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25/04/2022 | FRANCE | N°19/02338

France | France, Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 1, 25 avril 2022, 19/02338


Arrêt n°22/00224



25 avril 2022

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N° RG 19/02338 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FD2Y

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

29 août 2019

17/00449

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE METZ



Chambre Sociale-Section 1







ARRÊT DU



Vingt cinq avril deux mille vingt deux







APPELANT :



M. [KC] [A]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-Marie HEMZELLEC, avocat au barreau de METZ





INTIMÉE :



S.A.S. EAGLE INDUSTRY FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Local...

Arrêt n°22/00224

25 avril 2022

------------------------

N° RG 19/02338 -

N° Portalis DBVS-V-B7D-FD2Y

----------------------------

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ

29 août 2019

17/00449

----------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt cinq avril deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [KC] [A]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-Marie HEMZELLEC, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.S. EAGLE INDUSTRY FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Luc BIEBER, avocat au barreau de SARREGUEMINES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 septembre 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [KC] [A] a été embauché par la SAS Eagle Industry France selon contrat de travail du 2 septembre 2013, en qualité d'opérateur de production usinage.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective de l'industrie du travail des métaux de la Moselle.

Sa rémunération brute était de 1 480,27 € hors prime en dernier lieu.

Par courrier du 28 octobre 2016, M. [A] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 9 novembre 2016.

Par lettre recommandée datée du 1er décembre 2016, M. [A] a été licencié pour faute simple. Il lui est reproché un comportement inapproprié et des agissements gravement irrespectueux à l'encontre de plusieurs collègues de travail.

Par acte introductif d'instance enregistré au greffe le 20 avril 2017, M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Metz aux fins de :

- dire et juger que son licenciement pour faute simple est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS Eagle Industry France à lui verser la somme de 27 088,20 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande,

- condamner la SAS Eagle Industry France à lui payer la somme de 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Eagle Industry France en tous les frais et dépens.

La SAS Eagle Industry France s'opposait aux demandes formées par M. [A] à son encontre et sollicitait la condamnation de celui-ci à lui verser 1 000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 29 août 2019, le conseil de prud'hommes de Metz, section industrie, a statué ainsi qu'il suit :

- Dit et juge que le licenciement de M. [A] est justifié par une cause réelle et sérieuse ;

- En conséquence, déboute M. [A] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Déboute M. [A] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute la SAS Eagle Industry France de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que M. [A] supportera les entiers frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique le 24 septembre 2009, M. [KC] [A] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 2 septembre 2019.

Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2019, M. [KC] [A] demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement entrepris,

- Dire et juger que son licenciement pour faute simple est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- Condamner la SAS Eagle Industry France à lui verser la somme de 27 088,20 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts de droit à compter du jour jugement à intervenir,

- Condamner la SAS Eagle Industry France à lui payer la somme de 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SAS Eagle Industry France en tous les frais et dépens.

Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2020, la SAS Eagle Industry France demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [A] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a en conséquence débouté M. [A] de ses demandes à ce titre ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS Eagle Industry France de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Statuant à nouveau, condamner M. [A] à payer à la SAS Eagle Industry France la somme de 1 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- En tout état de cause, condamner M. [A] à lui verser 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 2020.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

Il résulte des dispositions de l'article L 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et des dispositions de l'article L 1232-6 du même code que l'employeur qui décide de licencier un salarié, lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, cette lettre comportant l'énoncé du ou des motifs invoqués pour procéder à son licenciement.

La preuve du caractère réel et sérieux ou non des motifs du licenciement est l''uvre commune des parties, le juge devant former sa conviction au vu des éléments fournis par chaque partie, mais l'employeur ayant néanmoins l'obligation d'alléguer les faits précis sur lesquels il fonde le licenciement. Il convient donc d'apprécier successivement la réalité des faits imputés à la salariée au regard des éléments fournis par les deux parties, puis leur sérieux.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et les motifs invoqués devant être suffisamment précis, objectifs et vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement pour faute notifiée au salarié le 1er décembre 2016 est rédigée de la façon suivante :

« ' les motifs de licenciement sont les suivants :

Nous avons été alertés sur le fait que des salariés de l'équipe Grise du secteur de production usinage, équipe où vous êtes affecté, que l'ambiance s'était fortement détériorée, qu'il y avait de graves problèmes relationnels dans cette équipe au point que des salariés venaient avec « la boule au ventre » et souhaitaient changer d'équipe pour ne plus avoir à subir de pressions de la part des collègues de cette équipe Grise.

