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14/05/2014 | FRANCE | N°12/00679

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 14 mai 2014, 12/00679


Arrêt no 14/ 00267

14 Mai 2014--------------- RG No 12/ 00679------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 07 Février 2012 11/ 073 C------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
quatorze Mai deux mille quatorze
APPELANTE :
SAS MAR-DIS à l'enseigne " E. LECLERC ", prise en la personne de son représentant légal 1 La Belle Fontaine BP 81 57155 MARLY

Représentée par CLANCHET, avocat au barreau de METZ
INTIME :
Monsieur Christophe X......57155 MARL

Y

Représenté par Me LECOCQ, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ...

Arrêt no 14/ 00267

14 Mai 2014--------------- RG No 12/ 00679------------------ Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 07 Février 2012 11/ 073 C------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
quatorze Mai deux mille quatorze
APPELANTE :
SAS MAR-DIS à l'enseigne " E. LECLERC ", prise en la personne de son représentant légal 1 La Belle Fontaine BP 81 57155 MARLY

Représentée par CLANCHET, avocat au barreau de METZ
INTIME :
Monsieur Christophe X......57155 MARLY

Représenté par Me LECOCQ, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Monsieur Etienne BECH, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller Monsieur Alain BURKIC, Conseiller

***
GREFFIER (lors des débats) : Melle Morgane PETELICKI,
***
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Mars 2014, tenue par monsieur Alain BURKIC, Conseiller et magistrat chargé d'instruire l'affaire, lequel a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 14 Mai 2014, par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur X...a été embauché par la SAS MARLYDIS, devenue la société MAR-DIS, en qualité de réceptionnaire suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 5 novembre 2002 dans le cadre d'un remplacement.
Les relations de travail se sont poursuivies, à compter du 6 janvier 2003, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et à temps complet au poste de réceptionnaire.
Le 1er mars 2003, Monsieur X...est devenu responsable logistique des déchets et consignes niveau V échelon A.
Par lettre du 5 octobre 2010, Monsieur X...a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 octobre 2010 et placé en situation de dispense d'activité rémunérée.
Monsieur X...a été licencié pour faute grave par lettre du 2 novembre 2010.
La lettre de licenciement est ainsi libellée :
« Les griefs que nous avons évoqués lors de cet entretien, sont les suivants : Lundi 21 septembre 2010 se déroulait la deuxième partie de notre inventaire de situation comptable. Dans le cadre de cet événement, des viennoiseries, offertes par l'entreprise, sont mises à disposition du personnel en salle de pause. Afin de s'assurer que chacun puisse en profiter, l'organisation prévoit des paniers de croissants attribués à chaque service. Lundi 21 septembre au matin, vous vous rendez en salle de pause « fumeur », puis vous rejoignez la salle de pause « non-fumeur » afin de vous diriger vers la table à laquelle s'étaient assis les collaborateurs du département textile. Constatant que vous vous apprêtiez à vous servir dans leur corbeille de croissants, Mme Sandrine A..., responsable du département textile, s'adresse à vous en ces termes : « non, non, ce sont les croissants du textile, les vôtres vont arriver », trop tard, déplorant qu'entre-temps vous avez déjà saisi un croissant, elle vous précise : « maintenant que vous l'avez pris, gardez-le ». N'acceptant pas la remarque, vous jetez le croissant sur la table et de manière insultante, vous vous exclamez en tournant les talons : « votre croissant vous pouvez vous le quarrer où je pense ! ». C'est pourquoi, dès lors que nous avons eu connaissance de cette violence verbale tenue à l'égard d'une de vos collègues de travail dans le contexte repris ci-dessus, nous avons estimé que les faits étaient inacceptables et suffisamment graves pour enclencher, à votre encontre, cette procédure. Lors de l'entretien, vous avez reconnu avoir prononcé cette phrase, tout en y ajoutant : « je le regrette après coup, mais j'étais fatigué, j'avais faim » et « j'étais stupide. » Ensuite, vous vous êtes ressaisi en prétextant que votre comportement faisait suite à une première agression verbale à votre encontre. En effet, selon vos dires, Mme A...vous aurez agressé selon ces termes « touchez pas à ça, c'est pas pour vous ! «, puis : « gardez-le maintenant que vous l'avez touché avec vos mains sales ! ». A ce titre, vous avez donné le nom d'une personne qui était, lors des faits, suffisamment proche de vous pour avoir entendu et qui pourrait donc confirmer vos propos. A cela, nous vous avons répondu qu'aucun des témoignages en notre possession n'a rapporté le fait que les propos de Mme A...ont pris la forme et/ ou le fond d'une agression verbale et pas plus le fait qu'une quelconque allusion, sur l'état de vos mains, fut faite. Mais nous vous confirmons ne pas être surpris de cette seconde tentative. En effet, lors d'un échange avec Mme B..., précédemment à l'entretien, vous aviez déjà prétendu être la victime. Vous aviez argué qu'en étant accusé d'avoir les mains sales devant d'autres collaborateurs, vous aviez, en d'autres termes, « été insulté publiquement de cochon. » Ainsi, vous aviez affirmé que lorsque nous aurons connaissance de votre version des faits, les rôles d'agresseur et d'agressé seront inversés et, qu'en conséquence, une même procédure devra être enclenchée à rencontre de Mme A.... C'est pourquoi nous tenons à vous préciser que même le témoignage recueilli auprès de la collaboratrice que vous avez citée lors de l'entretien, n'a pas corroboré vos dires. Nous prenons acte de vos regrets, de vos explications et de vos prétextes qui nous paraissent, a posteriori, tardifs, insuffisants et, pour certains, honteusement mensongers. En effet, nous estimons que votre version de déroulement des événements fut établie de manière délibérément mensongère, cela, dans l'objectif grossier, mais inavoué de vous dédouaner de votre comportement et d'inverser la culpabilité de la faute. Cette attitude est malhonnête et intolérable. En tout état de cause, nous considérons que les agissements reprochés sont avérés et que les fais sont suffisamment graves pour que nous prononcions, à votre encontre, un licenciement pour faute grave. Vous cesserez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter de la date d'envoi de ce courrier. Nous vous précisons également que la nature des fautes qui vous sont reprochées vous fait perdre tous droits aux indemnités de préavis et de licenciement ».

