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19/11/2014 | FRANCE | N°13/03301

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 19 novembre 2014, 13/03301


Arrêt no 14/ 00596

19 Novembre 2014--------------- RG No 13/ 03301------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 12 Novembre 2013 12/ 01234 C------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix neuf Novembre deux mille quatorze
APPELANTE AU PRINCIPAL ET INTMEE INCIDENTE :
SARL TENDANCE SPORTSWEAR prise en la personne de son représentant légal ZAC des Terrasses de la Sarre 57400 SARREBOURG

Représentée par Me BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE AU PRINCIPAL ET APPELANTE INCIDENTE

Madame Valérie X......57405 GUNTZVILLER

Représenté...

Arrêt no 14/ 00596

19 Novembre 2014--------------- RG No 13/ 03301------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 12 Novembre 2013 12/ 01234 C------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix neuf Novembre deux mille quatorze
APPELANTE AU PRINCIPAL ET INTMEE INCIDENTE :
SARL TENDANCE SPORTSWEAR prise en la personne de son représentant légal ZAC des Terrasses de la Sarre 57400 SARREBOURG

Représentée par Me BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE AU PRINCIPAL ET APPELANTE INCIDENTE

Madame Valérie X......57405 GUNTZVILLER

Représentée par Me SCHIFFERLING-ZINGRAFF, avocat au barreau de SARREGUEMINES substitué par Me HEMZELLEC, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Christiane VAUTRIN, Greffier
ARRÊT :
contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre, et par Madame Morgane PETELICKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat à durée déterminée du 1er mars 2012 au 31 août 2012, Valérié X...a été engagée en qualité d'employée polyvalente par la société Tendance Sportswear sous l'enseigne " Jules ".

Suivant demande enregistrée le 22 octobre 2012, elle a fait attraire son ex-employeur devant le conseil de prud'hommes de Metz.
Dans le dernier état de ses prétentions, elle a demandé à la juridiction prud'homale de : ¿ requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 1er mars 2012, ¿ condamner la défenderesse à lui verser : ¿ 23 953, 60 ¿ brut à titre de rappel de salaires, ¿ 2 355, 28 ¿ brut au titre des heures supplémentaires et complémentaires accomplies. ¿ 4 790 ¿ à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail, ¿ 4 790 ¿ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ¿ 479 ¿ brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, ¿ 9 500 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, ¿ 1 600 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter tous les frais et dépens de l'instance.

La défenderesse a conclu à l'irrecevabilité de la demande et à son caractère mal fondé. Elle s'est opposée aux prétentions de Valérie X...et a sollicité sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement du 12 novembre 2013, statué dans les termes suivants :
" DECLARE la demande de Madame Valérie X...recevable et bien fondée ;
PRONONCE la requalification du contrat de travail à durée déterminée de Madame Valérie X...en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1 er mars 2012 ;
DIT que le salaire hebdomadaire convenu entre les parties, tel que fixé par l'article 6 du contrat de travail de Madame Valérie X..., s'élève à 1197, 68 ¿ brut pour 30 heures de travail par semaine, soit 5 189, 95 ¿ brut par mois,
CONDAMNE la SARL TENDANCE SPORTSWEAR, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame Valérie X...:

