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18/06/2012 | FRANCE | N°10/04574

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 18 juin 2012, 10/04574


Minute no 12/ 00395
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18 Juin 2012
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RG 10/ 04574
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Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de FORBACH
29 Septembre 2010
F09/ 554
---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix huit Juin deux mille douze

APPELANTE :

SAS COKES DE CARLING prise en la personne de son représentant légal
Rue de Metz
57490 CARLING

Représentée par Me HOUSSAIN (avocat au barreau de S

TRASBOURG), substitué par Me BERTRAND (avocat au barreau de STRASBOURG)

INTIME :

Monsieur Vincent X...
...
57200 BLIESBRUCK

Re...

Minute no 12/ 00395
-----------
18 Juin 2012
-------------------------
RG 10/ 04574
-----------------------
Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de FORBACH
29 Septembre 2010
F09/ 554
---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

dix huit Juin deux mille douze

APPELANTE :

SAS COKES DE CARLING prise en la personne de son représentant légal
Rue de Metz
57490 CARLING

Représentée par Me HOUSSAIN (avocat au barreau de STRASBOURG), substitué par Me BERTRAND (avocat au barreau de STRASBOURG)

INTIME :

Monsieur Vincent X...
...
57200 BLIESBRUCK

Représenté par Me SCHIFFERLING-ZINGRAFF (avocat au barreau de SARREGUEMINES)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller
Madame Gisèle METTEN, Conseiller

***
GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier
***
DÉBATS :

A l'audience publique du 30 avril 2012, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 18 juin 2012 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte enregistré au greffe le 22 octobre 2009, Vincent X...saisit le conseil de prud'hommes de Forbach et lui demande, dans le dernier état de ses conclusions, de   :
- prononcer la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme nette de 1 493, 40 € à titre d'indemnité de requalification,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme brute de 1 493, 40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme brute de 149, 34 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme nette de 298, 68 € à titre d'indemnité de licenciement,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme nette de 38 2 00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme nette de 23 000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling en tous les frais et dépens en cela compris les éventuels frais liés à l'aide juridictionnelle dont pourrait bénéficier le requérant.

Par jugement daté du 29 septembre 2010, le conseil de prud'hommes de Forbach a   :
- requalifié les contrats de mission de Vincent X..., du 1er septembre au 18 octobre 2009 en contrat à durée indéterminée en qualité de salarié de la S. A. S. Cokes de Carling,
- condamné la S. A. S. Cokes de Carling à payer à Vincent X...les sommes suivantes   :
-1 493, 40 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-149, 34 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
-298, 68 € net à titre d'indemnité de licenciement,
dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2009,
-1 320, 34 € net à titre d'indemnité de requalification,
-23 000 € net à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée indéterminée,
-400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2010,
- débouté Vincent X...de sa demande au titre de la discrimination,
- débouté la S. A. S. Cokes de Carling de sa demande reconventionnelle,
- condamné la S. A. S. Cokes de Carling aux entiers frais et dépens de l'instance, y compris ceux liés à son exécution,
- rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire concernant la requalification des contrats de mission, l'indemnité de requalification, les indemnités de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement,
- déclaré le jugement exécutoire à titre provisoire concernant l'indemnité pour rupture abusive et l'article 700 du code de procédure civile, hormis les dépens.

Ce jugement est notifié le 23 novembre 2010 à la S. A. S. Cokes de Carling.
Par courrier recommandé expédié le 16 décembre 2010, adressé à la cour d'appel de Metz, la S. A. S. Cokes de Carling fait régulièrement appel de ce jugement.

Par conclusions reçues au greffe le 9 janvier 2012, soutenues oralement à l'audience, la S. A. S. Cokes de Carling demande à la cour de   :
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à requalification du contrat de mise à disposition de Vincent X...en un contrat de travail à durée indéterminée,
- dire et juger qu'elle n'est en aucun cas redevable de quelconques sommes à Vincent X...au titre de l'exécution du contrat de mission ou de sa rupture,
- débouter Vincent X...de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Vincent X...à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Vincent X...aux entiers frais et dépens de la procédure.

