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25/04/2022 | FRANCE | N°20/01177

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 25 avril 2022, 20/01177


Arrêt n° 22/00222



25 avril 2022

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N° RG 20/01177 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FJT7

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

19 juin 2020

F 18/00284

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1





ARRÊT DU



Vingt cinq avril deux mille vingt deux





APPELANT :



M. [M] [L]

[

Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-Marie HEMZELLEC, avocat au barreau de METZ





INTIMÉE :



S.A.S. FRANCE TRANSFO prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité ...

Arrêt n° 22/00222

25 avril 2022

---------------------

N° RG 20/01177 -

N° Portalis DBVS-V-B7E-FJT7

-------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

19 juin 2020

F 18/00284

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt cinq avril deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [M] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean-Marie HEMZELLEC, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.S. FRANCE TRANSFO prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe DAVID, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Mes Emeric SOREL et Amandine FOUGEROL, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia WELTER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [M] [L] a été engagé par la SAS FRANCE TRANSFO selon contrat à durée indéterminée, à compter du 09 avril 1986, en qualité d'agent de maîtrise. En dernier lieu, M. [L] était directeur de production, classification cadre.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Un plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant une période de volontariat au départ a été présenté par l'employeur et homologué par la DIRECCTE de Lorraine le 19 octobre 2015.

Par courrier du 16 décembre 2015, suivant un entretien tenu le 07 décembre 2015, M.[L] a informé la SAS France Transfo être intéressé par une mesure de départ volontaire. Le projet de départ volontaire de M. [L] a été accepté par la commission paritaire de suivi.

Un différend étant né par la suite entre les parties quant au caractère réellement volontaire du départ du salarié, M. [L] et la SAS France Transfo ont conclu, le 30 mars 2016, un protocole d'accord transactionnel prévoyant notamment la renonciation par le salarié à contester le bien-fondé de la rupture d'un commun accord du contrat de travail pour motif économique, la prise par le salarié d'un congé de reclassement volontaire à compter du 1er janvier 2017 et une indemnisation du préjudice du salarié autre que celui résultant de la perte de salaire.

Le 13 décembre 2016, les parties ont conclu une convention de rupture d'un commun accord du contrat de travail pour motif économique. Par courrier du même jour, M.[L] a demandé à bénéficier du congé de reclassement.

Par acte introductif enregistré au greffe le 28 mars 2018, M. [L] a saisi le Conseil de prud'hommes de Metz aux fins de voir prononcer la nullité de la transaction conclue avec l'employeur et de voir ce dernier condamner à lui payer les sommes de 149.142 euros à titre de dommages et intérêts et 33.539,92 euros à titre de rappels de salaires.

M. [L] a modifié ses prétentions au cours de l'instance, et dans le dernier état de ses demandes, a demandé à voir :

* Condamner la défenderesse à lui payer les sommes suivantes :

- 22.359,90 € brut au titre des rappels de salaire de Juillet à Décembre 2017 ;

- 2.235,99 € brut au titre des congés payés afférents ;

- 48.976,92 € brut à titre de rappel de salaire pour l'année 2018 ;

- 4.897,69 € brut au titre des congés payés afférents ;

- 3.954,40 € brut au titre de JRTT ;

- 31.784,32 € brut au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2018, date de l'établissement du solde de tout compte ;

* Débouter la SAS France Transfo de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

* Condamner la SAS France Transfo à lui payer la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;

Par jugement du 19 juin 2020, le Conseil de prud'hommes de Metz, section encadrement, a :

- Dit et jugé que la transaction conclue le 30 mars 2016 entre M. [M] [L] et la SAS France Transfo a été valablement exécutée et ne peut être remise en cause ;

- Dit que M. [M] [L] a été rempli de ses droits ;

- Débouté M. [M] [L] de l'intégralité de ses demandes ;

- Débouté la SAS France Transfo de sa demande reconventionnelle et de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [M] [L] aux éventuels frais et dépens de l'instance.

