Minute no 12/00410 ----------- 25 Juin 2012 ------------------------- RG 10/01563 ----------------------- Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ 04 Mars 2010 09/699 I ----------------------RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
vingt cinq juin deux mille douze
APPELANTE :
SA SITRAL INDUSTRIE prise en la personne de son représentant légal Z.I Avenue du District BP 48 57380 FAULQUEMONT
Représentée par Me SEYVE (avocat au barreau de METZ)
INTIME :
Monsieur Antoine X... ... 57490 L'HOPITAL
Non comparant, non représenté
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller Madame Gisèle METTEN, Conseiller
*** GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier ***
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 mai 2012, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 25 juin 2012 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.
EXPOSE DU LITIGE
Antoine X... a été engagé en contrat à durée déterminée du 28 juillet 2008 au 30 août 2008 en qualité de monteur niveau II, échelon 3, coefficient 190 par la SA Sitral Industrie. Le 27 août 2008, un nouveau contrat à durée déterminée a été conclu entre les parties pour la période du 31 août 2008 au 30 mai 2009 et sous la même qualification.
Convoqué par lettre recommandée du 10 mars 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien fixé au 19 mars 2009, Antoine X... s'est vu notifier son licenciement pour faute grave aux termes d'une lettre recommandée du 24 mars 2009.
Suivant demande enregistrée le 29 avril 2009, Antoine X... a fait attraire son ex employeur devant le conseil de prud'hommes de Metz.
La tentative de conciliation a échoué.
Dans le dernier état de ses prétentions, Antoine X... a demandé à la juridiction prud'homale de condamner la SA Sitral Industrie au paiement des sommes suivantes : - 2 821,06 euros brut à titre de dommages et intérêts pour contestation de la faute grave ayant entraîné la rupture du contrat à durée déterminée ; - 136,50 euros brut à titre d'indemnité de fin de contrat pour le premier contrat ; - 1 269,45 euros brut à titre d'indemnité de fin de contrat pour le second contrat ; - 140,60 euros brut à titre d'indemnité de congés payés sur les indemnités de fin de contrat ; - 313,96 euros brut à titre d'indemnité de congés payés jusqu'au terme du contrat à durée déterminée; - 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA Sitral Industrie s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation d'Antoine X... au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement du 4 mars 2010, statué dans les termes suivants :
- dit que les demandes d'Antoine X... sont recevables ;
- dit et juge que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée d'Antoine X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et ne peut donc pas constituer une faute grave ;
- condamne la SA Sitral, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Antoine X..., les sommes de :
* 2 821,06 euros à titre de dommages et intérêts pour contestation de la faute grave ayant entraîné la rupture du contrat à durée déterminée ; * 282,10 euros à titre d'indemnité de congés payés sur salaires jusqu'au terme du contrat;
* 136,50 euros à titre d'indemnité de fin de contrat du premier contrat à durée déterminée ; * 1 269,45 euros à titre d'indemnité de fin de contrat du second contrat à durée déterminée; * 140,60 euros à titre d'indemnité de congés payés sur l'indemnité de fin de contrat ; * 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la SA Sitral aux entiers frais et dépens ;
- déboute la SA Sitral de sa demande reconventionnelle ;
- rappelle que l'exécution provisoire est de droit en application des articles R 1454-28 et R 1454-15 du code du travail et retient un salaire brut mensuel de 1 410,53.
Suivant déclaration de son avocat enregistrée le 6 avril 2010 au greffe de la cour d'appel de Metz, la SA Sitral Industrie a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié par lettre recommandée dont elle a signé l'avis de réception le 8 mars 2010.
Par conclusions de son avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie par ce dernier, la SA Sitral demande à la Cour de :
- infirmer le jugement ;
- dire et juger que la rupture du contrat à durée déterminée d'Antoine X... était justifiée par une faute grave ;
- le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes ;
- le condamner à payer à la SA Sitral Industrie la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner en tous les frais et dépens.
Bien que régulièrement convoqué par lettre recommandée dont il a signé l'avis de réception le 3 septembre 2011, Antoine X... ne comparaît pas et n'est pas représenté.
