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19/11/2014 | FRANCE | N°12/03561

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 19 novembre 2014, 12/03561


Arrêt no 14/ 00597

19 Novembre 2014--------------- RG No 12/ 03561------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 21 Novembre 2012 11/ 1148 AD------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix neuf Novembre deux mille quatorze
APPELANTE AU PRINCIPALE ET INTIMEE INCIDENTE :
SAS AZ CORPORATIONS exerçant sous l'enseigne PHONE REGIE prise en la personne de son représentant légal 3 Rue Cambronne 75740 PARIS CEDEX 15

Représentée par Me TAILLANDIER-LASNIER,

avocat au barreau de VERSAILLES

INTIME AU PRINCIPAL ET APPELANT INCIDENT :

Monsieur Jean ...

Arrêt no 14/ 00597

19 Novembre 2014--------------- RG No 12/ 03561------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 21 Novembre 2012 11/ 1148 AD------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix neuf Novembre deux mille quatorze
APPELANTE AU PRINCIPALE ET INTIMEE INCIDENTE :
SAS AZ CORPORATIONS exerçant sous l'enseigne PHONE REGIE prise en la personne de son représentant légal 3 Rue Cambronne 75740 PARIS CEDEX 15

Représentée par Me TAILLANDIER-LASNIER, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIME AU PRINCIPAL ET APPELANT INCIDENT :

Monsieur Jean Sébastien X...... 57070 METZ

Comparant assisté de Me STEFANELLI-DUMUR, avocat au barreau de METZ substitué par Me LENNE, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Christiane VAUTRIN, Greffier
ARRÊT :
contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre, et par Madame Morgane PETELICKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE

Jean-Sébastien X...a été engagé à compter du 7 juillet 2010 en qualité d'adjoint superviseur de site par la société AZ Corporations exerçant sous l'enseigne Phone Régie, le contrat prévoyant en son article I relatif aux fonctions et attributions " Accepter tout changement d'affectation : votre refus d'acceptation serait susceptible d'entraîner votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnités " et en son article II relatif au lieu de travail " Vous exercerez vos fonctions dans l'un des sites gérés par notre société ou au sein de notre siège social/ Agence. Le lieu de travail n'est pas fixe et pourra varier en fonction des besoins à satisfaire dans un rayon maximal de 50 km du centre de METZ Vous vous engagez à accepter tout changement d'affectation dans la limite du présent contrat "

Suivant un avenant du même jour, il a été affecté au poste d'adjoint superviseur-régie de recettes au Centre Pompidou Metz et a exercé les fonctions de supervision de la billetterie.
Il a été licencié par lettre du 13 juillet 2011 ainsi libellée :
" Nous faisons par la présente suite à l'entretien préalable du Jeudi 7 Juillet 2011, avec Madame Brigitte A..., Responsable d'agence EST, auquel vous vous êtes présenté.
Les éléments recueillis lors de cet entretien n'étant pas de nature à modifier notre appréciation des faits, nous sommes donc amenés â vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Cette décision est motivée par les faits qui vous sont rappelés ci-après
Aux termes de l'article II de votre contrat de travail du 07/ 07/ 2010, « le lieu de travail n est pas fixe et pourra varier en fonction des besoins à satisfaire dans un rayon maximal de 50km du centre de Metz » ; Aux termes de l'article I de votre contrat, il est également précisé que votre refus d'accepter un changement d'affectation « serait susceptible d'entraîner votre licenciement pour faute grave » ; Nous vous avons fait parvenir trois propositions d'affectations le 16 juin 2011 sur les sites de la société MOET ET CHANDON (20 AV DE CHAMPAGNE-512. 00 EPERNAY), LILLY France (2 RUE DU COLONEL LILLY-BP 70419 FEGERSHEIM-67412 ILLKIRCH CEDEX) et MARS CHOCOLAT France (03 RUE SANDLACFI-67501 HAGUENAU CEDEX) avec prise d'effet au 27 juin 2011. Vous avez refusé ces trois propositions au motif que ces propositions ne respectent pas les 50km prévus par votre clause de mobilité. Nous n'avons en outre aucun autre poste correspondant à votre profil et/ ou à vos disponibilités â pourvoir sur sites ou en interne.