Par déclaration formée par voie électronique le 17 juillet 2020 et enregistrée au greffe le jour même, M. [L] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 05 octobre 2020, M. [L] demande à la Cour de :

* Dire et juger l'appel recevable en la forme et bien fondé sur le fond,

En conséquence,

* Infirmer le jugement entrepris,

* Condamner la SAS France Transfo à payer à M. [L], les sommes de :

- 22.359,90 € brut au titre des rappels de salaire de juillet à décembre 2007

- 2.235,99 € brut, à titre de congés payés y afférent pour la période jusqu'au 31 décembre 2017

- 48.976,92 € brut au titre du rappel de salaire au titre de l'année 2018

- 4.897,69 € au titre du 10ème de congés payés au titre de l'année 2018

- 3.954,40 € brut au titre de JRTT

- 31.784,32 € brut au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement

Lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2018, date de l'établissement du solde de tout compte,

* Débouter la SAS France Transfo de toutes ses demandes, fins et conclusions,

* Condamner la SAS France Transfo à payer à M. [L] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions datées du 29 décembre 2020, enregistrées au greffe le jour même, la SAS France Transfo demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement du 19 juin 2020 en ce qu'il a débouté M. [L] de l'intégralité de ses demandes ;

En conséquence :

+ Condamner M. [L] à verser à la société la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 avril 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

M. [L] fait grief au jugement de l'avoir débouté de ses demandes, faisant valoir que, s'il ne remet pas en cause la validité de la transaction, il n'a cependant pas été rempli dans ses droits en exécution de celle-ci car la SAS France Transfo a calculé l'allocation congé de reclassement et l'indemnité conventionnelle de licenciement sur une base erronée. Il soutient également avoir acquis des jours de RTT qui ne lui ont pas été indemnisés.

L'employeur conteste cette interprétation faite par le salarié du protocole transactionnel et soutient qu'il a versé l'intégralité des sommes dues au titre de la rupture.

Il est constant et non contesté que les parties ont conclu le 30 mars 2016 une transaction portant sur :

- la rupture d'un commun accord du contrat de travail pour motif économique, le salarié renonçant à en contester le bien-fondé ;

- la prise par le salarié d'un congé de reclassement volontaire à compter du 1er janvier 2017 ;

- le calcul de l'indemnité de licenciement conformément aux termes de la convention collective de la métallurgie de la Moselle, plus favorable que le mode de calcul prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi ;

- une compensation financière du préjudice subi par M. [L], prévue par les parties dans les termes suivants : « En outre, pour la rupture de son contrat de travail, et à titre de dommages et intérêts, M. [M] [L] accepte de percevoir un salaire de base brute de 10.710 euros à compter du 1er avril 2016 et jusqu'au 31 décembre 2016 en compensation du préjudice subi autre que celui résultant de la perte de salaire et constitué de la perte d'une situation sociale et des troubles occasionnés dans les conditions d'existence de M. [M] [L] ».

M. [L] ne remet pas en cause la validité de cette transaction mais conteste différentes sommes versées en exécution de celle-ci et, plus largement, au titre de la rupture de son contrat de travail, éléments qu'il convient d'examiner successivement.

Sur le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement

M. [L] soutient que l'indemnité conventionnelle de licenciement aurait dû être calculée en prenant pour base son salaire des douze derniers mois majoré selon la transaction et son âge à la date du plan de sauvegarde de l'emploi (avant 60 ans).

La SAS France Transfo indique qu'elle a calculé, par mesure de faveur, l'indemnité conventionnelle de licenciement en intégrant dans son assiette de calcul le salaire majoré mais que l'âge du salarié à prendre en compte est celui à la date de versement de l'indemnité, soit un âge de 60 ans.

Les parties s'accordent donc sur le mode de calcul de l'indemnité conventionnelle, à savoir celui prévu à l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui prévoit :

« Il est alloué à l'ingénieur ou cadre, licencié sans avoir commis une faute grave, une indemnité de licenciement distincte du préavis.

Le taux de cette indemnité de licenciement est fixé comme suit, en fonction de la durée de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise :

' pour la tranche de 1 à 7 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté ;

' pour la tranche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d'ancienneté.