Suivant demande enregistrée le 25 janvier 2011, Monsieur X...a fait attraire devant le Conseil de Prud'hommes de METZ son ancien employeur, la société MAR-DIS, en la personne de son représentant légal, aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
-3 459, 94 ¿ bruts à titre d'indemnité de préavis-345, 99 ¿ bruts à titre d'indemnité de congés payés afférente au préavis-2 764, 71 ¿ nets à titre d'indemnité de licenciement-21 000 ¿ à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse-1800 ¿ au titre de l'article 700 du CPC

Par jugement du 7 février 2012, le Conseil de Prud'hommes de METZ a statué en ces termes :
constate que la faute grave n'est pas rapportée dit et juge que le licenciement de Monsieur X...Christophe est dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse fait droit à la demande condamne la SAS MAR-DIS à payer à Monsieur X...les sommes suivantes :

3 459, 94 ¿ bruts à titre d'indemnité de préavis 345, 99 ¿ bruts à titre d'indemnité de congés payés afférente au préavis 2 764, 71 ¿ nets à titre d'indemnité de licenciement 18 000 ¿ à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse 600 ¿ au titre de l'article 700 du CPC déboute Monsieur X...du surplus de ses demandes condamne la SAS MAR-DIS aux dépens

Suivant déclaration de son avocat reçue au greffe de la Cour le 2 mars 2012, la société MAR-DIS a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la société MAR-DIS demande à la Cour de :

Infirmer le Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE METZ du 7 février 2012 en toutes ses dispositions, Et, statuant à nouveau, Dire et juger le licenciement pour faute grave justifié, Débouter Monsieur X...de toutes ses demandes, fins et conclusions, Condamner Monsieur X...aux entiers frais et dépens.

Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Monsieur X...demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la SAS MAR-DIS à lui payer la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

SUR CE

Vu le jugement entrepris,

Vu les conclusions écrites des parties, reçues au greffe le 10 septembre 2013 pour la société MAR-DIS et le 14 mars 2014 pour Monsieur X..., présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;
Que l'employeur supporte la charge de la preuve de la faute grave et de son imputation certaine au salarié ;
Que la société MAR-DIS a entendu mettre fin à la relation contractuelle qui l'unissait à Monsieur X...au regard d'un grief unique prétendument constitutif d'une faute grave selon les termes de la lettre de licenciement, lesquels fixent les limites du litige, à savoir le fait d'avoir proféré, le 27 septembre 2010, des propos injurieux à l'encontre d'une collègue de travail à l'occasion d'une pause et de présenter une version du déroulement des événements délibérément mensongère ;
Qu'il importe, à cet égard, de souligner que, dans ses écritures, l'appelante fait valoir que la présence de Monsieur X...sur son lieu de travail n'était pas requise et que le salarié n'a pas respecté le créneau horaire affecté à son service pour se rendre en salle de pause ; que force est de constater que la lettre de licenciement ne comporte aucun reproche en ce sens adressé à Monsieur X...;