¿ 23 953, 60 ¿ brut à titre de rappel de salaire au titre de la période de travail allant de mars à août 2012, ¿ 4 790 ¿ à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, ¿ 961, 38 ¿ brut au titre du complément de salaire restant dû sur les heures complémentaires ou supplémentaires accomplies, telles que résultant des bulletins de pays délivrés, ¿ 4 790 ¿ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ¿ 479 ¿ brut au titre des congés payés afférents au préavis, ¿ 300 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNE la SARL TENDANCE SPORTSWEAR, prise en la personne de son représentant légal, à supporter les entiers frais en dépens de l'instance, en ce compris les 35 ¿ de timbres fiscaux acquittés sur le fondement de l'article 1635 Q du CGI ;
DEBOUTE les parties en toutes leurs autres prétentions respectives, y compris les demandes reconventionnelles ou compléments de demandes. "
Suivant déclaration de son avocat enregistrée le 26 novembre 2013 au greffe de la cour d'appel de Metz, la société Tendances Sportswear a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la société Tendance Sportswear demande à la Cour de rejeter l'appel incident, de dire et juger l'appel bien fondé, d'infirmer le jugement, de dire et juger que le contrat a été conclu pour une rémunération mensuelle brute de 1 197, 68 euros, de débouter Valérie X...de toutes ses demandes, de dire qu'il n'y a pas lieu à requalification et de condamner Valérie X...au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, comprenant la taxe de 35 euros prévue par l'article 54 de la loi 2011-900 du 29 juillet 2011.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Valérie X...demande à la Cour de :
" DEBOUTER l'appelant de l'intégralité de ses fins et prétentions
CONFIRMER le jugement rendu le 12/ 11/ 2013 par le Conseil de Prud'hommes de METZ en ce qu'il a :- CONDAMNE la Sarl TENDANCE SPORTSWEAR à verser à Madame X...une somme de 23 953, 60 ¿ à titre de rappel de salaires-PRONONCE la requalification du contrat de Madame X..., en contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 01/ 03/ 2012- CONDAMNE la Sarl TENDANCE SPORTSWEAR à verser à Madame X...une somme de 4 790 ¿ à titre d'indemnité de requalification-CONDAMNE la Sarl TENDANCE SPORTSWEAR à verser à Madame X...une somme de 4 790 ¿ brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis-CONDAMNE la Sarl TENDANCE SPORTSWEAR à verser à Madame X...une somme de 479 ¿ brut à titre compensatrice de congés payés sur préavis-CONDAMNE la Sarl TENDANCE SPORTSWEAR à verser à Madame X...une somme de 300 ¿ au titre de l'article 700 du CPC de première instance

L'INFIRMER pour le surplus,
ET, STATUANT A NOUVEAU,
CONDAMNER la Sarl TENDANCE SPORTSWEAR à verser à Madame X...une somme de 2 355, 28 ¿ brut au titre des heures complémentaires et supplémentaires, avec un minimum de 961, 38 ¿ brut
CONDAMNER la Sarl TENDANCE SPORTSWEAR à verser à Madame X...une somme de 9 500 ¿ net à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif
CONDAMNER la Sarl TENDANCE SPORTSWEAR à verser à Madame X...une somme de 2 800 ¿ au titre de l'article 700 du CPC à hauteur de Cour
CONDAMNER la Sarl TENDANCE SPORTSWEAR en tous les frais et dépens, d'instance et d'appel ".
MOTIFS DE L'ARRET

Vu le jugement entrepris ;

Vu les conclusions de l'appelante déposées le 6 octobre 2014 et celles de l'intimée déposées le 2 juillet 2014, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur le salaire convenu et la demande de rappel de salaire subséquente

La société Tendance Sportswear s'oppose à cette demande en faisant valoir que le contrat de travail est affecté d'une erreur matérielle évidente, l'appelante soutenant qu'il était prévu une rémunération mensuelle brute de 1 197, 68 euros et que c'est par erreur que le terme d'hebdomadaire a été mentionné aux lieu et place de mensuelle.

Valérie X...reproche à l'employeur de ne pas lui avoir payé le salaire contractuel en ce qu'il l'aurait payé 1 197, 68 euros par mois alors que le contrat fixait une telle rémunération par semaine. Elle conteste l'erreur matérielle invoquée et soutient que c'est en connaissance de cause qu'elle a signé le contrat fixant une rémunération à la semaine.

