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03/05/2022 | FRANCE | N°20/02333

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 03 mai 2022, 20/02333


Arrêt n° 22/207



03 Mai 2022

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N° RG 20/02333 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FMVI

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Pole social du TJ de METZ - POLE SOCIAL

06 Novembre 2020

18/01772

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



trois Mai deux mille vingt deux





APPELANTE :



L'Agence Nationale pour la garantie des droits d

es mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

service AT/MP Freyming Merlebach

ayant siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de...

Arrêt n° 22/207

03 Mai 2022

---------------

N° RG 20/02333 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FMVI

------------------

Pole social du TJ de METZ - POLE SOCIAL

06 Novembre 2020

18/01772

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale

ARRÊT DU

trois Mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

L'Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-

Établissement public à caractère administratif

service AT/MP Freyming Merlebach

ayant siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES - CANSSM

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de [Localité 4] prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L'Assurance Maladie des Mines

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Mme [P], munie d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sophie RECHT, Vice-Présidente placée, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Sophie RECHT, Vice-Présidente placée

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [K] [E], né le 5 juillet 1946, a été employé par les [3], devenues [2], à différents postes, du 26 septembre 1960 au 30 septembre 1995.

Suite à la liquidation de [2], l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) est intervenue en sa qualité de gestionnaire des dossiers de reconnaissance de maladie professionnelle pour le compte du liquidateur.

Par une demande reçue le 8 juin 2015, Monsieur [E] a saisi la Caisse autonome nationale de la sécurité Sociale dans les mines (CANSSM), d'une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau 30B, accompagnée d'un certificat médical du Docteur [O] [F], pneumologue, du 12 mai 2015, faisant état d'atteinte pleurale bénigne et plaques pleurales.

La caisse a procédé à l'instruction du dossier, interrogeant l'assuré et l'employeur et leur notifiant un délai complémentaire d'instruction le 4 septembre 2015.

Le 11 septembre 2015, les services de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est ont transmis leur avis à la Caisse.

Le médecin conseil a confirmé le diagnostic de plaques pleurales, fixant la date de première constatation médicale au 27 février 2015, date du scanner thoracique et le 15 octobre 2015, le colloque médico - administratif de la caisse s'est orienté vers un accord de prise en charge.

Le 20 octobre 2015, la Caisse a notifié à l'ANGDM la fin de l'instruction du dossier, l'invitant à venir en consulter les pièces constitutives.

Après avoir consulté le dossier, par courrier du 29 octobre 2015, l'ANGDM a émis des réserves.

Par décision du 16 novembre 2015, la caisse a pris en charge la pathologie « plaques pleurales » de Monsieur [K] [E] au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'ANGDM a contesté la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [E] devant la commission de recours amiable de la Caisse.

Par décision du 28 juin 2018, le conseil d'administration de la Caisse sur renvoi de la commission de recours amiable a rejeté la réclamation et confirmé l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle à l'employeur.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 6 novembre 2018, l'ANGDM a saisi le pôle social du Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de la [Localité 4], afin de contester cette décision de rejet.

La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (CPAM de [Localité 4]) est intervenue pour le compte de la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM).

Par jugement du 6 novembre 2020, le pôle social du Tribunal judiciaire de METZ, nouvellement compétent ,a :

- déclaré l'Etat, représenté par l'ANGDM, recevable en son recours,

- dit n'y avoir lieu à saisine d'un second CRRMP, l'instruction ayant conduit à la prise en charge de la pathologie « plaques pleurales » de Monsieur [E],n'ayant pas donné lieu à la saisine d'un CRRMP;

- déclaré la décision de prise en charge rendue le 16 novembre 2015 par l'assurance maladie des mines, portant reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [K] [E] au titre du tableau 30B, opposable à l'Etat, représenté par l'ANGDM,

- condamné l'Etat, représenté par l'ANGDM, aux entiers frais et dépens,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, aucune demande n'ayant été formée par la CPAM de [Localité 4].

Le 23 novembre 2020, le jugement a été notifié à l'Etat représenté par l'ANGDM, lequel en a interjeté appel par déclaration déposée au SAUJ du palais de justice de METZ, le 17 décembre 2020.

