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04/05/2022 | FRANCE | N°20/00070

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 04 mai 2022, 20/00070


Arrêt n° 22/00232



04 mai 2022

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N° RG 20/00070 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FGRF

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

03 décembre 2019

18/00855

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Quatre mai deux mille vingt deux





APPELANTE :



EURL Transports Tob pri

se en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurent Muller, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Christophe Guitton, avocat au barreau ...

Arrêt n° 22/00232

04 mai 2022

---------------------

N° RG 20/00070 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FGRF

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

03 décembre 2019

18/00855

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quatre mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

EURL Transports Tob prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurent Muller, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Christophe Guitton, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

INTIMÉ :

M. [E] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Valérie Doeble, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/001895 du 09/03/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne-Marie Wolf, Présidente de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie Wolf, Présidente de Chambre

Mme Anne Fabert, Conseillère

Madame Laëtitia Welter, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine Malherbe

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Marie Wolf, Présidente de Chambre, et par Mme Catherine Malherbe, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [E] [W] a été embauché par la société Transports Tob, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 09 mars 2006, en qualité de chauffeur poids lourds.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 janvier 2018, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement fixé le 05 février 2018 et a été mis à pied à titre à titre conservatoire.

Le 14 février 2018, par lettre recommandée avec accusé de réception, l'employeur a notifié à M. [W] une mise à pied de 5 jours du 19 au 23 février 2018.

Le 9 mars 2018, M. [W] a reçu une lettre recommandée avec accusé de réception au terme de laquelle l'employeur le convoquait à un entretien préalable le 19 mars 2018 en vue d'un éventuel licenciement et le salarié a été mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée en date du 16 mars 2018, la société Transport Tob a précisé que M. [W] ne s'était pas présenté à son poste de travail depuis le 12 mars 2018 et l'a mis en demeure soit de justifier son absence, soit de reprendre l'exécution de son contrat de travail.

Le jour même de l'entretien préalable soit le 19 mars 2018, la Société Transport Tob a annulé l'entretien préalable en raison de nouveaux éléments.

M. [W] a de nouveau été convoqué à un entretien préalable pour le 29 mars 2018.

Le 6 avril 2018, l'employeur a notifié à M. [W] un licenciement pour faute grave.

Par acte introductif enregistré au greffe le 12 novembre 2018, M. [W] a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- Voir son licenciement pour faute grave requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de voir l'employeur condamné en dernier lieu au paiement des sommes suivantes :

* 18 813,63 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

* 5 416,05 euros nets au titre d'indemnité légale de licenciement;

* 3 420,66 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

* 342,07 euros brut au titre des congés payés y afférent ;

* 362,46 euros bruts au titre au titre de la mise à pieds injustifiée de février;

* 1 063,25 euros bruts au titre de la mise à pieds injustifiée de mars ;

Augmenté des intérêts de droit à compter du jour de la demande 2018

* 2 000,00 euros au titré de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 03 décembre 2019, le Conseil de prud'hommes de Metz, section commerce, a statué ainsi qu'il suit :

- Dit que les demandes de M. [E] [W] sont recevables et bien fondées

- Requalifie le licenciement pour faute grave de M. [E] [W] en licenciement sans cause réelle et sérieuse

En conséquence de quoi,

- Condamne l'EURL Transports Tob prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [E] la somme de 12.000 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Dit que cette somme sera augmentée des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement à intervenir

- Condamne l'EURL Transports Tob prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [E] la somme de 5.416,05 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- Condamne l'EURL Transports Tob prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [E] la somme de 3.420,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- Condamne l'EURL Transports Tob prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [E] la somme de 342,07 euros au titre de congés payés y afférents.

- Condamne l'EURL Transports Tob prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [E] la somme de 362,46 euros au titre de la mise à pied injustifié de février

- Condamne l'EURL Transports Tob prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [E] la somme de 1063,25 euros au titre de la mise à pied injustifié de mars.