En effet, le 27/09/2016, une salariée de cette équipe est venue informer la Responsable RH qu'elle souhaitait changer d'équipe pour des problèmes de mauvaise ambiance. Le 29/09/2016, suite à un fait avéré de moquerie avec témoin, cette même salariée, accompagnée d'un membre du CHSCT et d'une salariée intérimaire a déclaré au Responsable de Production, M. [P] qu'il ne lui était plus possible de travailler dans cette équipe et de subir des agissements et des propos violents de la part de ses collègues, que cela la rendait malade. Elle était très éprouvée et déstabilisée, en pleurs. Le membre du CHSCT a alors précisé que cette personne se rendait malade au point d'être prise de vomissements avant sa prise de poste.

Nous l'avons changée temporairement d'équipe, en application du principe de précaution, convoqué le CHSCT le 04/10/2016 pour une réunion de travail extraordinaire le 06/10/2016 au cours de laquelle ont été actées une enquête et une audition des salariés pour vérifier les faits. Ont été entendus les membres de la délégation unique, le Responsable de service, les techniciens d'usinage, le personnel de l'équipe Grise, les salariés qui ont été affectés dans l'équipe Grise, le personnel intérimaire travaillant au secteur usinage, soit au total 26 personnes auditionnées.

Les résultats de l'enquête ont été communiqués au CHSCT le 24/10/2016, qui a conclu à des comportements inappropriés et intolérables de la part de trois salariés de cette équipe. Ceux-ci ont été convoqués à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.

Vous faites partie de ces trois salariés convoqués.

Ainsi, au vu des différents témoignages recensés lors de cette enquête, nous vous reprochons un comportement inapproprié et des agissements déplacés vis-à-vis de vos collègues.

En effet, vous vous moquez constamment de vos collègues, non seulement sur leur travail mais également sur leur physique (poids, handicap, problème de santé, etc.), ce qui n'est pas acceptable et vous colportez des rumeurs et des commérages.

De même, vous exercez des actions d'intimidation sur vos collègues sur leur poste de travail, par des regards insistants, en les dévisageant ou en les observant longuement, en rigolant méchamment.

Vous avez pratiqué également des actions de « mise à l'écart » où vous avez décidé, sans raison particulière, avec deux autres de vos collègues, de ne plus parler, de ne plus aider l'un ou l'autre ou encore de laisser à l'écart certains de vos collègues lors des pauses communes.

Ainsi, plusieurs de vos collègues ont eu l'occasion de « subir » ces pressions de votre part, que ce soient des anciens collègues ou des collègues actuels ou encore des intérimaires. Ils étaient tous en situation de stress et d'angoisse et voulaient changer d'équipe.

Ces agissements vis-à-vis du personnel de notre entreprise sont continuels et durent depuis plusieurs semaines. Ils sont purement inacceptables, et tout à fait prohibés par le règlement intérieur en vigueur dans notre société.

La conséquence directe de ces faits, de leur répétition, est une souffrance forte de vos collègues qui fait aujourd'hui craindre pour leur santé physique et mentale.

Il nous est, à ce jour, devenu impossible, compte tenu notamment de notre devoir de protection en tant qu'employeur vis-à-vis de nos salariés, de vous maintenir à nos effectifs, car votre attitude perturbe bien trop fortement le bon fonctionnement de notre organisation et met en péril l'équilibre de l'équipe de production et la sérénité de vos collègues de travail ».

La SAS Eagle Industry France soutient que le licenciement était une sanction proportionnée aux faits qu'elle qualifie de harcèlement moral qui lui avaient été dénoncés, et qu'il lui appartenait au titre de son obligation légale et réglementaire, ainsi que de son règlement intérieur, de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ces troubles.

M. [A] estime quant à lui que les griefs qui lui sont reprochés ne sont fondés sur aucun fait précis et que les attestations versées aux débats ne permettant pas de dire que les agissements lui sont personnellement imputables.

En l'espèce, la SAS Eagle Industry France verse aux débats notamment les témoignages suivants recueillis par le CHSCT lors de son enquête diligentée en octobre 2016, suite à une décision du 6 octobre 2016 :

- le 11 octobre 2016, M. [L] [P], responsable de production du secteur production-usinage, déclare qu' « il a provoqué deux réunions dans cette équipe (équipe grise) pour essayer de savoir d'où venait le malaise dans cette équipe afin de pouvoir agir et de pallier à ce problème. [D] [F] et [Z] [M] se sentant « opressées » et « sous surveillance » ont déclenché ces réunions ('). Le vendredi 29/09/2016 à 6 heures, sont venues me voir [M] [Z], [R] [NJ] (intérimaire) et [X] [B] (membre DUP + CHSCT). Il y avait eu un incident pendant la pause en poste de nuit, les deux personnes (Mme [E] et M. [O]) qui étaient dehors se seraient moqués d'elle, notamment par rapport à son strabisme ('). Mme [M] voulait déjà changer d'équipe au départ de [D] (juin 2016) car elle pensait être espionnée par ses collègues : M. [O], Mme [E] et M. [A] » ;