Par conclusions datées du 2 mars 2022, déposées au greffe le 4 mars 2022 et soutenues oralement à l'audience de plaidoirie par son conseil, l'Etat représenté par l'ANGDM, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de METZ du 6 novembre 2020,

Statuant à nouveau,

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge du 16 novembre 2015, notamment parce que l'exposition n'est pas établie,

- priver l'assurance maladie des mines de son action récursoire,

- déclarer infondée toute demande présentée par l'assurance maladie des mines au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et l'en débouter.

Aux termes de conclusions déposées au greffe le 22 février 2022 et soutenues oralement à l'audience du 7 mars 2022 par son représentant, la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] intervenant pour le compte de la CANSSM, demande à la Cour de :

- déclarer l'appel recevable mais mal fondé,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 novembre 2020 par le Tribunal judiciaire de METZ,

- condamner l'employeur aux entiers frais et dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision déférée.

SUR CE,

SUR L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE

L'ANGDM soutient que les conditions de fond du tableau n°30B ne sont pas remplies, en l'absence de preuve de l'exposition au risque et partant, elle prétend que la décision de prise en charge de la maladie lui est inopposable.

Elle relève que l'existence d'une maladie professionnelle inscrite à un tableau ne vaut pas en soi preuve de l'exposition au risque, pas plus que le seul constat des postes occupés et tâches exécutées; que le dossier d'instruction de la caisse ne contient aucun témoignage concernant les activités exercées par Monsieur [E] de nature à démontrer qu'il aurait été exposé de façon habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, ni aucune preuve de la présence d'amiante dans les outils de travail utilisés.

Elle reproche à la caisse d'être défaillante dans l'instruction des demandes d'anciens mineurs, au mépris des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

La Caisse fait valoir que l'exposition au risque est avérée compte tenu de l'environnement de travail et des tâches accomplies telles que décrites dans le questionnaire d'enquête par Monsieur [E], en cohésion avec les postes occupés selon le relevé de carrière, ainsi que le confirme l'avis de la DREAL, le questionnaire employeur n'étant pas de nature à détruire la présomption d'origine professionnelle de la maladie.

*******

Aux termes de l'article L 461-1 du Code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le tableau n° 30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection dont notamment des travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements ou dans des locaux contenant des matériaux à base d'amiante de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante .

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint Monsieur [K] [E] répond aux conditions médicales du tableau n° 30B. Seule est contestée l'exposition professionnelle de Monsieur [E] au risque d'inhalation de poussière d'amiante.

Il convient de rappeler que les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l'inhalation de poussières d'amiante.

Aux termes du relevé de périodes et d'emplois établi le 13 août 2015 par l'ANGDM, Monsieur [K] [E] a travaillé pour le compte des HOUILLERES DU BASSIN DE LORRAINE, devenues [2], du 26 septembre 1960 au 30 septembre 1995, à différents postes, à savoir d'abord au jour, en qualité de trieur sur bande (du 26 septembre 1960 au 16 juillet 1962), puis au fond, en qualité d'apprenti mineur (du 17 juillet 1962 au 31 décembre 1963), d'abatteur boiseur (du 1er janvier 1964 au 31 mars 1967, du 1er mars 1968 au 31 juillet 1968 et du 1er mai 1971 au 31 décembre 1976), d'ouvrier PRH (du 1er avril 1967 au 29 février 1968 et du 1er avril 1970 au 30 juin 1970), de réparateur équipeur montage (du 1er août 1968 au 31 juillet 1969), de déhouilleur élevage (du 1er août 1969 au 31 mars 1970 et du 1er juillet 1970 au 30 avril 1971), de rabasseneur (du 1er janvier 1977 au 30 avril 1977), de préposé entretien piles (du 1er mai 1977 au 31 décembre 1977) et d'installateur taille et traçage et voies (du 1er janvier 1978 au 30 septembre 1995).

Dans ses réponses au questionnaire que lui a adressé la Caisse au cours de l'instruction de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, Monsieur [K] [E] a décrit les activités habituelles susceptibles de l'avoir exposé au risque amiante, à savoir notamment, en utilisant des matériels tels que palans type Victory 1-2T, les treuils Samia ou scrapers dont les freins contenaient de l'amiante, en remplaçant les joints des conduites de remblayage et en travaillant à proximité de ces matériels dont le fonctionnement engendrait des poussières d'amiante '

Il y précise l'utilisation habituelle de divers matériels tels que treuils Samia, scrapers, perforatrice, marteau perforateur, marteau piqueur'.

