La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2014 | FRANCE | N°10/02653

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 10 septembre 2014, 10/02653


Arrêt no 14/ 00449
10 Septembre 2014--------------- RG No 10/ 02653------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de THIONVILLE 24 Juin 2010 08/ 146 E------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix Septembre deux mille quatorze
APPELANTE :
Madame Olga X... ...... 57290 FAMECK

Comparante assistée de Me PETIT, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL prise en la personne de son représentant légal 4 Rue de Verdun 57700 HAYANGE <

br>
Représentée par Me BENDER, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application...

Arrêt no 14/ 00449
10 Septembre 2014--------------- RG No 10/ 02653------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de THIONVILLE 24 Juin 2010 08/ 146 E------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix Septembre deux mille quatorze
APPELANTE :
Madame Olga X... ...... 57290 FAMECK

Comparante assistée de Me PETIT, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL prise en la personne de son représentant légal 4 Rue de Verdun 57700 HAYANGE

Représentée par Me BENDER, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Alain BURKIC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier
ARRÊT :
contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre, et par Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE

Madame X... est entrée au service du Crédit Mutuel le 1er octobre 1969, d'abord à la Caisse du Crédit Mutuel de KNUTANGE puis, à compter du 2 novembre 1990, à celle de HAYANGE dont elle assurait, en dernier lieu, la direction.

Le 20 février 2008, l'employeur a convoqué Madame X... à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 4 mars 2008 et lui a notifié une mise à pied conservatoire.
Madame X... a été licenciée par lettre du 18 mars 2008 pour faute grave pour s'être « rendue coupable de harcèlement moral envers plusieurs salariés et, notamment, envers ¿ Madame Y...» et pour absences injustifiées.
Suivant demande enregistrée le 7 mai 2008, Madame X... a fait attraire devant le Conseil de Prud'hommes de THIONVILLE son ancien employeur, la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, en la personne de son représentant légal, aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes au titre de créances salariales et indemnitaires.
Par jugement du 24 juin 2010, le Conseil de Prud'hommes de THIONVILLE a débouté Madame X... de l'ensemble de ses prétentions.
Suivant déclaration de son avocat reçue au greffe de la Cour le 1er juillet 2010, Madame X... a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 17 mars 2014, la Cour a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par Madame X... dans l'attente de la décision de la présente Cour sur l'appel interjeté par Madame Y...contre un jugement du conseil de prud'hommes de Thionville ayant condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Hayange à lui payer la somme de 120 000 euros en réparation, notamment, du préjudice né du harcèlement moral subi.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Madame X... demande à la Cour de :
« INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement comme ayant une cause réelle et sérieuse DECLARER le licenciement sans cause réelle et sérieuse, CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL à verser à Madame X... les sommes de :-13 929, 00 euros bruts au titre du préavis-1 392, 90 euros bruts au titre des congés payés sur préavis

-102 146, 00 euros au titre de l'indemnité de licenciement avec intérêts de droit à compter du jour de la demande et exécution provisoire par application des dispositions de l'article R 1454-28 (ancien R 516-37 du Code du Travail.-139 290, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir et exécution provisoire par application des dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile. CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL à payer à Madame X... la somme de 2 000, 00 euros au titre de l'article 700 du CPC. CONDAMNER la société intimée aux entiers frais et dépens ».

Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Madame X... à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Vu le jugement entrepris,