- Dit que ces sommes seront augmentées des intérêts de droit à compter du jour de la demande soit le 12 novembre 2018.

- Condamne l'EURL Transports Tob prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [W] [E] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile

- Condamne l'EURL Transports Tob prise en la personne de son représentant légal à rembourser Pôle emploi les allocations chômages versées à M. [W] [E] dans la limité de 6 mois conformément à l'article L.1235-4 du Code du Travail

- Dit que la rémunération mensuelle à retenir est la somme brute de 1.710,33 euros.

Par déclaration formée par voie électronique le 06 janvier 2020 et enregistrée au greffe le jour même, la société Transports Tob a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 20 novembre 2020, la société Transports Tob demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de METZ le 3 décembre 2019.

En conséquence,

Statuant à nouveau,

- Débouter purement et simplement M. [E] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

- Condamner M. [E] [W] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner M. [E] [W] aux entiers dépens toutes taxes comprises.

Par ses dernières conclusions datées du 07 septembre 2020, M. [W] demande à la Cour de :

- Confirmer dans toutes ces dispositions le jugement du 3 décembre 2018 rendu par le Conseil de Prud'homme de Metz.

- Débouter l'EURL Transports Tob de ses demandes, fins et conclusions contraires.

En tout état de cause,

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

- Condamner l'appelante au paiement des entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

La lettre de licenciement en date du 6 avril 2018, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit :

« Le 28 février 2018, vous avez percuté l'arrière du véhicule qui vous était confié et l'avez gravement endommagé.

Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu ce sinistre et votre entière responsabilité, vous avez par ailleurs reconnu qu'il vous arrivait à plusieurs reprises de vous endormir au volant, ce comportement est dangereux et n'est pas acceptable et rend votre maintien dans l'entreprise impossible.

D'autant qu'il ne s'agît pas d'un acte isolé, puisque je vous le rappelle, vous avez déjà été responsable de deux accidents au mois de janvier 2018 pour lesquels nous vous avons notifié une mise à pied de 5 jours par courrier en date du 14 février 2018.

Malgré cette sanction, votre comportement n'a pas changé puisque vous avez, une nouvelle fois, causé un dommage sur le véhicule de l'entreprise.

Nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave qui prendra effet immédiatement ».

M. [W] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [W] soutient que les photos du 28 février 2018 entraînant un changement de feu arrière ne démontrent rien et que la qualité des photos ne permet pas de constater raisonnablement la dégradation du véhicule. Il souligne notamment l'usure du véhicule et soutient que la société Transports Tob n'apporte aucune expertise technique du véhicule afin d'écarter toutes défaillances.

Il énonce que la société tente de faire un mimétisme avec l'accident du 19 janvier 2018 en précisant que l'accident reproché est survenu à la suite d'un endormissement. M.[W] conteste ces allégations et soutient qu'il subsiste un doute quant au déroulement des faits et leur imputabilité.

La société Transports Tob réplique qu'elle a pris la décision de procéder au licenciement de M. [W] parce que sur une période extrêmement courte le salarié a cumulé de nombreux accidents lesquels, outre la dégradation des véhicules, ont pu mettre en danger sa vie et celle des autres usagers de la route.

La société Transports Tob affirme que le salarié a reconnu s'être endormi au volant et qu'il est donc seul responsable de cet accident.

L'employeur soutient que M. [W] se contente de contester l'absence de preuve de la faute grave mais qu'à aucun moment il n'a apporté la moindre explication sur les circonstances et le déroulement de l'accident et qu'il n'a pas contesté sa responsabilité.

La société Transports Tob ajoute que le licenciement ne concerne que les faits qui se sont déroulés le 28 février 2018 et ne concerne pas les faits qui se sont déroulés les 12 et 19 janvier, ces faits ayant déjà été sanctionnés. Elle précise qu'elle pouvait invoquer à l'appui d'une nouvelle sanction toutes sanctions antérieures de moins de trois ans.

Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c'est-à-dire l'imputation au salarié d'un fait ou d'un comportement assez explicite pour être identifiable en tant que tel pouvant donner lieu à une vérification par des éléments objectifs.

En l'occurrence, la faute grave est un manquement du salarié d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, en ce compris pendant la durée du préavis.

En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l'employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.

En l'espèce, M. [W] a fait l'objet d'avertissement le 12 décembre 2016 pour dégradation et manque de propreté du véhicule et d'un avertissement le 13 juin 2016 pour accident de la route suite à une non maîtrise du véhicule.

L'EURL Transports Tob a ensuite notifié à M. [W] le 14 février 2018 une mise à pied de 5 jours du 19 au 23 février 2018 pour avoir engendré deux accidents de la route respectivement le 12 et le 19 janvier 2018. Le 12 janvier 2018, M. [W] a eu un accident avec un véhicule qui venait dans le sens opposé à la voie sur laquelle il circulait et le 19 janvier 2018, il a heurté l'arrière d'un véhicule poids lourd sur l'autoroute.

La société produit à cet égard le contrat amiable d'accident automobile du 19 janvier 2018 sur lequel M. [W] a annoté de manière manuscrite qu'il s'était « endormi ».

L'EURL Transports Tob a licencié M. [W] le 6 avril 2018 pour avoir à nouveau accidenté le véhicule lui étant affecté le 28 février 2018. L'employeur, qui a la charge de la preuve, produit d'une part des photographies de l'arrière d'un véhicule, manifestement en bon état, sur lesquelles il n'apparaît pas que la carrosserie ait été dégradée ou que le feu arrière ait été endommagé, et d'autre part une facture de 142,83 euros relatif au remplacement d'un feu arrière sans davantage de précision qui ne permettent pas de caractériser la matérialité de l'accident de la route reproché.

Dès lors, il n'est pas établi que M. [W] ait percuté l'arrière de son véhicule le 28 février 2018 étant observé que le feu arrière de la camionnette a très bien pu être remplacé compte tenu de son usure normale ou d'une défaillance technique.

Par ailleurs, la société ne justifie pas que M. [W] se soit endormi au volant de son véhicule le 28 février 2018, à l'instar de l'accident précédent en date du 19 janvier 2018.

A défaut de preuve de l'accident du 28 février 2018 et d'un quelconque comportement dangereux de M. [W] sur la route à cette date, il n'est établi aucun fait imputable au salarié qui puisse constituer une cause réelle et sérieuse pour son licenciement et encore moins une faute grave de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, les accidents du 12 et 19 janvier 2018 ayant déjà été sanctionnés par une mise à pied disciplinaire le 14 février 2018.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a alloué à M. [W] les sommes réclamées, non autrement contestées par l'employeur, au titre de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de la mise à pied conservatoire de mars 2018 précédant le licenciement.

En revanche, la mise à pied du 19 au 23 février 2018, notifiée à titre disciplinaire et non à titre conservatoire, sanctionne les accidents du 12 et du 19 janvier 2018 dont la survenance et la responsabilité de M. [W] ne sont aucunement contestées si bien qu'il convient de débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire de février 2018, dont l'annulation n'est d'ailleurs pas demandée, et d'infirmer le jugement entrepris en ce sens sur ce point.

Confirmant le jugement entrepris, les conditions s'avèrent réunies pour ordonner le remboursement, par l'employeur, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d'indemnités.

Les dispositions du jugement entrepris relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens seront aussi confirmées.

L'EURL Transports Tob qui succombe doit être condamnée aux entiers dépens d'appel.

Conformément aux prescriptions de l'article 700 du code de procédure civile, l'EURL Transports Tob sera condamnée à verser à M. [E] [W] la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par ce dernier non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a alloué à M. [E] [W] un rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire du 19 au 23 février 2018.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [E] [W] de sa demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire du 19 au 23 février 2018.

Condamne l'EURL Transports Tob à payer à M. [E] [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne l'EURL Transports Tob aux dépens.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/00070
Date de la décision : 04/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-04;20.00070 ?
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