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17/09/2012 | FRANCE | N°10/02115

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 17 septembre 2012, 10/02115


Minute no 12/ 00468
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17 Septembre 2012
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RG 10/ 02115
-----------------------
Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ
30 Juin 2008
06/ 1213 c
---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix sept septembre deux mille douze

APPELANT :

Monsieur Robert X...
...
57070 METZ QUEULEU

Représenté par Me ROULLEAUX (avocat au barreau de METZ)

INTIME :

Me B..., es qualité

s de liquidateur judiciaire de la sarl LTJH à l'enseigne VAGLIO DEMENAGEMENTS
...
57000 METZ

Représentée par Me FITTANTE (avocat au barreau d...

Minute no 12/ 00468
-----------
17 Septembre 2012
-------------------------
RG 10/ 02115
-----------------------
Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ
30 Juin 2008
06/ 1213 c
---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix sept septembre deux mille douze

APPELANT :

Monsieur Robert X...
...
57070 METZ QUEULEU

Représenté par Me ROULLEAUX (avocat au barreau de METZ)

INTIME :

Me B..., es qualités de liquidateur judiciaire de la sarl LTJH à l'enseigne VAGLIO DEMENAGEMENTS
...
57000 METZ

Représentée par Me FITTANTE (avocat au barreau de METZ), substitué par Me TORMEN (avocat au barreau de METZ)

INTERVENANT FORCE :

CGEA-AGS
101 avenue de la Libération
54000 NANCY

Représenté par Me JACQUOTOT (avocat au barreau de NANCY), substitué par Me ALEXIS (avocat au barreau de NANCY)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller
Madame Gisèle METTEN, Conseiller

***
GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier
***

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 juin 2012, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 17 septembre 2012 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.
***

EXPOSE DU LITIGE

Robert X... a été engagé par contrat à durée déterminée du 25 mars 2004 au 30 septembre 2004 en qualité de chauffeur par la société LTJH. Un nouveau contrat de travail à durée déterminée a été conclu entre les parties pour la période du 1er octobre 2004 au 30 décembre 2004 portant sur un poste de chauffeur déménageur.

Par contrat conclu le 28 février 2005, la société LTJH a embauché Robert X... en qualité de chauffeur déménageur pour une durée indéterminée à compter du 1er mars 2005.

Convoqué par lettre recommandée du 27 avril 2006 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien fixé au 12 mai 2006, Robert X... s'est vu notifier son licenciement pour motif personnel aux termes d'un courrier recommandé du 22 mai 2006.

Suivant demande enregistrée le 2 octobre 2006, Robert X... a fait attraire son ex employeur devant le conseil de prud'hommes de Metz.

La tentative de conciliation a échoué.

Par jugement du 10 décembre 2007, le Conseil de Prud'hommes a ordonné la comparution personnelle des parties ainsi qu'une mission des conseillers rapporteurs, lesquels ont ensuite déposé un rapport écrit de leur mission.

Dans le dernier état de ses prétentions, Robert X... a demandé à la juridiction prud'homale de :
- annuler les avertissements notifiés les 21 mars et 22 avril 2006 ;
- dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- condamner la société LTJH à lui payer les sommes de :
* 12 750 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 10 813 euros à titre de rappel de salaires ;
* 1 081 euros à titre de congés payés ;
* 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LTJH s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de Robert X... au paiement de la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement du 30 juin 2008, statué dans les termes suivants :

"- dit que le licenciement de Gabriel X... pour cause réelle et sérieuse est fondé ;

en conséquence,

- déboute Gabriel X... de l'ensemble de ses demandes ;

- déboute la défenderesse de la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne Gabriel X... aux éventuels frais et dépens de l'instance. "

Suivant déclaration de son avocat reçue le 23 juillet 2008 au greffe de la cour d'appel de Metz, Robert X... a interjeté appel de ce jugement.

La société LTJH ayant été placée en redressement judiciaire par jugement du 16 décembre 2009, la SCP Y...et C..., prise en la personne de Maître Pierre Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire, Maître Isabelle B..., ès qualités de mandataire judiciaire, et l'AGS CGEA de Nancy ont été attraits à la cause.

