RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/00946 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPGS
Minute n° 22/00166
[X]
C/
[R]
Jugement Au fond, origine Juge des contentieux de la protection de METZ, décision attaquée en date du 01 Avril 2021, enregistrée sous le n° 11/2000765
COUR D'APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE - TI
ARRÊT DU 28 AVRIL 2022
APPELANTE :
Mme [E] [X]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Déborah BEMER, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003620 du 27/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉ :
M. [K] [R]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Djaffar BELHAMICI, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 24 février 2022 tenue par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 28 avril 2022.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Sophie GUIMARAES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Mme BASTIDE, Conseiller
M. MICHEL, Conseiller
FAITS ET PROCÉDURE
Le 7 janvier 1989, M. [F] [R] aux droits duquel vient désormais M. [K] [R], a consenti à Mme [E] [X] un bail à usage d'habitation sur un appartement situé [Adresse 2].
Par acte d'huissier du 12 juillet 2017, M. [R] a fait délivrer à Mme [X] un congé pour vendre cet appartement à effet au 6 janvier 2019 valant offre de vente pendant les deux premiers mois de préavis au prix de 150.000 euros.
Par acte d'huissier du 6 août 2020, M. [R] a fait citer Mme [X] devant le tribunal judiciaire Metz aux fins de voir constater que le bail liant les parties est arrivé à terme le 6 janvier 2019 à minuit, ordonner l'expulsion des lieux loués de Mme [X] ainsi que de tout occupant de son chef, la condamner à lui régler la somme de 600 euros au titre de l'indemnité mensuelle d'occupation à compter du 7 janvier 2019 jusqu'à libération effective des lieux, la débouter de ses demandes et la condamner à lui régler une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Mme [X] qui s'est opposée à ces prétentions, a demandé au tribunal de constater la nullité du congé, de déclarer M. [R] irrecevable en son action, de le débouter de ses demandes, de constater la reconduction du contrat de bail à la date du 6 janvier 2019, de condamner M. [R] à lui payer la somme de 780 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de le condamner en tous les frais et dépens.
Par jugement du 1er avril 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
- déclaré recevables les demandes de M. [R]
- débouté Mme [X] de sa demande de nullité du congé pour vendre signifié le 12 juillet 2017
- ordonné à défaut de départ volontaire dans les deux mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux, l'expulsion de Mme [X] ainsi que celle de tous occupants de son chef, du logement avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [X], à compter du 7 janvier 2019 et jusqu'à libération effective des lieux, à la somme de 600 euros et condamné en tant que de besoin Mme [X] au paiement de cette somme.
- débouté Mme [X] de sa demande tendant à être autorisée à quitter les lieux à l'issue de la période d'hospitalisation à domicile
- débouté M. [R] de ses autres demandes
- condamné Mme [X] à verser à M. [R] une indemnité de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
Le tribunal a relevé que l'acte introductif d'instance ne tendait pas à la constatation de la fin du bail mais à l'expulsion de la défenderesse déchue de tout titre d'occupation pour ne pas avoir accepté l'offre de vente figurant dans le congé pour vendre, que les dispositions de l'article 24-III de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ne sont pas applicables, que le bailleur n'avait pas à signifier son assignation au préfet territorialement compétent et que les demandes de M. [R] étaient recevables.
Il a ajouté que Mme [X] ne démontrait pas que le contrat verbal de location portait également sur le jardin dont l'usage était commun à l'ensemble des occupants de l'immeuble, que le congé n'encourait donc pas la nullité et devait produire ses pleins effets, ordonnant lors l'expulsion de Mme [X] occupante sans droit, ni titre depuis le 7 janvier 2019. Il a fait droit à la demande d'indemnité d'occupation et rejeté la demande de délais pour quitter les lieux.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 19 avril 2021, Mme [X] a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions à l'exception celle ayant débouté M. [R] de ses autres demandes.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une indemnité d'occupation mensuelle de 600 euros à compter du 7 juin 2019 jusqu'à libération des lieux, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à verser à M. [R] une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et de :
- revoir à de plus justes proportions le montant de l'indemnité d'occupation
- débouter M. [R] de sa demande d'octroi d'indemnité d'occupation et de toutes ses demandes
- à titre subsidiaire lui accorder des délais de paiement pour régler son éventuelle dette locative
- en tout état de cause condamner M. [R] à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'appelante expose qu'elle a quitté les lieux le 4 juillet 2021 et que son appel se limite au montant de sa dette locative et aux délais de paiement. Elle conteste dans son principe et son montant l'indemnité mensuelle d'occupation de 600 euros, précise vivre seule, ne percevoir que l'allocation adulte handicapé ainsi que des prestations de la CAF et sollicite des délais de paiement pour lui permettre d'honorer son éventuelle dette locative.
M. [R] demande à la cour de constater que Mme [X] n'est plus occupante du logement situé [Adresse 2] depuis le 4 juillet 2021, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions et de condamner Mme [X] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il souligne que l'appelante a quitté le logement le 4 juillet 2021, soit 30 mois après la date prévue, qu'elle pouvait tout à fait trouver un autre logement pendant ce laps de temps, qu'elle a déclaré qu'elle sortirait de l'appartement uniquement par la force et que la dégradation de son état de santé comme les éléments qu'elle invoque sont postérieurs à la date prévue de sortie du logement. Il s'oppose à la demande de délais de paiement en raison de la longueur de la procédure, relevant que l'appelante ne fournit pas ses avis d'imposition des années 2017 et 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les écritures déposées le 11 février 2022 par M. [R] et le 14 février 2022 par Mme [X], auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 février 2022 ;
En liminaire, il est rappelé que la cour n'a pas à statuer sur une demande tendant à 'constater'qui n'a pas pour objet la reconnaissance d'un droit mais une simple constatation et qui ne constitue pas une prétention au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 954 alinéas 1,2 et 3 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, elles comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont évoqués dans la discussion.
