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20/12/2017 | FRANCE | N°16/004351

France | France, Cour d'appel de metz, S1, 20 décembre 2017, 16/004351


Arrêt no 17/00630

20 Décembre 2017
---------------------
RG No 16/00435
-------------------------
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH
14 Décembre 2015
F 13/00194
-------------------------RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt Décembre deux mille dix sept

APPELANT :

Monsieur I...
[...]                                 
Représenté par Me Amadou X..., avocat au barreau de METZ

INTIMÉE

:

CENTRE AIDE PAR LE TRAVAIL venant aux droits de l'association CAPH

[...]                
Représentée par Me Sébastien Y..., avocat au barreau de STRASBOURG, sub...

Arrêt no 17/00630

20 Décembre 2017
---------------------
RG No 16/00435
-------------------------
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORBACH
14 Décembre 2015
F 13/00194
-------------------------RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

vingt Décembre deux mille dix sept

APPELANT :

Monsieur I...
[...]                                 
Représenté par Me Amadou X..., avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CENTRE AIDE PAR LE TRAVAIL venant aux droits de l'association CAPH

[...]                
Représentée par Me Sébastien Y..., avocat au barreau de STRASBOURG, substitué à l'audience par Me Hanane J... , avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre
Monsieur Jacques LAFOSSE, Conseiller
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Ralph TSENG

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Renée-Michèle OTT, Présidente de Chambre, et par Monsieur Ralph TSENG, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. I... a été embauché par l'Association Coordination pour l'Accueil des Personnes Handicapées de [...] (CAPH) en contrat à durée déterminée à compter du 2 octobre 2006, puis en contrat à durée indéterminée à compter du 2 avril 2007, en qualité d'éducateur spécialisé. Il percevait une rémunération de 1756,74 € brut.

La relation de travail était soumise à la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées à but non lucratif du 15 mars 1966.

Par courrier en date du 13 mars 2010, M. I... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire et s'est vu notifier une mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de la procédure disciplinaire en cours.

Puis, par courrier en date du 26 mars 2010, M. I... a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, l'employeur lui confirmant dans le même courrier la mise à pied à titre conservatoire notifiée verbalement le 12 mars 2010.

M. I... a été licencié pour faute grave le 15 avril 2010.

Par demande introductive d'instance enregistrée au greffe le 3 septembre 2010, M. I... a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de contester son licenciement dont il a sollicité l'indemnisation.

Par jugement du 14 décembre 2015, le conseil de prud'hommes de Forbach, section activités diverses, a :
• dit le licenciement de Monsieur I... sans cause réelle et sérieuse,
• condamné le Centre d'Aide par le Travail à payer à Monsieur I... les sommes suivantes :
- 1 990,53 € brut correspondant au salaire de la mise à pied conservatoire du 12 mars au 15 avril 2010,
- 199,05 € brut au titre des congés payés afférents au salaire relatif à la mise à pied conservatoire,
- 3 512 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 351,20 € au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,
- 2 987 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 10 536 € à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
• rappelé que ce jugement est de droit exécutoire à titre provisoire, dans la limite de 9 mois de salaire, sauf en ce qui concerne les dommages-intérêts, l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens et décidé d'ordonner l'exécution provisoire pour les dommages-intérêts accordés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• condamné le Centre d'Aide par le Travail aux entiers frais et dépens.

Par déclaration formée au greffe le 2 février 2016, M. I... a régulièrement interjeté appel du dit jugement dont il a reçu notification le 20 janvier 2016 au vu de l'émargement de l'accusé de réception postal.

Par ses conclusions datées du 13 juin 2017, reprises oralement lors des débats par son conseil, M. I... , demande à la cour de :
• constater la nullité du licenciement,
• dire que le licenciement de Monsieur I... est nul,
à titre infiniment subsidiaire
• dire que le licenciement de Monsieur I... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
• confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Forbach quant aux montants alloués sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• condamner l'employeur à payer à Monsieur I... la somme de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• condamner l'employeur à verser à Monsieur I... la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
• condamner l'employeur aux entiers frais et dépens.

