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25/04/2022 | FRANCE | N°20/01495

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 25 avril 2022, 20/01495


Arrêt n° 22/00205



25 Avril 2022

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N° RG 20/01495 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FKNY

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

23 Juillet 2020

19/00290

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



vingt cinq Avril deux mille vingt deux





APPELANT :



M. [J] [N]
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br>[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Thomas Becker, avocat au barreau de SARREGUEMINES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/007918 du 11/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictio...

Arrêt n° 22/00205

25 Avril 2022

---------------------

N° RG 20/01495 - N° Portalis DBVS-V-B7E-FKNY

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH

23 Juillet 2020

19/00290

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt cinq Avril deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [J] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Thomas Becker, avocat au barreau de SARREGUEMINES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/007918 du 11/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

INTIMÉE :

S.A.R.L. Prodor Distribution représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me François Rigo, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia Welter, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie Wolf, Présidente de Chambre

Mme Anne Fabert, Conseillère

Madame Laëtitia Welter, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène Bajeux

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Marie Wolf, Présidente de Chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [J] [N] a été embauché par la société PRODOR DISTRIBUTION, selon contrat à durée déterminée de 6 mois, à compter du 18 avril 2019, en qualité de boucher.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale de la boucherie-charcuterie.

Exposant avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail sans être rempli dans ses droits par l'employeur, M. [N] a, par acte introductif enregistré au greffe le 16 septembre 2019, saisi le Conseil de prud'hommes de Forbach aux fins de voir :

condamner la SARL Prodor Distribution à lui payer les sommes de :

'1.480,58 € bruts au titre du salaire des mois de juin et juillet 2019

'444,17 € au titre du maintien de salaire pendant la maladie

'1.607,91 € bruts à titre d'heures supplémentaires impayées

dire et juger que la prise d'acte de la rupture est constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

fixer la date de la rupture au 05 juillet 2019

Par conséquent,

condamner la SARL Prodor Distribution à lui payer les sommes de :

'585,26 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

'1.194,48 € nets à titre d'indemnité de précarité

'6.000 € bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

'9.624 € nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé

condamner la SARL Prodor Distribution à lui délivrer, outre les bulletins de paie des mois de juin et juillet 2019, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi mentionnant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement à intervenir,

condamner la SARL Prodor Distribution aux entiers frais et dépens ainsi qu'au règlement d'une indemnité de 2.400 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

dire et juger le jugement à intervenir exécutoire par provision.

Par jugement du 23 juillet 2020, le Conseil de prud'hommes de Forbach, section commerce

a :

Constaté la rupture avant terme et l'a qualifiée de démission ;

Condamné la SARL Prodor Distribution à verser à M. [N] la somme de 585,26 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

Condamné la SARL Prodor Distribution à délivrer à M. [N] les documents de fin de contrat (certificat de travail et L'attestation Pôle emploi avec la mention démission);

Débouté le demandeur de l'ensemble des autres prétentions y compris l'indemnité de précarité, ayant lui-même mis un terme à la relation contractuelle ;

Débouté le demandeur de sa requête au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté la défenderesse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 24 août 2020 et enregistrée au greffe le jour même, M. [N] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 07 octobre 2020,enregistrées au greffe le jour même, M. [N] demande à la Cour de :

Confirmer partiellement le jugement entrepris et l'infirmer pour le surplus,

Condamner la SARL Prodor Distribution à payer à M. [N] :

'856,62 € bruts au titre du salaire des mois de juin et juillet 2019,

'444,17 € au titre du maintien de salaire pendant la maladie,

'1607,91 € bruts à titre d'heures supplémentaires impayées,

Dire et juger que la prise d'acte de la rupture est constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixer la date de la rupture au 5 juillet 2019,

Par conséquent,

Condamner la SARL Prodor Distribution à payer à M. [N] :

'1194,48 € nets à titre d'indemnité de précarité,

'6000 € bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'9624 € nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Condamner la SARL Prodor Distribution à délivrer à M. [N], outre les bulletins de paie des mois de juin et juillet 2019, un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI mentionnant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15 ème jour suivant la notification du jugement à intervenir,

Condamner la SARL Prodor Distribution aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au règlement d'une indemnité de 2400 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dire et juger le jugement à intervenir exécutoire par provision.

Par ses dernières conclusions datées du 07 janvier 2021 , enregistrées au greffe le jour même, la société Prodor Distribution demande à la Cour de :

Dire l'appel de M. [N] mal fondé.

En conséquence,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Condamner M. [N] au paiement d'une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers frais et dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 avril 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur les rappels de salaire

M. [N] soutient que l'employeur reste lui devoir la somme de 856,61 euros bruts équivalente à 20 jours de travail pour la période du 1er au 20 juin et du 29 juin au 05 juillet.