Votre maintien dans nos effectifs s'avère impossible puisque vous contrevenez aux obligations énumérées dans votre contrat de travail, ce qui perturbe l'organisation de notre agence ".

Suivant demande enregistrée le 13 octobre 2011, Jean-Sébastien X...a fait attraire la société Phone Régie devant le conseil de prud'hommes de Metz.
Après échec de la tentative de conciliation, il a, dans le dernier état de ses prétentions, demandé à la juridiction prud'homale de :
" o Prendre acte de la procédure irrégulière du licenciement de monsieur X...o Dire et juger que le licenciement de monsieur X...est abusif o Condamner la société SAS PHONE REGIE à verser à monsieur X...les sommes suivantes : 20 800, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif 7 800, 00 euros de dommages et intérêts afférents aux conditions vexatoires du licenciement et ce avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir 2 000, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance et de toutes ses suites o Enjoindre la société SAS PHONE REGIE à délivrer à monsieur X..., sous astreinte de 50, 00 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, son reçu pour solde de tout compte o Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. "

La défenderesse, qui a précisé lors de l'audience de plaidoirie être la société AZ Corporations exerçant sous l'enseigne Phone Régie, s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de Jean-Sébastien X...au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement du 21 novembre 2012 désignant en sa première page la défenderesse comme étant la société AZ Corporations exerçant sous l'enseigne Phone Régie, statué dans les termes suivants :
" Déclare la demande de Monsieur X...recevable
CONDAMNE la société SAS PHONE RÉGIE à payer à monsieur X...la somme de 15 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif avec intérêts de droit à compter de la date de prononcé du jugement
DEBOUTE POUR LE SURPLUS
ORDONNE à la SAS PHONE REGIE de remettre un solde de tout compte conforme à monsieur X...et ce sous astreinte de 10, 00 euros par jour de retard à compter du

30e jour suivant le prononcé du jugement

CONDAMNE la SAS PHONE REGIE à payer à monsieur X...la somme de 1 500, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
ORDONNE l'exécution provisoire du jugement sur le tout conformément à l'article 515 du Code de procédure civile
DEBOUTE la SAS PHONE REGIE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
CONDAMNE la SAS PHONE REGIE aux entiers frais et dépens et éventuels frais d'exécution. "
Suivant déclaration de son avocat expédiée le 30 novembre 2012 par lettre recommandée au greffe de la cour d'appel de Metz, la société AZ Corporations, indiquant avoir pour enseigne Phone Régie, a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, la société AZ Corporations demande à la Cour de :
" Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, débouter en conséquence Monsieur X...de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur X...de sa demande en dommages et intérêts à raison du caractère prétendument vexatoire du licenciement ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS AZ CORPORATIONS au paiement de la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles de première instance et, statuant à nouveau, condamner Monsieur X...au paiement de la somme de 3 000 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens ".
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, Jean-Sébastien X...demande à la Cour de :
" Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'Hommes de METZ le 21 novembre 2013 en ce qu'il a dit et jugé le licenciement de Monsieur X...abusif,
Infirmer ledit jugement en ce qu'il n'a pas jugé la procédure de licenciement irrégulière,
Infirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté Monsieur X...de sa demande de

dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires de son licenciement,

Statuant à nouveau,
Prendre acte de la procédure irrégulière du licenciement de Monsieur X....
Dire et juger que le licenciement de Monsieur X...est abusif.
Condamner la SAS AZ CORPORATION à verser à Monsieur X...les sommes suivantes :-20. 800, 00 ¿ bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.-7. 800, 00 ¿ bruts à titre de dommages et intérêts afférentes aux conditions vexatoires du licenciement. Et ce avec intérêts de droit à compter du jugement.-3. 000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens y compris ceux de l'appel.

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ".