Par ordonnance du 7 juin 2010, l'affaire a été radiée.

Elle a été rétablie à la demande de Robert X... reçue au greffe le 15 juin 2010.

Par jugement du 1er septembre 2010, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a prononcé la liquidation judiciaire de la société LTJH et désigné Maître Isabelle B...en qualité de mandataire liquidateur.

Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, Robert X... demande à la Cour de :

- recevoir Robert X... en son appel et le dire bien fondé ;

- infirmer le jugement ;

et statuant à nouveau,

- annuler les avertissements notifiés les 21 mars et 22 avril 2006 ;

- dire et juger que le licenciement de Robert X... est sans cause réelle et sérieuse ;

- admettre Robert X... au passif de la liquidation judiciaire de la société LTJH à l'enseigne Vaglio Déménagements pour les sommes de :
* 12 750 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 1 730, 27 euros à titre d'indemnité de précarité ;
* 7 822, 96 euros à titre de rappel de salaires ;
* 782, 29 euros à titre d'indemnité de congés payés ;
* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable au CGEA AGS de Nancy ;

- condamner la SARL LTJH à l'enseigne Vaglio Déménagements en tous les frais et dépens de première instance et d'appel lesquels seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, Maître B...ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de la société LTJH demande à la Cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel ;

- le déclarer mal fondé ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- condamner Robert X... à payer à la société LTJH Vaglio représentée par Maître Isabelle B...une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, l'AGS CGEA de Nancy demande à la Cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de METZ le 30 juin 2008.

A titre subsidiaire

Dire et juger que l'AGS ne pourra être tenue que dans les limites de sa garantie fixées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail.

Dire et juger que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L. 3253-17 et suivants et D. 3253-5 du Code du Travail.

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et suivants et L. 3253-17 du Code du Travail.

Dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé établi par le mandataire judicaire et justification par ce dernier de l'absence de fonds disponibles entre ses mains.

Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

MOTIFS DE L'ARRET

Vu le jugement entrepris ;

Vu les conclusions des parties, déposées le 4 juin 2012 pour l'appelant, le 11 mai 2011 pour Maître B...ès qualités et le 4 juin 2012 pour l'AGS CGEA de Nancy, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur l'avertissement notifié par lettre du 21 mars 2006

Cet avertissement est ainsi libellé :

" Après avoir effectué une livraison le mercredi 15 Mars 2006 à Nancy, vous avez heurté une borne provoquant une casse au niveau du pare-chocs et privant le véhicule de ses feux de signalisation. Outre le coût des réparations, nous vous reprochons de ne pas nous avoir prévenu de l'absolue nécessité d'immobiliser le véhicule dès votre retour afin de faire le nécessaire pour que le véhicule soit réparé immédiatement.
Ce comportement inacceptable est préjudiciable au bon fonctionnement du service auquel vous êtes affecté, aussi nous vous donnons un premier avertissement.
Si cela venait à se reproduire dans l'avenir nous nous verrions dans l'obligation de prendre à votre encontre une mesure disciplinaire. "

* * *

Robert X... estime que cet avertissement est injustifié en affirmant qu'il a informé l'employeur de cet accident et qu'ordre lui a été donné de poursuivre sa tournée, ajoutant qu'une fiche d'anomalie a été placée dans le casier réservé à cet usage à son retour.

Maître B...ès qualités fait valoir que Robert X... ne conteste pas son erreur de conduite, qu'il n'a pas immédiatement prévenu son employeur et que le lendemain, il n'a pas contacté le chef d'exploitation présent sur le site, lequel avait en charge le gestion du trafic et le parc, mais le logisticien et est reparti avec son camion tout en sachant que l'accident avait un caractère sérieux.

L'AGS CGEA considère que Robert X... a bien endommagé un véhicule mis à sa disposition et n'en a pas averti son employeur à temps.

* * *

Selon le rapport des conseillers rapporteurs, Robert X... a reconnu qu'il a eu un accident sérieux le 15 mars 2006 et qu'il s'agissait d'une erreur de sa part.

