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15/10/2014 | FRANCE | N°12/02791

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 15 octobre 2014, 12/02791


Arrêt no 14/ 00508

15 Octobre 2014--------------- RG No 12/ 02791------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 18 Juin 2010 09/ 1029 E------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

quinze Octobre deux mille quatorze
APPELANT :
Monsieur Stéphane X......89000 AUXERRE

Représenté par Me LARRIEU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

SELARL Z...et Y..., prise en la personne de Me Y..., en qualité de liquidateur de la société LIONEL DUFO

UR ...57050 LE BAN ST MARTIN

Représentée par Me FAVIER, avocat au barreau de METZ
CGEA AGS (intervenant ...

Arrêt no 14/ 00508

15 Octobre 2014--------------- RG No 12/ 02791------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 18 Juin 2010 09/ 1029 E------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

quinze Octobre deux mille quatorze
APPELANT :
Monsieur Stéphane X......89000 AUXERRE

Représenté par Me LARRIEU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

SELARL Z...et Y..., prise en la personne de Me Y..., en qualité de liquidateur de la société LIONEL DUFOUR ...57050 LE BAN ST MARTIN

Représentée par Me FAVIER, avocat au barreau de METZ
CGEA AGS (intervenant forcé) 96 rue St Georges CS 50510 54008 NANCY CEDEX

Représenté par Me JACQUOTOT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Alain BURKIC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier

ARRÊT :

contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur Alain BURKIC, Conseiller, et par Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Stéphane X...a été engagé à compter du 3 juillet 2007 en qualité de chef d'agence par la société Lionel Dufour, propriétaire exploitante de domaines viticoles et assurant la commercialisation ainsi que la distribution de ses productions auprès de particuliers.
Par lettre recommandée du 14 mai 2009, la société Lionel Dufour a notifié à Stéphane X...sa mise à pied à titre conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, entretien fixé au 26 mai 2009.
Par lettre recommandée du 3 juin 2009, la société Lionel Dufour a licencié pour faute grave Stéphane X....
Suivant demande enregistrée le 12 août 2009, Stéphane X...a fait attraire son ex employeur devant le conseil de prud'hommes de Metz.
La tentative de conciliation a échoué.
Dans le dernier état de ses prétentions, Stéphane X...a demandé à la juridiction prud'homale de :- dire et juger que son licenciement est abusif ;- condamner la défenderesse au paiement des sommes suivantes :-733, 90 ¿ au titre du paiement des jours de mise à pied : 12 jours ;-5 504, 28 ¿ au titre de l'indemnité de préavis : 3 mois ;-282, 25 ¿ au titre de l'indemnité de licenciement ;-66 051, 36 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement abusif eu égard à l'âge du licencié : 3 ans de salaires ;-20 000, 00 ¿ à titre de dommages-intérêts supplémentaires pour le préjudice moral subi du fait de la violence des propos, des accusations mensongères contenues dans la lettre de licenciement ;-3 000, 00 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;-2 753, 37 ¿ à titre d'indemnité de congés payés ;-2 563, 95 ¿ au titre des commissions dues ;- ordonner l'exécution provisoire ;

- condamner la défenderesse aux dépens.
Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement du 18 juin 2010, statué dans les termes suivants :
" CONFIRME le licenciement pour fautes graves de Monsieur Stéphane X...;
LE DEBOUTE de l'intégralité de ses demandes ;
LE CONDAMNE aux entiers frais et dépens de l'instance ".
Suivant déclaration de son avocat expédiée le 30 juin 2010 par lettre recommandée au greffe de la cour d'appel de Metz, Stéphane X...a interjeté appel de ce jugement.
Radiée par ordonnance du 25 juin 2012, l'affaire a été rétablie à la demande de Stéphane X...parvenue au greffe le 13 septembre 2012.
Par jugement du 27 juin 2012, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a ouvert à l'égard de la société Lionel Dufour une procédure de redressement judiciaire, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par jugement de cette même juridiction du 3 avril 2013 qui a désigné en qualité de liquidateur la Selarl Z...-Y..., prise en la personne de Maître Salvatore Y....
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, Stéphane X...demande à la Cour de :
"- Infirmer purement et simplement le jugement dont appel. Statuant de nouveau,
- constater que Monsieur Stéphane X...a été victime d'un licenciement particulièrement abusif
En conséquence, fixer les créances de Monsieur Stéphane X...au passif de la liquidation judiciaire de la société LIONEL DUFOUR aux sommes suivantes :-733. 90 ¿ au titre du paiement des jours de mise à pied (12 jours)-5 504. 28 ¿ au titre de l'indemnité de préavis (trois mois)-282. 25 ¿ au titre de l'indemnité de licenciement (1/ 13 x 2)-66 051. 36 ¿ au titre de l'indemnité pour licenciement abusif-20 000 euros à titre de dommages-intérêts supplémentaires pour le préjudice moral subi du fait de la violence des propos et des accusations mensongères contenues dans la lettre de licenciement-2 753. 37 euros à titre d'indemnités de congés payés et incidence préavis et indemnités de licenciement pour 578. 65 ¿-2 563. 95 ¿ en règlement des commissions dues-3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