Vu les conclusions écrites des parties, reçues au greffe le 20 juin 2012 pour Madame X... et le 27 janvier 2014 pour la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Attendu que Madame X... a été licenciée pour faute grave, notamment, pour avoir commis en sa qualité de directrice de la Caisse de Crédit Mutuel de Hayange des faits de harcèlement moral au préjudice de plusieurs salariés dont Madame Y...;
Que les dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail ne sont pas applicables lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral ;
Que l'employeur supporte la charge de la preuve de la faute grave et de son imputation certaine au salarié ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un
ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;
Que l'employeur produit aux débats les attestations d'anciens salariés de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE et le témoignage de Madame Y..., membre du personnel de la caisse au moment du licenciement ;
Que Madame X... fait valoir, premièrement, que les attestations en cause émanent de salariés ayant quitté la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE depuis de nombreuses années et met en exergue le cas de Madame Z...qui a témoigné 10 ans après son départ de ladite caisse ;
Que l'appelante indique, dans ses écritures, que « si l'employeur avait bien connaissance, du fait de cette attestation ainsi que de celle de Madame Y...établie un an avant l'engagement de la procédure de licenciement, des faits de harcèlement moral, et qu'il avait la certitude de sa réalité, il faut s'étonner là encore de la tardiveté avec laquelle il réagit » et ajoute qu'il « pourrait même lui être opposé tout d'abord la prescription des faits fautifs puisque seule Madame Y..., qui est encore en poste au sein de la Caisse parmi l'ensemble des salariés présents se plaint de harcèlement moral et aussi le manquement à l'obligation de sécurité de résultat envers les autres salariés de l'entreprise » ;
Attendu qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;
Que le point de départ du délai est constitué par le jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié ;
Que l'employeur indique que lors de la réunion trimestrielle du CHSCT des CAISSES DE CREDIT MUTUEL de la Direction Régionale Ouest (DRO) qui s'est tenue le 6 décembre 2007, l'attention du Directeur Régional a été attirée sur des faits qualifiés par le CHSCT de « harcèlement » au sein de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, l'attention du CHST ayant été initialement attirée par l'évolution des effectifs de ladite caisse qui laissait apparaître un turn over anormal ;
Que, sur demande du CHST, une réunion a été tenue à la DRO le 14 décembre 2007 avec les anciens salariés ayant quitté à leur demande la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, pour intégrer d'autres structures du CREDIT MUTUEL ;

Que ces anciens salariés ont établi des attestations au début de l'année 2008 pour relater leur condition de travail au sein de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, témoignages produits aux débats par l'employeur ;

Qu'il est constant que les délégués du CHSCT désignés pour l'enquête se sont rendus à la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE le 27 décembre 2007 et ont établi un rapport daté du 11 janvier 2008 ;
Que parallèlement à cette démarche du CHSCT, une salariée de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, Madame Y..., a également contacté le Directeur Régional pour se plaindre d'un harcèlement qu'elle subissait de la part de Madame X... ;
Que faisant suite à une demande du directeur régional contenue dans un courrier du 21 décembre 2007, une enquête a également été menée par le Président du Conseil d'Administration de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, assisté du Vice-Président et du Président du Conseil de Surveillance, lesquels ont établi un premier rapport le 12 janvier 2008 après audition des salariés de la caisse, excepté Madame Y..., et un second rapport daté du 19 janvier 2008 après audition de cette dernière ;
Que lors de son audition, Madame Y...a confirmé et détaillé les agissements de Madame X... caractéristiques d'un harcèlement moral à son égard ;
Que par lettre de son conseil datée du 15 février 2008, Madame Y...a informé son employeur de son intention de déposer plainte pour harcèlement moral ;
Que c'est dans ces circonstances que Madame X... a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 20 février 2008 ;
Que pour conclure à la prescription des faits reprochés, Madame X... se borne à se référer à l'attestation de Madame Z..., salariée ayant quitté la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE en 1997, et à la date de l'attestation de Madame Y...;
Que force est de constater que si les faits évoqués par Mme Z...concernent la période 1994-1997, son attestation a été établie le 14 janvier 2008, ce que ne conteste pas la salariée ;
Que la date des faits évoqués par le témoin ne doit pas être confondue avec celle de leur révélation et de leur connaissance par l'employeur ;
Que si l'attestation de Madame Y...mentionne bien le 8 janvier « 2007 » et non « 2008 » comme date d'établissement, il s'agit manifestement d'une erreur
matérielle, le témoin y relatant des faits postérieurs à cette date, ce qui est démontré par des documents communiqués par l'intéressée (courriels, impressions d'écran ¿) et qui figurent dans les pièces de l'employeur ;
Qu'il apparaît, en conséquence, que les faits reprochés à Madame X... n'étaient pas prescrits au 20 février 2008, date de convocation à l'entretien préalable au licenciement ;
Attendu que Madame X... fait valoir, deuxièmement, que en ne lui permettant pas de se défendre devant le Conseil d'Administration, organe de décision, l'employeur a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et rappelle que le non-respect d'une procédure conventionnelle constitue un vice de fond rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que force est de constater que Madame X... ne fait référence à aucune disposition de la convention collective applicable ou des statuts de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, association coopérative à responsabilité limitée, prévoyant la nécessaire saisine du conseil d'administration de la caisse avant tout licenciement d'un salarié ;
Que la salariée ne conteste pas l'assertion de l'intimée selon laquelle la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE est légalement représentée par le président du conseil d'administration mais soutient que ce dernier, en demandant à ce conseil de se prononcer sur le licenciement, a reconnu tenir dudit conseil le pouvoir de rompre le contrat de travail ;
Que le simple fait que le président du conseil d'administration de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE ait pris l'initiative de consulter, notamment, les membres dudit conseil concernant la situation de Madame X... n'est pas assimilable à la mise en ¿ uvre d'une procédure obligatoire de consultation préalable d'un organe doté d'une compétence conventionnelle ou statutaire quant au licenciement d'un salarié ;
Qu'il convient encore de relever que le conseil d'administration de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ;