Par ordonnance de référé du 11 octobre 2019, non contestée par le salarié, le conseil de prud'hommes de Forbach a pris acte de ce que M. [N] avait reçu pendant l'instance un chèque de 474,83 euros correspondant à la paye du mois de juin 2019. Le bulletin de paye délivré par l'employeur pour le mois de juin 2019 met effectivement en compte ce montant de 474,83 euros qui correspond au salaire dû après déduction des jours d'absence du salarié, soit les 5, 10, 15 juin et du 18 au 30 juin 2019 inclus.

M. [N] n'a pas contesté avoir été absent pour les jours déduits par l'employeur, faisant uniquement valoir que son absence du 20 au 28 juin était justifiée pour maladie et que celle à compter du 29 juin était imputable à l'employeur qui ne lui a pas redonné de travail.

Il convient donc d'examiner successivement ces deux périodes, étant toutefois retenu que M. [N], qui n'a pas contesté avoir été absent les 5, 10, 15 juin ni imputé ces absences à son employeur ne saurait prétendre à une rémunération pour ces jours non travaillés.

Sur la demande de maintien du salaire durant la maladie

M. [N] soutient qu'en application des dispositions de droit local prévues à l'article L. 1226-24 du code du travail, il a droit au paiement de sommes correspondant au maintien de son salaire pendant sa période de maladie du 18 au 28 juin.

Toutefois, M. [N] ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il a été en arrêt maladie et s'est ainsi trouvé dans l'impossibilité non fautive d'exécuter son travail.

Ainsi, M. [N] ne produit pas l'arrêt de travail qu'il affirme avoir fait parvenir à son employeur. A l'inverse, la SARL Prodor Distribution produit une attestation de Mme [Y], assistante administrative au sein de la société, en charge notamment de la réception et transmission au cabinet comptable des arrêts de travail des salariés et qui atteste n'avoir jamais reçu d'arrêt de travail de la part de l'appelant.

Le seul fait que Mme [Y] soit employée par l'intimée ne permet pas de contester le caractère probant de cette attestation, d'autant plus en l'absence de production de tout élément rendant vraisemblable la réalité dudit arrêt de travail et a fortiori de son envoi.

L'absence de M. [N] entre le 20 et le 28 juin 2019 était donc injustifiée et la SARL Prodor Distribution n'était pas tenue de maintenir la rémunération du salarié pendant cette période.

La demande du salarié doit être rejetée, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur la demande pour la période allant du 29 juin au 05 juillet

M. [N] soutient qu'il n'a pas perçu le salaire qui lui était dû sur cette période, affirmant avoir été renvoyé chez lui le 29 juin 2019 et être demeuré sans travail fourni par son employeur.

La SARL Prodor Distribution soutient que le salarié était en absence injustifiée sur cette période et ne doit donc pas être rémunéré.

Il est constant entre les parties que M. [N] n'était pas sur son lieu de travail du 29 juin au 05 juillet, seule étant en litige la raison de son absence et son caractère justifié ou non.

Au soutien de sa demande, M. [N] fournit uniquement une attestation de son père, qui n'apparait pas avoir été rédigée de la main de ce dernier puisque les mentions qui y sont portées sont écrites avec deux écritures manifestement différentes. Cette attestation ne comporte au demeurant pas de date précise quant aux faits relatés et il n'est donc pas possible de s'assurer que M. [N] est bien revenu pour travailler le 29 juin 2019 comme il l'affirme.

A l'inverse, l'employeur produit l'attestation de M. [V] qui expose que, ayant été en poste toute la journée du 29 juin 2019, il n'a pas vu M. [N] se présenter sur leur lieu de travail.

M. [Y], chef boucher au sein de la SARL Prodor Distribution atteste également que M. [N], après quelques jours d'absences injustifiées, n'a plus donné de nouvelles, a cessé de répondre aux appels et n'a pas justifié de ses absences.

Il sera là encore relevé que, contrairement à ce que soutient M. [N], le seul fait que ces attestations émanent de salariés de la SARL Prodor Distribution n'est pas de nature à leur enlever toute force probante.

Dans ce cadre, le salarié, qui reconnaît avoir été absent de l'entreprise, ne justifie pas être retourné sur son lieu de travail le 29 juin 2019 et ne justifie pas du refus de son employeur, qui l'avait prévu sur le planning de juin pour l'intégralité du mois, de lui fournir du travail.

Sa demande de rappel de salaire pour la période du 29 juin au 5 juillet 2019 n'est donc pas fondée et sera rejetée.