- Déclarer commune et opposable à Maître Y..., es-qualité de liquidateur judiciaire et à la CGEA AGS, la décision à intervenir.

- Condamner le CGEA AGS à garantir le paiement de toutes les condamnations relevant de ses obligations.
- condamner tous succombants aux entiers dépens ".
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, la Selarl Z...-Y..., prise en la personne de Maître Salvatore Y..., ès qualités demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Stéphane X...de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à payer à la société P. A. J. M. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, l'AGS CGEA de Nancy demande à la Cour de :
" Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de METZ du 18 juin 2010 en toutes ses dispositions.
Débouter Monsieur X...de l'intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire :
Minorer notablement le quantum des dommages et intérêts éventuellement alloués pour licenciement abusif.
Dire et juger que l'indemnité pour préjudice moral n'est pas garantie par l'AGS.
Dire et juger que les sommes dues au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ne sont pas garanties par l'AGS.
A titre infiniment subsidiaire
Dire et juger que l'AGS ne pourra être tenue que dans les limites de sa garantie fixées aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du Travail.
Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et suivants du Code du Travail.
Dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé établi par le mandataire judicaire et
justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains.
Dire et juger qu'en application de l'article L622-28 du Code de Commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective.
Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS ".

MOTIFS DE L'ARRET

Vu le jugement entrepris ;

Vu les conclusions des parties, déposées le 30 juin 2014 pour l'appelant et les intimés, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur supporte la preuve de la matérialité de la faute grave et de son imputation certaine au salarié.
Les griefs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige.
En l'espèce, la lettre est ainsi motivée :
" Nous faisons suite à l'entretien du 26 mai 2009, entretien auquel nous vous avions convoqué régulièrement par lettre recommandée du 14 mai 2009.
Nous vous confirmons, par la présente, l'ensemble des griefs que nous avons à votre encontre :
Le 06 mai 2009, nous avons reçu un courrier de la famille de la cliente Madame E...Camille. Cette dernière a été démarchée par le vendeur M. B...de l'agence d'Auxerre qui a conclu la commande no 1881846 le 15 avril 2009 pour un montant de 150, 75 ¿ TTC. De surcroît, ce courrier avait pour objet l'annulation de cette commande et faisait

référence à un abus de faiblesse au vu de l'âge avancé de la cliente, soit 92 ans et de ses capacités.
Or, il s'avère que, d'une part, nous n'avons pas trace de cette commande au Siège, et d'autre part, nous avons étonnamment pour la même cliente et sur la même semaine une offre téléphonique no 1901292 absolument identique à la commande no 1881846 dont ne fait absolument pas mention la famille de la cliente, à l'exception de la date de naissance. Enfin, cette offre téléphonique a été réalisée par vos soins.
Les conséquences de cette situation sont notamment les suivantes :- la société peut être poursuivie pour abus de faiblesse,- le vendeur, M. B..., ne sera pas commissionné, ce qui peut aboutir à un litige ultérieur pour défaut de paiement et de plus, si cette pratique est de mise dans votre agence, il n'est pas étonnant que celle-ci ne se développe pas en effectif et par conséquent en Chiffres. Où est la crédibilité du responsable ?- perte de confiance sur le sérieux de la Société.