Le contrat de travail signé par les parties le 1er mars 2012 prévoit en son article 6 une rémunération hebdomadaire brute de 1 197, 68 euros pour un horaire de 30 heures par semaine.
Mais les quatre premier bulletins de salaire de Valérie X...correspondant aux mois de mars à juin 2012 font état de gains bruts de 1 198, 60 euros, soit un montant égal à environ un euro à celui figurant dans le contrat de travail, en indiquant très clairement qu'il s'agit du salaire mensuel pour 130 heures de travail par mois, ledit salaire mensuel de base ayant ensuite été porté à 1 222 euros en juillet et août 2012 correspondant aux deux derniers mois de la relation de travail. Or, Valérie X..., qui ne conteste pas avoir reçu lesdits bulletins de salaire, ne produit aucun élément de nature à prouver qu'elle s'est plainte de cette mention et ne justifie pas non plus avoir réclamé le paiement de son salaire sur la base d'une rémunération hebdomadaire de 1 197, 68 euros avant la saisine du conseil de prud'hommes elle-même intervenue après la fin de son contrat de travail, les allégations de l'intimée suivant lesquelles elle aurait attiré l'attention de son employeur sur la différence existant entre le contrat de travail et ses fiches de paie reposant sur ses seuls dires.
En outre, l'appelante verse aux débats une attestation de son expert comptable, Daniel A..., indiquant que les conseillères de vente travaillant dans le magasin Jules à Sarrebourg étaient toutes rémunérées sur la même base, à savoir le salaire minimum interprofessionnel de croissance.
Et il est notamment versé aux débats les bulletins de salaire des mois de mars à juin 2012 de Désirée B... ayant exactement la même qualification que celle figurant sur les fiches de paie de Valérie X..., soit employée conseillère de vente, dont il ressort que cette salariée, employée à temps complet, était payée sur la base du même salaire horaire que celui mentionné sur les bulletins de salaire de Valérie X..., soit 9, 22 euros.
Or, la rémunération hebdomadaire de 1 197, 68 euros pour un horaire de 30 heures par semaine telle qu'elle est indiquée dans le contrat de travail de Valérie X...correspond à un salaire horaire de 39, 92 euros, soit un salaire horaire plus de quatre fois supérieur à celui de Désirée B..., alors que Valérie X...ne justifie, ni même n'allègue d'une quelconque circonstance expliquant qu'elle ait pu être engagée à compter du 1er mars 2012 à un niveau de rémunération si disproportionné au regard de celui dont bénéficiait alors une autre salariée qui avait la même qualification qu'elle mais qui, en outre, disposait pour sa part d'une ancienneté de plus de 6 ans dans l'entreprise.
Et il convient encore d'observer au vu des autres fiches de paie produites par l'appelante que Judy F..., employée en qualité d'adjointe de magasin, soit à un niveau de qualification plus élevé que Valérie X..., était elle-même rémunérée sur la base d'un salaire horaire de 9, 74 euros et que compte tenu des commissions qui lui étaient versées en plus, elle bénéficiait au mieux d'une rémunération brute totale avoisinant les 1 800 euros par mois alors que Valérie X...prétend, en application des termes du contrat, à un salaire mensuel de base de près de 5 000 euros par mois.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la mention d'une rémunération hebdomadaire brute de 1 197, 68 euros brut figurant dans le contrat de travail de la salariée ne correspond pas à la commune intention des parties mais relève d'une erreur matérielle manifeste de l'employeur, les parties ayant en réalité convenu lors de l'embauche d'une rémunération mensuelle brute de 1 197, 68 euros pour 30 heures de travail par semaine.
En conséquence, Valérie X...doit être déboutée de sa demande de rappel de salaire fondée sur l'application d'une rémunération hebdomadaire brute de 1 197, 68 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur la demande de rappel de salaire pour heures complémentaires

Arguant de décomptes de durée de travail signés par la salariée, la société Tendance Sportswear soutient que toutes les heures effectuées par celle-ci lui ont été payées. Elle conclut donc au rejet de la demande et à l'infirmation du jugement en ce que les premiers juges ont octroyé à Valérie X...un complément de rémunération en calculant les heures complémentaires sur la base d'un salaire horaire de 39, 95 euros.