Par conséquent, la demande de rappel de salaires formée par M. [N] sur « le salaire de juin et juillet » n'est pas fondée et doit être intégralement rejetée.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [N] produit au soutien de sa demande :

une attestation de Mme [H], sa voisine, qui indique l'avoir vu « partir à son travail le matin entre 7h20 et 7h30 » ;

son courrier du 10 juillet 2019 adressé à l'employeur et faisant état de ce qu'il « travaille 10 heures par jour et même 12 le samedi ».

Ces éléments sont insuffisamment précis quant aux heures supplémentaires que M. [N] invoque.

Le témoignage de Mme [H] n'apporte aucune précision permettant de connaître la période pendant laquelle elle a observé les horaires matinaux du salarié. Il ne permet pas davantage d'établir avec précision l'heure de prise de poste du salarié, l'heure portée par Mme [H] pour le départ du salarié de son domicile ne coïncidant au demeurant pas avec celle alléguée par ce dernier qui soutient avoir travaillé selon horaire constant à partir de 07h en semaine et 07h30.

Cette attestation qui ne vise aucun horaire de retour du travail ne permet pas davantage de corroborer le volume horaire que M. [N] soutient avoir effectué.

Ainsi, la seule affirmation, par M. [N], d'un volume horaire quotidien de 10h voire 12h est générale et n'est pas suffisamment probante.

La SARL Prodor Distribution produit quant à elle les tableaux de relevés d'horaires mensuels signés par les salariés, dont M. [N], pour les mois d'avril et mai 2019. Le relevé du mois de juin 2019 n'est pas signé par ce dernier qui n'était pas dans l'entreprise lors de l'édition de ces documents à la fin du mois puisqu'il a été établi qu'il se trouvait alors en situation d'absence injustifiée.

Ces tableaux font apparaître que M. [N] a travaillé 62,5 heures du 18 au 30 avril 2019, 83,5 heures en mai 2019 et 55 heures sur 146,5 heures planifiées en juin 2019, étant noté absent les 5, 11, 15 juin et du 18 au 30 juin 2019.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, ces éléments sont probants pour établir le contrôle des heures de travail par l'employeur.

En effet et en premier lieu, les affirmations de M. [N] sur le fait que ces relevés d'heures seraient signés par les salariés, qu'il décrit comme « généralement illettrés », sans bonne compréhension préalable de leur contenu ne sont justifiées par aucun élément. M. [N] n'expose d'ailleurs pas lui-même être illettré ou avoir des difficultés de lecture ou compréhension du français.

Ensuite, s'il existe effectivement un décalage entre le tableau du mois de mai 2019, qui comptabilise 83,5 heures, et la fiche de paye de M. [N] qui met en compte 151,67 heures, force est de constater que cette différence est au bénéfice du salarié qui avait contractuellement droit au paiement d'un mois complet même en ayant effectué moins d'heures en raison de la planification prévue par l'employeur.

En outre, le relevé, pour avril 2019, correspond bien au nombre d'heures indiqué sur la fiche de paye correspondante et le relevé du mois de juin fait apparaître les absences de M. [N]. Ces documents sont précis et probants, étant relevé qu'à l'inverse le salarié n'a fourni aucun décompte précis des heures supplémentaires alléguées.

De ces éléments il ressort que la réalité des heures supplémentaires dont le paiement est sollicité par M. [N] n'est pas établie.

Les demandes portant sur les heures supplémentaires doivent par conséquent être rejetées, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail

Par courrier du 10 juillet 2019, M. [N] indiquait à la SARL Prodor Distribution :

« Alors que mon arrêt de travail a pris fin, je suis sans nouvelles de votre part depuis le 29 juin dernier, date à laquelle vous m'avez refusé l'accès à mon poste de travail, m'invitant à rentrer chez vous et à y rester jusqu'à nouvel ordre sans m'avoir donné la moindre explication.

Vous comprendrez que je ne peux rester indéfiniment dans l'incertitude et continuer à subir une situation qui menace mon avenir.

A cet égard, vous voudrez bien me faire part de vos intentions rapidement.

Para ailleurs, je vous rappelle qu'au cours des derniers mois j'ai effectué de très nombreuses supplémentaires puisque je travaille 10 heures par jour et même 12 le samedi, alors que je continue de n'être payé qu'à hauteur de 35 heures par semaine.

Là encore, cette situation n'est pas acceptable, raison pour laquelle je vous demande de me régler l'intégralité des heures effectuées comme vous me l'avez promis plusieurs fois.»

En réponse, la SARL Prodor Distribution lui a fait parvenir, le 15 juillet 2019, le courrier suivant :

« Nous avons bien pris connaissance de votre courrier réceptionné le 10/07/2019 qui n'a pas manqué de nous surprendre.

En effet, alors même que vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail et n'avez pas justifié de votre absence depuis le 18/06/2019, vous nous informez que votre arrêt de travail a pris fin et être sans nouvelle de notre part depuis le 29/06/2019.