Interpellé lors des débats sur la question de l'irrégularité de la procédure soulevée dans les motifs des conclusions sans qu'une demande spécifique ne soit faite de ce chef au dispositif des conclusions, le conseil de l'appelant précise qu'il convient de prendre en compte uniquement les demandes figurant dans le dispositif de ses conclusions.

Par ses conclusions datées du 14 septembre 2017, reprises oralement lors des débats par son conseil, le centre d'aide par le travail, demande à la cour de :
• Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Forbach du 14 décembre 2015,
• Déclarer la demande de Monsieur I... non fondée,
• Débouter Monsieur I... de l'intégralité de sa demande,
• Condamner Monsieur I... aux entiers frais et dépens de la procédure ainsi qu'à une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE :

Vu les conclusions susvisées des parties auxquelles la Cour se réfère conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ; vu les pièces ;

Attendu que M. I... a été licencié pour faute grave par lettre du 15 avril 2010 dans les termes suivants :
" Suite à notre entretien du 13 avril 2010, nous vous confirmons votre licenciement pour faute grave à réception de la présente.

En effet, plusieurs salariés du FAS de [...] se sont plaints par écrit de votre comportement professionnel. Ces plaintes concernent essentiellement votre positionnement face aux résidents, à l'équipe des professionnels et à la chef de service. Elles sont les suivantes :

1. Non respect des décisions d'équipe prise pendant vos absence et remise en cause dès votre retour,
2. Menaces de licenciement suggérés à certains membres du personnel au regard du fait que vous seriez la porte parole de la direction et interdiction pour les professionnels de s'adresser à la direction,
3. Rétention d'informations ce qui empêche la continuité de la prise en charge des résidents,
4. Emploi du temps des professionnels préparés par vous selon votre bon vouloir et non en fonction des règles établies au regard du droit du travail puis collectivement,
5. Manque de rigueur dans la tenue de caisse et retard important dans la production de justificatifs de dépenses pour le service comptabilité,
6. Retards récurrents à votre prise de poste ainsi qu'au moment de certains repas, ce qui oblige les résidents et vos collègues à vous attendre, altère la qualité et la température des repas servis et oblige certains collègues à prolonger leur temps de travail,
7. Manque de respect face à vos collègues directs et à la chef de service,
8. Constatation d'une "souffrance sérieuse d'équipe", vous impliquant directement, par une intervenante extérieure agissant sur l'analyse des pratiques (suite à une de demande de la direction),
9. Convocation de collègues à des entretiens sans avoir reçu délégation à cet effet,
10. Utilisation du cahier de liaison pour "régler des comptes" avec certains collègues de l'équipe.

Face à ces plaintes et au regard de votre fiche de poste, il a été constaté :

Sur vos missions :

• Un débordement important en ce qui concerne vos interventions vis-à-vis de vos collègues et le rôle hiérarchique que vous vous octroyez sans que votre fiche de poste vous le permette.

Sur la relation avec le personnel :

• Un non respect du rôle hiérarchique du chef de service (courriel adressé à Mme A...) qui n'a rien à voir avec de l'humour,
• Vous n'établissez pas une coopération avec les différents professionnels du FAS mais vous les soumettez à votre autorité en prétendant être le porte parole de la direction alors que votre fiche de poste ne le permet pas et que le porte parole de la direction est le chef de service,
• Retards récurrents à la prise de poste et ainsi non respect des collègues et du fonctionnement de l'établissement.

Sur la relation avec les usagers :
• Retards récurrents au moment des repas, ce qui oblige les résidents à une attente injustifiée et à une qualité de repas moindre (un réchauffement trop long des dîners altère leur qualité) et prolonge parfois indûment les périodes de travail des agents de service intérieur,
• Aucun projet individuel et avenant aux contrats de séjour n'a été rédigé alors que la loi no2002-2 nous y oblige et que votre fiche de poste y fait référence,
• Aucune mesure n'a été mise en place favorisant la bientraitance des résidents telles que des enquêtes de satisfactions, des grilles d'auto évaluation pour l'équipe des professionnels, etc...