MOTIFS DE L'ARRET

Vu le jugement entrepris ;

Vu les conclusions des parties, déposées les 9 mai et 28 août 2014 pour l'appelante et le 5 août 2014 pour l'intimé, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur la procédure de licenciement

Au soutien de sa demande relative à l'irrégularité de la procédure de licenciement, Jean-Sébastien X...fait tout d'abord valoir que l'article 5. 4 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du Centre Pompidou prévoit que si ce dernier décide de récuser un des agents de Phone Régie, il doit notifier sa décision au titulaire (Phone Régie) par lettre recommandée avec accusé de réception dans laquelle il motive sa décision et qu'en l'espèce, la société AZ Corporations se contente de produire un mail, et non une lettre recommandée avec accusé de réception, du Centre Pompidou, de surcroît non motivé, ledit mail envoyé le 21 avril 2011 par Aurélie B...du Centre Pompidou à Phone Régie étant ainsi libellé : " Je vous confirme que nous mettons fin à la fonction de superviseur de caisse à partir du 4 mai 2011 inclus ".

Mais ces stipulations du CCTP, qui, comme le fait justement valoir l'appelante, régissent les relations contractuelles entre le Centre Pompidou et la société AZ Corporations dans le cadre du marché de prestations de services attribué à celle-ci, n'imposent, au titre de la procédure de licenciement applicable entre la société AZ Corporations et un de ses salariés, aucune formalité particulière. Ce moyen n'est donc pas opérant.
Jean-Sébastien X...se plaint aussi d'avoir réceptionné la convocation à l'entretien préalable le 2 juillet 2011 pour un entretien prévu le 7 juillet suivant et de n'avoir pu ainsi bénéficier du délai de 5 jours pour préparer sa défense, ce à quoi la société AZ Corporations rétorque que le salarié ne démontre pas la date à laquelle il aurait reçu la convocation et que celle-ci étant datée du 29 juin 2011, il l'a en toute logique réceptionnée le 30 juin 2011.
L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
En l'espèce, le salarié contestant le respect de ce délai, il appartient à l'employeur de prouver qu'il a satisfait à ses obligations.
Or, la société AZ Corporations se contente de produire la lettre datée du 29 juin 2011de convocation à l'entretien préalable fixé au 7 juillet suivant, courrier mentionnant qu'il s'agit d'une lettre RAR, mais sans verser aux débats l'avis de réception de ce courrier permettant de vérifier la date à laquelle il a été présenté à son destinataire.
Le respect du délai de cinq jours ouvrables ci-dessus visé n'étant ainsi pas établi, il convient de dire que la procédure de licenciement est irrégulière, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur le bien fondé du licenciement

La société AZ Corporations conteste l'absence de motivation de la lettre de licenciement invoquée par le salarié. Sur le fond, elle fait valoir que si Jean-Sébastien X...a été retiré du site du Centre Pompidou, c'est en raison de la décision dudit Centre de ne pas poursuivre la sous-traitance de la supervision de la billetterie à compter du 4 mai 2011 et que face à la réalité de la suppression de ce poste qui était occupé par Jean-Sébastien X..., elle n'avait d'autre choix que de lui proposer une nouvelle affectation. Elle ne conteste pas que les propositions d'affectation qui lui ont été faites constituaient une modification essentielle de son contrat de travail en fixant son lieu de travail à plus de 50 kms de Metz, en dehors des limites contractuellement prévues, et que le salarié était en droit de les refuser. Mais elle estime que le licenciement ne saurait pour autant être privé de cause réelle et sérieuse puisqu'elle n'était plus en mesure de poursuivre le contrat par suite de raisons indépendantes de sa volonté, imposées par le client, et en l'absence de tout autre poste susceptible d'être offert au salarié.