Que Monsieur X...conteste avoir tenu des propos injurieux à l'égard de sa collègue mais indique que, humilié par des remarques effectuées après qu'il a pris un croissant dans la salle de pause, il a effectivement rejeté le croissant dans le carton où il se trouvait ;

Que la preuve des faits reprochés repose uniquement sur des attestations fournies par des employés de la société MAR-DIS ;
Que la société MAR-DIS prétend tout d'abord que Monsieur X...a reconnu les faits reprochés lors de l'entretien préalable et communique, à titre de preuve, l'attestation de M. C..., délégué du personnel ayant assisté le salarié lors dudit entretien, datée du 24 août 2012 ;
Que M. C...indique que Monsieur X...a reconnu avoir prononcé la phrase malheureuse reprise dans la lettre de licenciement et a exprimé des regrets ; que s'agissant de l'organisation de la collation du 27 septembre 2010, le témoin admet « que vraisemblablement le respect du créneau horaire attribué à chaque service avait été respecté, le contraire aurait eu d'autres conséquences », et ajoute qu'il n'a pas eu connaissance de la survenance d'autre incident ce jour-là, et qu'il n'a pas constaté de débordements et qu'aucune doléance sur l'organisation de la pause n'a été portée à la connaissance des délégués du personnel ;
Qu'il convient, toutefois, de relever que Monsieur X...avait produit en première instance une attestation émanant du même témoin, datée du 1er décembre 2010, soit très peu de temps après les faits en cause et la tenue de l'entretien préalable, ainsi libellée : « je certifie que l'organisation de la collation (croissant et café) de l'inventaire du lundi 27 septembre 2010 n'a pas été très bien structurée par rapport aux années précédentes. Il y a eu un mélange de plusieurs services ce qui a entraîné sans doute des tensions car chaque service a normalement sa caisse de croissants réservée. Je pense qu'il y a eu un manque d'informations sur le déroulement » ;
Que la Cour ne peut que constater la modification substantielle apportée par le témoin dans la relation des faits avec l'ajout de la reconnaissance par le salarié des propos injurieux imputés à celui-ci et une appréciation radicalement différente du déroulement de la pause du 27 septembre 2010 ;
Que ce revirement tardif, dans une attestation établie plus de 20 mois après la première et postérieurement au jugement déféré s'appuyant, notamment, sur la première attestation de M. C...pour constater l'absence de faute grave, est de nature à susciter des doutes sérieux quant à l'objectivité du second témoignage fourni ;
Que Monsieur X...a indiqué, dans ses écritures et sans être contredit par la société MAR-DIS, que M. C...a arrêté son mandat de délégué du personnel en mars 2012 et qu'il occupe désormais des fonctions de responsabilités et de gestion du drive in mis en place par l'employeur en avril 2013 ;
Qu'eu égard aux éléments qui précèdent, la Cour estime que les déclarations du témoin C..., contenues dans les attestations des 27 septembre et 1er décembre 2010, ne peuvent être prises en compte ;
Que la société MAR-DIS produit, ensuite, différents témoignages de salariés ayant assisté à la scène incriminée ;
Que Madame A... fournit une description des faits conforme aux termes de la lettre de licenciement, à l'exception du fait que Monsieur X...a jeté le croissant dans un carton et non sur la table comme indiqué dans la lettre, étant observé que Madame A... constitue la principale protagoniste, avec l'intimé, de la pause du 27 septembre 2010 ;
Que Mme Jocelyne E...relate la scène en cause entre Monsieur X...et Madame A..., épouse F..., de la manière suivante : « le jour de l'inventaire, le lundi 27 septembre 2010 vers 9h, je me trouvais en salle de pause avec quelques collègues autour d'une table. A la table à côté de nous se trouvaient Mme F...et deux de ses employées. À ce moment, j'ai assisté au conflit entre Mme F...et M. X..., celui-ci se servit dans la boite de croissants qui se trouvait sur la table de Mme F.... Mme F...lui fait remarquer gentiment que les deux croissants qu'il vient de prendre ne font pas parti de son service, vexé il s'est mis à lui répondre méchamment, tout en jetant ses deux croissants dans la boîte, " tu peux te les garder tes croissants, j'en ai rien à foutre " et il a quittant la salle de pause en claquant la porte » ;