- le 11 octobre 2016, Mme [M] précise que « ces trois personnes (Mme [E] et MM. [O] et [A]) se moquaient d'elles (Mmes [M] et [F]), dénigraient leur travail, qu'elle ne faisait que de la merde » (') A l'heure actuelle, Mme [M] pense « que cela doit bien les énerver car elle gère seule les machines et n'a pas besoin de leur aide ». Mais ils continuent de l'observer, de rigoler et de parler sur elle » ;

- le 14 octobre 2016, Mme [NJ] [R], intérimaire, expose qu' « il y a 3 personnes qui se moquent des autres et qui sont Mme [E] [I], M. [O] [DN], M. [A] [KC] ». Elle précise qu'elle « a été directement témoin d'agissements inappropriés. En poste de nuit, le jeudi 29/09/2016, alors qu'elle était en pause avec M.[O], M. [A], Mme [E] et M. [VX] à l'extérieur, elle a entendu ces trois premières personnes dire du mal de Mme [M], la critiquant sur son physique, notamment son problème aux yeux » ;

- le 13 octobre 2016, Mme [Y] [H], intérimaire, précise que « pour elle, les trois personnes « responsables » de cet état de fait sont : Mme [E] [I] et deux personnes influencées par le pouvoir manipulateur de Mme [E] : M. [O] [DN] et M. [A] [KC]. Dès son 1er jour de travail, Mme [H] a remarqué que ces trois personnes parlaient beaucoup sur toutes les personnes de l'usine y compris les personnes du service administratif. Elle était directement témoin.

Comme elle suit toutes les personnes du service administratif (en 3x8), pour elle, « c'est un « spectacle flagrant », trois personnes s'amusent bien à se moquer des autres personnes de l'entreprise ('). Elle a souvent noté beaucoup de moqueries concernant le physique de certains salariés, a entendu Mme [E] se plaindre et critiquer les autres équipes. Pour Mme [H], Mme [E] est « une manipulatrice ». Elle a été témoin et vu pleurer Mme [V] [MF], apparemment « poussée à bout » par Mme [E]. (') Mme [H] déclare que tout le monde a été visé par Mme [E], que ce soit concernant des moqueries sur le physique ou sur le travail ('). Pour elle, l'élément déclencheur, c'est la mentalité des personnes, qui « critiquent pour faire du mal ».

- le 11 octobre 2016, Mme [D] [F], ancienne opératrice d'usinage de l'équipe grise relate qu' « elle a ensuite été elle-même victime de moqueries sur son physique de la part de Mme [E], M. [O] et M. [A]. (') Mme [F] a entendu directement ces critiques envers les gens des bureaux de la part de Mme [E] ('). Ce qui ne fonctionne pas dans l'équipe grise, c'est le trio : [I] [E], [DN] [O] et [A] [KC]. Ils l'accusaient d'avoir passé tout un dimanche sans travailler. Ces 3 personnes l'observaient quand elle était sur les machines et elle, quand on l'observe, elle perd tous ses moyens. Le pire, c'est quand ils sont tous les 3 ensemble : ils observent avec insistance et ils rigolent » ;

- M. [C] [W], opérateur de production du secteur usinage équipe grise, indique que « M. [P] a fait des réunions d'équipe pour des problèmes de comportement car certaines personnes se donnaient le droit de juger les autres, sur leur travail, leur tenue vestimentaire ou leur physique (') il (M. [W]) a été témoin de propos inappropriés, de choses pas saines (') ce sont notamment toujours les 3 mêmes personnes : [KC] [A], le suiveur, il n'est pas bien méchant, [I] [E], la « reine-mère » qui mène la danse, et [DN] [O] » ;

- le 13 octobre 2016, M. [G] [U], opérateur de production et par ailleurs délégué du personnel, indique qu' « il a le sentiment personnel qu'on essaye de lui mettre « des bâtons dans les roues », de saboter son travail. Le « on » représente selon lui tout le monde sauf [C] [W] et [N] [BX], donc [I] [E], [KC] [A] et [DN] [O]. Pour lui c'est un comportement inacceptable » ;

- le 14 octobre 2016, M. [S] [AC], technicien d'usinage, précise que « dans l'équipe grise, M. [AC] confirme que tout se passe bien avec M. [W] et M.[BX] mais que pour les trois autres personnes, à savoir Mme [E], M.[A] et M. [O], ils peuvent se monter la tête. Ceci est peut être une explication à l'ambiance actuelle ».