Enfin, nous vous confirmons également votre mise à pied à titre conservatoire pendant la procédure de licenciement."

Sur la nullité du licenciement :
Attendu que l'appelant conclut à la nullité de son licenciement en excipant des dispositions de l'article L.313-24 du code de l'action sociale et des familles, selon lesquelles dans les établissements mentionnés à l'article L.312-1 du même code, le fait qu'un salarié ou un agent a témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à une personne recueillie ou relaté de tels agissements ne peut être pris en considération pour décider de mesures défavorables le concernant ou pour décider la résiliation du contrat de travail ou une sanction disciplinaire;

que l'appelant soutient ainsi que son licenciement fait suite à sa dénonciation de faits de violence dont aurait été victime une résidente du foyer de la part d'un membre du personnel, Mme B..., sa hiérarchie lui ayant reproché d'avoir établi un rapport de cet incident; que selon lui, la mention dans la lettre de licenciement de "l'utilisation du cahier de liaison pour régler des comptes avec certains collègues de l'équipe" suffit à caractériser ce grief qui rend nul le licenciement intervenu en sanction de ce signalement de maltraitance ;

Attendu que l'employeur intimé oppose la prescription de deux ans à cette demande en nullité du licenciement faite pour la première fois en appel le 13 juin 2017, alors que le délai de prescription court à compter du licenciement intervenu le 15 avril 2010 ; que même la prescription antérieure de 5 ans serait acquise ;

Mais attendu que l'instance ayant été introduite le 3 septembre 2010 sous l'empire de la loi du 17 juin 2008 fixant le délai de prescription en matière d'action mobilière personnelle à cinq ans, elle reste régie par ces dispositions relatives à la prescription ;

que conformément aux articles 2231 et 2241 du code civil la demande en justice interrompt le délai de prescription ; que selon l'article 2242 du même code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance;

que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail eu égard au principe d'unicité d'instance alors applicable ;

que le salarié, ayant dès le 3 septembre 2010 saisi le conseil des prud'hommes pour contester son licenciement prononcé le 15 avril 2010 en demandant qu'il soit déclaré sans cause réelle et sérieuse, n'encourait à l'époque aucune prescription et l'effet interruptif d'instance perdure pour l'instance se poursuivant à hauteur d'appel, de sorte que, contrairement à ce que soutient l'intimé, la demande en nullité du licenciement, certes présentée pour la première fois devant la cour, ne se heurte à aucune prescription ;

Attendu que l'employeur, au fond, se défend d'avoir licencié M. I... par suite du témoignage de celui-ci, se référant en cela aux différents griefs qui sont listés dans la lettre de licenciement ;

Attendu que l'appelant produit le rapport d'incident qu'il a le 23 février 2010 co-signé avec Mme Tania C..., relatant des faits survenus les 22 et 23 février 2010 concernant une pensionnaire, Mlle D..., en proie à d'importants pleurs qu'elle aurait expliqués par une claque donnée par "Monique", ce rapport mettant ainsi en cause Mme Monique B..., autre salariée de l'établissement ; que ce rapport précise en conclusion que : "M. I... décide de prévenir Mme A..., chef du service éducatif, pour lui demander si c'était possible de voir l'usager. Mme A... étant attendue dans une réunion, elle demande à M. I... de lui exposer la situation. Ce dernier lui fait un résumé de la situation par téléphone. Mme A... lui demande alors de faire une note et de la lui transmettre par mail, elle informera M. E..., directeur intérimaire, de la situation. M. I... effectue ce rapport en présence de Mme C.... Cette dernière relit le rapport et le valide avant de quitter son poste. Le rapport est transmis le 23/02/2010 à Mme A..., chef de service éducatif;" ;