Le questionnaire employeur établi le 13 août 2015 par l'ANGDM, détaille les postes occupés par Monsieur [K] [E] au fond aux puits de VOUTERS, ainsi qu'aux puits [D] et [N]. Bien que l'ANGDM conteste l'exposition à l'amiante de Monsieur [E] dans les chantiers au fond, la description des postes qu'il a occupés correspond aux tâches décrites par ce dernier qu'elle ne vient pas contredire et elle confirme la diversité des matériels utilisés habituellement par Monsieur [E] (marteau piqueur, marteau perforateur, manipulation soutènement, perforatrice, matériel de levage et manutention, outillage de levage individuel et portatif).

L'ANGDM ne conteste pas un travail effectué par Monsieur [E] dans une atmosphère confinée, un milieu empoussiéré et bruyant empreint de chaleur humide.

Il ressort en outre, des pièces de la procédure que l'ANGDM reconnaît à minima, que certains joints utilisés au fond de la mine étaient constitués de matériaux contenant des fibres d'amiante et que les systèmes de freinage des convoyeurs blindés libéraient en fonctionnant des fibres d'amiante, même si elle fait état de quantités négligeables de fibres libérées. Elle admet également que les freins des treuils pouvaient contenir de l'amiante mais que les poussières engendrées par leur fonctionnement restaient enfermées dans un carter solidaire du châssis (cf conclusions de première instance du 27 juillet 2020 déposées par l'ANGDM).

La pollution minime dont fait état l'ANGDM, ne saurait écarter la présomption d'imputabilité qui découle de l'exposition habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, indépendamment de la question de la nocivité, le tableau 30 ne fixant pas de seuil de nocivité.

Ainsi, Monsieur [K] [E] a exercé au fond pendant près de 32 années, avant l'interdiction de l'utilisation de l'amiante, du 17 juillet 1962 au 24 août 1965 et du 3 janvier 1967 au 30 septembre 1995.

Par ailleurs, l'avis des services de la DREAL émis le 11 septembre 2015 mentionne que « d'après les états de service décrits dans le dossier, Monsieur [E] [K] a été occupé pendant environ 32 ans dans les travaux du fond, période au cours de laquelle l'intéressé a pu être exposé à l'inhalation de fibres d'amiante contenues, par exemple, dans les pièces de friction des organes de frein des installations et machines utilisées au fond, installations électriques,'.».

Compte tenu de ce faisceau d'éléments, il y a lieu d'admettre que la nature des postes et les travaux exécutés par Monsieur [K] [E] le faisaient intervenir sur des matériels dont certains contenaient de l'amiante, dans les chantiers du fond dans un contexte de confinement propre au travail accompli au fond de la mine.

A supposer que Monsieur [E] n'ait pas utilisé lui-même des outils ou matériels contenant de l'amiante, il est établi qu'il a travaillé quotidiennement dans des sites dans lesquels il est constant qu'étaient utilisées des installations et machines contenant des matériaux amiantés qui en fonctionnant libéraient des fibres d'amiante.

C'est en vain que l'ANGDM prétend que la Caisse a été défaillante dans son instruction. En effet, préalablement à sa prise de décision, la Caisse a diligenté une enquête, interrogeant les intéressés et recueillant l'avis de la DREAL, conformément aux dispositions de l'article R 441-11 du Code de la sécurité sociale.

Par conséquent, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail trouve à s'appliquer et à défaut pour l'ANGDM d'apporter la preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans la survenance de la maladie, il convient de confirmer le jugement intervenu, lequel a déclaré opposable à l'employeur la décision de prise en charge du 16 novembre 2015.

SUR LES DEPENS

Partie succombante, l'ANGDM sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris rendu le 6 novembre 2020 par le Pôle social du Tribunal judiciaire de METZ.

CONDAMNE l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 3
Numéro d'arrêt : 20/02333
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;20.02333 ?
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