Jean-Sébastien X...rappelle que l'employeur est tenu d'énoncer clairement et précisément les motifs du licenciement. Sur le fond, il prétend que, contrairement à ce que Phone Régie lui a expliqué, son poste de superviseur était bien rattaché au lot 1 du marché public pour lequel cette société avait été retenue, s'étonne qu'un marché public valable deux ans ait pu être revu en cours d'exécution sans appel à la concurrence et note que le nouveau cahier des charges ayant pris effet le 5 mai 2012 fait explicitement état d'un poste de superviseur. Il conteste avoir failli à ses obligations contractuelles, faisant valoir que les propositions d'affectation visaient des villes situées à plus de 150 kms de Metz, au delà du rayon prévu dans la clause de mobilité de son contrat de travail, et qu'elles impliquaient une modification de son contrat de travail, modification qui devait impérativement être motivée par une cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement fait état de ce que Jean-Sébastien X...a refusé trois propositions d'affectation, la première au sein d'une société à Epernay, la deuxième au sein d'une autre société à Illkirch et la troisième à Haguenau.
Il est acquis aux débats que ces villes se situent à plus de 50 kms du centre de Metz, Epernay, Illkirch et Haguenau étant respectivement localisées à 151 kms, 161 kms et 201 kms de Metz selon les affirmations non contestées de Jean-Sébastien X....
De telles affectations dépassaient ainsi le cadre de la clause particulière insérée au paragraphe II de son contrat de travail l'obligeant à accepter toute affectation dans un rayon maximal de 50 km du centre de Metz, si bien qu'en les refusant, Jean-Sébastien X...n'a pas contrevenu à ladite clause.
Par ailleurs, ainsi que le rappelle l'intimé, une clause de mobilité doit définir précisément sa zone d'application de sorte qu'en l'espèce, l'employeur ne saurait valablement se prévaloir de la stipulation figurant à l'article I du contrat de travail selon laquelle le salarié devait accepter tout changement d'affectation pour prétendre que celle-ci l'obligeait à rejoindre l'un des postes susvisés. Au demeurant, force est de constater que dans ses conclusions, la société AZ Corporations n'invoque pas cette clause.
Dès lors et au regard de la distance existant entre les sites correspondant à ces trois affectations et Metz, celles-ci constituaient des mutations dans un secteur géographique différent et s'analysaient en une modification du contrat de travail, ce qu'admet d'ailleurs la société AZ Corporations dans ses écritures.
Or, le refus du salarié d'accepter une modification du contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement. En effet, le licenciement à la suite du refus de la modification a pour cause le motif de celle-ci qui doit être réel et sérieux. Il s'ensuit que la lettre de licenciement ne doit pas se borner à invoquer la modification refusée mais également les raisons de la modification.
En l'espèce, force est de constater qu'aux termes de la lettre de rupture, le licenciement est seulement fondé sur le refus de Jean-Sébastien X...d'accepter les affectations susvisées qui, comme le reconnaît l'appelante, constituaient des modifications de son contrat de travail et sur l'absence d'autre poste à lui proposer qui n'est pas établie.
En conséquence, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement abusif

La société AZ Corporations estime que la demande indemnitaire n'est pas fondée au regard des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail alors que Jean-Sébastien X...forme appel incident de ce chef, sollicitant à ce titre la somme de 20 800 euros.

N'ayant pas deux ans d'ancienneté lors de son licenciement, Jean-Sébastien X...relève de l'article L 1235-5 du code du travail invoqué par l'appelante et peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Au soutien de sa demande, il fait valoir qu'il occupait depuis trois ans un emploi lorsqu'il a été démarché par la société AZ Corporations et qu'il a démissionné de cet emploi pour être embauché par celle-ci. Mais force est de constater que ces allégations ne sont étayées par aucun élément de preuve.
Il prétend également qu'il n'est pas parvenu à trouver un emploi stable depuis son licenciement et qu'il est actuellement inscrit à Pôle Emploi.
Licencié en juillet 2011 alors qu'il comptait un an d'ancienneté et disposait d'un salaire mensuel de 2 667, 09 euros, Jean-Sébastien X...ne justifie pas de situation professionnelle jusqu'en 2013, année où il a bénéficié d'un contrat à durée déterminée d'une durée totale de 5 mois et demi. Il a de nouveau été embauché en contrat à durée déterminée d'un mois à compter du 10 février 2014 puis a été admis au bénéfice de l'allocation de solidarité spécifique à compter du 29 mars 2014 et à celui de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise à compter du 26 mai 2014.
En considération de ces éléments, le préjudice résultant du caractère abusif du licenciement sera justement réparé par une indemnité de 10 000 euros, ladite somme produisant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en application de l'article 1153-1 alinéa 2 du code civil.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires

La société AZ Corporation s'oppose à cette demande aux motifs que Jean-Sébastien X...ne justifie pas d'une faute autre que l'absence de cause réelle et sérieuse, d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi et d'un lien de cause à effet entre ces éléments. Il estime que le jugement est parfaitement motivé sur ce point en ce qu'il a relevé que l'employeur a entretenu un dialogue suivi avec Jean-Sébastien X....