Attendu que Madame X... fait valoir, troisièmement, que l'attestation de Madame Z...a été établie antérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement, ce qui démontre que l'employeur avait, à cet instant, déjà pris sa décision de la licencier en contradiction avec « les textes et la jurisprudence » ;

Que le fait pour l'employeur de recueillir préventivement des éléments de preuve ne peut, à lui seul, démontrer que la décision de licenciement de Madame X... avait déjà été prise avant la tenue de l'entretien préalable ;
Qu'en tout état de cause, la décision de licenciement prise avant la tenue de l'entretien préalable constitue une irrégularité de procédure et n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, étant observé que Madame X... n'a formulé aucune prétention indemnitaire fondée sur une irrégularité de procédure ;

Attendu que Madame X... soutient, quatrièmement, que l'employeur ne rapporte pas la preuve du harcèlement moral allégué ;

Qu'il convient de rappeler que l'employeur a produit aux débats les attestations d'anciens salariés ou stagiaire de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, à savoir Monsieur Laurent A...et Mesdames Z..., B..., C...et D...Sihame ;
Que Madame Z...indique avoir subi les agissements malveillants de Madame X... de 1994 à 1997 et relate, à cet égard, que :
- après lui avoir adressé des remarques négatives sur ses performances professionnelles lors des réunions du personnel, Madame X... l'a régulièrement traitée de « connasse », « bourrique » et demandé de démissionner en lui disant, notamment, « tu ne vois pas que le Crédit Mutuel n'a plus besoin de toi » ;- Madame X... a cassé tous les liens de camaraderie autour d'elle, l'a réduisant à une « pestiférée » avec laquelle personne ne prenait le café dans le local de détente de l'agence ;- Madame X... l'a brutalement affectée à la caisse principale, emploi inconnu d'elle, ce qui a généré un stress important ;- Madame X... lui a refusé les stages demandés et inscrit à des stages sans discussion préalable ;- Madame X... exigeait que les objectifs soit atteints de manière brutale, le témoin produisant un message adressé par l'appelante lui indiquant « Je vous demande de tenir l'objectif d'un contrat par jour sous peine de sanction » ;- Madame X... l'a menacée en lui disant « si tu racontes quelque chose, ta carrière au Crédit Mutuel est terminée » ;

Que Madame X... soutient que Madame Z...a perdu tout crédit en ne s'étant jamais manifestée auparavant ;
Que le fait que des salariés, comme Madame Z..., ait préféré, dans un premier temps, garder le silence, après avoir trouvé une solution individuelle avec un départ de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, avant d'être confrontés à la réalité d'autres vécus professionnels traumatisants et de faire le choix de témoigner dans l'espoir d'une démarche utile pour autrui n'est pas de nature à priver de toute crédibilité ce type de témoignage ;
Que Madame B..., qui a travaillé à la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE en compagnie de Madame X... de 1996 à octobre 2000, relate :
- que, sur demande de Madame X... et en vue d'y apposer sa signature, elle a établi un document destinée à une banque allemande mais qu'elle a été contrainte de signer elle-même en l'absence de l'appelante, intervention initialement validée par cette dernière oralement avant qu'une inspection n'en constate l'irrégularité entraînant le prononcé d'un avertissement à l'encontre du témoin sur demande de Madame X... ;- qu'à réception de sa lettre de démission, Madame X... est entrée sauvagement dans son bureau en lui disant « Ca, cela veut dire j'me casse et j'vous emmerde » et qu'elle a recommencé ladite lettre après la remarque de l'appelante selon laquelle elle aurait « pu faire mieux après tout ce qu'ils avaient fait pour moi » ;- qu'à Hayange, « on avait toujours peur de mal faire ou de déplaire » ;

Que Madame X... n'a formulé aucune observation concernant le témoignage de Madame B...;
Que Madame C..., qui a travaillé à la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE en compagnie de Madame X... de mars 2000 à juin 2004, indique qu'elle a rencontré beaucoup de problèmes avec l'appelante après le départ de sa collègue Madame B...pour la caisse de Sierck, avec laquelle elle entretenait de très bonnes relations et avait gardé le contact ; qu'apprenant la permanence dudit lien, Madame X... l'a traitée de « salope » devant des collègues et lui a imputé le transfert de clients vers la caisse de Sierck, ce que les collègues lui ont rapporté ; que le témoin s'étant rendu dans le bureau de Madame X..., cette dernière a reconnu les faits et lui a dit « oui c'est vrai, j'ai dit que vous étiez une salope mais je pensais que vous parliez de moi avec votre collègue » ;
Que peu de temps après cet incident, Madame X... a dit à Madame C...« vous savez le jour où vous avez osé débouler dans mon bureau, je vous aurai claqué, vous m'avez prise au dépourvue » ;
Que le témoin relate que, après avoir annoncé à Madame X... son prochain départ de la caisse, l'intéressée l'a convoquée dans son bureau pour lui dire : « puisque vous avez une réservation à Biarritz pour 15 heures, je vous annule votre congé de samedi matin » et que, en réponse à une remarque sur le caractère inacceptable de son comportement, Madame X... a indiqué au témoin : « Ici c'est moi le chef et vous l'employée, vous rêvez, je ne vais pas vous faire de cadeaux » ;
Que suite à cet incident, Madame X... a proposé au témoin de « faire la paix » tout en lui indiquant ce que le président du conseil d'administration et elle-même avaient pensé après l'annonce de son départ dans les termes suivants : « j'ai vraiment pensé que vous étiez une grosse salope et que vous pouviez aller vous faire enculer pour votre cadeau de départ », l'appelante ajoutant qu'elle ne le pensait plus aujourd'hui ;
Que force est de constater que Madame X... se limite à contester le témoignage de Mme C...en ce qu'il y est également relaté des faits postérieurs à son départ de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE dont il ne peut être tenu compte ;
Que s'agissant de la situation de Madame Y..., salariée de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE à tout le moins depuis mars 1998 ainsi qu'en atteste son bulletin de salaire, l'attestation de l'intéressé comporte l'imputation de nombreux agissements de harcèlement moral à l'encontre de Madame X... ayant conduit à une altération de sa santé psychique ;
Que Madame Y...fait état des insultes proférées par Madame X... devant les collègues de manière à l'humilier et à la discréditer ;
Que ces déclarations sont confirmées par l'attestation de Madame C...qui indique avoir entendu un matin, avant l'ouverture de l'agence, alors qu'elle remplaçait au guichet et que la porte du bureau de Madame X... était ouverte, cette dernière s'exclamer devant une collègue, Madame Françoise E..., laquelle avait cité le nom de Y...comme l'auteur d'un transfert d'un produit bancaire, dans les termes suivants « Mais quelle conne celle-là alors » ;
Que Mme C...relate également avoir vu, avant son départ de Madame X..., Madame Y...dans son bureau « à la limite de la crise de larmes » et lui expliquant qu'elle « ne pouvait plus manger, qu'elle se sentait vraiment très très mal et qu'elle était à bout » ;
Que l'employeur produit également l'attestation de Madame D...Sihame, stagiaire au sein de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE dans le cadre de son parcours universitaire pour la période 2004-2005 ;
Que Madame X... relève que cette attestation n'est pas datée ;
Qu'il convient de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, lesquelles requièrent notamment que l'attestation soit datée, ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu'il appartient à la cour d'apprécier si une attestation non conforme aux règles de l'article précité présente ou non des garanties suffisantes pour emporter sa conviction et ne pas l'écarter ;
Que l'attestation a été rédigée sur un formulaire comportant la mention en-tête suivante : « attestation de témoin destinée à être produite en justice » ; qu'elle comporte l'indication complète des éléments d'identification de l'auteure et, notamment, l'adresse de celle-ci ;
Que la destination du témoignage fourni était donc parfaitement connue ;
Que Madame X... ne conteste pas la présence du témoin au sein de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE pour la période indiquée par celle-ci ;
Qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'écarter des débats l'attestation de Madame D...Sihame, régulièrement communiquée, au seul motif qu'elle ne répond pas aux prescriptions légales ;
Que Madame D...Sihame témoigne du fait qu'elle a entendu Madame X... parler de Madame Y..., alors en arrêt maladie, en indiquant qu'elle allait tout faire pour l'enfoncer et que « Claudine était devenue folle, c'est pour ça qu'elle était en maladie » ;
Que le témoin relate avoir surpris une conversation entre Madame X..., Monsieur F...et madame G..., présents dans la « cuisine » de l'agence, et dans laquelle Madame Y...était à nouveau traitée de « folle » ;
Que Madame Y...évoque dans son attestation un retrait de pouvoirs et fournit à cet égard deux documents intitulés « pouvoirs et limites de compétences de Claudine Y...», le premier imprimé le 9 octobre 2003, alors que cette dernière n'est que chargée de clientèle, et le second le 9 mai 2006 alors qu'elle est devenue responsable commerciale avec effet au 1er juin 2005 ainsi qu'en atteste un courrier du président du conseil d'administration de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE du 23 juin 2005 ;
Que la comparaison de ces deux documents révèle une nette diminution des responsabilités de Madame Y...en ce qui concerne les « crédits-engagements » ;
Que cette réduction des pouvoirs de Madame Y...ne fait l'objet d'aucune explication spécifique de la part de Madame X..., la question n'étant pas même abordée dans ses écritures ;
Que Madame Y...reproche à Madame X... d'avoir délibérément laissé, en janvier et février 2006, tourner le compteur des réalisations individuelles professionnelles alors qu'elle était en arrêt maladie depuis septembre 2005, ce dont elle justifie par la production des documents bancaires concernés ;
Que Madame X... ne conteste pas le fait en cause et se borne à alléguer qu'elle ne voit pas en quoi il y aurait un phénomène de harcèlement moral pour cet « incident professionnel », alors même que ce dernier était de nature à tronquer la restitution de l'activité de Madame Y...;
Que Madame Y...évoque un traitement discriminatoire par rapport aux autres salariés de la part de Madame X... et souligne, à cet égard, l'absence de transmission d'informations professionnelle utiles à sa fonction, le témoin produisant un courriel de l'appelante du 14 mars 2007 transférant à six salariés de la caisse un message d'informations sur le « crédit consommation », à l'exception de Madame Y...pourtant responsable commercial au sein de l'agence ;
Que ces indications et ces documents n'ont fait l'objet d'aucun commentaire de la part de l'appelante ;
Que Madame Y...fait observer et justifie du fait qu'elle vouvoyait Madame X... alors que cette dernière la tutoyait ; que Madame X... se borne à affirmer qu'elle en faisait de même avec d'autres salariés qui la tutoyait ;
Que Madame Y...fait état de refus de congés répétés ainsi que de retrait de congés injustifié ;
Que le témoin produit aux débats des copies écran du programme informatique relatif aux congés des salariés répertoriant quatre refus de demandes de congés par Madame X... avec des commentaires tels que « maladie autre moyen de mise à jour » ou « 2 cdc en congés la même semaine » alors même que Madame Y...justifie du fait que deux employés « cdc » s'étaient déjà retrouvés en congés la même semaine en avril 2007 ;
Que Madame Y...indique qu'après ses congés du 16 au 20 août 2005, elle a dû prolonger son absence à la suite d'un décès dans sa famille, ce qui n'avait pas donné lieu à un retrait de journées congés comme en atteste le bulletin de salaire pour ledit mois, mais que des jours lui ont été indûment retirés en décembre 2005, après une communication téléphonique tendue avec Madame X..., comme en témoigne effectivement le bulletin de paie dudit mois avec le retrait de cinq jours du 23 au 27 août 2005 ;
Que Madame X... n'a formulé aucune observation sur ces deux points ;