De surcroît, il s'agit purement et simplement de faux usage de faux, pénalement répréhensible et vous vous rendez également coupable de « détournement de commissions ».
Sur ces agissements, vous avez déclaré lors de l'entretien préalable que la commande de M. B...n'était pas conforme mais sans plus vous souvenir pour quel motif exactement. Cela n'est pas une raison pour prendre la commande à votre nom et surtout en omettant d'indiquer la date de naissance de la cliente, élément prépondérant à la sécurisation des commandes spécialement quand la cliente est âgée de 92 ans, ce que vous saviez pertinemment ! Vous avez également affirmé que M. B...vous avait donné son accord pour que vous refassiez la commande à votre nom, qui s'avère identique à la sienne ! ! Après vérification auprès du vendeur par téléphone le 07 mai 2009, ce dernier ne confirme pas vos dires.

De plus, pour la réalisation de l'offre téléphonique, vous n'avez pas respecté vos missions de Chef d'Agence puisque vous n'avez même pas contacté la cliente pour l'informer du changement de commande et pour confirmer son engagement. Si vous l'aviez fait, vous auriez pu déceler la fragilité de la cliente. Vous êtes pourtant de par votre fonction régulièrement sensibilisé sur les abus de faiblesse.
De plus, nous vous rappelons que vous détenez un outil précieux pour vous aider lors des validations des commandes de vos vendeurs, à savoir la liste des clients NPC (à ne plus contacter). Cette liste est mise en place en majorité à la demande du client ou de la famille qui exige de ne plus les contacter et passer commande. Dans le cas contraire, le risque pour la société est important, pouvant aller jusqu'au dépôt de plainte. La procédure demandée au Chef d'Agence est de vérifier lors de la validation des commandes si le client n'est pas dans cette liste régulièrement mise à jour. Or, vous avez validé l'offre téléphonique no1901269 réalisée le 24 avril 2009 par le vendeur M. C...pour le compte de la cliente Mme D...Mireille pour un montant de 284, 80 ¿ TTC. Il s'avère que cette cliente figurait sur la liste NPC dont vous avez accusé réception le 30 mars 2009.

Lors de l'entretien, vous avez reconnu les faits en ajoutant que de toute façon, cela se faisait dans les autres agences de France. Or, si tel était le cas, nous condamnerions systématiquement ces pratiques.
Tous ces faits justifient amplement votre mise à pied suspensive de rémunération qui vous a été notifiée le 18 mai 2009.
Par conséquent, compte tenu de tout ce qui précède, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, effectif à première présentation de ce courrier, sans préavis ni indemnité de licenciement ".
S'agissant des premiers griefs se rapportant à la commande de Camille E..., Stéphane X...estime qu'il ne sont pas fondés et fait valoir à cet effet que l'abus de faiblesse n'est pas caractérisé, " ni dans les faits, ni potentiellement ". Il explique que la commande a été prise par M. B...sans que l'état de faiblesse de la cliente apparaisse clairement, l'appelant soutenant que l'intéressée, bien qu'âgée, n'avait pas besoin de protection particulière. Mais il indique qu'à la lecture du bon de commande de son vendeur qui a présenté sa démission le soir même où ce bon a été réalisé, il s'est aperçu qu'il contenait des anomalies et qu'il a alors téléphoné à Camille E... pour annuler la commande mais que celle-ci a voulu la maintenir, raison pour laquelle une deuxième commande a été réalisée.
La Selarl Z...-Y...ès qualités rappelle tout d'abord que la société Lionel Dufour avait mis en place un dispositif de prévention des infractions au code de la consommation.
Elle reproche à Stéphane X...d'avoir commis un abus de faiblesse à l'égard de Camille E..., relevant à cet effet qu'il devait pour le moins faire preuve de circonspection dès lors qu'il avait connaissance de l'âge de la cliente, 92 ans, qu'il a intentionnellement (sinon en faisant preuve d'une légèreté blâmable) omis de mentionner sa date de naissance lorsqu'il a établi le second bon de commande, qu'il ne justifie pas de ses assertions quant à l'état de santé de la cliente et quant au prétendu entretien téléphonique qu'il aurait eu avec elle et que la signature de Camille E... sur le bon de commande pris par M. B...aurait dû l'alerter et l'inciter à prendre des précautions.
Elle reproche également à Stéphane X...d'avoir ce faisant procédé à un véritable détournement de commissions en faisant enregistrer à son nom une
commande prise par un vendeur sans que celui-ci l'ait autorisé à s'approprier sa commande.
Le contrat de travail conclu entre la société Lionel Dufour et Stéphane X...contient un article 10 intitulé " délégation de responsabilité " ainsi rédigé :
" LE CHEF D'AGENCE bénéficiera d'une délégation du Chef d'Entreprise, étant donné la manière dont s'exerce l'activité du CHEF D'AGENCE, qui est seul en contact avec la clientèle et la force de ventes et en application des directives qui lui ont été données en la matière.
En conséquence, LE CHEF D'AGENCE déclare avoir eu entière connaissance des dispositions figurant aux Articles L 121-21 à L 121-27 du code de la Consommation, relatifs d'une part, à l'interdiction absolue de tout paiement sous quelque forme que ce soit, sans contrepartie ni engagement, avant l'expiration du délai de réflexion de 7 jours, et d'autre part, au délit « d'abus de faiblesse ».
LE CHEF D'AGENCE veillera notamment, sans que cette liste soit exhaustive, aux éléments et aux points suivants : A ce que les collaborateurs et lui-même n'utilisent pas des arguments de vente différents et erronés de ceux indiqués par l'Entreprise. A la conscience du client portant sur les quantités commandées, sur les millésimes et aux appellations. A la non confusion de la part du client entre les notions d'anciens, de nouveaux francs et d'euros. A la prise en considération de l'âge, des facultés intellectuelles et mentales du client. A ne pas effectuer de commandes sans le consentement et l'accord du client. A ne pas communiquer à la SOCIETE de règlements frauduleux en toute connaissance de cause.

Cette délégation implique l'engagement de l'entière responsabilité du CHEF D'AGENCE, en cas de non respect de la législation sur la concurrence et la consommation. De convention expresse, il est stipulé que l'inobservation répétée de l'une des obligations de cette clause ainsi que le non respect simultané de deux éléments au moins, caractérisera la volonté de la part du CHEF D'AGENCE de nuire à la SOCIETE et sera sanctionné de licenciement.

LE CHEF D'AGENCE déclare avoir connaissance des conséquences de cette délégation qui le rend seul responsable des infractions commises de son fait et il l'accepte. Pour cette raison, il veillera à confirmer l'ensemble des commandes prises chaque semaine ".

En outre, Stéphane X...a signé le 10 avril 2008 un protocole d'accord prévention établi par la société Lionel Dufour rappelant les règles en matière de démarchage ou de vente à domicile et par téléphone ainsi que celles visant à prévenir les abus de faiblesse, la note indiquant expressément " Nous vous invitons à être particulièrement vigilant en présence d'une clientèle âgée ".
Il ressort du bon de commande produit par la Selarl Ganloff Y...ès qualités et de l'attestation de Mathieu B...versée aux débats par Stéphane X...que le 15 avril 2009, Mathieu B..., vendeur dépendant hiérarchiquement de Stéphane X..., a démarché Camille E... et enregistré une commande de vin au nom de cette dernière sous le numéro 1881846 pour un montant total de 150, 75 euros TTC, le bon de commande étant signé de la main de l'intéressée et mentionnant sa date de naissance, à savoir en 1917.
Mathieu B...affirme que le lendemain, il a remis cette commande à Stéphane X...mais que celui-ci lui a dit qu'elle n'était pas valide en raison de la fausseté de la date ainsi que de l'absence de précision du millésime, le témoin ne fournissant pas plus de détail sur les éléments qui auraient posé problème à Stéphane X.... Mathieu B...relate que Stéphane X...lui a demandé de recontacter la cliente par téléphone mais qu'il a refusé de le faire car il voulait démissionner et que Stéphane X...lui alors dit qu'il s'en chargerait.
Selon une offre produite par la Selarl Z...Y...ès qualités, la société Lionel Dufour a reçu le 22 avril 2009 une offre téléphonique enregistrée sous le numéro 1901292 faite par Stéphane X...concernant la même cliente et identique au bon de commande susvisé, sauf à ne pas mentionner la date de naissance de la cliente.
Par lettre du 4 mai 2009, Valérie de G..., se présentant comme l'épouse du petit-fils de Camille E..., a écrit à la société Lionel Dufour en lui joignant une copie du bon de commande numéro 1881846 dont elle disait qu'il avait été retrouvé par son mari chez sa grand-mère et en sollicitant l'annulation de ladite commande compte tenu de l'âge de Camille E... et des faibles revenus de celle-ci. Elle ajoutait que Camille E... n'avait aucun souvenir de cette commande et qu'elle-même avait le sentiment que cette vente était un peu abusive.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Camille E... a conclu une commande par l'intermédiaire de Mathieu B...qui l'a démarchée à son domicile et que le bon de commande correspondant établi par Mathieu B...indique la date de naissance de la cliente et les caractéristiques des vins commandés sans comporter d'anomalie visible, l'appelant n'expliquant pas d'ailleurs en quoi ledit document n'était pas valable, mais que Stéphane X...n'a pas transmis ce bon au siège de la société et a dressé ensuite une offre visant Camille E..., identique audit bon de commande en omettant toutefois d'indiquer la date de naissance de la cliente et de faire référence au démarchage préalable de Mathieu B..., l'attestation de ce dernier n'établissant pas qu'il était d'accord pour que Stéphane X...s'approprie la commande qu'il avait