Ses allégations, au demeurant non formulées devant les conseillers rapporteurs, suivant lesquelles il a immédiatement prévenu son employeur et reçu l'ordre de poursuivre sa tournée ne sont étayées par aucun élément et il apparaît au vu du rapport desdits conseillers que le soir des faits, il a seulement déposé une fiche d'anomalie à ce sujet dans le casier réservé à cet effet, reprenant le même véhicule le lendemain. Il s'ensuit que Robert X... n'a pas informé son employeur de la nécessité de réparer immédiatement le camion en cause et l'a même à nouveau conduit le lendemain alors qu'il ne pouvait ignorer que faute de feux de signalisation fonctionnant, ce véhicule devait impérativement être remis en état avant de pouvoir être à nouveau utilisé.

En considération de ces éléments, l'avertissement notifié le 21 mars 2006 apparaît parfaitement justifié et il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Robert X... de sa demande d'annulation de ladite sanction.

Sur l'avertissement notifié par lettre du 22 mai 2006

Cet avertissement est ainsi libellé :

" Lors d'un refus de congés payés de la part de la direction vous avez tenu des propos calomnieux. Devant votre PDG vous avez même souligné que la direction, je vous cite, vous faisait chier. S'en est suivi une longue explication pour vous expliquer de nouveau le principe des congés payés et lors de cette conversation vous avez effectivement compris que vous aviez soldé vos congés et que votre attitude ne pouvait être acceptée.
Ce comportement inacceptable est préjudiciable au bon fonctionnement du service auquel vous êtes affecté, aussi nous vous donnons un second avertissement.
Si cela venait à se reproduire dans l'avenir nous nous verrions dans l'obligation de prendre à votre encontre une mesure disciplinaire. "

* * *

Robert X... estime que cet avertissement est également injustifié en soutenant qu'il a en réalité travaillé durant les congés qui lui avaient été accordés au mois de mars 2006 de sorte qu'il n'avait pas épuisé ses droits à congé et en niant avoir tenu des propos injurieux et calomnieux, l'appelant contestant l'attestation de M. Z...aux motifs que lorsqu'elle a été rédigée, son auteur était sous la subordination hiérarchique de l'employeur et qu'elle n'est pas établie dans les formes légales.

Maître B...ès qualités fait valoir que Robert X... a reconnu les faits devant les conseillers rapporteurs.

L'AGS CGEA rappelle que le salarié est tenu au respect d'une obligation de correction.

* * *

Il ressort du rapport établi par les conseillers rapporteurs que devant ceux-ci, Robert X... a indiqué qu'il savait qu'il n'avait plus droit à des congés lors du refus qui lui a été opposé pour sa demande relative aux 19 et 20 avril 2006, Yannick Place, responsable administratif de l'entreprise, ayant précisé aux conseillers que la demande de congés faite pour la période du 6 au 22 mars 2006 lui avait déjà été refusée parce que ses droits étaient épuisés. Il apparaît par ailleurs que le bulletin de salaire de l'intéressé de mars 2006 mentionne un solde de congés payés de-1.

En l'état de ces éléments et faute pour Robert X... de justifier par d'autres pièces qu'il pouvait bénéficier de deux jours de congés payés en avril 2006, le refus de l'employeur de faire droit à sa demande de congés payés n'apparaît pas abusif mais fondé.

Et Robert X... a reconnu lors de la mission des conseillers rapporteurs que lorsqu'il a pris connaissance de ce refus, il a téléphoné à une parente et qu'en présence de M. A..., dirigeant de la société, il a dit à son interlocutrice en parlant de son patron : " il commence à m'emmerder ". Cet aveu est confirmé par l'attestation de Yannick Z...qui indique que lors du refus, Robert X... a tenu des propos calomnieux et désobligeants en présence de M. A..., la qualité de salarié de son auteur au moment où elle a été rédigée et la circonstance qu'elle ne contienne pas toutes les mentions prescrites par l'article 202 du code de procédure civile ne suffisant pas à faire douter de la sincérité de cette attestation dès lors que, précisément, les déclarations du témoin sont corroborées par les propres dires de Robert X... recueillis par les conseillers rapporteurs.