Par conclusions reçues au greffe le 24 janvier 2012, Vincent X...forme appel incident et demande à la cour de   :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Forbach en ce qu'il a requalifié ses contrats de mission du 1er septembre 2008 au 18 octobre 2009 en contrat à durée indéterminée en qualité de salarié de la S. A. S. Cokes de Carling, condamné la S. A. S. Cokes de Carling à lui payer une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents au préavis, une indemnité de licenciement, la somme de 1 320, 34 € au titre de l'indemnité de requalification, des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée indéterminée, et la somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme brute de 2 640, 68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme brute de 264, 07 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme nette de 374, 10 € à titre d'indemnité de licenciement,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme nette de 36 500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme nette de 23 000 € à titre de dommages-intérêts pour inégalité de traitement,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling à lui verser la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la S. A. S. Cokes de Carling en tous les frais et dépens d'instance et d'appel.

Sur quoi, la cour,

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Forbach daté du 29 septembre 2010,
Vu les conclusions précitées des parties auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens qu'elles invoquent,

Sur la requalification des contrats de mission

Attendu que des explications des parties et pièces produites contradictoirement par elles, il ressort que la société Charbonnages de France a exploité jusqu'en 2004 le site de la Cokerie de Carling dont elle a cédé l'activité à la SAS Cokes de Carling ; qu'afin de permettre la poursuite en faveur des salariés des mesures prévues par le pacte charbonnier national conclu en 1994, le personnel affecté à l'activité cédée n'a pas été transféré mais a été mis à disposition de la société cessionnaire, laquelle n'avait aucun personnel propre et n'a embauché des salariés qu'au fur et à mesure des départs des salariés de Charbonnages de France mis à sa disposition ;

Qu'il est acquis aux débats puisque reconnu par les parties que la SAS Cokes de Carling a cessé l'exploitation de l'activité cédée le 18 octobre 2009 après la mise en oeuvre, faute de repreneur, d'une procédure de plan de sauvegarde de l'emploi et de licenciements pour motif économique

Attendu que Vincent X...a été embauché par l'entreprise de travail temporaire Vediorbis devenue Randstad pour être mis à la disposition de la SAS Cokes de Carling :
- du 1er septembre 2008 au 31 août 2009, en qualité d'opérateur traitement gaz, en exécution d'un contrat de professionnalisation couplé au contrat de mission,
- du 1er septembre au 7 octobre 2009 en qualité de conducteur d'appareils industries chimiques (CAIC) pour accroissement temporaire d'activité justifié par la «   poursuite des activités obligatoire dans l'attente d'un repreneur, sans possibilité de faire un CDI   »,
- du 8 au 18 octobre 2009 en qualité de conducteur d'appareils industries chimiques (CAIC) pour accroissement temporaire d'activité justifié par la «   poursuite des activités obligatoire dans l'attente d'un repreneur, sans possibilité de faire un CDI   »,

Attendu que l'article L6325-23 du code du travail prévoit que les entreprises de travail temporaire peuvent conclure des contrats de professionnalisation à durée déterminée en application de l'article L 1242-3   du code du travail ; que les activités professionnelles en relation avec les enseignements reçus sont alors exercées dans le cadre des missions de travail temporaire définies par le chapitre 1er du titre V du livre II de la première partie   ;
Attendu que Vincent X...ne conteste pas la régularité du contrat de professionnalisation et du contrat de mission, s'attachant à demander la requalification des contrats postérieurs au contrat de professionnalisation.

Attendu que la SAS Cokes de Carling conteste la décision du Conseil de Prud'hommes qui a requalifié les deux derniers contrats de mission de Vincent X..., passés hors contrat de professionnalisation, en contrats de travail à durée indéterminée

Attendu que ces deux derniers contrats devaient, pour être valables, satisfaire aux exigences de l'article L 1251-6 du code du travail, et s'inscrire dans l'un des cas de recours au travail temporaire   ;
Qu'il appartient à l'entreprise utilisatrice ayant recours à des contrats de travail temporaires de rapporter la preuve de cette conformité.