Pour le calcul de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté et, le cas échéant, les conditions d'âge de l'ingénieur ou cadre sont appréciées à la date de fin du préavis, exécuté ou non. Toutefois, la première année d'ancienneté, qui ouvre le droit à l'indemnité de licenciement, est appréciée à la date d'envoi de la lettre de notification du licenciement.

(...)

En ce qui concerne l'ingénieur ou cadre âgé d'au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise, l'indemnité de licenciement ne pourra être inférieure à 2 mois. S'il a 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise, le montant de l'indemnité de licenciement résultant du barème prévu au deuxième alinéa sera majoré de 30 % sans que le montant total de l'indemnité puisse être inférieur à 6 mois.

L'indemnité de licenciement résultant des alinéas précédents ne peut pas dépasser la valeur de 18 mois de traitement. »

Les parties s'accordent également sur le montant du salaire retenu pour ce calcul, l'employeur reconnaissant avoir intégré la rémunération majorée prévue dans la transaction du 30 mars 2016 et précisant qu'il « n'entend d'ailleurs pas revenir sur cet engagement dans le cadre de la présente instance » (page 19 de ses conclusions).

En revanche, la SAS France Transfo fait valoir qu'elle ne s'est pas engagée à prendre en compte, pour le calcul de l'indemnité, l'âge de M. [L] avant la date où l'indemnité était versée. Elle conteste ainsi s'être engagée à verser une somme de 225.064 euros à ce titre, soutenant qu'il s'agissait d'un calcul réalisé en novembre 2017 sur la base de l'âge du salarié à cette date (inférieur à 60 ans) sans toutefois pouvoir être tenue par ce calcul.

La Cour relève cependant que l'article 29 de la convention collective applicable précité prévoit précisément que « Pour le calcul de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté et, le cas échéant, les conditions d'âge de l'ingénieur ou cadre sont appréciées à la date de fin du préavis, exécuté ou non. »

L'article 3 de la fiche 16 du Livre du plan de sauvegarde de l'emploi invoqué par le salarié prévoit que, pour l'indemnité de licenciement, « L'ancienneté sera appréciée pour tous les salariés, pour les planchers susvisés, à la date du terme du préavis et au plus tôt le 31 décembre 2016 (...) ».

La circulaire DGEFP/DRT/DSS n° 2002/1 du 5 mai 2002 relative à la mise en 'uvre des articles 93 à 123 de la loi de modernisation sociale créant le congé de reclassement précise que « N'est pas prise en compte dans la détermination de l'ancienneté servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement, la période du congé de reclassement excédant la durée normale du préavis ».

Si rien n'est évoqué dans le plan de sauvegarde de l'emploi et la circulaire précitée s'agissant de l'appréciation de la condition d'âge du salarié lors du terme du préavis, il ressort de l'article 29 de la convention collective que la détermination de l'âge suit, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, les règles applicables à la détermination de l'ancienneté.

Dès lors, pour apprécier l'âge du salarié, il convient de ne pas prendre en compte la période du congé de reclassement excédant la durée normale du préavis.

Or, il est constant et non contesté que le préavis, dont M. [L] a été dispensé, s'est déroulé du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017, le congé de reclassement excédant la durée normale de ce préavis débutant le 1er juillet 2017.

Par conséquent, l'âge de M. [L] à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement est celui du salarié au 30 juin 2017, soit 59 ans. M. [L] pouvait donc effectivement prétendre à la majoration de 30% liée à son âge, alors inférieur à 60 ans.

Il devait ainsi percevoir au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement une somme totale de 225.064 euros telle que calculée initialement par l'employeur. N'ayant perçu que 193.276,68 euros selon le solde de tout compte versé aux débats, sa demande en paiement du complément, à savoir 31.787,32 euros brut est fondée et il y sera fait droit.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la demande, soit le 02 avril 2019, s'agissant d'une créance déclarative résultant de l'application de la convention collective.