initialement recueillie.

La Selarl Z...-Y...ès qualités ne produit pas d'élément justifiant de manière certaine que Camille E... était atteinte d'une altération de ses facultés intellectelles En effet, la seule assertion d'un membre de la famille de cette dernière selon laquelle l'intéressée n'aurait pas conservé le souvenir de la commande est insuffisante à cet égard. Elle ne justifie pas non plus de l'absence de contact téléphonique pris par Stéphane X...auprès de Camille E....
En revanche, l'écriture portée par Camille E... sur le bon de commande révèle incontestablement un tremblement important de la part de son auteur et traduit à tout le moins un état de faiblesse physique chez l'intéressée.
Or, alors que tant son contrat de travail que la note de prévention lui imposaient de faire preuve de vigilance pour éviter d'éventuelles poursuites pour abus de faiblesse, en lui demandant pour ce faire de prêter une attention particulière à l'âge de la clientèle, et qu'il était en l'espèce avisé de l'âge très avancé de Camille E... au vu de la mention figurant sur le bon de commande conclu par le vendeur qu'il avait en sa possession ainsi que de sa faiblesse physique révélée par son écriture, éléments objectifs qui étaient de nature à laisser sérieusement soupçonner une vulnérabilité particulière de l'intéressée, Stéphane X...a substitué sans raison audit bon de commande une offre identique au bon mais ne comportant pas la signature de la cliente et ayant la particularité de ne plus faire apparaître sa date de naissance, privant ainsi l'employeur, auquel seule cette offre a été transmise par Stéphane X..., d'informations déterminantes pour lui permettre d'apprécier le risque d'une éventuelle réclamation pour abus de faiblesse et de prendre toute décision utile concernant la suite de cette commande. Stéphane X..., qui ne fournit aucune explication sur l'omission affectant son offre, a ce faisant manqué à une règle fondamentale de l'entreprise qu'il se devait de respecter au premier chef en sa qualité de responsable d'agence, la lettre de licenciement relevant ce grief qui s'analyse a minima en une légèreté blâmable et qui était de nature à favoriser des poursuites contre la société pour abus de faiblesse.
Et en substituant sans aucune raison au bon de commande initial une offre identique mais ayant pour autre particularité de mentionner comme conseiller Stéphane X...sans faire référence à l'intervention préalable de Mathieu B..., Stéphane X...a également manifesté sa volonté de s'approprier cette commande et l'intégralité du droit à commission s'y rapportant alors que rien n'établit que Mathieu B...lui avait donné son accord en ce sens, ni même qu'il ait su que Stéphane X...avait en définitive enregistré une commande téléphonique similaire au bon de commande qu'il avait d'abord pris. Stéphane X...a ainsi tenté de masquer vis-à-vis de son employeur que la commande téléphonique reposait en réalité sur une commande à domicile préalable réalisée par un de ses vendeurs et de détourner à son profit une commission qui ne lui était pas due, peu important à cet égard que Mathieu B...ait démissionné juste après avoir recueilli ce bon de commande dès lors que la rupture de son contrat de travail ne le privait pas du droit de percevoir une commission pour une commande qu'il avait personnellement réalisée. Les griefs énoncés de ces chefs dans la lettre de licenciement sont donc fondés.
S'agissant du grief se rapportant à l'offre faite à Mireille D..., Stéphane X...fait valoir que chaque commande est in fine traitée par le siège qui doit adresser au chef d'agence toute commande dont un élément paraît douteux et que plusieurs ventes ont été faites à des clients NPC par des collaborateurs ou des responsables régionaux sans qu'ils aient à subir de sanctions.
La Selarl Z...-Y...ès qualités relève que Stéphane X...ne peut nier l'évidence de son manquement.
Il résulte des propres pièces produites par Stéphane X...que le 4 juillet 2008, la société Lionel Dufour a diffusé à l'ensemble des directeurs de région et des responsables d'agence une note leur rappelant que chaque mois, une liste de clients à ne plus contacter leur était adressée, ces clients pouvant présenter une danger pour les intérêts de la société. Or, dans la note, la société Lionel Dufour se plaignait que régulièrement, des clients figurant sur ces listes étaient néanmoins démarchés et demandait aux destinataires de la note de prendre leurs dispositions afin d'éviter tous contacts avec ces clients.
La Selarl Z...-Y...ès qualités justifie pour sa part que le 31 mars 2009, Stéphane X...a accusé réception d'une liste de clients à ne plus contacter dans son agence, cette liste comportant le nom de Mireille D....
Or, Stéphane X...ne conteste pas avoir validé une offre téléphonique réalisée le 24 avril 2009 par un de ses vendeurs auprès de cette dernière, ce qui caractérise un non respect de l'instruction découlant de la note précitée.
Si Stéphane X...produit des pièces dont il résulte que d'autres clients ont été démarchés tout en étant inscrits sur une liste NPC, il ressort de ces mêmes éléments que les collaborateurs concernés ont été rappelés à l'ordre à ce sujet par la société Lionel Dufour. Ainsi, l'employeur n'apparaît pas avoir toléré ce type d'agissement, qui, de surcroît, n'est pas le seul manquement reproché à Stéphane X...dans la lettre de licenciement alors que les notes de l'employeur se rapportant à d'autres cas de contacts pris avec des clients NPC ne font pas état d'autres manquements imputables aux salariés visés par ces notes.
Et rien ne permet de démontrer que le licenciement de Stéphane X...trouve son origine dans des différends antérieurs qui l'ont opposé à l'employeur concernant ses résultats ou certaines pratiques de la société alors qu'il résulte des énonciations précédentes que Stéphane X...a manqué de manière caractérisée aux obligations qui pesaient expressément sur lui en matière de prévention des abus de faiblesse à l'égard de la clientèle et de respect des consignes sur les consommateurs à ne plus contacter et qu'il a également rédigé et transmis à son employeur une commande le désignant faussement comme l'ayant réalisée, ce qui était de nature à lui permettre de percevoir la commission correspondante à la place du vendeur ayant réellement emporté cette commande. Il a ainsi commis un ensemble de faits qui, au regard en outre de sa qualité de chef d'agence, constituait une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement pour faute grave de Stéphane X...était fondé.

