Arrêt no 14/ 00480
01 Octobre 2014--------------- RG No 12/ 02387------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de THIONVILLE 27 Juin 2012 12/ 040 I------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
Premier Octobre deux mille quatorze
APPELANTE :
SAS SALMON PEINTURE prise en la personne de son représentant légal 28 Route de Thionville BP 738 57147 WOIPPY CEDEX
Représentée par Me VEINAND, avocat au barreau de THIONVILLE, substitué par Me BROCHE, avocat au barreau de THIONVILLE
INTIMÉ :
Monsieur Mevludin X...... 57100 THIONVILLE
Représenté par Me MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE, substitué par Me GARREL, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 8810 du 18/ 10/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Juin 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier
ARRÊT :
contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre, et par Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mevludin X...a été engagé par la société Salmon Peinture en qualité d'isolateur thermique par contrat du 16 août 2010 pour une durée déterminée jusqu'au 17 septembre 2010, ce contrat ayant ensuite été prolongé jusqu'au 23 décembre 2010 puis transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 24 décembre 2010.
Lors d'une visite de reprise à la suite d'un accident d'un travail, le médecin du travail a, le 22 novembre 2011, déclaré le salarié apte mais avec les restrictions suivantes " travail au sol uniquement ou intérieur, pas de conduite de véhicule pour 3 mois, à revoir à l'issue, pas de travaux hors vision d'un collègue ".
Convoqué par lettre du 29 novembre 2011 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 décembre 2011, Mevludin X...a été licencié suivant une lettre du 9 décembre 2011 rédigée comme suit :
" Lors de notre entretien, qui s'est déroulé le mardi 6 décembre 2011 dans nos bureaux, nous vous avons indiqué les motifs qui motivaient notre décision de rompre votre contrat de travail et avons recueilli vos observations.
Après réflexion, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour les motifs suivants :- Insuffisance professionnelle-Manque de soins sur les chantiers-Non-respect des règles de l'art de notre métier-Non-qualité de travail et manque de professionnalisme-Discrédit auprès de notre clientèle par rapport à ces manques
Chantier M. A...¿ isolation thermique extérieure A la réception du chantier le 24/ 10/ 11, M. A...très mécontent du fait de l'état du chantier : sale, non rangé, tâches d'enduit sur les dalles de sa terrasse, ne nous a pas réglé la totalité du marché initial et nous avons été obligé de lui accorder un rabais commercial.
Chantier M. B...¿ isolation thermique extérieure A la réception du chantier le 28/ 10/ 11, M. B...refuse de payer la totalité du chantier suite aux malfaçons : tablette aluminium rayée, cabossée, mal posée et nous avons été obligés de faire un rabais commercial.
La date de première présentation de cette lettre à votre domicile fixera le point de départ de votre préavis d'une durée de 1 mois au terme duquel votre contrat sera définitivement rompu ".
Suivant demande enregistrée le 31 janvier 2012, Mevludin X...a fait attraire la société Salmon Peinture devant le conseil de prud'hommes de Thionville.
La tentative de conciliation a échoué.
Dans le dernier état de ses prétentions, Mevludin X...a demandé à la juridiction prud'homale de condamner la société Salmon Peinture à lui verser la somme de 8 600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec exécution provisoire, sollicitant en outre la condamnation de son ex employeur aux dépens.
La société Salmon Peinture s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de Mevludin X...aux dépens.
Le conseil de prud'hommes de Thionville a, par jugement du 27 juin 2012, statué dans les termes suivants :
" DIT que la rupture du contrat de travail liant Mr X...à la S. A. S. SALMON PEINTURE s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence, condamne la SAS SALMON PEINTURE prise en la personne de son représentant légal à verser à M. X...la somme de 8 600 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement en application de l'article 515 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS SALMON PEINTURE aux entiers frais et dépens de l'instance ".
Suivant déclaration de son avocat enregistrée le 3 août 2012 au greffe de la cour d'appel de Metz, la société Salmon Peinture a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, la société Salmon Peinture demande à la Cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Mevludin X...de toutes ses demandes, de le condamner en tant que de besoin au remboursement de la somme de 8 600 euros payée au titre de l'exécution provisoire et de le condamner aux dépens.
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, Mevludin X...demande à la Cour de déclarer la société Salmon Peinture irrecevable en son appel, subsidiairement, de la débouter de toutes ses demandes, de confirmer le jugement, de constater qu'il bénéficie d'une aide juridictionnelle totale et de condamner la société Salmon aux entiers dépens.
MOTIFS DE L'ARRET
Vu le jugement entrepris ;
Vu les conclusions des parties, déposées le 24 avril 2014 pour l'appelante et le 5 mai 2014 pour l'intimé, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;
Sur l'irrecevabilité de l'appel
Mevludin X...estime que l'appel est irrecevable pour avoir été enregistré au delà du délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Il fait valoir à cet effet que la notification du jugement a été faite par le conseil de prud'hommes le 27 juin 2012 et que c'est cette date qui fait courir le délai d'appel, peu important la date de remise effective du jugement à son destinataire.
Selon l'article R 1461-1, alinéas 1 et 2 du code du travail, le délai d'appel est d'un mois. L'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse par lettre recommandée au greffe de la cour.
Il résulte des articles 528 alinéa premier et 640 du code de procédure civile que le délai d'appel a pour origine la date de notification du jugement.
S'agissant d'une notification par voie postale, faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et en application des articles 668 et 669 du même code, la date de notification est, à l'égard de celui à qui elle est faite, celle de la réception de la lettre, laquelle correspond à la date apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l'intimé, le point de départ du délai d'appel est non pas la date de la lettre de notification du jugement mais celle à laquelle ladite lettre est effectivement remise à son destinataire, soit en l'espèce le 3 juillet 2012 ainsi qu'en témoigne la date inscrite en regard de la mention " distribué " figurant sur l'avis de réception du courrier de notification destiné à la société Salmon Peinture.