Si Mme [X] a visé dans sa déclaration d'appel toutes les dispositions du jugement à l'exception de celle ayant débouté M. [R] de ses autres demandes, il est constaté que ses conclusions ne contiennent aucune prétention ni moyen relatifs à la recevabilité des demandes de M. [R], au rejet de la demande de nullité du congé pour vendre, au fait qu'elle est occupante sans droit ni titre depuis le 7 janvier 2019, à son expulsion à défaut de départ volontaire dans les deux mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux ainsi que celle de tous occupants de son chef et au rejet de sa demande tendant à être autorisée à quitter les lieux à l'issue de la période d'hospitalisation à domicile. M. [R], qui conclut à la confirmation du jugement, n'a formé aucun appel incident. Il s'ensuit que la cour n'a pas à statuer de ces chefs et ne peut que confirmer les dispositions susvisées.
Sur l'indemnité d'occupation
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, le contrat de location liant les parties a définitivement pris fin le 6 janvier 2019. Mme [X] est donc devenue occupante sans droit, ni titre de l'appartement qui faisait l'objet de ce bail à compter du 7 janvier 2019.
Il ressort des conclusions et pièces produites qu'elle a quitté les locaux le 4 juillet 2021. La dégradation de son état de santé telle qu'elle résulte des éléments du dossier n'est pas de nature à occulter le caractère fautif du maintien de Mme [X] dans les locaux et à la dispenser de réparer le dommage ainsi causé à M. [R]. En effet, il n'est fait état de cette dégradation qu'à compter du moins de juin 2020 alors que le congé a été signifié à l'appelante le 12 juillet 2017 et que le contrat de location a pris fin le 6 janvier 2019, de sorte qu'elle a disposé d'un délai largement suffisant pour entreprendre la recherche d'un nouveau logement et quitter l'appartement objet du litige. La demande de logement social figurant au dossier n'est pas datée et aucun élément ne permet de considérer qu'elle a été traitée tardivement par les services sociaux.
C'est également en vain qu'elle fait valoir son état d'impécuniosité pour solliciter une diminution à de plus justes proportions de l'indemnité d'occupation, alors que l'indemnisation du dommage doit être calculée en fonction de la valeur du dommage, sans que la gravité de la faute ou la situation de l'auteur de la faute puissent avoir une incidence sur le montant de ladite indemnisation.
Au regard des éléments dont dispose la cour, le premier juge a justement fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 600 euros, due à compter du 7 janvier 2019 jusqu'à la libération des lieux et le jugement est confirmé.
Sur la demande de délais de paiement
L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créanciers, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital .
Selon l'article 24 V de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge, peut même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.
En l'espèce, il n'est ni allégué ni justifié d'un paiement quelconque effectué au titre de l'occupation de l'appartement depuis le 7 janvier 2019 par l'appelante alors qu'elle a conservé la jouissance sans droit du logement pendant 30 mois. Comme il a été exposé ci-avant, les problèmes de santé de l'appelante ne sont survenus que de nombreux mois après la fin du contrat de location et il n'est pas démontré qu'ils ont eu des répercussions significatives sur la situation financière de Mme [X]. En outre, il apparaît (pièce n°10 de l'appelante) que pendant la même période et au cours des mois qui ont suivi, elle a continué à percevoir l'allocation logement (270 euros par mois) et les pièces financières versées au dossier ne démontrent pas l'impossibilité matérielle de procéder à des versements.
Compte tenu de ces éléments, il n'y a pas lieu d'accorder à Mme [X] des délais de paiement et sa demande est rejetée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.
Mme [X] partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel. Elle est en outre condamnée au paiement de la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme mise à sa charge de ce chef en première instance. Mme [X] est également déboutée de sa demande présentée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré recevables les demandes de M. [K] [R]
- débouté Mme [E] [X] de sa demande de nullité du congé pour vendre signifié le 12 juillet 2017
- ordonné à défaut de départ volontaire dans les deux mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux, l'expulsion de Mme [E] [X] ainsi que celle de tous occupants de son chef, du logement avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [E] [X], à compter du 7 janvier 2019 et jusqu'à libération effective des lieux, à la somme de 600 euros et condamné en tant que de besoin Mme [X] au paiement de cette somme.
- débouté Mme [E] [X] de sa demande tendant à être autorisée à quitter les lieux à l'issue de la période d'hospitalisation à domicile
- condamné Mme [E] [X] à verser à M. [K] [R] une indemnité de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'a déboutée de sa demande
sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et l'a condamnée aux entiers dépens ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [E] [X] de sa demande de délais de paiement ;
CONDAMNE Mme [E] [X] à payer à M. [K] [R] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Mme [E] [X] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [E] [X] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, présidente de chambre à la cour d'appel de Metz et par Madame GUIMARAES, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT