Arrêt no 12/ 00446
17 Septembre 2012
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RG No 10/ 02157
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Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ
19 Mai 2010
09/ 1250 AD
------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
dix sept septembre deux mille douze
APPELANTE :
SARL CATERPILLAR LOGISTICS SERVICES, prise en la personne de son représentant légal
Zone Eurotransit
3 Rue André Maginot
57365 FLEVY
Représentée par Me MOREL (avocat au barreau de METZ)
INTIMEE :
Mademoiselle Véronique X...
...
57220 CHARLEVILLE SOUS BOIS
Représentée par Me CISSE (avocat au barreau de METZ)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2012/ 6374-29. 06. 12 du 29/ 06/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller
Madame Gisèle METTEN, Conseiller
***
GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier
***
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 juin 2012, tenue par Madame Gisèle METTEN, Conseiller, et magistrat chargé d'instruire l'affaire, lequel a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 17 septembre 2012, par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée, la SARL Caterpillar Logistics Service France embauche Véronique X... en qualité de magasinière, avec effet au 31 juillet 2006. Le salaire brut est fixé à 1 283, 13 € pour 151, 67 heures de travail par mois.
Par courrier daté du 29 juillet 2009, Véronique X... prend acte de la rupture de son contrat de travail
Véronique X... saisit le conseil de prud'hommes de Metz par acte daté du 1er octobre 2009 et lui demande de :
- constater la modification unilatérale du contrat de travail et les manquements graves de l'employeur à ses obligations,
- dire et juger que la prise d'acte est justifiée par les manquements graves de l'employeur et qu'elle produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la SARL Caterpillar Logistics Service à lui payer les sommes de :
-7 865 € au titre du rappel de salaire congés payés compris,
-3 800 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-380 € au titre des congés payés sur préavis,
-380 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-22 800 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- prononcer l'exécution provisoire de l'intégralité du jugement,
- condamner la SARL Caterpillar Logistics Service à lui payer la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Caterpillar Logistics Service aux dépens.
Par jugement daté du 19 mai 2010, le conseil de prud'hommes de Metz a :
- constaté les manquements graves de l'employeur à ses obligations,
- dit et jugé que la prise d'acte de rupture de contrat est justifiée par les manquements graves de l'employeur,
- dit et jugé que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Caterpillar Logistics Service à payer à Véronique X... les sommes suivantes :
-3 136 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-313, 60 € brut au titre des congés payés sur préavis,
-380 € brut au titre de l'indemnité légale de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,
-9 480 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts de droit à compter du jour du jugement,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la SARL Caterpillar Logistics Service au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL Caterpillar Logistics Service aux entiers frais et dépens et éventuels frais d'exécution,
- débouté Véronique X... du surplus de ses demandes.
Le jugement est notifié le 25 mai 2010 à la SARL Caterpillar Logistics Service.
Par courrier recommandé posté le 27 mai 2010, adressé à la cour d'appel de Metz, la SARL Caterpillar Logistics Service fait régulièrement appel de ce jugement.
Par conclusions reçues au greffe le 5 juin 2012, soutenues oralement à l'audience, la SARL Caterpillar Logistics Service demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Véronique X... de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents,
- dire et juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Véronique X... produit les effets d'une démission,
- débouter Véronique X... de ses demandes relatives au préavis, à l'indemnité de licenciement et aux dommages-intérêts,
- condamner Véronique X... à lui payer la somme de 3 136 € de dommages-intérêts pour brusque rupture et non-respect du préavis,
- condamner Véronique X... à lui payer la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Véronique X... en tous les frais et dépens d'instance et d'appel.
A l'audience, le conseil de la SARL Caterpillar Logistics Service conteste que les tâches de « purchase assistant » occupaient Véronique X... à temps complet.
Par conclusions reçues au greffe le 6 juin 2012, soutenues oralement à l'audience, Véronique X... forme appel incident et demande à la cour de :
- constater la modification unilatérale des fonctions occupées par l'intimée et les manquements graves de l'employeur à ses obligations,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a requalifié la prise d'acte en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la SARL Caterpillar Logistics Service à lui payer les sommes de :
-7 865 € au titre du rappel de salaire congés payés compris,
-3 800 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-380 € au titre des congés payés sur préavis,
-380 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-37 500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la SARL Caterpillar Logistics Service à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Caterpillar Logistics Service aux entiers frais et dépens.
Sur quoi, la cour,
Vu le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud'hommes de Metz le 19 mai 2010,
Vu les conclusions précitées des parties auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens qu'elles invoquent,
Sur la rupture du contrat de travail
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Véronique X... expose qu'elle a été embauchée en qualité de magasinière et qu'en juin 2008, elle a été promue au service des achats.
Ce fait est confirmé par l'employeur qui précise toutefois que Véronique X... n'était pas à temps plein au service des achats mais travaillait aux deux postes.