Or, la déclaration écrite d'appel de cette dernière a été reçue au greffe de la Cour le 3 août 2012, étant rappelé qu'en vertu des article 641, alinéa 2, et 642 du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en mois, ce délai expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de la notification qui fait courir le délai et que tout délai expire le dernier jour à 24 heures.
Il s'ensuit que l'appel a été formé dans le délai requis et que la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de l'appel doit être rejetée.
Sur le licenciement
Invoquant plusieurs attestations, la société Salmon Peinture estime que le licenciement repose sur des griefs réels et fondés. Elle conteste la pertinence des motifs du jugement, faisant valoir que la rupture du contrat de travail est sans lien avec les réserves émises par le médecin du travail et a été décidée par suite de l'accumulation de réunions de réception de chantier à la fin du mois d'octobre 2011 qui ont mis en lumière la qualité déplorable du travail de l'intéressé.
Mevludin X...considère au contraire que son licenciement est injustifié. Il conteste avoir travaillé sur le chantier de M. A...et argue en tout état de cause de l'absence de lien entre son travail et les défauts constatés sur les chantiers litigieux, soulignant s'agissant du chantier de M. B...qu'il n'était pas le seul à y travailler et que si malfaçons il y avait eu, le chef de chantier lui en aurait fait la remarque. Il considère que ce sont les restrictions à ses possibilités de travailler qui ont entraîné son licenciement.
Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement doit comporter l'énoncé du ou des motifs du licenciement, les motifs ainsi mentionnés fixant les limites du litige.
En l'espèce, pour illustrer les griefs énoncés à l'encontre du salarié, la société Salmon Peinture se fonde tant dans la lettre de licenciement que dans ses écritures sur deux chantiers, ceux de MM. A...et B....
Si l'intimé nie être intervenu sur le chantier de M. A..., la société Salmon Peinture verse cependant aux débats une attestation de Noël C..., chef de chantier, qui indique que Mevludin X...a travaillé 13 jours en août 2011 chez M. A...et une attestation d'un autre de ses salariés, Pascal D..., qui confirme la présence de Mevludin X...sur ce chantier en août 2011. Il est donc établi que l'intimé a bien travaillé sur le chantier en cause en août 2011.
Mais si Noël C...indique aussi dans son attestation que le chantier de M. A...a été laissé dans un état déplorable (sale, non rangé et avec des taches d'enduit sur les dalles de la terrasse) et que le client était très mécontent, il ne résulte pas de ce témoignage l'existence d'un lien entre l'état du chantier ainsi décrit par le témoin et l'intervention de Mevludin X..., ce d'autant plus que celle-ci a eu lieu en août 2011 alors que l'état du chantier a été constaté lors de sa réception le 24 octobre 2011, soit près de deux mois après. Et force est de constater qu'aucun autre élément ne permet d'imputer à Mevludin X...l'état dans lequel ce chantier a été laissé.
Pour ce qui concerne le chantier de M. E..., la société Salmon Peinture verse aux débats une attestation de ce dernier qui relate que Mevludin X...est intervenu sur les façades de son pavillon pour reprendre les malfaçons constatées et que les reprises ont été très mal faites. Elle produit aussi une attestation de Noël C...selon lequel " M. B...était très mécontent du travail réalisé par M. X...sur sa façade : impacts, mauvaise réalisation générale, tablette cabossée et mal posée ".
S'agissant de l'attestation de M. B..., elle est imprécise en ce qu'elle ne décrit pas en quoi les reprises ont été mal réalisées. Celle de Noël C...l'est également en ce qu'elle fait état du mécontentement du client à l'égard de Mevludin X...et de malfaçons mais sans que le témoin, pourtant chef de chantier de la société Salmon Peinture, indique avoir lui-même constaté que ces malfaçons, lesquelles sont d'ailleurs pour l'essentiel peu ou pas explicitées (impacts non décrits, mauvaise réalisation générale sans autre détail), existaient et qu'elles étaient effectivement dues à Mevludin X..., étant observé que l'appelante ne conteste pas l'affirmation de celui-ci suivant laquelle il a travaillé sur ce chantier avec d'autres ouvriers et qu'il n'est produit aucun élément de nature à la contredire. Il n'est donc pas établi que Mevludin X...soit responsable de malfaçons sur ce chantier.
C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont dit que le licenciement de Mevludin X...était sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
S'agissant d'un salarié qui avait moins de deux ans d'ancienneté, Mevludin X...est en droit de solliciter, conformément à l'article L 1235-5 du code du travail, une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.
A la date de son licenciement, il était âgé de 30 ans, avait une ancienneté de 15 mois et disposait d'un salaire de 1 433 euros.
Il ne justifie pas de sa situation professionnelle et de ses revenus à la suite de la rupture de son contrat de travail.
Mais il n'en demeure pas moins que la perte injustifiée de son emploi lui a nécessairement causé un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 4 300 euros.
Sur le remboursement de la somme versée au titre de l'exécution provisoire
Le présent arrêt, réformant à la baisse le montant de l'indemnité allouée, constitue le titre ouvrant droit à la restitution en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Salmon Peinture.
Sur les dépens
Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, la société Salmon Peinture doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire :
Rejette la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de l'appel ;
Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant de l'indemnité réparant l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Condamne la société Salmon Peinture à payer Mevludin X...la somme de 4 300 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de remboursement de la somme versée en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la société Salmon Peinture aux dépens d'appel.
Le Greffier, le Président de Chambre,