Valérie X...prétend qu'il lui arrivait de travailler jusqu'à 44 heures par semaine. Elle considère que l'employeur n'a pas prouvé qu'elle avait été payée pour les heures effectivement réalisées et affirme que les décomptes produits par l'employeur confirment ceux qu'elle a établis.
Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.
En l'espèce, au soutien de sa demande, Valérie X...produit des fiches horaires du 30 juillet 2012 à fin août 2012, un récapitulatif de ses heures travaillées par semaine sur toute sa période d'emploi, lequel laisse apparaître sur certaines semaines entre mars et juillet 2012 l'accomplissement d'heures au delà du temps de travail contractuel avec un maximum de 43 heures sur une semaine, et un décompte détaillant de manière hebdomadaire, sur la base de ces informations, les heures complémentaires et celles appelées par elle supplémentaires ainsi que le taux applicable à ces heures.

Ce faisant, la salariée étaye sa demande.
Pour sa part, la société Tendance Sportswear verse aux débats des décomptes hebdomadaires indiquant les horaires journaliers de travail de Valérie X..., le total d'heures travaillées par jour et le total hebdomadaire, lesdits décomptes étant tous signés par la salariée et couvrant la période du 26 mars 2012 au 28 juillet 2012.
Il apparaît ainsi :- que les 33 heures de travail qui auraient été accomplies dans la semaine du 19 mars au 24 mars 2012 telles qu'elles résultent du récapitulatif de Valérie X...ne sont contredites par aucun élément ;- que les décomptes signés qui sont produits par l'employeur à compter du 26 mars 2012 confirment les temps de travail mentionnés à partir de cette même date dans le récapitulatif fourni par Valérie X...hormis pour les semaines du 23 au 28 avril 2012, du 18 au 23 juin 2012 et du 23 au 28 juillet 2012 pour lesquels les décomptes signés par la salariée elle-même contredisent l'accomplissement d'heures de travail au delà de la durée contractuelle.

Il s'ensuit qu'il convient de retenir les heures complémentaires, accomplies en deçà et au delà de la durée légale de travail, déclarées par la salariée excepté pour les trois semaines susvisées.
Compte tenu du taux horaire de 9, 4 euros mentionné sur les derniers bulletins de salaire de Valérie X...et en appliquant ce taux aux heures complémentaires effectuées dans la limite de la durée légale de travail et un taux majoré de 25 % pour celles effectuées au delà, ainsi que l'intimée y procède dans son décompte correspondant à sa pièce no 6, il apparaît que la somme due par l'employeur pour la totalité des heures complémentaires effectuées s'élève à 393, 62 euros.
Et contrairement à ce qu'affirme l'intimée, les fiches de paie incluent des heures de travail accomplies au delà de la durée de travail contractuelle. En effet, les bulletins de salaire de juillet et août 2012 font état de rémunérations au titre d'heures " complémentaires " et d'" heures supplémentaires 125 % ", Valérie X...ne prétendant pas ne pas avoir reçu le paiement des sommes inscrites sur ses fiches de paie.
Dès lors, il convient de déduire de la somme susvisée de 393, 62 euros les sommes déjà versées au titre des heures accomplies au delà de la durée de travail contractuelle, soit au total 296, 10 euros, si bien que la société Tendance Sportswear sera condamnée à payer à Valérie X...la somme de 97, 52 euros à titre de rappel de salaire pour heures complémentaires, le jugement étant infirmé en ce qu'il a alloué à cette dernière la somme de 961, 38 euros à titre de complément restant dû sur les heures complémentaires ou supplémentaires sur la base d'une rémunération hebdomadaire de 1 197, 68 euros pour 30 heures de travail par semaine correspondant à un taux horaire de 39, 92 euros.

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée

La société Tendance Sportswear fait valoir que la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée pour remplacer un salarié constitue par excellence un cas de recours au contrat à durée déterminée. Elle ajoute que la jurisprudence européenne considère qu'il n'existe pas d'obligation pour l'employeur d'indiquer dans les contrats à durée déterminée conclus en vue du remplacement de travailleurs le nom de ces salariés et les raisons du remplacement (CJUE 24 juin 2010 Francesca C.../ Poste Italiane) et soutient que le contrat de travail de Valérie X...ne souffre d'aucune irrégularité. En conséquence, elle s'oppose à la demande de requalification du contrat de travail.

