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08/07/2014 | FRANCE | N°12/02119

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 08 juillet 2014, 12/02119


Arrêt no 14/ 00425 08 Juillet 2014--------------- RG No 12/ 02119------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de THIONVILLE 25 Juin 2012 11/ 029------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU huit Juillet deux mille quatorze

APPELANTE : SARL TRANSPORTS KLECK prise en la personne de son représentant légal Zone artisanale Site de la Paix 57440 ALGRANGE Représentée par Me BECKER, avocat au barreau de METZ, substitué par Me VAUTHIER, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ : Monsieur Thierr

y X...

... 57290 SEREMANGE Représenté par Me PIEROTTI, avocat au barreau de...

Arrêt no 14/ 00425 08 Juillet 2014--------------- RG No 12/ 02119------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de THIONVILLE 25 Juin 2012 11/ 029------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU huit Juillet deux mille quatorze

APPELANTE : SARL TRANSPORTS KLECK prise en la personne de son représentant légal Zone artisanale Site de la Paix 57440 ALGRANGE Représentée par Me BECKER, avocat au barreau de METZ, substitué par Me VAUTHIER, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ : Monsieur Thierry X...

... 57290 SEREMANGE Représenté par Me PIEROTTI, avocat au barreau de THIONVILLE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Alain BURKIC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller Greffier, lors des débats : Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre, et par Mademoiselle Morgane PETELICKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Thionville le 25 juin 2012 ; Vu la déclaration d'appel de la société TRANSPORTS KLECK, ci-après désignée KLECK, enregistrée au greffe de la cour d'appel le 18 juillet 2012 ; Vu les conclusions de la société KLECK datées du 25 avril 2014 et déposées le 28 avril 2014 ;

Vu les conclusions de M Thierry X...datées du 15 mai 2014 et déposées le même jour ; * * * * * EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 25 octobre 2001, M X...a été engagé comme chauffeur par la société KLECK, devenue par la suite TRANSPORTS KLECK. Par lettre du 20 septembre 2010, la société KLECK faisait savoir à M X...qu'elle le licenciait pour faute grave. Saisi par M X...qui souhaitait voir reconnaître la nullité de son licenciement, ordonner sa réintégration ou subsidiairement condamner la société KLECK au paiement de diverses indemnités ou plus subsidiairement juger que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et condamner la société KLECK aux mêmes sommes et qui demandait également la condamnation de la société KLECK au paiement d'un rappel de salaire et de dommages-intérêts pour travail clandestin, le conseil de prud'hommes de Thionville, par le jugement susvisé, a condamné la société KLECK à payer à M X...les sommes de 3566 ¿ à titre d'indemnité de licenciement, de 4000 ¿ brut à titre d'indemnité de préavis et de 400 ¿ pour les congés payés afférents, de 579, 15 ¿ au titre des heures supplémentaires, de 30 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et de 500 ¿ au titre des frais irrépétibles. Le conseil de prud'hommes a également ordonné la rectification des bulletins de paie conformément aux dispositions de son jugement. Par ses conclusions susvisées reprises oralement à l'audience des plaidoiries, la société KLECK demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Thionville, de débouter M X...de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 1500 ¿ au titre des frais irrépétibles. Par ses conclusions susvisées reprises oralement à l'audience des plaidoiries, M X...demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société KLECK au paiement des indemnités de préavis et de licenciement, des congés payés, des dommages-intérêts pour licenciement injustifié et des frais irrépétibles et de l'infirmer pour le surplus et de condamner la société KLECK à lui payer la somme de 3795 ¿ pour les heures supplémentaires, la somme de 12 000 ¿ pour le travail dissimulé et la somme de 2000 ¿ pour les frais irrépétibles. Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.

DISCUSSION sur les heures supplémentaires

L'article L 212-5 du code du travail applicable au litige dispose qu'une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur équivalent. En l'espèce, un avenant au contrat de travail du 30 novembre 2006 prenant effet au 1er janvier 2007 stipule que l'horaire de travail de M X...sera de 185 heures par mois, que les heures comprises entre 151, 67 et 185 heures seront majorées au taux légal et que les heures effectuées au delà de 185 heures par mois " seront mise dans un compteur et récupérées intégralement. " La société KLECK se prévaut d'un accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport mais l'article 1er de ce texte précise que l'accord s'applique aux entreprises de transport routier de voyageurs. Ainsi, l'instauration d'un repos compensateur pour une partie des heures supplémentaires pouvant être réalisées par les salariés de la société KLECK n'était pas valide en l'absence de tout accord collectif, d'entreprise ou d'établissement l'autorisant.