Sur la rémunération versée lors du congé de reclassement

M. [L] conteste l'assiette de calcul retenue par l'employeur pour établir la rémunération mensuelle brute due au titre du congé de reclassement, soutenant que l'augmentation de salaire convenue dans la transaction devait être incluse dans cette assiette.

La SAS France Transfo s'oppose à ce raisonnement, faisant valoir que l'augmentation de salaire allouée l'a été à titre de dommages et intérêts, temporairement et non en contrepartie d'une prestation de travail. Elle ajoute qu'il résultait clairement de la volonté des parties de ne pas prendre en compte la majoration temporaire de rémunération dans le calcul de l'allocation de congé de reclassement.

Selon l'article R. 1233-32 du code du travail, dans sa version applicable au litige, pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis, le salarié bénéficie d'une rémunération mensuelle à la charge de l'employeur. Le montant de cette rémunération est au moins égal à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne soumise aux contributions mentionnées à l'article L. 5422-9 au titre des douze derniers mois précédant la notification du licenciement.

Ces modalités de rémunération sont reprises dans le plan de sauvegarde de l'emploi.

La circulaire du 5 mai 2002 n°2002/1 précitée, dans ses développements relatifs au Revenu garanti et aux modalités de détermination du salaire de référence du congé de reclassement précise que :

« Pour déterminer le salaire de référence du revenu garanti, il est tenu compte des douze mois civils au cours desquels l'intéressé a perçu une rémunération normale.

Le salaire de référence comporte tous les éléments du salaire brut ayant servi d'assiette aux contributions versées au régime d'assurance chômage.

Sont exclues les rémunérations perçues pendant la période de référence mais ne se rapportant pas à la période considérée et les sommes ayant le caractère de remboursement de frais. Les primes dont la périodicité n'est pas mensuelle sont prises en compte au prorata du nombre de mois compris dans la période de référence. »

En l'espèce, la majoration de salaire à hauteur de 10.710 euros, perçue sur plusieurs mois par M. [L] a été allouée, selon les termes de l'accord transactionnel des parties, « en compensation du préjudice subi [par le salarié] autre que celui résultant de la perte de salaire et constitué de la perte d'une situation sociale et des troubles occasionnés dans les conditions d'existence ».

Il s'agit donc d'une rémunération qui, si elle a été perçue pendant la période de référence, ne se rapporte pas à cette période et n'a pas été versée en contrepartie d'un travail mais en réparation du préjudice du salarié.

La qualification de « salaire » donnée par les parties à cette somme, pourtant attribuée au salarié « à titre de dommages et intérêts », n'est donc pas suffisante pour considérer qu'elle doit entrer dans la détermination du salaire de référence pour le calcul du revenu garanti pendant le congé de reclassement.

Les exemples fournis à ce titre par M. [L] quant aux sommes touchées par d'autres salariés ne sont pas suffisamment probants dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les salariés donnés en exemple se trouvaient dans une situation identique à celle de M. [L] quant à l'octroi d'un « salaire » majoré précédemment au versement de l'allocation due au titre du congé de reclassement. En outre, aucun élément probant ne permet de connaître les situations effectives de ces salariés et les assiettes exactes de calcul de la rémunération qui leur a été versée lors de leur congé de reclassement, seuls trois bulletins de paye étant produits sans autre élément justificatif.

Au demeurant, à travers ces deux exemples, M. [L] fait valoir qu'il sollicite la prise en compte, comme base de calcul, de la « rémunération brute mensuelle moyenne des 12 derniers mois », ce que ne conteste pas l'employeur puisque les parties divergent non pas sur l'assiette définie par les textes mais sur ce qui doit être contenu dans ladite assiette comme « rémunération brute mensuelle ».

Enfin, il n'est pas établi par M. [L] que l'engagement pris par l'employeur d'inclure le salaire majoré dans le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement ait également été pris pour le calcul de l'allocation versée pendant le congé de reclassement, le courriel produit en pièce 3 par l'appelant à ce sujet étant spécifiquement relatif à l'indemnité de licenciement et mentionnant uniquement un « arrangement sur les montants de l'indemnité de licenciement ». Cet accord, dont la date n'est pas certaine et qui ne résulte pas expressément des termes de la transaction, ne peut donc être étendu à la rémunération versée pendant le congé de reclassement.

