Arrêt no 18/00025
31 Janvier 2018
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RG No 17/02411
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
23 Avril 2014
12/0671 AD
-------------------------RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Trente et un janvier deux mille dix huit
DEMANDERESSES A LA REPRISE D'INSTANCE
APPELANTES :
Madame Déborah X...
[...]
Représentée par Me Ralph Y... substitué à l'audience par Me Z... A..., avocats au barreau de METZ
UL CGT
[...]
Représentée par Me Ralph Y... substitué à l'audience par Me Z... A..., avocats au barreau de METZ
DEFENDERESSE A LA REPRISE D'INSTANCE
INTIMÉE :
SA KINEPOLIS prise en la personne de son représentant légal
[...]
[...]
Représentée par Me Joséphine D..., avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller
Monsieur Jacques LAFOSSE, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Geneviève BORNE
En présence lors des débats de Madame Cindy C..., juriste assistante
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre, et par Monsieur Ralph TSENG, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme Déborah X... a été embauchée par la société Kinépolis en qualité d'agent d'accueil par contrat à durée indéterminée à temps partiel mensualisé signé le 8 juillet 2008 et un avenant a été ultérieurement conclu portant sur la durée hebdomadaire du travail.
La relation de travail est soumise à la convention collective nationale de l'exploitation cinématographique du 19 juillet 1984.
Par demande introductive d'instance enregistrée au greffe le 13 juin 2012, Mme Déborah X... a saisi le conseil des prud'hommes aux fins de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, en sollicitant le paiement du rappel de salaire découlant de cette requalification, et aux fins de paiement d'un rappel de prime de caisse et de prime d'intéressement en sollicitant le paiement de ces primes pour l'avenir après avoir fait injonction à l'employeur d'en fixer le mode de calcul.
L'Union locale CGT, aux côtés de la salariée, a demandé le paiement de dommages-et-intérêts en réparation de l'atteinte portée aux intérêts de la profession.
Par jugement en date du 23 avril 2014, le conseil des prud'hommes de Metz, section activités diverses, a :
- débouté Mme Déborah X... de tous ses chefs de demande,
- débouté la SA Kinépolis de tous ses chefs de demande,
- débouté le syndicat UL CGT de Metz de sa demande au titre de l'indemnisation du préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente,
- dit que chaque partie supportera ses dépens.
Par déclaration formée le 20 mai 2014, Mme Déborah X... et le syndicat UL CGT ont régulièrement fait appel du dit jugement.
Un calendrier de procédure a été fixé le 4 novembre 2014, invitant les appelants à déposer au greffe leurs explications écrites avant le 1er février 2015 et l'intimée avant le 1er avril 2015, les parties étant convoquées devant la cour à l'audience du 1er juin 2015.
A l'audience du 1er juin 2015, en l'absence de toutes conclusions, la cour a ordonné la radiation de l'affaire et dit que l'affaire ne pourra être rétablie que sur justification du dépôt des conclusions des parties appelantes, ou, à défaut et passé un délai de 3 mois, sur demande de la partie intimée avec dépôt de ses conclusions.
Par conclusions enregistrées au greffe le 29 août 2017, Mme Déborah X... et le syndicat UL CGT de Metz ont repris l'instance, en demandant à la cour, en infirmant le jugement entrepris, de :
requalifier l'ensemble de la relation contractuelle de Mme Déborah X... en un contrat à temps complet,
condamner la SA Kinépolis à verser à Mme Déborah X... les sommes suivantes:
- 5 000 € nets à titre de dommages-et-intérêts pour perte de chance de bénéficier de la prime de caisse,
- 3 374,96 € bruts au titre de la prime d'intéressement de juillet 2008 à juin 2016 inclus,
- 9 000 € nets à titre de dommages-et-intérêts en réparation du fait de la résistance abusive de l'employeur,
- 36 684,58 € bruts de rappel de salaires de juillet 2008 à mars 2016 outre 3 668,46€ bruts au titre des congés payés y afférents,
condamner la société Kinépolis à rémunérer Mme X... conformément à une durée du travail de 151,57 heures par mois pour l'avenir,
condamner la société Kinépolis à payer à Mme X... la prime d'intéressement et de caisse pour l'avenir et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard et par prime passé le délai de 15 jours après le mois échu ouvrant droit à ces primes,
condamner la SA Kinépolis à verser à Mme Déborah X... la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la SA Kinépolis à verser au syndicat Union locale CGT la somme de 5 000 € nets en réparation de son préjudice,
condamner la SA Kinépolis aux entiers frais et dépens.