Dès lors, M X...peut légitimement demander que les heures effectuées au delà du contingent de 185 heures soient rémunérées avec majoration de 50 %. Mais cette réclamation ne peut porter que pour la période postérieure au 31 décembre 2006 puisqu'auparavant les bulletins de salaire mentionnent des heures supplémentaires majorées à 50 %. Pour étayer son calcul d'heures supplémentaires, M X...se réfère à des relevés " visio " de son activité de conducteur pour les années 2006 à 2009. La dernière page de ces relevés mentionne des totaux dont l'un est désigné sous les initiales HS2 qui selon M X...désignent les heures supplémentaires avec majoration de 50 %, sans toutefois que cette allégation soit corroborée par aucun autre élément. Il convient donc de prendre en considération les décomptes produits par la société KLECK et qui font apparaître une liste des heures clairement définies comme des heures supplémentaires, les unes majorées de 25 % et les autres de 50 %. M X...conteste toutefois certains des éléments figurant dans ce décompte pour l'année 2009 en les confrontant avec un tableau de pointage mensuel pour le mois de novembre de la même année. Cependant, ce document ne porte pas mention de son rattachement à l'activité de M X...et il ne porte aucune indication ou signature attestant de son authenticité. Il n'est donc pas de nature à remettre en cause les données figurant dans le décompte de la société KLECK. Pour les années 2007 à 2009, les décomptes produits par la société KLECK recensent 313, 27 heures supplémentaires. Il est ainsi dû à M X..., sur la base d'un taux horaire de 9. 17 ¿ non contesté par la société KLECK, la somme de 2872, 68 ¿.

Sur le travail dissimulé
L'article L 8221-5 du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur, notamment, de mentionner sur un bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail. En l'espèce, M X...ne démontre pas que la remise par la société KLECK de bulletins de salaire qui n'indiquaient pas l'ensemble des heures supplémentaires effectuées procédait de la volonté de transgresser les dispositions légales en matière d'établissement des bulletins de salaire. La lettre d'un contrôleur du travail du 26 avril 2010 adressée à un autre salarié de l'entreprise n'est pas éclairante sur ce point puisqu'elle ne stigmatise relativement à la personne concernée que la mise en oeuvre par l'employeur du repos compensateur. Une lettre d'un salarié se plaignant comme M X...du défaut de paiement d'heures supplémentaires et des attestations de trois anciens salariés, MM Antoine Y..., Giuseppe Z...et Alain A..., exposant des différends relatifs au paiement d'heures supplémentaires pour des périodes antérieures à la signature de l'avenant au contrat de travail du 30 novembre 2006, ne suffisent pas à caractériser le manquement allégué de l'employeur à son obligation de paiement des heures supplémentaires pour l'ensemble des salariés. En conséquence la demande indemnitaire formée au titre du travail dissimulé ne peut aboutir.

sur le licenciement La lettre de licenciement adressée à M X...est ainsi rédigée pour ce qui concerne les griefs retenus par l'employeur : " Aussi, nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement pour faute grave. Nous vous rappelons les raisons qui nous conduisent à appliquer cette mesure :