Ainsi, comme le souligne l'employeur, M. [L] percevait, hors majoration exceptionnelle, un salaire brut moyen de 6.722,76 euros qui correspond aussi au salaire qu'il a perçu, sans contestation, au titre du maintien de sa rémunération pendant sa période de préavis. Par conséquent, la rémunération versée pendant la période de son congé de reclassement excédant la durée du préavis était valablement calculée sur cette base.

Dès lors, la demande du salarié en paiement d'un rappel de rémunération et congés payés pour la période allant du 1er juillet 2017 à la fin du congé de reclassement en décembre 2018 doit être rejetée, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur la demande en paiement des jours de RTT

M. [L] sollicite le paiement d'une somme de 3.954,40 euros brut au titre des jours de RTT acquis pendant son préavis et non pris avant l'entrée en congé de reclassement.

Les stipulations de l'article 6.3 de la fiche 8 du plan de sauvegarde de l'emploi relatives au congé de reclassement et qui sont identiques à celles de l'article 5.3 de la fiche 17 du même plan, prévoient :

« Les congés payés et les JRTT acquis au titre des périodes de travail antérieures à l'entrée dans le congé de reclassement pourront être pris avant l'entrée dans le congé de reclassement (avec l'accord de l'employeur après avis du Relais Emploi) selon les modalités légales en vigueur ou donner lieu au paiement de l'indemnité compensatrice versée à l'issue de la période de référence et au plus tard sur le solde de tout compte.

Pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis conventionnel, l'intéressé n'acquiert pas de droit à congés payés, ni de droit à JRTT et autres congés conventionnels. »

En l'espèce, M. [L] sollicite le paiement de jours de RTT acquis au titre de son

préavis et non au titre de la période du congé de reclassement excédant la durée de ce préavis.

S'agissant de jours de RTT acquis entre le 1er janvier 2017 et le 1er juillet 2017, date à laquelle le congé de reclassement a commencé à excéder la durée du préavis, la SAS France Transfo ne peut utilement soutenir que M. [L] aurait dû les prendre avant le 31 décembre 2016.

Il ne ressort ni des bulletins de paye produits aux débats ni du solde de tout compte que ces jours auraient été réglés au salarié. L'employeur ne prétend au demeurant pas avoir versé de telles sommes.

Dès lors, M. [L] est bien fondé à solliciter le paiement des 8 jours RTT, soit la moitié des 16 jours de RTT annuels prévus pour les cadres, acquis pendant la période de préavis et qu'il n'a pas pris. Le bulletin de paye de décembre 2016 établit le coût d'un jour de congé rémunéré, également applicable au RTT, à 494,30 euros brut, ce que l'employeur ne conteste pas utilement.

Il sera donc fait droit à la demande de M. [L] à hauteur de 3.954,40 euros brut à ce titre, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande. Cette somme, qui a la nature de salaire, portera intérêts à compter de la demande soit le 02 avril 2019.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens de la présente décision conduit à infirmer les dispositions du jugement dont appel statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS France Transfo qui succombe principalement devant la Cour sera condamnée aux dépens d'instance et d'appel et à payer à M. [L] la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles.

La SAS France Transfo sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [M] [L] en paiement de rappels de salaire et congés payés de juillet à décembre 2017 et au titre de l'année 2018 ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la SAS France Transfo à payer à M. [M] [L] la somme de 31.784,32 € brut à titre de solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la demande, soit le 02 avril 2019 ;

Condamne la SAS France Transfo à payer à M. [M] [L] la somme de 3.954,40 € brut au titre des jours de RTT acquis du 01 janvier 2017 au 30 juin 2017, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la demande, soit le 02 avril 2019 ;

Condamne la SAS France Transfo aux dépens d'instance et d'appel ;

Condamne la SAS France Transfo à payer à M. [M] [L] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 20/01177
Date de la décision : 25/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-25;20.01177 ?
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