MOTIFS DE L'ARRET
Vu le jugement entrepris ;
Vu les conclusions de l'appelante déposées le 24 février 2012, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises;
Sur la rupture anticipée du contrat de travail et ses conséquences
Aux termes de l'article 1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure.
La faute grave autorisant une telle rupture est un manquement intolérable rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle jusqu'au terme prévu.
La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée pour faute grave s'analysant en une sanction, elle est soumise au droit disciplinaire tel que réglementé par les articles L 1331-1 et suivants du code du travail. Il s'ensuit notamment que l'employeur doit notifier par écrit les griefs retenus contre le salarié.
En l'espèce, la lettre du 24 mars 2009 dite de licenciement par laquelle la SA Sitral Industrie a notifié à Antoine X... la rupture anticipée de son contrat de travail est ainsi rédigée :
"Suite à notre entretien du 19.03.2009, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour inobservation des règles et mesures de sécurité. Le 05.03.2009, sur le site Total Pétrochemical France à Carling, arrêt du Vapo 2, vous étiez chargé d'effectuer la mission de surveillant de travaux, dont la formation vous a été dispensée le 05.12.2008. Votre mission consistait à surveiller attentivement un cadre d'air reliant des ouvriers monteurs travaillant sous masque respiratoire à adduction d'air. Au lieu de surveiller attentivement les manomètres, vous vous êtes éloigné de votre propre initiative des cadres d'air sans en assurer la surveillance pour guider un chariot automoteur circulant dans un autre périmètre. Ce faisant, vous avez buté sur un échafaudage vous blessant à la jambe. Votre conduite aurait pu avoir de graves conséquences pour la sécurité de vos collègues, erreur que vous avez reconnue lors de notre entretien. C'est pourquoi, nous avons décidé de vous retirer du site. Par ailleurs, nous vous rappelons que vous reçu le 13.10.2008, un avertissement pour des manquements aux consignes de sécurité sur un autre chantier. Vous comprendrez que nous ne pouvons tolérer de tels agissements, par conséquent, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave."
Il apparaît ainsi de manière incontestable que cette lettre contient l'énoncé de motifs précis et matériellement vérifiables de sorte que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle était insuffisamment motivée.
Pour justifier du bien fondé de la rupture anticipée du contrat, la SA Sitral Industrie verse aux débats :
- une feuille de présence émargée par Antoine X... établissant que le 5 décembre 2008, il a assisté de 8 à 12 heures à une présentation de la fonction de surveillance des travaux confiée à une entreprise extérieure sur le site Total Petrochemicals de Carling ; selon les documents relatifs à cette fonction, "le surveillant travaux est affecté à la seule mission de surveillance pendant toute la durée des travaux à l'exception du passe main de matériel par le Trou d'Homme d'une capacité car cette activité ne perturbe pas sa mission de surveillance (donc pas de déplacements) ; il surveille en continu les travaux dans son champ visuel (en principe sur un seul niveau, sauf indications complémentaires) et se positionne judicieusement pour assurer une intervention efficace" ;
- une attestation établie par Raphael Y..., chef de chantier, qui indique que lors de l'arrêt du vapo 2 au mois de mars 2009 sur le site TPF à Carling, il a confié la mission de surveillance des travaux à Antoine X... car celui-ci était habilité pour ce faire par TPF après avoir suivi la formation adéquate; que sa mission consistait à surveiller les manomètres de pression d'air qui alimentaient les masques respiratoires des monteurs et à signaler la moindre anomalie dans le déroulement des opérations ; qu'au cours de la journée du 5 mars 2009, Antoine X... s'est éloigné de sa propre initiative d'une dizaine de mètres pour guider un autre intervenant dans une manoeuvre avec un chariot élévateur ; que cette absence même momentanée du poste du travail aurait pu avoir des conséquences tragiques en cas de défaillance du cadre d'air, d'une chute de pression des manomètres ou de malaise d'un monteur ;
- un avertissement notifié le 13 octobre 2008 à Antoine X... pour deux manquements aux règles de sécurité, notamment pour avoir déplacé une plate-forme élévatrice de personne sur une distance d'environ 50 mètres sans surveillant au sol et sans s'être harnaché, la lettre d'avertissement ayant expressément rappelé à Antoine X... qu'il devait appliquer strictement les consignes de sécurité en vigueur afin de veiller à préserver sa santé et sa sécurité ainsi que celles de ses collègues de travail.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'Antoine X... était parfaitement informé des règles de sécurité applicables et, en particulier, du fait qu'il devait surveiller en continu les travaux sans se déplacer pendant sa mission. De même, il est ainsi établi qu'il a enfreint cette règle, ce que, au demeurant, il n'a en fait pas sérieusement contesté devant les premiers juges en faisant simplement valoir qu'il ne s'était éloigné que de deux mètres. Or, à supposer même que son éloignement ait été aussi limité, ce qui est contredit par l'attestation produite dont la sincérité n'est nullement remise en cause, un tel déplacement effectué dans le but de guider un chariot élévateur l'empêchait à l'évidence de contrôler efficacement les manomètres ainsi que le déroulé des opérations en éloignant et distrayant son regard et de pouvoir intervenir avec toute la célérité nécessaire. Enfin, il n'apparaît pas qu'Antoine X... ait, à un quelconque moment, contesté les faits reprochés dans la lettre d'avertissement, ni cette sanction.