Sur les conséquences du licenciement pour faute grave

Le licenciement pour faute grave étant privatif du préavis et de l'indemnité de licenciement, il convient de débouter le salarié de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement.

Stéphane X...doit être également débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
Le licenciement reposant sur une faute grave, la mise à pied est justifiée et le jugement doit être aussi confirmé en ce qu'il a débouté Stéphane X...à ce titre.
Il résulte de ce qui précède que l'essentiel des faits dénoncés dans la lettre de licenciement est avéré, seule l'absence de contact téléphonique avec Camille E... qui y est évoquée n'étant pas prouvée. En outre, Stéphane X...n'établit, ni même n'invoque que la lettre de licenciement ait fait l'objet d'une quelconque publicité de la part de la société Lionel Dufour. Dès lors, il n'est pas fondé à réclamer des dommages et intérêts à raison des termes de la lettre de licenciement, étant au demeurant observé qu'il ne justifie pas de la réalité du préjudice moral dont il argue. C'est donc également à juste titre que Stéphane X...a été débouté de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires pour préjudice moral.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Stéphane X...sollicite la somme de 2 563, 95 euros à ce titre, en expliquant qu'elle représente l'année du 2 juillet 2007 au 31 mai 2008 avec incidence du préavis et des indemnités de licenciement.

La Selarl Z...-Y...ès qualités estime que Stéphane X...ne justifie pas de cette demande et fait valoir qu'il a bénéficié par anticipation de jours de congés payés au cours de la période considérée.