Les parties ont été régulièrement convoquées pour l'audience du 6 décembre 2017 en étant invitées à formuler leurs observations sur la péremption d'instance relevée d'office par application de l'article 3 du décret no2017-892 du 6 mai 2017.
Les débats lors de l'audience du 6 décembre 2017 ont été limités à la question de la péremption d'instance.
Par conclusions datées du 29 novembre 2017, reprises oralement lors de l'audience par leur conseil, Mme Déborah X... et le syndicat Union locale CGT de Metz demandent à la cour de rejeter l'exception de péremption.
Les appelants se prévalent de l'effet interruptif du délai de péremption que revêtent la sommation de production de pièces en date du 16 avril 2016 adressée à la société Kinépolis et le courrier officiel adressé par télécopie le 18 avril 2016 au conseil de l'employeur, aux fins d'obtenir les pièces nécessaires au calcul de la prime de responsabilité de caisse. Ils soutiennent que ces mises en demeure constituent une démarche traduisant une impulsion processuelle, puisque les pièces demandées sont indispensables pour calculer la prime de caisse à laquelle a droit la salariée et c'est face au refus opposé par l'employeur que la salariée s'est résolue, dans le cadre de la reprise d'instance, à solliciter le paiement de dommages-et-intérêts à défaut pour elle de pouvoir effectuer un calcul exact de cette prime. Ils considèrent que cette diligence interrompt le délai de péremption, de sorte que la péremption d'instance n'est pas acquise au jour de la reprise d'instance, que le point de départ du délai soit fixé au 1er juin 2015, lors de la radiation de l'affaire, ou en novembre 2014 lors de la fixation du calendrier du procédure.
Par conclusions déposées à la barre le 6 décembre 2017, reprises oralement par son conseil, la société Kinépolis demande à la cour ( et non au juge de la mise en état près la cour d'appel comme mentionné dans l'écrit), sur le fondement des articles R.1452-8 du code du travail et 383 et 386 du code de procédure civile, de dire l'instance périmée.
Rappelant la spécificité des dispositions de l'article R.1452-8 du code du travail pour la procédure prud'homale, la société intimée réplique que la sommation de communiquer visée par les appelants n'a aucune valeur interruptive de péremption, puisque d'une part cette demande n'avait aucun sens puisque le montant de la prime de caisse est fixé unilatéralement par l'employeur, la prime concernant en outre des personnels autres que les agents d'accueil comme l'a jugé le conseil des prud'hommes, et puisque d'autre part et surtout elle ne répond pas à une diligence expressément mise à la charge d'une partie qui seule, en matière sociale, peut interrompre le délai de péremption. La péremption court à compter du 14 novembre 2014 et pour le moins à compter du 1er juin 2015 et les appelants n'ont pas déposé de conclusions avant la reprise d'instance en août 2017 et n'ont donc pas accompli la diligence expressément mise à leur charge dans le calendrier de procédure fixé le 14 novembre 2014 puis dans l'ordonnance de radiation du 1er juin 2015 pour rétablir l'affaire.
SUR CE :
Vu les conclusions susvisées des parties auxquelles la Cour se réfère conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ; vu les pièces ;
Attendu que conformément à l'article 388 alinéa 2 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret no2017-892 du 6 mai 2017 d'application immédiate, le juge peut constater d'office la péremption après avoir invité les parties à présenter leurs observations ;
Attendu que par application de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligence pendant deux ans ;
Attendu que seule peut interrompre le délai de péremption une diligence émanant d'une des parties ; qu'il s'ensuit que la radiation prononcée par le juge n'a pas d'effet interruptif au regard de la péremption d'instance qui commence à courir dès l'introduction de l'instance, ici l'instance d'appel lors de la déclaration d'appel formée le 20 mai 2014 ;
Attendu que l'article R.1452-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret no 2016-660 du 20 mai 2016, disposait que, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ;
que si ces dispositions ont été abrogées par le décret du 20 mai 2016, elles restent applicables en l'espèce jusqu'à cette date à l'instance d'appel introduite le 20 mai 2014 ;
qu'en vertu de ces dispositions, il s'ensuit que seul l'accomplissement d'une diligence mise expressément à la charge des parties par la juridiction peut interrompre le délai de péremption ;
Attendu qu'en l'espèce il a été expressément mis à la charge des appelants l'obligation de déposer leurs explications écrites avant le 1er février 2015 lors de la fixation du calendrier de procédure le 4 novembre 2014, puis de déposer des conclusions pour réinscrire l'affaire au rôle et reprendre l'instance par l'ordonnance de radiation prononcée le 1er juin 2015 ;