Qu'outre le détail relatif au nombre de croissant pris par Monsieur X..., soit deux au lieu d'un seul selon la lettre de licenciement, il convient de surtout de constater que cette attestation ne fait pas état des propos injurieux mentionnés dans ladite lettre et imputés au salarié ;
Que s'agissant des deux collègues présentes aux côtés de Madame A..., en l'occurrence, Mesdames H...et I..., cette dernière a fourni deux attestations, la première relativement succincte du 15 octobre 2010, l'autre plus substantielle du 24 mai 2011, dans laquelle la salariée ajoute que c'est sur le ton de la plaisanterie que la première nommée a dit à Monsieur X...de garder le croissant touché avec ses mains, sans allusion au fait que les employés de la réception ont les mains sales, et qu'elle a ensuite discuté de la réaction de Monsieur X...avec les personnes en face d'elle ou plus précisément à côté d'elle ;
Que Madame H...fait une description de la scène incriminée quasi conforme aux termes de la lettre de licenciement et ajoute qu'une « jeune femme est venue nous demander un croissant d'un air taquin », suscitant la même réponse de Madame A..., et que « suite à cette altercation, nous sommes restées toutes trois en salle de pause sans faire allusion à ce qui s'est passé et sans aucun échange sur l'incident », ce qui ne correspond pas exactement à la narration des faits effectuée par Madame I...;
Que Mme J...déclare ce qui suit dans son attestation du 17 octobre 2010 : « M. X...a voulu prendre un croissant dans le carton destiné aux employés du rayon textile. Mme F...lui a dit qu'il ne pouvait pas le prendre car le carton de croissants réservé à la réception allait arriver, suite à cela M. X...l'a donc reposé. Une dame assise à la table de Mme F...lui a dit " maintenant que tu l'as touché prend le ", et en se retournant M. X...a marmonné dans sa bouche " mettez vous le où je pense " Comme lors de l'entretien je peux affirmer les faits, mais je ne peux affirmer à 100 % les paroles dites étant donné que l'événement a eu lieu il y a plus d'un mois » ;

Que si le témoin exprime une incertitude sur la teneur exacte des propos tenus, il importe de souligner que la réaction de Monsieur X...fait suite à une remarque d'une dame assise à la table de Mme F...et non de cette dernière ;

Que Monsieur X...produit avec ses pièces une nouvelle attestation de Mme J...datée du 8 novembre 2010, soit trois semaines après son premier témoignage, dans laquelle le témoin, d'une part, confirme son incertitude sur les propos tenus, l'auteur de la remarque destinée à Monsieur X...et relate que ce dernier a quitté la salle de pause « en marmonnant quelque chose », sans reprendre les propos cités dans sa première attestation, et, d'autre part, relate la réaction de la compagne de M. X..., Mlle K...Emmanuelle, lui indiquant « nous ne sommes pas des gens sales, nous savons nous laver les mains » et le fait qu'elle a été convoquée par la direction du centre Leclerc afin de témoigner sur ces faits en présence d'une responsable du service du personnel ainsi que de M. F..., chef de département des produits frais ;

Que l'intimé communique également l'attestation de sa compagne Mlle K...Emmanuelle, employée commerciale libre-service, laquelle déclare ce qui suit le 27/ 11/ 2010 : « le 21 septembre 2010 vers 8h30, jour de l'inventaire de la société Edouard Leclerc, je me trouvais en salle de pause non-fumeur où des croissants nous ont été exceptionnellement offerts. Mais suite à une mauvaise organisation plusieurs employés de rayons différents se sont retrouvés en salle de pause simultanément. De plus nous n'avons pas été avisées que chaque panier était attribué à un rayon particulier. Quand M. X...Christophe nous a rejoint vers 8h35, la salle de pause était comble. Voyant les croissants exposés sur la table, il a voulu se servir, comme l'ensemble du personnel présent, quand Mme Sandrine A...responsable du département textile lui a dit : " ne touchez pas à cela, ce n'est pas pour vous ", sans rien dire, M. X...a voulu reposer le croissant qu'il avait en main, quand Mlle Sandrine A..., d'une voix hautaine, et devant l'ensemble des employés présents lui a dit : " puisque vous l'avez touché avec vos mains gardez le ". Sur le champ, M. X...a remis le croissant dans le carton, tourné les talons et quitté la salle en marmonnant une phrase incompréhensible. Cependant, offusqué par l'attitude de Mme A..., j'ai dit à ma collègue : " nous ne sommes pas des " crassouilles ", il ne manquerait plus que cela, que nous ne sachions pas nous laver les mains'Mme A...ne répondit pas. Avant de me servir moi-même un croissant, j'ai demandé ; " êtes-vous sûre que je peux le prendre ? Je ne voudrais pas me faire réprimander comme l'a été M. X...". A ce moment-là Mme A...dit : " de toute façon à la réception les employés ont tous les mains sales ".