Que Madame Y...relate que, le 17 octobre 2007, après être rentrée dans son bureau comme une « furie » à 11H55 alors qu'elle était en discussion avec un client, Madame X... lui a inscrit, à « 13h36 », sur son agenda électronique de la caisse un rendez-vous pour « 13H00 » dans son bureau ; que n'ayant pas vu ce rendez-vous le matin, le témoin s'est rendue à 14H00 dans le bureau de Madame X... qui lui a indiqué sur un ton agressif qu'elle la verrait le lendemain puisqu'elle lui avait mis un rendez-vous avant ;
Que si Madame Y...produit les copies écran de l'agenda électronique la concernant, où figure son rendez-vous matinal, ainsi que de la prise de rendez-vous par Madame X..., cette dernière n'a formulé aucune observation concernant cette prise de rendez-vous subite et les déclarations du témoin sur le refus ultérieur de toute discussion ;
Qu'il est constant que Madame Y...a été placée en arrêt maladie à compter du 18 octobre 2007 ;
Qu'il s'évince des motifs qui précèdent qu'il y a lieu de considérer que la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE a rapporté à suffisance de droit la preuve du harcèlement moral dont s'est rendue coupable Madame X... à l'égard de Mesdames Z..., B..., C...et Y...;
Que les éléments avancés par Madame X... ne sont pas de nature à contredire la conclusion susvisée ;
Qu'il est ainsi produit plusieurs attestations de clients la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE exprimant leur satisfaction quant à la relation commerciale entretenue avec Madame X... ;
Que certains clients ainsi que des élus du conseil d'administration de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE font état du comportement respectueux de Madame X... à l'égard de son personnel ;
Que chacun de ces témoins relate de manière générale son expérience spécifique avec l'appelante, laquelle ne correspond pas à celle d'un vécu professionnel au quotidien au sein de la caisse dans une relation de subordination avec la responsable de celle-ci ;
Que, sans qu'elles ne révèlent des actes caractéristiques d'un harcèlement moral à l'égard d'une ou d'un salarié de la caisse, plusieurs déclarations précises, car suffisamment circonstanciées, d'employés sont de nature à corroborer la réalité d'un management de madame X... caractérisé par la violence verbale et une absence de considération des salariés ;
Que Monsieur Laurent A..., employé au sein de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, atteste du refus de Madame X... d'accorder à une employée, Madame H...Estelle, un jour de congés au mois d'août 2002, pour son mariage, alors que les bans étaient publiés et des propos de Madame X... à la suite de la demande renouvelée de l'employée : « non c'est non, ils n'ont qu'à décaler leur mariage et pour qui se prennent-ils » ;
Que ce refus de congés est également attesté par Madame C...qui précise que Madame H...a effectivement reporté la date de son mariage ;
Que Madame X... se borne à affirmer, dans ses écritures, que Madame H...« a pu prendre ses congés à l'occasion de son mariage » ;
Que Monsieur Laurent A...relate la journée d'isolement dans une pièce du premier étage imposée par Madame X... à une employée engagée comme guichetière en contrat à durée déterminée, dénommée « Rosa », et dont Madame X... voulait se débarrasser avant la fin du contrat, l'intéressée démissionnant effectivement le lendemain de sa « pénitence » ; que le même témoin atteste avoir entendu à plusieurs reprises Madame X... insulter ses subordonnées de « salopes » et de « elle me fait chier celle-là » ;
Que le témoin précise encore qu'il a très rapidement formulé « en secret » une demande de mobilité et qu'il a été « libéré de cet enfer » le 1er juillet 2003 ;
Que Madame D...Sihame témoigne avec précision de la plaisanterie ouvertement raciste que lui a racontée Madame X... dans la cuisine de l'agence, ce que cette dernière a nié dans ses écritures ;
Que Madame C...déclare avoir été témoin de la « rage » de Madame X... à l'égard de plusieurs salariés dont Monsieur Claude I...à propos duquel l'appelante a dit un matin, dans la cuisine de l'agence et avant l'ouverture : « quel enculé mais c'est vraiment un gros enculé ce I..., non mais je rêve, il ne m'a pas fait ça, quel gros enculé », Monsieur F...étant également présent le jour concerné ;