Jean-Sébastien X...fait valoir que son licenciement s'est déroulé au vu et au su de tous les employés de l'entreprise, ce qui l'a plongé dans un profond état d'anxiété et a eu des conséquences sur son état physique. Il explique à cet effet qu'il a été contraint de rester à son domicile sans que le moindre travail lui ait été fourni pendant la mise en place de nouveaux emplois regroupant l'ensemble de ses fonctions. Il argue encore de l'attitude de son employeur qui l'a congédié sans motif un an après son embauche, alors qu'il l'avait démarché en juin 2010, et sans respect des procédures.
L'allocation de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire suppose l'existence d'une faute dans les circonstances entourant le licenciement et d'un préjudice différent de ceux liés au caractère abusif du licenciement. Dès lors, l'intimé ne saurait se prévaloir au soutien de cette demande de l'absence de motif de son licenciement et de l'inobservation de la procédure.
En outre, Jean-Sébastien X...ne démontre pas qu'une quelconque publicité ait été donnée par l'employeur à son congédiement. Il est seulement acquis que les salariés qui travaillaient au Centre Pompidou ont constaté la fin de son affectation sur ce site, étant d'ailleurs relevé que Jean-Sébastien X...apparaît avoir lui-même appelé l'attention d'employés du Centre Pompidou, en particulier de Jean-Eudes C..., sur ce qu'il considérait comme une éviction injuste.
Enfin, le mail susvisé du 21 avril 2011 démontre que le Centre Pompidou a bien mis fin, à effet du 4 mai 2011, à la fonction de superviseur de caisse que Jean-Sébastien X...exerçait. Dès lors, la société AZ Corporations, qui était le prestataire de services du Centre Pompidou, ne pouvait que mettre un terme à l'affectation de Jean-Sébastien X...à la date voulue par son client. Le fait que l'employeur ait demandé à son salarié de ne plus se présenter au Centre Pompidou à compter du 6 mai 2011 et de demeurer, dans l'attente d'une nouvelle affectation, à son domicile tout en étant rémunéré n'est donc pas critiquable.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Jean-Sébastien X...de sa demande de dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires de son licenciement.

Sur la remise d'un solde de tout compte sous astreinte

La société AZ Corporations sollicite, dans le corps de ses écritures, l'infirmation du jugement de ce chef en soutenant avoir déjà satisfait à son obligation par la remise d'une fiche de paie valant reçu pour solde de tout compte.

Selon l'article L 1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.
L'obligation de délivrance d'un solde de tout compte s'ajoute donc à celle, découlant de l'article L 3243-2 du code du travail, de remise d'un bulletin de paye correspondant au versement de l'ensemble des sommes restant dues à l'échéance du contrat de travail. En outre, il résulte de l'article L 1234-20 du code du travail que le solde de tout compte est soumis au salarié qui peut en donner reçu et d'après l'article L 1234-7 du même code, le reçu pour solde de tout compte est établi en double exemplaire, mention devant en être faite sur le reçu.
En l'espèce, il apparaît que la société AZ Corporations s'est bornée à délivrer à Jean-Sébastien X...un document prenant la forme et portant l'intitulé de bulletin de paie en y ajoutant la mention solde de tout compte, ledit document faisant bien état des sommes versées au salarié en fin de contrat mais sans comporter de formule laissant apparaître qu'il a été soumis à la signature de Jean-Sébastien X...pour qu'il en donne reçu et sans indiquer qu'il a été établi en double exemplaire.
C'est donc à tort que la société AZ Corporations soutient avoir déjà satisfait à son obligation. Et en l'absence d'autre critique de la disposition du jugement ayant ordonné la remise à Jean-Sébastien X...d'un solde de tout compte conforme sous astreinte, celle-ci sera confirmée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société AZ Corporations, qui succombe pour l'essentiel, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de toute demande fondée sur

l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Jean-Sébastien X...la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires, au solde de tout compte, à la demande de la société AZ Corporations fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Dit que la procédure de licenciement est irrégulière et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société AZ Corporations, exerçant sous l'enseigne Phone Régie, à payer à Jean-Sébastien X...les sommes de :-10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;-3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la société AZ Corporations, exerçant sous l'enseigne Phone Régie, aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/03561
Date de la décision : 19/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2014-11-19;12.03561 ?
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