En outre, Mme [M], dans son courrier en date du 10 octobre 2016, rapporte notamment qu'au mois de juin 2016, « pendant que nous avons travaillé, Mme [E], [K] et [T] sont passés régulièrement et se sont moqués en pouffant de rire. Ils sont venus chercher mon collègue [C] sans que je m'en aperçoive et l'ont emmené en pause sans me prévenir pourquoi ne pas me demander de les accompagner ' (') toujours au mois de juin, la même semaine que le cas ci-dessus, (') mes collègues m'ont répondu qu'ils avaient déjà tous pris cette pause, une partie du personnel à la 1ere pause et une partie à la deuxième pause. Pourquoi mes collègues ne sont pas venus me voir pour me demander de les accompagner comme ils l'ont fait avec les intérimaires ' ('). Autre exemple : j'étais au Center Post (') et les trois personnes déjà citées ci-dessus se permettaient de m'observer à l'écart et de me critiquer à gorge déployée. Dans tous les cas Madame la Responsable des Ressources Humaines, ces moqueries ont lieu quotidiennement. (') Mme [J], je ne vois pas ce que viens faire mon aspect physique sur mon lieu de travail et encore moins ma maladie de naissance « Nystagmus + orthotropie et un strabisme », j'ai du être opérée deux fois pour ces handicaps, de plus imaginez les moqueries que j'ai dû subir des autres enfants à l'école et les angoisses, vous ne croyez pas que j'en ai assez souffert, je ne pense pas devoir arriver à l'âge adulte pour être harcelée par mes collègues sur mes yeux ».

D'autres salariés expliquent, sans avoir été témoin de moqueries ou d'actes vexatoires, que Mme [M] était mise à l'écart au sein de son équipe (MM. [XB], [PM]), qu'elle était vue parfois en pleurs (M. [GV]), et qu'elle leur indiquait connaître des problèmes dans son équipe (Mme [MF], M.[GV]).

Par ailleurs, le CHSCT conclut de la façon suivante dans son procès-verbal du 24 octobre 2016, établi à l'issue de l'enquête :

« Une mauvaise ambiance règne dans l'équipe « grise » du secteur usinage. La mésentente entre certains et le manque d'entraide sont évidents. De manière plus grave, 3 personnes de l'équipe se livrent à des moqueries, à des propos déplacés, à des comportements blessants.

Mme [M] est bien victime de harcèlement moral de la part de :

- M. [A]

- M. [O]

- Mme [E] ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si des comportements fautifs (moqueries, propos déplacés, comportements blessants) sont reprochés à trois salariés, agissant le plus souvent ensemble, M. [A] est nommément reconnu par les témoins comme participant à ces agissements.

Le comportement inapproprié et irrespectueux de M. [A] envers plusieurs de ses collègues est caractérisé par les nombreux témoignages apportés dans le cadre de l'enquête du CHSCT tels que produits par la SAS Eagle Industry France, et non contredits par des éléments apportés par le salarié qui ne se limite qu'à leur critique.

Ce comportement peut être qualifié de fautif compte tenu de la réitération sur plusieurs mois de ces agissements déplacés, de l'avertissement donné par le responsable de production M. [P] dès l'été 2016 lors d'une réunion destinée à mettre en garde sur les comportements déplacés au sein de l'équipe, de l'atteinte à la dignité et à la santé mentale de Mme [M] et d'autres collègues qu'ils étaient susceptibles de porter, répondant à la définition de harcèlement moral pour lequel l'employeur avait une obligation légale de protéger ses salariés.

Dès lors, la faute de M. [A] est caractérisée, et son licenciement constitue une sanction proportionnée, de sorte qu'il est pourvu d'une cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [A] de ses demandes aux fins de déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé par la SAS Eagle Industry France à son encontre le 1er décembre 2016, et de la condamner à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [A], partie perdante à l'instance, sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité commande de laisser à la SAS Eagle Industry France la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés dans la présente procédure. Sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel sera dès lors rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la SAS Eagle Industry France de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne M. [KC] [A] aux dépens d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Metz
Formation : Chambre sociale-section 1
Numéro d'arrêt : 19/02338
Date de la décision : 25/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-25;19.02338 ?
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