Nous vous informons que conformément au Code du travail et à vos obligations découlant de votre contrat de travail, vous êtes tenu de prévenir immédiatement votre employeur de toute absence et de fournir un certificat médical dans les 48 heures.

Dans ces conditions, nous vous invitons à nous transmettre votre arrêt de travail et à reprendre votre travail sans délai, ou à défaut me faire savoir ce qui s'y oppose.

A défaut d'arrêt de travail, nous ne pourrons changer notre appréciation des faits à savoir, vous considérer en situation d'absence injustifiée depuis le 18/06/2019.

Vous prétendez que le 29/06/2019, on vous a refusé l'accès à votre poste de travail vous invitant à rester chez vous jusqu'à nouvel ordre.

Cette allégation est tout à fait mensongère et nous saurons en apporter la preuve en cas de contentieux.

D'autre part, vous prétendez que de nombreuses heures supplémentaires ont été réalisées car, selon vos dires, vous travaillez 10h par jour et même 12h le samedi.

Ainsi et malgré votre insistance, nous ne pouvons que contester vos dires (')

En outre, nous vous proposons de nous rencontrer le 29/07/2019 à 11h30 au sein de la société Prodor Distribution afin que nous échangions sur la situation. (...) »

Ce courrier a été envoyé par l'employeur deux fois par recommandé avec accusé de réception et une fois en lettre simple. M. [N] ne conteste pas expressément l'avoir reçu.

De ces échanges entre les parties, il ressort que la SARL Prodor Distribution, en réponse aux griefs formulés par le salarié, a contesté tout manquement de sa part et l'a invité à reprendre le travail sans délai ainsi qu'à participer à un rendez-vous pour échanger sur la situation.

M. [N], qui qualifie son courrier du 10 juillet 2019 de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, n'a pas repris le travail ni répondu à l'invitation de la SARL Prodor Distribution. Il a ainsi manifesté sa volonté claire et non équivoque de rompre définitivement le contrat de travail aux torts de son employeur de manière anticipée.

En premier lieu, la Cour relève que les parties avaient conclu un contrat à durée déterminée, dont les modalités de rupture anticipée sont régies par les articles L. 1243-1 et suivants du code du travail et non par les règles applicables à la prise d'acte.

Ainsi, en application de l'article L. 1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

Dans le cas où le salarié adresse une lettre de rupture improprement qualifiée de prise d'acte, il convient d'analyser cette rupture anticipée à l'initiative du salarié au regard des dispositions de l'article L. 1243-1 précité et, à cette occasion, de prendre en compte les griefs invoqués à l'appui de la lettre adressée à l'employeur pour apprécier l'existence d'une faute grave de ce dernier.

En l'espèce, les griefs formulés par le salarié envers la SARL Prodor Distribution dans le courrier du 10 juillet 2019 et dans ses conclusions sont les suivants :

absence de travail fourni depuis son retour d'arrêt maladie ;

non paiement des heures supplémentaires.

Toutefois, s'agissant du défaut de paiement de ses heures supplémentaires, il a été jugé que le salarié avait été rempli de ses droits quant à ses horaires de travail et n'était pas fondé à reprocher à son employeur un manquement sur ce point. Ce grief est donc écarté.

Ensuite, s'agissant du grief relatif à l'absence de fourniture de travail et d'avoir été invité à rentrer chez lui à son retour d'arrêt maladie, il a également été jugé que ce fait n'était pas établi, le salarié ayant été débouté de sa demande de paiement de salaire pour la période courant à compter du 29 juin.

Dès lors, aucun des griefs reprochés par M. [N] à son employeur n'est matériellement établi. La rupture anticipée à l'initiative du salarié n'était donc pas justifiée par une faute grave de l'employeur et est donc fautive de la part de M. [N].

Ce dernier ne peut par conséquent prétendre au paiement des salaires et indemnités sollicités. Il en est de même de la demande tendant à obtenir la production sous astreinte des bulletins de paie des mois de juin et juillet 2019, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés.

Par ces motifs se substituant à ceux des premiers juges ayant qualifié la rupture du contrat de travail de démission, les demandes du salarié formulées en conséquence, portant sur l'indemnité de précarité, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront intégralement rejetées.

Enfin, en l'absence d'heures supplémentaires établies, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [N] portant sur l'indemnité pour travail dissimulé qui sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

M. [N] qui succombe devant la Cour sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel et les demandes formées par les parties sur ce fondement seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel, sauf en ce qu'il a qualifié la rupture avant terme du contrat de travail à durée déterminée liant les parties de démission ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Dit que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée à l'initiative de M. [J] [N] n'était pas justifiée par une faute grave de l'employeur ;

Déboute M. [J] [N] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne M. [J] [N] aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/01495
Date de la décision : 25/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-25;20.01495 ?
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