que l'intimé ne peut donc sérieusement soutenir, comme il le fait en page 5 de ses conclusions, que la dénonciation des faits par M. I... "n'a jamais été porté à la connaissance de l'employeur", alors que ce rapport fait clairement état de la transmission assurée auprès de la supérieure hiérarchique de l'appelant, et que surtout l'intimé, non sans se contredire, explique dans ses conclusions qu'il n'y a aucune prescription des faits fautifs pouvant être reprochés au salarié dès lors que l'employeur a eu connaissance des agissements révélés par Mme B... et une autre salariée lors des investigations menées par lui suite à la plainte d'une résidente le 25 février 2010 auprès de M. I... d'avoir reçu une claque au visage ;

qu'ainsi, il existe certes une concomitance proche entre l'établissement et la transmission du rapport d'incident par M. I... et la convocation de celui-ci dès le 12 mars 2010 pour un premier entretien préalable à une sanction disciplinaire, même s'il n'est pas alors précisé à la différence de la seconde convocation que la sanction disciplinaire peut aller jusqu'au licenciement ;

que toutefois cet élément chronologique ne peut suffire à lui seul à établir que le licenciement est prononcé en rétorsion du signalement d'un acte de maltraitance ;

qu'en effet, la lettre de licenciement telle que reproduite ci-dessus ne comporte aucune référence expresse ni allusion, directe ou indirecte, à l'incident intéressant la résidente et rapporté par M. I... , étant souligné que le grief fait de l'utilisation du cahier de liaison sur lequel insiste l'appelant ne peut se rattacher à la dénonciation, dont il est constant qu'elle a fait l'objet d'un rapport d'incident établi de façon distincte d'une mention sur un simple cahier;

Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter la demande, non-fondée, en nullité du licenciement ;

Sur le licenciement pour faute grave :
sur le délai de notification du licenciement :
Attendu que l'appelant fait valoir en premier lieu que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, dans la mesure où la notification par lettre recommandée avec accusé de réception en a été faite tardivement par l'employeur, au-delà du délai d'un mois à compter de l'entretien préalable, seul devant être prise en compte la date du premier entretien tenu le 15 mars 2010 de façon irrégulière ;

que l'intimé réplique que la procédure de licenciement a débuté le 26 mars 2010, et non le 12 mars 2010 puisque lors de l'entretien du 15 mars 2010 "il a été échangé sur la possibilité d'une rupture conventionnelle" et que cette approche n'a pas abouti, sans que cela n'ait une quelconque influence sur la validité de la procédure de licenciement mise en oeuvre par la suite ; que l'envoi de la lettre de licenciement par voie postale le 16 avril 2010 intervient donc dans les délais exigés suite à l'entretien qui s'est déroulé le 13 avril ;

Attendu que par application combinée des dispositions des articles L.1232-6 et L.1332-2 du code du travail, le licenciement pour motif disciplinaire est notifié par une lettre recommandée avec accusé de réception qui ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien ;

Attendu qu'il est constant que M. I... a été convoqué le 12 mars 2010 à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire, entretien devant se dérouler le 15 mars 2010; que cette convocation ne précise pas que la sanction disciplinaire ainsi envisagée peut aller jusqu'au licenciement ;

qu'à l'issue de cet entretien, l'employeur n'a pas épuisé son pouvoir disciplinaire, puisqu'il n'a ni notifié au salarié une quelconque sanction ni fait savoir au salarié qu'il renonçait au prononcé d'une sanction en ne réservant aucune suite à la procédure disciplinaire initiée ;
qu'il est loisible à l'employeur, en fonction des éléments recueillis au cours de l'entretien, d'estimer que la sanction envisagée initialement n'est pas d'une sévérité suffisante et d'envisager alors un licenciement disciplinaire qui suppose, pour que la procédure soit régulière, de recourir à un nouvel entretien préalable cette fois en vue d'un licenciement disciplinaire ; que c'est donc de façon inopérante que l'appelant s'en tient au premier entretien préalable pour soutenir que la notification du licenciement est tardive ;

qu'il faut en effet se reporter au second entretien préalable, auquel M. I... a été expressément convoqué le 26 mars 2010 "en vue d'une sanction disciplinaire susceptible d'entraîner votre licenciement" ; que cet entretien a eu lieu le 13 avril 2010 ( mardi) et a été suivi par le licenciement opéré par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 15 avril 2010 (jeudi), mais dont l'employeur justifie par l'avis postal que ce courrier n'a été expédié par la poste que le 16 avril 2010 ( vendredi), de sorte que la notification du licenciement intervient bien dans le délai d'un mois exigé, courant à compter du 13 avril, et en respectant le délai d'envoi de deux jours francs ;

Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter ce premier moyen invoqué par l'appelant, les autres irrégularités de procédure qu'il soulève n'étant en tout état de cause pas de nature à rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

sur la faute grave :
Attendu que la faute grave privative du droit aux indemnités de rupture, qu'il appartient à l'employeur de démontrer, correspond à un fait ou un ensemble de faits qui, imputables au salarié, constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;

Attendu que cette lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

qu'aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur reproche en substance au salarié son comportement face aux résidents dont il compromet la prise en charge éducative et le bien-être, en particulier par des retards réitérés, ainsi que face à l'équipe des professionnels par notamment un abus d'autorité ;

Attendu qu'il convient tout d'abord de relever que l'appelant n'invoque pas la prescription de deux mois, s'agissant des faits fautifs que l'employeur explique, sans être contredit, avoir découvert le 1er mars 2010 par la révélation faite par deux salariés dont Mme B..., mise en cause dans le rapport d'incident précédemment évoqué, et ce dans le cadre des investigations menées suite à la plainte d'une résidente auprès de M. I... quant à une claque qu'elle aurait reçue de quelqu'un du personnel, étant rappelé que cet incident a donné lieu au rapport daté du 23 février 2010 déjà cité ;
Attendu qu'il convient ensuite de relever que l'employeur soutient expressément, aux termes de ses écritures (cf. page 5), que "lors de l'entretien en vue d'une éventuelle sanction ( et non lors de l'entretien en vue de l'éventuel licenciement) qui s'est tenu le 15 mars 2010, il a été échangé sur la possibilité d'une rupture conventionnelle. Les parties s'étaient en effet rencontrées pour envisager de mettre un terme amiable à la relation de travail, pour éviter à M. I... de compromettre son avenir professionnel compte tenu des faits graves découverts"; que l'employeur précise également dans ses écritures que "le 15 mars 2010, les parties se rencontrent et il est exposé à M. I... les éléments recueillis et les accusations graves pesant sur lui. Dans ce contexte, il a été envisagé le départ par rupture conventionnelle de Monsieur I.... Celui-ci refusera la proposition, estimant n'avoir rien à se reprocher, malgré les témoignages accablants accumulés" ;

que le compte-rendu de cet entretien du 15 mars 2010 dressé par M. F... qui a assisté le salarié, produit par l'appelant, confirme d'ailleurs, si besoin en était, la proposition faite à M. I... d'une rupture conventionnelle ;

qu'or si l'employeur n'a pas épuisé son pouvoir disciplinaire à l'issue de cet entretien du 15 mars comme il a été dit auparavant, il n'en demeure pas moins que ce sont les mêmes faits fautifs qui ont motivé tant la 1ère convocation à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire que la seconde convocation à un entretien préalable en vue d'un licenciement disciplinaire, l'employeur énonçant dans la lettre de licenciement les mêmes griefs, connus de lui dès le 1er entretien sans en ajouter de nouveaux qui se seraient produits ou auraient été découverts postérieurement au 1er entretien ;

qu'il est ainsi manifeste que pour ces faits, qu'il qualifie pourtant de graves dès leur découverte et alors qu'il a notifié une mise à pied conservatoire à effet au 12 mars 2010, l'employeur n'a pas éprouvé la nécessité d'envisager immédiatement un licenciement du salarié fautif, puisqu'il s'est contenté dans un premier temps de le convoquer à un entretien préalable limité à une "sanction disciplinaire" qui excluait de fait toute possibilité de licenciement, et de plus fort toute possibilité de licenciement immédiat; qu'en outre la proposition d'une rupture conventionnelle avancée dans de telles circonstances par l'employeur dénote de la part de ce dernier qu'il ne considère pas comme impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;

que ces éléments suffisent à retirer tout caractère de faute grave aux faits invoqués, même si faute il venait à y avoir ;