La tenue de tels propos devant le dirigeant de la société et alors que le refus de la demande de congés était fondé constitue une faute qui justifiait le prononcé d'un avertissement de sorte que le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a débouté Robert X... de sa demande tendant à l'annulation de ce second avertissement.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

" Par lettre du 27/ 04/ 2006 nous vous avons adressé une convocation à un entretien préalable en vue d'examiner la mesure de licenciement que nous envisageons à votre égard. Force est de constater que vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien au cours duquel nous aurions aimé que vous vous justifié concernant votre absence non signalé en date du 15/ 04/ 2006 qui a porté préjudice à notre organisation. Cette absence nous parait d'autant plus chocante qu'elle intervient suite à une explication avec la direction relative à des " problèmes " de congés payés où vous avez tenu des propos calomnieux et pour lesquels vous avez eu un avertissement en date du 22/ 04/ 2006. Enfin vous avez reçu un autre avertissement en date du 21/ 03/ 2006 concernant le fait que vous n'avez pas prévenu de la nécessité d'immobiliser un véhicule que vous aviez endommagé. Votre comportement depuis 3 mois est loin d'être exemplaire et celui-ci porte préjudice au bon fonctionnement de la société.
Pour ces raisons nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. "

* * *

Robert X... soutient que les faits déjà sanctionnés par les avertissements ne pouvaient plus être invoqués à l'appui de son congédiement. Quant à son absence du 15 avril 2006, il relève qu'il s'agit d'un fait isolé, l'employeur n'invoquant aucune autre absence ou même retard et les avertissements des 21 mars et 22 avril 2006 étant étrangers à tout fait d'absentéisme. Il observe en outre que l'employeur ne justifie pas d'une quelconque perturbation causée par son retard. Il considère en conséquence que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Maître B...ès qualités estime au contraire que le licenciement est fondé dès lors que Robert X... ne s'est pas présenté à son travail le 15 avril 2006 sans y être autorisé ni prévenir quiconque, que cette absence a préjudicié à l'entreprise, la journée ayant commencé avec retard dans l'attente du chauffeur appelé pour le remplacer, et qu'elle fait suite à deux avertissements.

L'AGS CGEA fait valoir que l'absence d'un salarié sans autorisation et sans cause légitime justifie un licenciement.

* * *

Le licenciement pour faute doit reposer sur une cause réelle et sérieuse et respecter les règles propres aux sanctions disciplinaires.

Lorsqu'informé de l'ensemble des faits imputés à un salarié, l'employeur choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux, il épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits connus avant la notification de la première sanction.

Une même faute ne peut faire l'objet de deux sanctions successives.

En l'espèce, dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche à Robert X... son absence non justifiée du 15 avril 2006.

Or, l'employeur a nécessairement eu connaissance de ce manquement dès le jour même puisqu'il indique qu'il a dû faire appel à un autre chauffeur pour remplacer Robert X....

Il s'ensuit que la société LTJH était informée non seulement des propos calomnieux ou injurieux tenus par Robert X... mais aussi de son absence injustifiée du 15 avril 2006 lorsqu'elle lui a adressé un avertissement le 22 avril 2006. En conséquence, en choisissant de ne prononcer ledit avertissement qu'à raison des propos tenus par son salarié lorsqu'il a appris le refus de sa demande de congés payés, l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait plus fonder un licenciement sur cette absence, connue avant la notification de l'avertissement.

Quant aux autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, ainsi que ladite lettre le mentionne, ils avaient déjà été sanctionnés par les avertissements ci dessus examinés en date des 21 mars 2006 et 22 avril 2006 de sorte qu'ils ne pouvaient motiver le licenciement de Robert X... à défaut de tout grief nouveau susceptible d'être invoqué.

Ainsi, il y a lieu de dire et juger que le licenciement de Robert X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement devant être infirmé en ce sens.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Robert X..., qui comptait une ancienneté de moins de deux ans, relève de l'article L 1235-5 du code du travail selon lequel le salarié peut prétendre en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Agé de 51 ans, l'intéressé disposait d'un salaire mensuel moyen de 1 758, 61 euros et d'une ancienneté de 14 mois lors de son licenciement. Il ne justifie ni de sa situation professionnelle, ni de ses revenus depuis la perte de son emploi.