Qu'il importe en outre de souligner que les témoignages des anciens salariés ou stagiaire de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE révèlent des pratiques professionnelles différenciées de Madame X... avec instauration de relations privilégiées avec certains salariés et, notamment, Monsieur F...;
Que Madame X... produit l'attestation de Monsieur J...qui relate que, durant la période de novembre 1990 à septembre 1992 au cours de laquelle il a exercé les fonctions de directeur de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, les relations de Madame X... avec lui-même et avec l'ensemble des conseillers étaient excellentes ;
Qu'il convient de rappeler que les premiers faits de harcèlement moral décrits par Madame Z...remontent à la période 1994-1997 ;
Que Monsieur J..., en sa qualité d'ancien directeur régional des ressources humaines d'avril 1996 à décembre 2000, et des élus du conseil d'administration font état de l'absence de plainte du personnel de la caisse à l'endroit de Madame X... ; que cette dernière souligne les conclusions négatives des enquêtes du CHST et du président du conseil d'administration ainsi que le bilan, positif, d'application du code d'éthique et de déontologie établi par le conseil de surveillance de la caisse le 21 septembre 2007 ;
Que l'absence de plainte par les membres du personnel de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE, à l'exception notable de Madame Y..., ne peut être considérée comme la preuve irréfutable d'une absence d'agissements caractérisant un harcèlement moral de la part de Madame X... à l'égard de certains salariés, le départ vers d'autres caisses du Crédit Mutuel, la crainte quant à l'issue d'une plainte et un souci de sécurité professionnelle pouvant expliquer le silence de salariés harcelés ou témoins de tels agissements ;
Qu'il importe de souligner que les attestations de Monsieur Laurent A...et de Mesdames Z..., B..., C..., D...Sihame revêtent une force probante particulière au regard de l'absence de toute procédure les opposant personnellement à Madame X... et de tout intérêt pécuniaire quant à l'issue de la présente instance ;
Que Madame X... produit encore aux débats une attestation de Monsieur K..., salarié de la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE au moment de l'enquête du CHSCT, qui indique ne pas avoir subi de pression ou de harcèlement de la part de Madame X... et n'avoir jamais assisté à des humiliations de Madame Y...par l'appelante ;
Que cette attestation a été établie le 29 septembre 2008, soit après une première attestation de l'intéressé rédigé le 17 janvier 2008 dans laquelle il évoque, avec des détails, le fait que Madame Y...était le « souffre-douleur » de Madame X..., avoir subi des humiliations de la part de celle-ci ainsi que l'attitude agressive de Madame X... après le compte-rendu du CHSCT ;
Que les contradictions manifestes de Monsieur K...ne permettent pas de retenir son témoignage ;
Qu'il apparaît ainsi que les éléments avancés par Madame X... ne sont pas de nature à contredire les attestations circonstanciées et concordantes de Monsieur Laurent A...et de Mesdames Z..., B..., C..., D...Sihame et Y..., appuyées par les preuves documentaires fournies par cette dernière ;
Que les faits de harcèlement moral dont l'appelante s'est rendue coupable constituent une faute grave justificative d'une rupture immédiate du contrat de travail ;
Qu'il convient, dès lors, de confirmer le jugement déféré, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second grief invoqué dans la lettre de licenciement tenant aux absences injustifiées de Madame X... ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Attendu que l'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, conformément à l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Condamne Madame X... à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de HAYANGE une somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne Madame X... à supporter les entiers frais et dépens de la procédure d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02653
Date de la décision : 10/09/2014
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2014-09-10;10.02653 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award