Attendu s'agissant des faits proprement dits, que l'intimé produit un "rapport sur le comportement professionnel d'un éducateur spécialisé, coordinateur au foyer d'accueil spécialisé de jour de [...], M. I... " dont il est dit au bordereau de communication de pièces que ce rapport du 11 mars 2010 émane du directeur, M. E...; que toutefois le document versé aux débats n'est ni daté ni signé, comporte une partie seulement des annexes qui sont annoncées en bas de 1ère page et est manifestement incomplet puisqu'il se termine en page 2 au milieu de phrase sans que les pièces annexées à la suite n'en soient la continuation ; que sont joints à ce rapport un document dactylographié signé de Mme B... et un autre signé de Mme G..., outre un troisième dont l'auteur n'est pas identifié et qui n'est pas signé ;

Attendu que l'employeur produit par ailleurs trois attestations ;
que dans son témoignage manuscrit, Mme B... se borne à renvoyer au courrier qu'elle a adressé à la direction ;

que dans son témoignage manuscrit, Mme G... renvoie également au courrier adressé à la direction et annexé à son attestation, où il est question de "l'éducateur" sans que jamais M. I... ne soit nommément désigné ou visé ;

que dans son témoignage manuscrit, Mme H... renvoie là encore à un courrier du 21 avril 2010 adressé à la direction, dans lequel elle indique que "on essaye à nouveau de me déstabiliser par des pressions détournées" sans toutefois que jamais le nom de M. I... n'y soit cité, et à un premier courrier du 1er mars 2010 adressé à la direction pour porter à la connaissance de l'employeur "les dysfonctionnements que je ressens au sein du foyer d'accueil spécialisé de [...]. Ceux-ci sont le fait, principalement d'une personne à savoir, M. I... " ;

que si ces quelques éléments laissent apparaître un climat délétère au sein du foyer et en particulier une mésentente entre le personnel, pour autant les griefs tels qu'énoncés dans la lettre de licenciement ne peuvent être rattachés au fait personnel de M. I... , alors que Mme H... le désigne "principalement" ce qui signifie qu'il n'est pas le seul membre de l'équipe en cause et que Mme B... a relevé que "les difficultés ont persisté jusqu'à l'arrivée de Mme A... (que beaucoup attendaient comme le Messie, le Sauveur). Mais à ce moment là, les choses s'aggravèrent encore plus. Les deux éducateurs, qui jusque là ne semblaient pas s'apprécier plus que cela, se sont retrouvés frères de sang. Un boycottage a été mis en place, une manipulation à l'encontre de la nouvelle chef de service. A ce moment-là, on ne s'occupait absolument plus des résidents..." sans cependant mettre en cause nommément M. I... ;

qu'en outre, alors même que l'employeur prétend que M. I... détournerait de son objectif l'utilisation du cahier de liaison, il ne produit aucun extrait d'un cahier de liaison pouvant illustrer ses dires et ne justifie pas davantage des directives données à l'équipe éducative pour renseigner le cahier de liaison ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, les fautes imputées par l'employeur à M. I... ne sont pas établies, de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Attendu que son licenciement est d'autant plus dépourvu de cause réelle et sérieuse que l'appelant rappelle, à raison, que selon l'article 33 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, quant aux conditions générales de discipline, "sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions citées ci-dessus, prises dans le cadre de la procédure légale", à savoir: observation, avertissement, mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de 3 jours;