En considération de ces éléments, il convient de lui allouer la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité réparant l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur l'indemnité de précarité

Au soutien de sa demande, Robert X... invoque l'article L 122-3-4 du code du travail et fait valoir que son contrat de travail à durée indéterminée n'a pas immédiatement succédé aux contrats à durée déterminée.

Maître B...ès qualités s'oppose à cette demande aux motifs qu'aucune indemnité de fin de contrat n'est due pour les emplois d'usage, que le secteur du déménagement est expressément visé dans la liste des emplois d'usage et que Robert X... a été embauché comme chauffeur déménageur. Elle argue en outre du fait qu'à la suite de ses contrats à durée déterminée, ce dernier a été employé par contrat à durée indéterminée toujours comme chauffeur déménageur.

L'AGS CGEA relève aussi qu'il n'est pas prévu d'indemnité de fin de contrat dans le cadre des contrats d'usage.

* * *

Il résulte des articles L 1243-8 et L 1243-10 du code du travail anciennement codifiés à l'article L 122-3-4 du même code que lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation. Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération brute versée au salarié. Elle n'est pas due lorsque le contrat est conclu au titre du 3o) de l'article L 1242-2, laquelle disposition autorise le recours au contrat à durée déterminée pour les emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Or, en l'espèce, force est de constater que les contrats à durée déterminée litigieux ne font nullement référence à l'ancien article L 122-1-1 3o) du code du travail recodifié à L 1242-2 3o) ou à la notion de contrat d'usage mais mentionnent expressément qu'il s'agit de contrat à durée déterminée pour surcroît d'activité, lequel est un motif de recours au contrat à durée déterminée distinct de l'usage et alors que l'énoncé du motif dans le contrat de travail fixe les limites du litige.

Les contrats à durée déterminée en cause n'ont donc pas été conclus au titre du 3o) de l'article L 1242 du code de travail en sorte que l'exclusion de l'indemnité de précarité en cas de contrat d'usage n'est pas applicable en l'espèce.

En outre, l'indemnité est due lorsque le contrat à durée déterminée est suivi d'un autre contrat à durée déterminée. Robert X... est donc bien fondé à réclamer le bénéfice d'une telle indemnité au titre de son premier contrat conclu pour la période du 25 mars 2004 au 30 septembre 2004.

Enfin, il y a lieu de relever qu'à l'issue du second contrat à durée déterminée qui a pris fin le 30 décembre 2004, un contrat à durée indéterminée n'a pas immédiatement suivi puisqu'un tel contrat n'a été conclu que le 28 février 2005 avec effet au 1er mars 2005. Il s'ensuit que l'indemnité de précarité est également due pour le second contrat à durée déterminée.

La somme réclamée correspondant précisément à 10 % de la rémunération brute versée au salarié du 25 mars 2004 au 30 décembre 2004, il y a lieu d'accueillir intégralement la demande en allouant à Robert X... la somme de 1 730, 27 euros à titre d'indemnité de précarité.

Sur le rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents

Robert X... prétend que l'analyse des disques produits par l'employeur révèle qu'il a accompli en 2005 et 2006 des heures supplémentaires au delà de celles qui lui ont été rémunérées. Pour l'année 2004, il indique que l'employeur n'a pas fourni les disques mais se basant sur des carnets personnels qu'il tenait, il soutient aussi ne pas avoir été réglé de l'intégralité des heures supplémentaires effectuées. Il estime qu'il lui est ainsi dû :
- au titre de 2004 : 266, 21 heures de travail ;
- au titre de 2005 : 326, 95 heures de travail ;
- au titre de 2006 : 160, 86 heures de travail ;
dont il sollicite le paiement sur la base d'un tarif horaire de 10, 375 euros.

Maître B...ès qualités considère que Robert X... a été intégralement rempli de ses droits quant au paiement des heures supplémentaires. Elle conteste que les tableaux établis par le salarié aient été réalisés sur la base des informations contenues dans les disques de conduite. Elle fait valoir que les documents sur lesquels se fonde Robert X... sont sans effet alors que mensuellement, celui-ci a signé sans les contester les relevés d'heures qui lui ont été présentés.

L'AGS CGEA fait sienne l'argumentation développée par le mandataire liquidateur.

