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25/04/2022 | FRANCE | N°21/00835

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 25 avril 2022, 21/00835


Arrêt n° 22/00204



25 avril 2022

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N° RG 21/00835 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FO5B

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

24 mars 2021

19/00797

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Vingt cinq avril deux mille vingt deux







APPELANTE :



Mme

[S] [J] épouse [D]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sébastien JAGER, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Emmanuel BERGER, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant





INTIMÉ :



Me ...

Arrêt n° 22/00204

25 avril 2022

---------------------

N° RG 21/00835 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FO5B

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

24 mars 2021

19/00797

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt cinq avril deux mille vingt deux

APPELANTE :

Mme [S] [J] épouse [D]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sébastien JAGER, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Emmanuel BERGER, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

INTIMÉ :

Me Salvatore Nardi ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL AVL (selon jugement en liquidation judiciaire simplifiée rendu par le TJ de METZ le 13 janvier 2021)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Assignation à personne morale le 31 mai 2021

Non représenté

APPELEE EN INTERVENTION FORCEE :

Unedic Délégation AGS CGEA de Nancy, association déclarée prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Assignation à personne morale le 23 juillet 2021

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Réputé contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Mme [J] épouse [D] a été embauchée par la société AES, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er mars 2011, en qualité d'assistante comptable.

Une convention de transfert de son contrat de travail de la société AES à la SARL ALV a été signée le 1er octobre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 30 avril 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 mai 2019, Mme [D] a été licenciée pour motif économique.

Par acte introductif enregistré au greffe le 2 octobre 2019, Mme [D] a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail intervenue le 29 mai 2019 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la SARL ALV à lui payer les montants de :

'3912,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

'391,20 euros au titre des congés payés sur préavis

'17 604,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'2 641,73 euros net au titre des arriérés de salaires et indemnités

- Condamner la SARL ALV à lui payer à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SARL ALV aux entiers frais et dépens ;

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement, y compris pour les dommages et intérêts et l'article 700 du code de procédure civile ;

Par jugement du 24 mars 2021, le Conseil de prud'hommes de Metz, section activités diverses a statué ainsi qu'il suit :

- Déclare la demande de Mme [S] [D] recevable,

- Dit et juge que la rupture du contrat de travail intervenue le 29 mai 2019 s'analyse bien en un licenciement économique ;

- Déboute en conséquence Mme [S] [D] de toutes ses demandes relatives à la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Ordonne en tant que de besoin à la société ALV de payer la somme de 2 641,73 euros net au titre des arriérés de salaires et indemnités tel qu'acté au procès-verbal de conciliation partielle du 28 novembre 2019;

- Dit que les sommes dues seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2019, date de notification de la demande ;

- Rappelle les dispositions de l'article R.1454-28 du Code du travail relative à l'exécution provisoire ;

- Déboute Mme [S] [D] du surplus de ses demandes ;

- Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 06 avril 2021 et enregistrée au greffe le jour même, Mme [D] a régulièrement interjeté appel du jugement.

La SARL ALV a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 13 janvier 2021 désignant Me Salvatore Nardi en qualité de mandataire liquidateur.

La société ALV, représentée par Me Salvatore Nardi, es qualité de mandataire liquidateur, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu dans la présente instance.

Par acte 23 juillet 2021, Mme [D] a assigné l'Unedic Délégation AGS CGEA de Nancy en intervention forcée. L'Unedic Délégation AGS CGEA de Nancy n'a pas constitué avocat et n'a pas non plus conclu dans la présente instance.

Par ses dernières conclusions datées du 19 avril 2021, enregistrées au greffe le jour même, Mme [D] demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée d'une partie de ses demandes ;

- Dire et juger que la rupture du contrat de travail intervenue le 29 mai 2019 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence d'indication du double motif dans la lettre de licenciement ;

- Fixer sa créance sur la liquidation judiciaire de la SARL ALV aux montants de :

'3 912,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

'391,20 euros au titre des congés payés sur préavis

'17 604,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'ordonnance de clôture a été rendue le 01 décembre 2021.

Il convient en application de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle que la partie intimée qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile.

Il appartient donc à la cour de se prononcer sur le bien-fondé de l'appel au regard de la motivation des premiers juges et des moyens de l'appelante.