Attendu que dans le premier contrat de mission conclu le 1er septembre 2009, Vincent X...a été embauché pour un motif d'accroissement temporaire d'activité caractérisé, selon le contrat, par «   la poursuite des activités obligatoire dans l'attente d'un repreneur, sans possibilité de faire un CDI   » ;

Attendu que la S. A. S. Cokes de Carling fait valoir que la justification mentionnée dans les contrats de mission correspondent au motif d'accroissement temporaire d'activité lié à sa situation extrêmement singulière, recherchant un repreneur et devant envisager la fermeture   ; que dans cette dernière éventualité, il lui fallait engager des travaux de mise aux normes et de sécurisation du site, soit des tâches non durables et exceptionnelles ne relevant pas de l'activité normale de l'entreprise ; qu'elle précise que les salariés intérimaires concernés n'exerçaient pas forcément leur activité directement sur des postes liés à ces travaux mais pouvaient prendre le poste laissé temporairement vacant par les salariés qui y étaient affectés, l'appelante faisant valoir que cette technique dite du remplacement en cascade est validée par la jurisprudence ;

Qu'elle ajoute que pour ne pas obérer une éventuelle reprise, et honorer les dernières commandes, elle a fait le choix de maintenir une production jusqu'au 18 octobre 2009 tout en assurant en parallèle la mise en conformité technique et en sécurité du site dans l'éventualité d'une absence de reprise et de fermeture effective, d'où l'accroissement temporaire d'activité   ; qu'elle souligne qu'il ne peut en aucun cas être considéré que cette fermeture, faute de repreneur, subie par elle, constituait le fonctionnement normal et permanent de l'entreprise ;

Attendu que Vincent X...conteste la justification relative à la rénovation technique du site en faisant valoir que les travaux en cause étaient terminés avant son embauche et que le respect des normes environnementales relevait du fonctionnement normal et permanent de l'entreprise ; que son travail au sein de la S. A. S. Cokes de Carling s'est inscrit dans son fonctionnement normal de production.

Attendu que, comme l'ont justement relevé les premiers juges, aucune augmentation de l'activité proprement dite n'est justifiée par la S. A. S. Cokes de Carling, qui le reconnaît dans ses écritures, et que l'activité de l'usine était au contraire en baisse d'activité progressive depuis 2008, baisse d'activité qui s'est achevée avec la fermeture du site le 18 octobre 2009 ;
Que s'il y avait obligation de maintenir l'activité du site, cette obligation ne pouvait porter que sur l'activité normale et permanente de l'entreprise, pour laquelle précisément le recours à des salariés intérimaires est proscrit   ;
Que la S. A. S. Cokes de Carling n'explique en aucune façon l'impossibilité qu'elle invoque de ne pouvoir recruter des salariés en contrat à durée indéterminée   ;
Attendu que les premiers juges relèvent également à bon droit que l'ensemble des documents produits par la S. A. S. Cokes de Carling pour justifier les travaux nécessaires à la sécurisation totale du site avant sa fermeture portent sur la mise en place d'un système de captation des fumées à l'enfournement et des poussières au défournement, et d'un système de captation des évents au niveau du traitement des gaz, soit des équipements pour lesquels les contrats avaient été passés dès 2006, et les travaux achevés avant l'embauche de l'intimé   ; qu'en août 2009, l'APAVE avait levé toutes les réserves qu'elle avait émises dans son rapport précédent concernant les travaux de mise en sécurité   ;

Que les travaux urgents de sécurisation du site sont ceux qui sont nécessaires à la prévention des accidents et à la réalisation d'opération de sauvetage, dont la S. A. S. Cokes de Carling ne justifie pas   ;
Qu'il en résulte que la justification du recours à des salariés intérimaires pour sécuriser le site est fallacieuse   ;
Qu'ainsi, la S. A. S. Cokes de Carling n'ayant pas satisfait pas aux exigences légales rappelées ci-avant, Vincent X...peut faire valoir à son égard les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour du premier contrat irrégulier, soit en l'espèce le 1er septembre 2009.

Sur les conséquences de la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée

1. Indemnité de requalification

Attendu qu'en application de l'article L 1251-41 du code du travail, le salarié est fondé à solliciter une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ;

Attendu que c'est à juste titre qu'il a été alloué au salarié une indemnité de requalification de 1 320, 34 € net correspondant à un mois de salaire, montant non critiqué, qui sera confirmé.