Valérie X...fait valoir que les motifs du recours au contrat de travail à durée déterminée indiqués par l'employeur ne sont prévus par aucun texte et qu'un contrat à durée déterminée de remplacement ne pouvant être conclu que pour le remplacement d'un salarié déterminé et nommément désigné dans le contrat, il appartenait à l'employeur d'indiquer impérativement les nom et qualification du salarié remplacé.
Le contrat de travail à durée déterminée conclu par les parties mentionne que Valérie X...est engagée pour combler le remplacement des congés payés des salariés de la société Tendance Sportswear " Jules ".
Selon les dispositions de l'article L 1242-2 1o du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans des hypothèses limitées, notamment de remplacement d'un salarié en cas de suspension de son contrat de travail.
Il suit de là que s'il peut être recouru à un contrat de travail à durée déterminée pour remplacer un salarié en congés payés, l'employeur ne peut conclure un tel contrat pour le remplacement de plusieurs salariés ce même si ces derniers sont successivement absents.
Or, en l'espèce, il résulte des indications du contrat de travail que Valérie X...a été engagée pour remplacer plusieurs salariés.
En outre, l'article L 1242-12 1o du code du travail impose d'indiquer dans le contrat de travail à durée déterminée le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsque le contrat est conclu pour remplacer un salarié.
Aux termes de l'arrêt du 24 juin 2010 C...c/ Poste Italiane invoqué par la partie appelante, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit : la clause 8, point 3, de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/ 70/ CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui a supprimé l'obligation, pour l'employeur, d'indiquer dans les contrats à durée déterminée conclus en vue du remplacement de travailleurs absents les noms de ces travailleurs et les raisons de leur remplacement, et qui se limite à prévoir que de tels contrats à durée déterminée doivent être écrits et indiquer les raisons du recours à ces contrats, pour autant que ces nouvelles conditions sont compensées par l'adoption d'autres garanties ou protections ou qu'elles n'affectent qu'une catégorie limitée de travailleurs ayant conclu un contrat de travail à durée déterminée, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Une telle décision ne dispense donc pas les employeurs de respecter une réglementation nationale imposant d'indiquer dans le contrat à durée déterminée conclu en vue du remplacement de travailleur le nom du salarié remplacé et les raisons du remplacement, la Cour de justice de l'Union européenne ayant ce faisant seulement jugé que la suppression dans une réglementation nationale, en l'occurrence la réglementation italienne, d'une telle obligation est compatible avec l'accord-cadre susvisé, ce sous certaines réserves. Or, la législation française en vigueur à l'époque de la conclusion du contrat de travail litigieux et qui n'a d'ailleurs pas changé depuis exige, ainsi que rappelé ci-dessus, que le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée soient indiqués dans le contrat. Dès lors, il y a lieu de faire application de l'article L 1242-12 1o susvisé et de constater que le contrat de travail conclu par les parties ne contient pas les mentions requises par cette disposition.
Il résulte de l'article L 1245-1 du code du travail que la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée en méconnaissance des articles L 1242-2 et L 1242-12 du code du travail entraîne sa requalification en contrat de travail à durée indéterminée.
En l'espèce, le contrat à durée déterminée de Valérie X...a été conclu pour remplacer plusieurs salariés, c'est-à-dire en dehors des cas de recours autorisés par l'article L 1242-2 susvisé, et sans contenir les mentions exigées par l'article L 1242-12 1o du code du travail, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont requalifié ledit contrat en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012. Le jugement doit être sur ce point confirmé.

Sur les conséquences de la requalification en un contrat à durée indéterminée

En cas de requalification du contrat, la société Tendance Sportswear conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts de la salariée, faisant valoir qu'elle avait une ancienneté de 6 mois et qu'elle ne justifie d'aucun préjudice alors qu'elle ne souhaitait pas être embauchée en contrat de travail à durée indéterminée. Elle conteste la somme allouée par les premiers juges au titre de l'indemnité de requalification au regard du montant du salaire mensuel.