* * *

Il résulte de l'article L 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux heures effectivement réalisées par lui pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, Robert X... verse aux débats des agendas 2003-2004, 2004-2005 et 2006-2007 mentionnant de manière manuscrite des horaires et/ ou un nombre d'heures travaillées par jour ainsi que des tableaux annuels récapitulant mois par mois le nombre d'heures payées, le nombre d'heures accomplies et le nombre d'heures dues.

Mais il y a lieu de relever d'une part que Robert X... ne produit pas aux débats les disques de conduite sur lesquels il se serait fondé pour décompter le nombre d'heures réellement faites en 2005 et 2006 et que le nombre d'heures accomplies mentionnées dans ses tableaux ne correspond pas aux informations mentionnées dans les analyses de disque produites par l'employeur.

D'autre part, le nombre d'heures prétendûment faites tel qu'indiqué dans les tableaux de 2005 et 2006 ne correspond pas non plus toujours au nombre d'heures travaillées ressortissant des agendas, qui apparaît au surplus parfois raturé ou peu lisible. Tel est le cas pour novembre 2005 où il est fait état dans le tableau de 239 heures alors qu'il ne résulte de l'agenda qu'environ 210 heures.

Enfin, il apparaît que pour six mois en 2005 et pour les cinq premiers mois de l'année 2006, Robert X... a signé les relevés d'heures établis par l'employeur qui mentionnent le nombre d'heures travaillées et ce sans émettre la moindre contestation ou réserve, ce nombre étant équivalent au nombre mentionné dans les bulletins de salaire.

Pour l'année 2004, les mentions de l'agenda sont souvent peu lisibles ou raturées. Elles ne correspondent pas toujours précisément au nombre d'heures faites porté dans le tableau annuel. Comme au titre des années suivantes, ce nombre est par ailleurs contredit par le nombre d'heures travaillées figurant dans les relevés d'heures signés par Robert X... qui existent pour les mois de juin, octobre, novembre et décembre 2004, étant observé s'agissant de l'ensemble de ces relevés, que Robert X... ne s'explique pas sur ces documents dans ses conclusions et que devant les conseillers rapporteurs auxquels un certain nombre de ces relevés ont été soumis, il n'a émis aucune contestation quant à leur sincérité.

En considération de l'ensemble de ces éléments, à savoir l'incohérence des heures prétendument faites par rapport aux analyses de disques et agendas renseignés manuscritement, le manque de lisibilité de ces agendas et la contrariété entre ce nombre d'heures et les relevés d'heures signés par le salarié produits par l'employeur, il apparaît que Robert X... n'étaye pas sa demande dont le bien fondé est contredit par les pièces fournies par le mandataire liquidateur ès qualités.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Robert X... de sa demande de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice des congés payés afférents.

Sur l'AGS CGEA

Le licenciement de Robert X... qui a généré sa créance indemnitaire est antérieur au redressement judiciaire suivi de la liquidation judiciaire de la société LTJH. Quant à l'indemnité de précarité, elle était due avant le jugement d'ouverture de la procédure collective. La garantie de l'AGS est en conséquence acquise concernant ces sommes, dans les limites légales.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Maître B...ès qualités, qui succombe au moins partiellement, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu en outre d'allouer à Robert X... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant par ailleurs confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire :

Reçoit l'appel de Robert X... contre un jugement rendu le 30 juin 2008 par le conseil de prud'hommes de Metz ;

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Robert X... de :
- ses demandes tendant à l'annulation des avertissements des 21 mars et 22 avril 2006 ;
- de ses demandes de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;
- de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et ajoutant :

Dit et juge que le licenciement de Robert X... est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Fixe la créance de Robert X... à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société LTJH aux sommes suivantes :
-6 000 euros à titre d'indemnité réparant l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement :
-1 730, 27 euros à titre d'indemnité de précarité ;
-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la garantie de l'AGS est acquise concernant la créance de Robert X... dans la limite des dispositions légales des articles L 3253-8 du code du travail et L 625-9 du code de commerce et à l'exclusion des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande ;

Condamne Maître B...ès qualités de mandataire liquidateur de la société LTJH aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 17 septembre 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.

Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02115
Date de la décision : 17/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2012-09-17;10.02115 ?
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