Antoine X... a donc commis un manquement élémentaire à des règles de sécurité qu'il connaissait, lequel aurait pu avoir des conséquences graves voire tragiques pour la santé de ses collègues de travail, et ce alors même qu'il avait déjà été sanctionné pour le non respect de consignes de sécurité.
En considération de ces éléments, le comportement d'Antoine X... caractérise bien une violation de ses obligations d'une gravité telle qu'elle ne permettait pas de le maintenir dans l'entreprise jusqu'au terme du contrat.
En conséquence, il convient de dire et juger que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est fondée sur une faute grave et de débouter Antoine X... de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1243-4 du code du travail, le jugement devant être infirmé en ce sens.
Sur les indemnités de fin de contrat et l'indemnité compensatrice de congés payés sur les indemnités de fin de contrat
Il résulte de l'article L 1243-10 du code du travail que l'indemnité de fin de contrat n'est pas due en cas de rupture anticipée du contrat consécutive à la faute grave du salarié. En revanche, celui-ci conserve le droit à l'indemnité de précarité au titre du contrat précédent, seule l'indemnité de fin de contrat se rapportant au contrat renouvelé qui a été rompu en raison de la faute grave n'étant pas due.
Il s'ensuit en l'espèce qu'Antoine X... ne peut qu'être débouté de sa demande d'indemnité de fin de contrat portant sur la somme de 1 269,45 euros et de sa demande d'indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement devant être infirmé en ce sens, mais que le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé à Antoine X... la somme de 136,50 euros au titre de l'indemnité de précarité liée au premier contrat de travail à durée déterminée, étant observé que la SA Sital Industrie ne prétend pas avoir déjà payé ladite indemnité et ne conteste pas son quantum, et la somme de 13,65 euros au titre des congés payés afférents, l'indemnité de précarité, qui s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié selon l'article L 1243-8 du code du travail, devant ainsi être comprise dans les éléments à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de congés payés.
Sur l'indemnité compensatrice des congés payés sur les salaires jusqu'au terme du contrat
Le contrat de travail à durée déterminée ayant pris fin de manière anticipée, Antoine X... ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés pour la période postérieure à la rupture anticipée.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a alloué à ce titre au salarié la somme de 282,10 euros, calculée comme le dizième des dommages et intérêts pour rupture abusive.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La SA Sitral Industrie, qui succombe au moins partiellement, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire :
Reçoit l'appel de la SA Sitral Industrie contre un jugement rendu le 4 mars 2010 par le conseil de prud'hommes de Metz ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné la SA Sitral Industrie à payer à Antoine X... les sommes de : * 136,50 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat du premier contrat à durée déterminée; * 13,65 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ; * 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la SA Sitral Industrie de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné la SA Sitral Industrie aux dépens ;
Infirme le jugement en ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau dans cette limite :
Dit et juge que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée conclu le 27 août 2008 est fondée sur une faute grave ;
En conséquence, déboute Antoine X... de toutes ses autres demandes ;
Déboute la SA Sitral Industrie de sa demande formée à hauteur d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA Sitral Industrie aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 25 juin 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.
Le Greffier, Le Président de Chambre,