La cour constate également que Mme [D] n'a pas interjeté appel s'agissant des dispositions relatives aux arriérés de salaires et indemnités de sorte que le jugement entrepris est devenu définitif sur ces points.

S'agissant du bien-fondé du licenciement économique, Mme [D] admet que les difficultés économiques sont établies mais fait valoir que la lettre de licenciement ne précise pas l'incidence des difficultés économiques sur son emploi.

Mme [D] soutient que le licenciement économique est donc dépourvu de cause réelle sérieuse.

L'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version en vigueur, dispose :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants ».

Il est de principe que la lettre de licenciement pour motif économique doit mentionner à la fois les raisons économiques prévues par la loi et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de licenciement économique en date du 29 mai 2019, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit :

« En application des dispositions de l'article L.1233-42 du code du travail, les motifs de votre licenciement sont les suivants : perte de contrat, plus de chiffre d'affaires réalisés, ce qui entraîne des difficultés financières.

Aucune possibilité de reclassement n'a pu être trouvée en l'état de la situation de notre société et ce nonobstant les recherches entreprises ».

Les premiers juges ont conclu que la société ALV n'ayant plus aucune rentrée d'argent, il lui était impossible de payer le personnel, de sorte que la lettre de licenciement était parfaitement explicite sur les raisons du licenciement de Mme [D].

Or, force est de constater que si la lettre de licenciement mentionne bien les raisons économiques, à savoir les « difficultés financières » suite à la perte de contrats et au défaut de chiffre d'affaires, elle ne comporte néanmoins aucune indication relative à l'incidence de ces difficultés sur l'emploi de Mme [D] telle que la suppression de son poste, la transformation d'emploi ou la modification de son contrat de travail.

La SARL ALV, qui a cessé son activité après le premier trimestre 2019, aurait dû préciser la suppression du poste de la salariée dans la lettre de licenciement.

Dès lors, dans la mesure où la seule existence d'une cause économique ne constitue pas nécessairement l'impossibilité de maintenir le contrat de travail, l'absence de mention dans la lettre de licenciement de l'incidence individualisée des difficultés économiques de la SARL ALV sur le poste détenu par Mme [D] rend la lettre de licenciement insuffisamment motivée et le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à compter du 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Mme [D] comptait lors de son licenciement 8 ans d'ancienneté dans une entreprise de moins de 11 salariés de sorte qu'elle relève du régime d'indemnisation de l'article L.1235-3 al 3 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit une indemnité minimale de 2 mois.

Aussi, compte tenu de l'âge de la salariée lors de la rupture (53 ans), de son ancienneté (8 ans) et du montant de son salaire mensuel (1 956,30 euros bruts), et alors qu'elle ne justifie nullement de sa situation personnelle et professionnelle à l'issue de cette rupture, la cour évalue à la somme de 12 000 euros le montant des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Infirmant le jugement entrepris, la créance de Mme [D] sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société ALV.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Si le salarié justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, il a le droit à un préavis de deux mois.

En conséquence, il y a lieu d'allouer à Mme [D] la somme réclamée de 3 912 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à laquelle il y convient d'ajouter la somme de 391,20 euros bruts au titre des congés payés y afférents. Les créances précitées seront fixées au passif de la SARL ALV et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la salariée sur ces points en ce sens.

Sur le surplus

Il convient de rappeler que l'Unedic, Délégation AGS CGEA de Nancy n'est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L.3253-6 et L. 3253-8 du code du travail.

Le jugement entrepris sera confirmé s'agissant des dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile non critiquées par l'appelante, qui ne fait d'ailleurs aucune demande à ce titre à hauteur d'appel.

Les dépens d'appel accroîtront les frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL ALV.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris, sauf s'agissant des dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que le licenciement économique de Mme [S] [D] née [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Fixe les créances de Mme [S] [D] née [J] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL ALV, représentée par son liquidateur Me Salvatore Nardi, comme suit :

- 12 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 912 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 391,20 euros bruts pour les congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis.

Dit que la garantie de l'Unedic, délégation AGS CGEA de Nancy, s'appliquera selon les modalités et limites des textes législatifs et réglementaires qui sont applicables en matière de garantie des salaires.

Dit que les dépens d'appel accroîtront les frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL ALV.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 21/00835
Date de la décision : 25/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-25;21.00835 ?
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