Bas-Rhin de l'invalidité 2ème catégorie de M. [N], l'employeur a demandé l'organisation d'une visite de reprise par le médecin du travail qui a été fixée au 17 octobre 2017.

Dans un avis daté du même jour, le médecin du travail concluait à l'inaptitude de M. [N] au poste de poseur, mais à son aptitude à un travail à temps partiel administratif (logiciel de coupe).

Aux termes de l'article L 1226-4 dont les dispositions sont rappelées ci-avant, il appartenait dès lors à l'employeur soit de reclasser M. [N] déclaré inapte à son poste, soit de le licencier, à défaut de quoi il était contraint de verser à nouveau au salarié son entier salaire à l'issue d'un délai d'un mois suivant cet avis.

M. [N] sollicite le complément de ses salaires sur la période allant du 19 novembre 2017 au 22 janvier 2019, date de la résiliation de son contrat de travail par décision du conseil de prud'hommes.

La SARL Fermibati soutient qu'il fallait déduire les sommes versées par l'organisme de prévoyance (Swisslife Prévoyance et Santé en l'espèce) qu'elle avait reversées à M. [N] pendant cette période.

La Cour entend rappeler que ce salaire de remplacement a un caractère forfaitaire et ne peut faire l'objet d'aucune déduction au titre des sommes versées par un organisme de prévoyance.

Dès lors, il appartenait à la SARL Fermibati de verser les entiers salaires à M. [N] sur la période considérée, soit 2 608,07 € par mois, de sorte que la demande en rappel de salaires formée par M.[N], dont le montant n'est pas discuté, est justifiée.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point en ce qu'il a condamné la SARL Fermibati à verser à M. [N] la somme de 36 773,78 € brut à titre de rappel de salaire, outre 3 677,37 € au titre des congés payés afférents, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 22 janvier 2019.

Sur l'indemnité de congés-payés jusqu'au 31 mai 2017

La Cour entend rappeler au préalable que dans ses conclusions justificatives d'appel du 11 juillet 2019, la SARL Fermibati s'est opposée à toutes les demandes indemnitaires formées par M. [N], de sorte qu'il n'y a pas lieu à considérer qu'elle acquiesce à cette demande, comme le prétend à tort M.[N].

En application de l'article L 1226-1 du code du travail, il est constant que le contrat de travail d'un salarié se trouve suspendu en cas d'incapacité résultant d'une maladie ou d'un accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu.

Aux termes de l'article L 3141-5 du même code, le droit pour le salarié de bénéficier à des congés payés, dans les conditions de l'article L 3141-3, pendant la période de suspension de son contrat de travail n'est prévu que pour les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, périodes considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé.

En l'espèce, il est constant que l'accident dont a été victime M. [N] et pour lequel il a été en arrêt maladie du 1er décembre 2016 au 13 août 2017 avant d'être déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, n'a pas été reconnu d'origine professionnelle.

M. [N] sollicite le paiement de la somme due pour 36,8 jours de congés payés qu'il aurait acquis au 31 mai 2017.

Cependant, au vu des mentions contradictoires des bulletins de paye relativement aux congés payés acquis (37 en mai 2017 ; 31 à compter de septembre 2017) et des dispositions qui précèdent excluant la possibilité d'acquérir des jours de congés payés pendant la période de suspension du contrat de travail, il convient de constater que la demande formée par M. [N] au titre des congés payés acquis au 31 mai 2017 n'est pas justifiée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa prétention.

Sur la résiliation du contrat de travail

- sur le principe

Selon une jurisprudence constante, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur si les manquements de ce denier à ses obligations, contractuelles, tels qu'invoqués par le salarié, le justifient, le juge devant apprécier les manquements imputés à l'employeur au jour de sa décision et ceux-ci devant être d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles, et cette résiliation produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La résiliation judiciaire prend effet au jour où elle est prononcée, sauf la possibilité pour le juge de fixer cet effet à une date antérieure, si le salarié n'est pas resté au service ou à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, M. [C] [N] a introduit sa demande tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail le 2 février 2018 et reproche à la SARL Fermibati sa mauvaise foi, son défaut de respect de son obligation de reclassement et son absence de maintien du paiement du salaire à compter du 19 novembre 2017.

Si en application de l'article L 1222-1 du code du travail l'employeur, tout comme le salarié, a une obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, les reproches formés par M. [N] à son employeur au titre de la mauvaise foi ne concernent pas l'exécution du contrat de travail proprement dit mais l'attitude de la SARL Fermibati pendant la présente procédure (reconnaissance de la communication des pièces devant le conseil de prud'hommes ; absence de retrait de la notification du jugement de première instance ; moyens soulevés dans le cadre de l'instance prud'homale en première instance et en appel ; absence de versement des sommes allouées par le jugement de première instance et assorties de l'exécution provisoire).

Ces reproches ne peuvent dès lors pas caractériser des manquements de l'employeur au respect de ses obligations du contrat de travail.

En ce qui concerne l'obligation de reclassement, l'article L 1226-2 du code du travail prévoit que lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ('). Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, la SARL Fermibati justifie avoir adressé un courriel au médecin du travail en date du 25 septembre 2017, soit avant que le médecin du travail ne rende l'avis d'inaptitude le 17 octobre 2017, dans lequel elle précise qu'elle est en mesure de reclasser M. [N] au sein de la partie administrative de ses locaux, compte tenu de son inaptitude à reprendre le poste qu'il occupait en dernier qui avait un caractère assez physique.

Elle ne démontre cependant pas avoir adressé la moindre proposition postérieurement à l'avis d'inaptitude directement à M. [N] qui devait en être destinataire, peu importe la forme de cette proposition à partir du moment où elle était suffisamment précise.

Au vu de ces éléments, il convient de constater que la SARL Fermibati a manqué à son obligation de reclassement qui s'imposait à elle avant l'introduction de la présente procédure.

Enfin le défaut de reprise du paiement total du salaire à compter du 19 novembre 2017, en application de l'article L 1226-4 du code du travail est également caractérisé en l'espèce au vu des développements qui précèdent.

Ces manquements de l'employeur au respect de ses obligations (non respect de l'obligation de reclassement ; absence de reprise du paiement du salaire) sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, puisqu'ils empêchent le salarié de percevoir la plus grande partie de ses rémunérations mensuelles et d'examiner une possibilité d'occuper un nouveau poste.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, cette résiliation produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse avec effet au jour du jugement de première instance soit à la date du 22 janvier 2019.

- sur les demandes financières

. sur l'indemnité légale de licenciement :

Selon l'article L 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement. Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail.

Il est constant que M. [N] travaillait depuis le 1er juin 2010 pour le compte de la SARL Fermibati, avec une ancienneté remontant au 1er juin 2007, et que son contrat s'est achevé le 22 janvier 2019, date du prononcé de la résiliation de son contrat par le conseil de prud'hommes de Thionville, de sorte qu'il bénéficiait d'une ancienneté de 11 ans, 7 mois et 22 jours au moment de la rupture de son contrat de travail.

Aux termes des articles R 1234-2 et R 1234-1 du code du travail, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent un tiers de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté. L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines.

Sur la base d'un salaire brut mensuel de 2608,07 € tel que précédemment établi, et en application des dispositions précitées du code du travail, M. [C] [N] peut bénéficier d'une indemnité de licenciement de 7 949,76 € brut.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

. sur l'indemnité de préavis :

Selon l'article L 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit (') s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

M. [N] sollicite le versement d'une indemnité de préavis de 5 216,14 € correspondant à deux mois de salaire brut, calculé sur la base de 2 608,07 €, outre les congés payés afférents.

La résiliation du contrat de travail s'analysant comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande formée à ce titre par M. [N] est justifiée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL Fermibati à verser à M. [N] la somme de 5 216,14 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 521,61 € brut pour les congés payés afférents.

. sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La SARL Fermibati s'étant opposée à toute demande indemnitaire dans ses conclusions justificatives d'appel, il n'y a pas lieu à considérer qu'elle acquiesce à la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'alinéa 2 de l'article L 1235-3 du code du travail, les salariés ayant fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse par une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés se voient octroyés par le juge une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris, pour une ancienneté de 11 années complètes, entre 3 et 10,5 mois de salaire brut.

La SARL Fermibati indique avoir moins de 10 salariés ce qui n'est pas contesté par le salarié, de sorte qu'il sera considéré que cette donnée est constante.

En l'espèce, M. [N] justifie demande la somme de 26 807,00 €, correspondant à 10 mois de salaire brut, et explique qu'il devra rembourser à la CPAM le montant des sommes perçues au titre de l'invalidité à compter du 19 novembre 2017, qu'il a été désaffilié de la mutuelle santé Allianz, qu'il ne travaille plus et n'a pas pu percevoir d'indemnité chômage en l'absence de licenciement, qu'il a une santé précaire et a été affecté par cette procédure.

Il résulte des conditions d'attribution de la pension d'invalidité allouée à M. [N] que cette pension peut être suspendue, révisée ou supprimée en cas de reprise d'une activité professionnelle salariée ou non. Il n'est pas établi par ce document que la reprise du paiement du salaire en application de l'article L 1226-4 du code du travail entraîne le remboursement à la CPAM de la somme versée au titre de l'invalidité. Cet élément ne sera pas retenu pour l'appréciation du montant des dommages et intérêts réclamés.

La désaffiliation de la mutuelle de santé n'est pas non plus justifiée.

En revanche, compte tenu de l'ancienneté de M. [N] dans l'entreprise (11 ans et 7 mois), de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (53 ans), de son état de santé, du fait qu'il n'a pas trouvé de nouvel emploi depuis, et des circonstances de la rupture, il convient de fixer le montant des dommages et intérêts alloués à M. [N] du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 000,00 €.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens et la SARL Fermibati sera condamnée à verser à M.[N] la somme de 10 000,00 € net.

Sur les intérêts sur les sommes allouées 

Conformément aux dispositions des articles L 313-2 et L 313-3 du code monétaire et financier et 1237-1 du code civil, les sommes allouées produiront intérêts à compter du jugement du 22 janvier 2019 au taux légal applicable à l'égard des particuliers n'agissant pas pour des besoins professionnels, le taux légal étant majorés de cinq points à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant le jour où la décision de justice est devenue exécutoire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Fermibati partie perdante à la présente procédure, sera condamnées aux dépens d'appel.

Elle sera en outre condamnée à payer à M.[N] la somme de 2000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, compte tenu de l'équité.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la SARL Fermibati à verser à M. [C] [N] la somme de 8 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau et dans cette limite :

Condamne la SARL Fermibati à payer à M. [C] [N] la somme de 10 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

Dit que toutes les sommes allouées produiront intérêts légaux à compter du jugement du 22 janvier 2019, au taux légal applicable à l'égard des particuliers n'agissant pas pour des besoins professionnels, le taux légal étant majoré de cinq points à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant le jour où la décision de justice est devenue exécutoire ;

Dit que la présente Cour n'est pas compétente pour statuer sur la recevabilité des conclusions de la M. [C] [N] datées du 10 février 2020 ou sur les moyens et prétentions présentés dans des conclusions postérieures ;

Condamne la SARL Fermibati à payer à M. [C] [N] la somme de 1 500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SARL Fermibati aux dépens d'appel

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/00947
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.00947 ?
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