" * en date du 28 août 2010 et 3 septembre 2010, vous avez proféré des insultes envers votre responsable lors de la transmission du planning de travail et refusé celui-ci, vous avez acquiescez ce fait lors de l'entretien et vous avez même émis des propos sur le début du nom de famille, qui ont été les suivants : le nom de cette personne commence bien par " CON " * en date du 30 août 2010 et 6 septembre 2010, vous n'avez pris votre poste de travail, malgré notre mise en demeure que nous vous avons fait à la suite de votre premier refus. Nous vous rappelons que sur le contrat de travail qui vous avez signé, il est stipulé qu'une certaine polyvalence pourra vous être demandée afin de répondre aux besoins de l'entreprise et ainsi qu'une mobilité de votre lieu de travail pourra être appliquée afin de respecter aux nouvelles contraintes que la société pourrait avoir.
Compte tenu de la gravité de celle-ci, la poursuite de votre activité au sein de l'entreprise s'avère impossible, même pendant la période de préavis. Le licenciement prend donc effet à la date d'envoi de la présente lettre, sans indemnités de préavis ni de licenciement. "
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pour une durée restreinte. L'employeur supporte la preuve de la matérialité de la faute grave et de son imputation certaine au salarié. S'agissant du premier grief énoncé dans la lettre de licenciement, la société KLECK produit une attestation rédigée le 17 juin 2011 par M Laurent B...qui expose que dans le courant du mois d'août 2010, en fin de journée, il a donné à M X...le programme de travail pour son activité du lendemain, que M X...a refusé le planning en insultant M B...de " sale con et de connard ". M B...ajoute que la scène décrite s'est produite " deux fois dans le mois ". Cette attestation ne permet pas de dater précisément les faits reprochés à M X.... Par ailleurs, la date indiquée dans la lettre de licenciement pour le mois d'août 2010, soit le 28 août 2010, est un samedi et cette précision serait incompatible avec la remarque faite par le témoin de la remise du planning pour le lendemain. L'autre attestation versée aux débats par la société KLECK et qui fait état d'insultes n'est pas davantage probante puisque le témoin, M Jean-Claude C..., expose seulement avoir " entendu M X...insulter M B...par téléphone ", et alors que M B...fait état d'insultes proférées par M X...présent devant lui. La déclaration de main courante datée du 1er septembre 2010 est relative à " un litige a/ s droit du travail " sans que soit précisée la nature des faits dénoncés. Les faits d'insultes qui se seraient produits au mois de septembre 2010 ne sont pas prouvés, M B...évoquant certes le renouvellement d'un comportement injurieux, mais au mois d'août. Ainsi la réalité du premier grief exposé par la société KLECK n'est pas établie. En revanche, M X...ne conteste pas avoir refusé de reprendre son travail alors qu'il avait été jugé apte à l'exercice de ses fonctions par le médecin du travail par un avis du 24 août 2010 à l'issue d'une visite médicale de reprise après une absence pour maladie et que la société KLECK l'avait mis en demeure par lettre du 30 août 2010 de reprendre son poste dans les 24 heures suivant la réception de la lettre. M X...justifie son refus par la volonté de la société KLECK de lui imposer des " découchés ", qui seraient apparus dans les plannings qui lui avaient été remis. M X...affirme que depuis son embauche il n'avait jamais été contraint de passer les nuits hors de son domicile. L'existence du différend entre le salarié et son employeur sur ce point est confirmée par les correspondances échangées entre eux. En effet, dans deux lettres du 27 août et du 3 septembre 2010, M X...fait état de cette difficulté, en affirmant qu'il était convenu avec le responsable de la société KLECK lors de la signature du contrat de travail qu'il n'y aurait pas de " découchés ". Pour sa part, la société KLECK a répondu à M X...dans une lettre du 30 août 2010 qu'il n'y avait pas dans le contrat de " clause particulière concernant le fait que vous ne deviez pas découcher ". M X...ne démontre pas que l'exigence de son employeur portant sur des trajets ne lui permettant pas de rentrer à son domicile tous les soirs puisse être considérée comme une modification du contrat de travail. M X...ne prouve pas que l'accomplissement de tels trajets n'entrait pas dans sa qualification. Il n'est pas non plus établi que la réalisation de tels voyages devait s'accompagner de tâches nouvelles, ni d'un changement de ses horaires de travail. Ainsi, l'allongement de la durée des voyages demandés à M X...ne touchait pas à un élément essentiel du contrat de travail. D'autre part, l'affirmation de M X...selon laquelle un accord avait été pris avec la société KLECK lors de son embauche pour le dispenser de " découchés " n'est corroborée par aucun élément, alors que le contrat de travail ne comporte pas de mention à ce sujet. Il peut être relevé en outre que le médecin du travail n'a assorti son avis d'aptitude d'aucune réserve sur la durée des déplacements de M X...et sur la nécessité pour lui de rentrer quotidiennement à son domicile. Par ailleurs, alors qu'il invoque un bouleversement dans ses conditions de vie qui résulterait des nouvelles modalités d'exécution de son travail, M X...ne produit aucune pièce, pas même les plannings qui lui ont été remis, permettant d'apprécier le nombre et la fréquence des trajets longs qui lui auraient été imposés et partant l'ampleur de l'aggravation alléguée de ses conditions d'existence. M X...ne fait état d'aucun élément précis démontrant que l'élaboration de ses plannings à compter du 30 août 2010aurait procédé d'un abus dans le pouvoir de direction de l'employeur, voire d'une intention de nuire à son salarié. Dans ces circonstances, le refus par M X...des modalités d'exécution de son contrat de travail telles que résultant des plannings qui lui avaient été remis ne pouvait justifier le défaut de reprise de son travail alors qu'il avait été mis en demeure de revenir à son poste par lettre du 30 août 2010. Cette attitude de M X...constitue un manquement à ses obligations contractuelles suffisamment grave pour empêcher son maintien au sein de l'entreprise même pour un temps restreint. Le licenciement de M X...pour faute grave est donc justifié. La faute grave étant privative des indemnités de préavis et de licenciement, conformément aux articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail, les demandes de M X...portant sur ces indemnités sont mal fondées. Il en est de même de la demande en dommages-intérêts pour licenciement abusif, le licenciement décidé par la société KLECK étant légitime.

sur la condamnation à rectification des bulletins de salaire

Cette demande n'est pas reprise en cause d'appel.
sur les frais irrépétibles
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société KLECK les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS La Cour, Infirme le jugement entreprise sauf en ses dispositions relatives au travail dissimulé et aux frais irrépétibles, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant :

Dit que le licenciement pour faute grave de M Thierry X...est justifié. Condamne la société TRANSPORTS KLECK à payer à M X...la somme de 2872, 68 ¿ brut à titre de rappel pour les heures supplémentaires. Déboute M X...de ses autres demandes. Déboute la société TRANSPORTS KLECK de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens exposés en cause d'appel.

Le Greffier, le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02119
Date de la décision : 08/07/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2014-07-08;12.02119 ?
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