Il est constant qu'aucun avenant au contrat de travail n'est venu formaliser cette évolution de fonctions. Il est tout aussi constant qu'en rémunération de ses nouvelles fonctions, Véronique X... percevait chaque mois une prime de 218 €.
Véronique X... soutient que son employeur lui aurait fait savoir, en mai 2009, que les fonctions d'assistante au service achats (« purchase assistant ») qu'elle exerçait depuis le 11 juin 2008, allaient lui être retirées, plus précisément que « son poste allait être supprimé » (expression utilisée dans la lettre de prise d'acte).
La SARL Caterpillar Logistics Service conteste totalement ce fait, indique qu'elle n'a jamais ni voulu, ni dit, ni fait dire à Véronique X... qu'elle entendait modifier ses fonctions.
Or, Véronique X... ne produit aucune pièce, ni aucun document justifiant de la réalité de ces propos.
A l'inverse, la SARL Caterpillar Logistics Service produit le témoignage d'un magasinier, Gilles Y..., délégué syndical, qui déclare avoir assisté à un entretien qui a eu lieu le 15 juillet 2009 entre Véronique X... et trois personnes du service achat et de la direction des ressources humaines, au cours duquel « il a été signifié à Véronique X... qu'elle devait reprendre son poste sur le site de Metz le 16 juillet à 9 heures », soit le poste d'assistante au service achats.
Véronique X... n'établit dès lors aucunement le grief qu'elle formule à l'encontre de son employeur, consistant en une modification unilatérale du contrat de travail.
Véronique X... reproche également à la SARL Caterpillar Logistics Service de ne pas lui avoir transmis l'avenant au contrat de travail qu'elle s'était engagée à préparer, mais il résulte tant des écritures des parties que des courriers produits par l'appelante, dans lesquels elle demande à sa salariée d'expliquer et de justifier les raisons de son absence, que Véronique X... n'est plus retournée travailler à compter du 15 juillet 2009, en sorte que l'avenant n'a pas été signé. Aucun manquement ne peut être reproché à la SARL Caterpillar Logistics Service relativement à ces faits.
Véronique X... reproche enfin à la SARL Caterpillar Logistics Service de ne pas l'avoir payée à hauteur des fonctions de « purchase assistant » qu'elle occupait depuis juin 2008. Elle explique qu'elle aurait dû percevoir un salaire de 1 900 € par mois, dont à déduire les salaires qu'elle a perçus, et demande que la SARL Caterpillar Logistics Service soit condamnée à lui payer la somme de 7 865 €.
Les premiers juges ont justement relevé que Véronique X... n'avait pas eu de promotion mais que d'autres tâches lui avaient été confiées, pour lesquelles elle avait reçu une prime mensuelle.
Il convient d'ajouter que Véronique X... ne justifie pas du salaire théorique de
1 900 € par mois qu'elle invoque, qu'elle ne formule aucune demande de classement dans un autre échelon et ne fait état d'aucun manquement à la règle « à travail égal, salaire égal ».
Dès lors, aucun manquement de l'employeur n'étant justifié, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Véronique X... produit les effets d'une démission.
Le jugement déféré sera réformé sur ce point et Véronique X... sera déboutée de toutes les demandes qu'elle formule à l'encontre de la SARL Caterpillar Logistics Service.
Sur la demande reconventionnelle
La SARL Caterpillar Logistics Service demande que Véronique X... soit condamnée à lui payer la somme de 3 136 €, soit deux mois de salaire, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la brusque rupture du contrat de travail par Véronique X..., les deux mois de salaire correspondant à la durée du préavis que Véronique X... aurait dû respecter.
Cependant, la SARL Caterpillar Logistics Service ne justifie aucunement de ce que Véronique X... aurait dû respecter un délai-congé de deux mois, la convention collective ne prévoyant qu'un délai-congé d'une semaine.
En conséquence, la demande reconventionnelle de la SARL Caterpillar Logistics Service sera rejetée.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Bien que Véronique X... succombe en appel, la situation économique respective des parties justifie qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné la SARL Caterpillar Logistics Service à payer la somme de 800 € à Véronique X... sur le fondement de ces dispositions.
Sur les dépens
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
Véronique X... sera condamnée au paiement des dépens d'appel et de première instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
- DECLARE recevables l'appel principal formé par la SARL Caterpillar Logistics Service et l'appel incident formé par Véronique X...,
- CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Metz rendu entre les parties le 19 mai 2010 en ce qu'il a débouté Véronique X... de sa demande de rappel de salaire et débouté la SARL Caterpillar Logistics Service de sa demande reconventionnelle,
- INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau dans cette limite,
- DIT que la prise d'acte par Véronique X... de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission,
- DEBOUTE Véronique X... de toutes ses prétentions,
- DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance que pour la procédure d'appel,
- CONDAMNE Véronique X... aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 17 septembre 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.
Le Greffier, Le Président de Chambre,