que l'employeur n'allègue ni ne démontre la moindre sanction disciplinaire prise antérieurement à l'égard de M. I... ; que le non-respect de ces dispositions conventionnelles prive également le licenciement de l'appelant de toute cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'il s'ensuit que le jugement entrepris devra être confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. I... sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l'indemnisation :
sur la mise à pied conservatoire :
Attendu, dès lors que le licenciement pour faute grave n'est pas fondé, que M. I... a droit au salaire dont il a été privé par l'employeur le temps de la mise à pied conservatoire injustifiée ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à ce titre à M. I... la somme de 1 990,53 € brut, outre celle de 199,05 € brut au titre des congés payés y afférents, la créance étant contestée par l'intimé dans son principe mais non dans son quantum ; que le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs;

sur le préavis :
Attendu qu'en l'absence de faute grave, M. I... est fondé à réclamer au titre du préavis de deux mois, eu égard à son ancienneté de plus de deux ans conformément à l'article L.1234-1 du code du travail, de deux mois, la somme allouée en première instance de 3 512 € outre celle de 351,20 € au titre des congés payés y afférents, la créance étant contestée par l'intimé dans son principe mais non dans son quantum ; que le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs;

sur l'indemnité conventionnelle :
Attendu qu'en l'absence de faute grave, M. I... est fondé à réclamer également l'indemnité conventionnelle de licenciement dont il n'est pas contesté qu'elle s'élève à la somme de 2 987 € nets en fonction de son ancienneté ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

sur les dommages-et-intérêts :
Attendu que conformément à l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans une entreprise de plus de 11 salariés, d'un salarié qui avait au moment de son licenciement une ancienneté de plus de deux ans, ouvre droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que l'intimé employait habituellement plus de onze salariés;

Attendu que dans ce cas une irrégularité de la procédure de licenciement ne peut donner lieu à une indemnisation distincte des dommages-et-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en tout état de cause, l'appelant n'a pas formulé de demande d'indemnisation spécifique lorsqu'il fait observer que l'entretien préalable du 15 mars 2010 s'est déroulé face à trois personnes représentant l'employeur, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner davantage ce grief ; qu'en outre il a été répondu précédemment quant au respect du délai exigé lors de la notification du licenciement disciplinaire suite à l'entretien préalable au licenciement, de sorte qu'aucune irrégularité n'était établie ;

Attendu que les premiers juges ont relevé dans leur décision que M. I... a retrouvé du travail en Suisse au bout de 19 mois, ce qui n'est pas contredit à hauteur de cour par l'appelant :

qu'au vu de l'âge de l'intéressé au jour du licenciement ( 33 ans), de son ancienneté de 3 ans, de la rémunération qu'il percevait alors et du fait qu'il a depuis retrouvé du travail, les premiers juges ont fait une juste et exacte appréciation des éléments de la cause en allouant à M. I... , à titre de dommages-et-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 10 536 € correspondant à l'équivalent de six mois de salaire ; que l'appelant n'apporte aucun élément rapportant la preuve d'un préjudice qui ne serait pas déjà réparé par cette somme ;

qu'il convient en conséquence de confirmer également sur ce point le jugement entrepris ;

Attendu qu'il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que conformément à l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ; que ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ;

qu'il convient en conséquence, en ajoutant au jugement entrepris, d'ordonner à l'employeur de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de deux mois ;

Sur les autres demandes :
Attendu que l'intimé qui succombe sur l'appel doit être condamné aux entiers dépens d'appel;

Attendu que l'équité n'exige pas à hauteur de cour l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

la Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

- Déclare les appels, principal et incident, réguliers en la forme ;

- Déclare M. I... recevable en sa demande de nullité du licenciement, mais mal fondé en cette demande ; le déboute de sa demande en nullité du licenciement ;

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes de Forbach en date du 14 décembre 2015 ;

Ajoutant au jugement entrepris :
- Ordonne au Centre d'Aide par le Travail de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. I... du jour de son licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de deux mois ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne le Centre d'Aide par le Travail aux entiers frais et dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : S1
Numéro d'arrêt : 16/004351
Date de la décision : 20/12/2017
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2017-12-20;16.004351 ?
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