Valérie X...sollicite la confirmation du jugement sur l'indemnité de requalification, le préavis et les congés payés afférents en arguant d'un salaire mensuel de 4 790 euros. Si elle admet n'avoir pu accepter un contrat de travail à durée indéterminée pour des raisons personnelles, elle fait valoir que le caractère abusif de la rupture cause nécessairement au salarié un préjudice qui doit être réparé, l'intéressée ajoutant n'avoir pas retrouvé de travail sauf depuis août 2013 où elle est employée par ses parents en tant qu'aide familiale.
Du fait de la requalification, Valérie X...est d'abord en droit de prétendre à l'indemnité prévue par l'article L 1245-2 du code du travail, laquelle ne peut être inférieure à un mois de salaire.
A cet effet, il convient de prendre en compte comme salaire de référence le dernier salaire mensuel.
Il a d'ores et déjà été retenu que Valérie X...ne pouvait se prévaloir d'un salaire hebdomadaire de 1 197, 68 euros, correspondant pour 4 semaines au salaire de 4 790 euros invoqué par l'intimée, et que les parties ont en réalité convenu lors de l'embauche d'une rémunération mensuelle brute de 1 197, 68 euros, celle-ci ayant en dernier lieu été portée à 1222 euros ainsi qu'en témoignent les bulletins de salaire.
En considération de ce salaire et Valérie X...ne justifiant pas avoir éprouvé un préjudice autre que celui réparé par l'indemnité minimale, il y a lieu d'infirmer le jugement et de condamner la société Tendance Sportswear à lui payer la somme de 1 222 euros net à titre d'indemnité de requalification.
La requalification du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée conduit à appliquer à la rupture de celui-ci les règles régissant le licenciement.

En l'espèce, à défaut de toute lettre énonçant les motifs de cette rupture, celle-ci apparaît abusive.

Compte tenu de son ancienneté de moins de deux ans dans l'entreprise, Valérie X...est soumise à l'article L 1235-5 du code du travail dont il résulte que le salarié est fondé à réclamer une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.
Il résulte des attestations de Nathalie D...et Eric E...versées aux débats par l'appelante et il n'est d'ailleurs pas contesté par l'intimée que lors de son engagement, celle-ci a décliné le contrat de travail à durée indéterminée qui lui était proposé et opté pour un contrat de travail à durée déterminée de 3 ou 6 mois, ce pour des raisons personnelles.
Mais la rupture du contrat de travail n'en est pas moins dépourvue de cause réelle et sérieuse et cette rupture abusive a nécessairement causé à Valérie X...un préjudice.
Toutefois, cette dernière, qui était âgée de 36 ans et avait une ancienneté de seulement 6 mois, ne justifie pas avoir recherché un emploi à la fin de sa relation de travail avec la société Tendance Sportswear, l'intéressée justifiant uniquement que depuis le mois d'août 2013, elle travaille au domicile de ses parents à temps partiel.
Dès lors, le préjudice résultant de son licenciement abusif sera justement réparé par une indemnité de 600 euros, le jugement étant infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef.
La société Tendance Sportswear ne conteste pas, en cas de requalification du contrat à durée déterminée, le droit de la salariée à un préavis d'un mois tel que l'a retenu le conseil de prud'hommes. Mais au regard des énonciations précédentes, il convient de tenir compte non d'un salaire mensuel de 4 790 euros mais d'un salaire mensuel de 1 222 euros si bien que la société Tendance Sportswear doit être condamnée à payer à Valérie X...une indemnité compensatrice de préavis de 1 222 euros brut et une indemnité compensatrice des congés payés afférents de 122, 20 euros brut, le jugement étant également infirmé de ces chefs.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Tendance Sportswear, qui succombe au moins partiellement, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu en outre de la condamner à payer à Valérie X...la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci à hauteur d'appel, le jugement étant confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions ayant requalifié le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012 et en celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Condamne la société Tendance Sportswear à payer à Valérie X...les sommes de :-97, 52 euros brut à titre de rappel de salaire sur les heures complémentaires ;-1 222 euros net à titre d'indemnité de requalification ;-600 euros net à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;-1 222 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;-122, 20 euros brut à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;-1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la société Tendance Sportswear aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/03301
Date de la décision : 19/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2014-11-19;13.03301 ?
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