2. Rupture abusive du contrat de travail

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 1251-41 du code du travail, que le salarié est fondé à obtenir de la SAS Cokes de Carling, outre l'indemnité de requalification, les indemnités afférentes à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ;

a) Les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents au préavis

Attendu que le plan de sauvegarde de l'emploi fait référence à la convention collective nationale de la sidérurgie du 20 novembre 2001 ; que la S. A. S. Cokes de Carling ne conteste pas ce point   ;

Attendu que selon l'article 10 de ladite convention collective, après expiration de la période d'essai et sauf en cas de force majeure ou de faute grave ou lourde, la durée réciproque du préavis est fixée à deux mois pour les salariés classés aux niveaux I, II et III et à 3 mois pour les salariés classés à des niveaux supérieurs ;

Attendu que le salarié sollicite une indemnité compensatrice de préavis de 2 640, 68 € brut et la somme de 264, 07 € brut à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents au préavis ; que ces montants, lui seront alloués, le jugement étant réformé en ce sens.

b) L'indemnité de licenciement

Vu l'article 11 de la convention collective nationale de la sidérurgie,
Attendu que la requalification prend effet au premier jour du premier contrat irrégulier ; qu'il a été indiqué plus haut que cette date est le 1er septembre 2009   ; qu'ainsi, à la date de rupture du contrat de travail, Vincent X...avait moins de deux mois d'ancienneté, ce qui le prive de tout droit à l'indemnité de licenciement.

c) Les dommages et intérêts pour licenciement abusif

Attendu que la fin de la relation de travail avec la SAS Cokes de Carling, requalifiée en contrat à durée indéterminée, caractérise, alors qu'aucun licenciement n'a été notifié au salarié, une rupture abusive du contrat de travail à la date du 18 octobre 2009 ;

Attendu qu'en application de l'article L 1235-5 du code du travail, eu égard à son ancienneté de moins de deux ans, Vincent X...est fondé à obtenir une indemnité correspondant au préjudice subi ;

Attendu que Vincent X...soutient que son préjudice est constitué par les sommes qu'il aurait perçues s'il avait eu un contrat à durée indéterminée, mais qu'il n'a pu percevoir du fait qu'il était salarié intérimaire, ces sommes étant inscrites dans le plan de sauvegarde de l'emploi, soit 23 000 € à titre d'indemnité extra-légale, augmentés de 85 % du salaire annuel au titre du congé de reclassement, réservés aux salariés sous contrat de travail à durée indéterminée ;

Attendu que son emploi ayant eu pour objet de pourvoir un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et ayant duré jusqu'à l'arrêt de l'activité de la SAS Cokes de Carling qui a motivé l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi afin d'éviter ou de limiter les licenciements liés à cette cessation d'activité, Vincent X...avait vocation à bénéficier des mesures prévues par ce plan, bénéfice dont il a été privé par la faute de l'employeur qui a eu recours à un contrat de travail temporaire en violation de la législation applicable ;

Que pour autant, rien n'établit que si la SAS Cokes de Carling n'avait pas commis cette faute, le salarié aurait perçu l'indemnité additionnelle de licenciement de 23 000 € bruts prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi en faveur de chaque salarié non reclassé au sein des groupes dont la SAS Cokes de Carling faisait partie, outre l'allocation, d'un montant de 85 % de la rémunération brute mensuelle moyenne, prévue également par le plan de sauvegarde de l'emploi pour les salariés ayant accepté un congé de reclassement ;

Attendu qu'en effet, le plan de sauvegarde de l'emploi s'analyse en un engagement unilatéral de la part de l'employeur dont l'économie générale et les différentes mesures qu'il prévoit sont nécessairement fonction du nombre de salariés qu'il concerne ;

Or attendu qu'il est acquis aux débats que la SAS Cokes de Carling faisait appel à de nombreux salariés intérimaires dont plusieurs, à l'instar de Vincent X..., ont demandé et obtenu la requalification de leurs contrats en une relation indéterminée avec la SAS Cokes de Carling et ce, par des procédures distinctes, la SAS Cokes de Carling ayant eu recours à ces autres salariés temporaires de manière également illicite ; qu'il s'ensuit que la faute commise à l'égard de Vincent X...l'a été à l'égard de nombreux autres salariés de sorte qu'en l'absence d'une telle faute, le nombre de salariés concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi, qui a été de 162 selon les indications de la SAS Cokes de Carling, aurait été notablement plus important et que les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi auraient en conséquence été très vraisemblablement différentes dans un sens moins favorable pour chacun d'entre eux du moins en ce qui concerne les mesures financières ;

Attendu en outre que si Vincent X...avait bénéficié des mesures fixées par le plan de sauvegarde de l'emploi, il aurait aussi pu prétendre à l'ensemble des mesures de reclassement prévues dont les recherches de reclassements internes et aurait ainsi peut-être été reclassé au sein des sociétés des groupes dont la SAS Cokes de Carling faisait partie, étant précisé que dans la version du plan produite aux débats, il est fait état de 67 offres de reclassement, ce qui témoigne de possibilités de reclassement non négligeables ; qu'il s'ensuit qu'une telle éventualité de reclassement interne ne peut être exclue ;

Attendu qu'il en résulte que le préjudice subi par le salarié au regard des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi ne s'analyse qu'en une perte de chance, dont l'indemnisation ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, perte de chance qui s'inscrit dans le cadre du préjudice lié au caractère abusif du licenciement apprécié également en fonction de l'ancienneté, de l'âge, du montant du salaire et de la situation du salarié depuis la rupture du contrat de travail ;

Attendu que Vincent X...était âgé de 23 ans, avait une ancienneté de moins de deux mois et disposait d'un salaire mensuel de 1 320, 24 € ; qu'il justifie avoir été au chômage indemnisé suite à son départ de la S. A. S. Cokes de Carling jusqu'au 26 mai 2010, date à laquelle il a signé un contrat à durée déterminée   se terminant le 31 août 2010 ; que ce contrat s'est poursuivi et est toujours en cours ; que ces éléments outre la perte de chance ci-dessus évoquée justifient que soit allouée à Vincent X...une somme de 3 000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif, le jugement devant être réformé en ce sens ;

Sur les dommages et intérêts pour inégalité de traitement et discrimination

Attendu que la SAS Cokes de Carling s'oppose à cette demande en faisant valoir que la somme de 23 000 € n'est que la prime supra légale fixée dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi qui est par nature inapplicable aux salariés intérimaires, que cette demande est d'autant plus abusive que ladite somme est déjà mise en compte au titre de l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et qu'une telle prime n'est pas versée en contrepartie de l'activité du salarié, laquelle pourrait faire seule l'objet d'une discrimination ;

Attendu qu'au contraire, le salarié se prévaut d'une distinction opérée par le plan de sauvegarde de l'emploi entre les salariés en CDI et les salariés intérimaires quant au versement de la prime extra-légale de 23 000 €, sans qu'aucune raison et objective et pertinente ne soit avancée ; qu'il estime qu'une telle discrimination doit être sanctionnée, ajoutant que la nature du contrat de travail ne saurait dicter l'attribution de ladite prime ; qu'il affirme que la somme réclamée à ce titre est distincte de l'indemnité pour licenciement abusif en relevant que même si le contrat d'intérim avait été régulier et n'avait pu être requalifié, cette différence de traitement aurait existé ;

Mais attendu que le salarié ne précise pas les éléments sur lesquels serait fondée la discrimination dont il se prévaut ; qu'en tout état de cause, il ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'en réalité, il argue seulement d'une inégalité de traitement ;

Or attendu qu'il ne peut se plaindre d'être victime d'une inégalité de traitement liée au statut de travailleur temporaire dès lors que l'existence d'une relation de travail à durée indéterminée le liant à la SAS Cokes de Carling est reconnue, aux lieu et place des contrats de mission conclus dans le cadre du contrat de travail temporaire, et qu'il en est tiré toutes les conséquences par l'allocation d'une somme indemnisant le caractère abusif du licenciement, en ce compris l'indemnisation de la perte de chance d'avoir pu bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi ;

Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Vincent X...de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et, ajoutant, de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu que la SAS Cokes de Carling, qui succombe pour l'essentiel, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Attendu qu'il y a lieu de la condamner à payer au salarié une somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il condamné la S. A. S. Cokes de Carling à payer à Vincent X...la somme de 400 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

- DECLARE la SAS Cokes de Carling recevable en son appel principal et Vincent X...recevable en son appel incident, lesdits appels étant dirigés contre un jugement rendu le 29 septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes de Forbach,

- CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SAS Cokes de Carling à payer à Vincent X...les sommes de   :

-1 493, 40 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
-149, 34 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
-298, 68 € net à titre d'indemnité légale de licenciement ;
-23 000 € nets à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat à durée indéterminée ;

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :

- CONDAMNE la SAS Cokes de Carling à payer à Vincent X...les sommes de :

-2 640, 68 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-264, 07 € brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
-3 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
-1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toute autre demande,

Condamne la SAS Cokes de Carling aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 18 juin 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.

Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/04574
Date de la décision : 18/06/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2012-06-18;10.04574 ?
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