qu'il est constant que les appelants n'ont pas déposé de conclusions avant leurs conclusions de reprise d'instance enregistrées au greffe le 29 août 2017 ;
qu'il est ainsi établi que les appelants n'ont pas satisfait aux diligences qui étaient mises à leur charge par la juridiction, dans les temps prescrits, et en tout cas dans le délai de deux ans courant à compter de la déclaration d'appel du 20 mai 2014 ;
que les conseils des parties ont certes comparu lors de l'audience du 1er juin 2015 à laquelle la radiation a été prononcée ; que cependant, en matière de procédure orale, la seule comparution à une audience lors de laquelle est prononcée la radiation ne constitue pas, par elle-même, une diligence de nature à interrompre le délai de péremption de l'instance ;
Attendu que l'abrogation des dispositions précitées de l'article R.1452-8 du code du travail par le décret du 20 mai 2016 ne valant que pour l'avenir, sans effet rétroactif, la diligence accomplie par une partie antérieurement au 20 mai 2016 se doit, pour être interruptive de péremption, de répondre aux exigences posées par ces dispositions ;
Attendu qu'en l'espèce, le conseil des "salariés : X.../ B.../ F.../ G... et H...", ainsi qu'il y est précisé, a adressé à la société Kinépolis une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 16 avril 2016 la mettant "en demeure de produire toutes pièces nécessaires au calcul de la prime de responsabilité de caisse définie à l'article 41 de la convention collective nationale de l'exploitation cinématographique" et a adressé par télécopie du 16 avril 2016 au conseil de la société Kinépolis la sommation de communiquer ces mêmes pièces ;
que ces diligences des appelants, accomplies antérieurement au 20 mai 2016, ne répondent pas à une diligence mise expressément à la charge des appelants par la juridiction et ne sont donc pas de nature à interrompre la péremption d'instance au regard des dispositions de l'article R.1452-8 du code du travail alors applicables ;
qu'en outre et en tout état de cause, ces courriers ne sont pas de nature à faire progresser l'affaire ; qu'en effet, la demande de pièces se rattache à un seul des chefs de demande, à savoir la prime de caisse, et uniquement à son calcul alors que force est de relever que le conseil des prud'hommes a rejeté la demande de prime de caisse en considérant que cette prime ne bénéficie par la convention collective qu'aux salariés dont la fonction principale est la tenue de caisse et que les fonctions d'agent d'accueil exercées par Mme Déborah X..., ne concernant pas la tenue d'une caisse, ne lui ouvrent pas droit à cette prime; que les appelants pouvaient donc, indépendamment des pièces sollicitées, prendre position sur les différents chefs de demande en formulant leurs critiques du jugement entrepris, ne serait-ce sur le point litigieux spécifique de la prime de caisse qu'en présentant les moyens selon lesquels cette prime serait due dans son principe contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ;
Attendu que ces mise en demeure et sommation de communiquer des 14 et 16 avril 2016 n'ont donc pas interrompu le délai de péremption ;
qu'il s'ensuit dès lors que le délai de deux ans s'est écoulé depuis la déclaration d'appel du 20 mai 2014 sans accomplissement de diligences interruptives de péremption par les parties ;
qu'il convient en conséquence de constater que lors de la reprise d'instance par les appelants par leurs conclusions enregistrées au greffe le 29 août 2017, la péremption d'instance est acquise ;
que la péremption d'instance ne peut qu'être constatée, même à prendre comme point de départ comme le font les parties la fixation du calendrier de procédure le 4 novembre 2014 ou la radiation prononcée le 1er juin 2015 dès lors que les courriers d'avril 2016 n'ont aucune valeur interruptive ;
Attendu qu'il convient de constater l'extinction de l'instance par l'effet de la péremption, les frais et dépens d'appel restant à la charge des appelants qui ont laissé l'instance se périmer ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu l'article 388 alinéa 2 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret no2017-892 du 6 mai 2017, vu les articles 386 et 389 du code de procédure civile ;
- Constate la péremption d'instance et par conséquence l'extinction de l'instance d'appel ;
- Rappelle que conformément à l'article 390 du code de procédure civile, la péremption en cause d'appel confère au jugement de première instance la force de la chose jugée ;
- Condamne Mme Déborah X... et le syndicat Union locale CGT de Metz aux entiers frais et dépens d'appel.
Le Greffier, La Présidente de Chambre,