La Cour a d'ores et déjà retenu que Stéphane X...devait être débouté de ses demandes de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis de sorte qu'il ne saurait prétendre à des congés payés afférents, étant en tout état de cause observé que l'indemnité de licenciement n'ouvre pas droit à des congés payés.
En outre, Stéphane X...n'explique pas le mode de calcul de la somme de 2 349, 17 euros, ni n'indique le nombre de jours de congés payés dont il aurait été privé alors qu'il résulte de ses bulletins de salaire qu'il a pris des jours de congés en septembre 2007, décembre 2007, février 2008, juillet 2008, août 2008, décembre 2008, avril et mai 2009 qui lui ont été rémunérés et qu'il a perçu à la rupture de son contrat de travail une indemnité compensatrice de congés payés de 2 201, 72 euros.
Ainsi, il ne justifie pas du bien fondé de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés, le jugement étant confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

Sur le rappel de commissions

Stéphane X...sollicite un rappel de commissions se décomposant comme suit :- commissions déduites sur le fixe de janvier 2008 : 174, 45 euros-commissions dues : 2 349, 17 euros-commande A... : 214, 78 euros.

La Selarl Z...-Y...ès qualités estime que Stéphane X...ne justifie pas davantage à hauteur de Cour de sa prétention au titre d'un rappel de commissions et prétend que celui-ci a été rempli de ses droits.
Il résulte du bulletin de salaire de janvier 2008 que la société Lionel Dufour a opéré sur la rémunération de Stéphane X...des déductions au titre de commissions de sorte que l'intéressé a subi au total une retenue de 174, 45 euros par rapport au montant de son salaire fixe. Or, la Selarl Z...-Y...ès qualités ne founit aucune explication, ni aucune pièce pour justifier du bien fondé de cette retenue et du fait que l'intéressé ait été ainsi privé d'une partie de la rémunération fixe qui lui était garantie. Il est donc bien fondé à réclamer le paiement de ladite somme de 174, 45 euros.
Pour ce qui concerne la somme de 214, 78 euros, Stéphane X...précise dans ses conclusions que cette commission se rapporte à une commande dont il fournit le nom, à savoir A..., et le montant, soit 1 652, 21 euros hors taxe. Ce faisant, la Selarl Z...-Y...ès qualités est mise en mesure de répondre en fournissant les éléments détenus par l'employeur propres à démontrer si Stéphane X...a réalisé ou non cette commande et, dans l'affirmative, s'il a été payé de la commission due. Or, force est de constater que la Selarl Z...-Y...ès qualités reste défaillante à ce titre de sorte qu'il convient d'allouer à Stéphane X...la somme précitée.
En revanche, s'agissant de la somme de 2 349, 17 euros, Stéphane X...se borne à la réclamer sans fournir la moindre indication quant au montant du chiffre d'affaires dont elle dépend ou quant à ses modalités de calcul et sans donner une quelconque précision permettant d'identifier les commandes auxquelles elle se rapporte ou, à tout le moins, la période où elles auraient été passées et ce, alors même qu'il résulte des bulletins de salaire de l'intéressé que la société Lionel Dufour lui a régulièrement versé des sommes à titre de commissions. Stéphane X...n'étaye donc pas sa demande en ce qu'elle porte sur la somme précitée de 2 349, 17 euros.
Dès lors, il convient de fixer la créance de Stéphane X...à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Lionel Dufour à la somme de 389, 23 euros à titre de rappel de commissions et de débouter l'appelant du surplus de sa demande.

Sur la garantie de l'AGS CGEA

S'agissant d'une somme due antérieurement au jugement d'ouverture, l'AGS doit sa garantie dans les conditions prévues aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail.

Sur les intérêts

Il convient de rappeler qu'en application de l'article L 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux.

Sur l'opposabilité du présent arrêt

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun et opposable à Maître Salvatore Y...ès qualités et à l'AGS CGEA de Nancy dès lors que ces derniers sont parties à l'instance.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Stéphane X..., qui succombe pour l'essentiel, doit être condamné aux dépens

de première instance et d'appel et débouté de toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de l'équité, il n'y a pas lieu à condamnation de Stéphane X...au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Stéphane X...de sa demande de rappel de commissions ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Fixe la créance de Stéphane X...à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Lionel Dufour à la somme de 389, 23 euros à titre de rappel de commissions ;
Dit que l'AGS doit sa garantie dans les conditions prévues aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail ;
Rappelle qu'en application de l'article L 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Lionel Dufour en date du 27 juin 2012 arrête le cours des intérêts légaux ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne Stéphane X...aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02791
Date de la décision : 15/10/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2014-10-15;12.02791 ?
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