Qu'il résulte des témoignages de Mmes H...et J...que la présence de Mlle K...Emmanuelle dans la salle de pause et son intervention sont établies mais que l'attestation de cette dernière ne coïncide pas pleinement avec celle de ces deux autres salariés ;
Qu'il s'évince des considérations qui précèdent que l'employeur a produit des témoignages de salariés suscitant des doutes quant à leur fiabilité, contradictoires, recueillis, à tout le moins pour l'un d'entre eux, en présence d'un responsable de l'entreprise conjoint de la protagoniste principale de la scène du 27 septembre 2010 et contredits par l'attestation de Mlle K...Emmanuelle, employé de la société MAR-DIS et compagne de Monsieur X...;
Que la prise en compte de l'ensemble de ces éléments ne permet pas de retenir avec certitude un déroulement des faits totalement conforme à celui décrit dans la lettre de licenciement ; qu'un doute subsiste quant à l'attitude des protagonistes de la scène incriminée et aux propos tenus, étant observé que Madame I...indique, dans son attestation, qu'il y avait « beaucoup de bruit dans la salle de pause » ;
Que si un doute subsiste, il doit profiter au salarié ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de dire et juger le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'en tout état de cause, à supposer même que les propos imputés à Monsieur X...dans la lettre de licenciement aient été effectivement tenus par l'intéressé, le comportement du salarié ne pourrait être considéré comme constitutif d'une faute grave ou d'une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Que si l'appelante s'appuie, dans ses écritures, sur une précédente sanction disciplinaire prise à l'encontre du salarié pour avoir fumé une cigarette dans un lieu prohibé, la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige, ne fait pas état du passé disciplinaire de Monsieur X...pour caractériser la gravité de la faute du salarié et justifier la mesure de rupture du contrat de travail ;
Que la réalité de propos injurieux proférés dans un état d'énervement, en dehors de la présence de clients, adressés à une collègue auteur d'une remarque sur une question non susceptible d'affecter gravement le fonctionnement de l'entreprise, sans référence au passé disciplinaire du salarié, n'est pas de nature à constituer une cause suffisamment sérieuse pour justifier la sanction la plus importante de rupture du contrat de travail ;
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Attendu que Monsieur X...comptait lors du licenciement plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant de manière habituelle au moins onze salariés de sorte qu'il relève du régime d'indemnisation de l'article L 1235-3 du code du travail ;
Qu'il résulte des dispositions précitées que si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse le juge peut proposer la réintégration du salarié ou en cas de refus par l'une ou l'autre des parties allouer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts perçus pendant les six derniers mois d'activité, soit en l'espèce 10 379, 82 euros ;
Qu'au-delà de l'indemnité minimale, le salarié doit justifier de l'existence d'un préjudice supplémentaire ;
Que Monsieur X...ne fournit, dans ses conclusions, aucune indication concernant sa situation postérieure au licenciement ;
Qu'il résulte des pièces produites aux débats que le salarié a effectué des missions de remplacement dès novembre 2010 et a signé un contrat de travail à durée déterminée avec la société SOVAB le 30 mai 2011 ;
Que Monsieur X...avait 8ans d'ancienneté et était âgé de 34 ans au moment du licenciement ;
Qu'au regard de ces éléments, il y a lieu d'allouer à Monsieur X...la somme de 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré sera réformé sur le quantum de dommages-intérêts alloués ;

Attendu que le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il condamne l'employeur à payer à Monsieur X...une indemnité de préavis représentant deux mois de salaire eu égard à l'ancienneté du salarié soit 3459, 94 euros ainsi que les congés payés afférents, 345, 99 euros, et une indemnité de licenciement d'un montant de 2764, 71 euros, l'appelante n'ayant formulé aucune observation concernant les montants susvisés ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Attendu que l'appelante, qui succombe, doit être condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, conformément à l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il condamne la société MAR-DIS à payer à Monsieur X...la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau dans cette limite ;
CONDAMNE la société MAR-DIS à payer à Monsieur X...la somme de 14 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
Ajoutant ;
CONDAMNE la société MAR-DIS à payer à Monsieur X...la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, conformément à l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la société MAR-DIS aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 14 Mai 2014, par Monsieur BECH, Président de Chambre, assisté de Melle PETELICKI, Greffier, et signé par eux.

Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00679
Date de la décision : 14/05/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2014-05-14;12.00679 ?
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