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18/06/2012 | FRANCE | N°10/04567

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 18 juin 2012, 10/04567


Minute no 12/ 00382-----------18 Juin 2012------------------------- RG 10/ 04567----------------------- Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de FORBACH 29 Septembre 2010 F09/ 538---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
dix huit juin deux mille douze
APPELANTE :
SAS COKES DE CARLING prise en la personne de son représentant légal Rue de Metz 57490 CARLING
Représentée par Me HOUSSAIN (avocat au barreau de STRASBOURG), substitué par Me BERTRAND (avocat au barreau de STRASBOURG) >
INTIME :
Monsieur Alexandre X...... 57490 L'HOPITAL
Représenté par Me SCHIFF...

Minute no 12/ 00382-----------18 Juin 2012------------------------- RG 10/ 04567----------------------- Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de FORBACH 29 Septembre 2010 F09/ 538---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
dix huit juin deux mille douze
APPELANTE :
SAS COKES DE CARLING prise en la personne de son représentant légal Rue de Metz 57490 CARLING
Représentée par Me HOUSSAIN (avocat au barreau de STRASBOURG), substitué par Me BERTRAND (avocat au barreau de STRASBOURG)

INTIME :
Monsieur Alexandre X...... 57490 L'HOPITAL
Représenté par Me SCHIFFERLING-ZINGRAFF (avocat au barreau de SARREGUEMINES)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller Madame Gisèle METTEN, Conseiller
*** GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier ***
DÉBATS :
A l'audience publique du 30 avril 2012, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 18 juin 2012 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.
EXPOSE DU LITIGE

Suivant demande enregistrée le 22 octobre 2009, Alexandre X... a fait attraire devant le conseil de prud'hommes de Forbach la SAS Cokes de Carling aux fins d'obtenir, dans le dernier état de ses prétentions, sa condamnation à lui verser, après requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée :-1 761, 43 euros net à titre d'indemnité de requalification ;-1 761, 43 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;-176, 14 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;-528, 43 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;-41 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;-23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;-1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
La défenderesse s'est opposée à toutes ces prétentions et a sollicité la condamnation du demandeur au paiement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 29 septembre 2010, le conseil de prud'hommes de Forbach a statué dans les termes suivants :
Requalifie les contrats de mission du 21 avril 2008 au 16 octobre 2009 de Monsieur Alexandre X... en contrat à durée indéterminée en qualité de salarié de la SAS Cokes de Carling ;
Condamne la SAS Cokes de Carling à payer à Monsieur Alexandre X... :
-1 761, 43 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;-176, 14 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;-528, 43 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2009 ;
-1 478, 75 euros nets à titre d'indemnité de requalification ;-23 000 euros nets à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat à durée indéterminée ;-400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2010 ;
Déboute Monsieur Alexandre X... de sa demande au titre de la discrimination ;
Déboute la SAS Cokes de Carling de sa demande reconventionnelle ;
Condamne la SAS Cokes de Carling aux entiers frais et dépens de l'instance y compris ceux liés à son exécution ;
Rappelle que la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire concernant la requalification des contrats de mission, l'indemnité de requalification, les indemnités de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement ;
Déclare que la présente décision est exécutoire à titre provisoire concernant l'indemnité pour rupture abusive et l'article 700 du code de procédure civile, hormis les dépens.
Suivant déclaration de son avocat par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 16 décembre 2010 au greffe de la cour d'appel, la SAS Cokes de Carling à laquelle le jugement a été notifié par lettre recommandée avec avis de réception signé le 19 novembre 2010 a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la SAS Cokes de Carling demande à la Cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé ;
- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande relative à la discrimination ;
statuant à nouveau,
- déclarer la demande du salarié irrecevable et mal fondée ;
en conséquence,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à requalification du contrat de mise à disposition du salarié en contrat de travail à durée indéterminée envers la société Cokes de Carling ;
- dire et juger que la SAS Cokes de Carling n'est en aucun cas redevable de quelconques sommes au salarié au titre de l'exécution du contrat de mission ou de sa rupture ;
en conséquence,
- débouter le salarié de toutes ses demandes ;
- le condamner à payer à la SAS Cokes de Carling une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, le salarié, formant appel incident, demande à la Cour la confirmation du jugement sauf en ses dispositions concernant les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il sollicite en conséquence la condamnation de la SAS Cokes de Carling à lui verser les sommes de :-2 957, 50 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;-295, 75 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;-551, 45 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;-38 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite en outre la condamnation de la SAS Cokes de Carling à lui verser :-23 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement ;-1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et à assumer la charge de l'intégralité des frais et dépens d'instance et d'appel.

MOTIFS DE L'ARRET

Vu le jugement entrepris ;
Vu les conclusions des parties déposées le 9 janvier 2012 pour la SAS Cokes de Carling et le 24 janvier 2012 pour Alexandre X..., présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Attendu que des explications des parties et pièces produites contradictoirement par les parties, il ressort que la société Charbonnages de France a exploité jusqu'en 2004 le site de la Cokerie de Carling dont elle a cédé l'activité, dans une optique d'externalisation, à la SAS Cokes de Carling ; qu'afin de permettre la poursuite en faveur des salariés des mesures afférentes au pacte charbonnier national conclu en 1994, le personnel affecté à l'activité cédée n'a pas été transféré mais a été mis à disposition de la société cessionnaire, laquelle n'avait aucun personnel propre et n'a embauché des salariés qu'au fur et à mesure des besoins créés par les départs des salariés de Charbonnages de France mis à sa disposition ;
Qu'il est acquis aux débats puisque reconnu par les parties que la SAS Cokes de Carling a cessé l'exploitation de l'activité cédée le 18 octobre 2009 après la mise en oeuvre, faute de repreneur, d'une procédure de plan de sauvegarde de l'emploi et de licenciements pour motif économique ;

Sur la requalification

Attendu qu'Alexandre X... a été embauché par l'entreprise de travail temporaire Vediorbis devenue Randstad pour être mis à la disposition de la SAS Cokes de Carling :- en qualité d'opérateur régleur pour accroissement temporaire d'activité " lié à la réorganisation des équipes suite départs CCFC " du 21 avril 2008 au 18 juillet 2008 (contrat de mission du 21 avril 2008) ;- en qualité d'opérateur régleur pour accroissement temporaire d'activité " lié à la réorganisation des équipes suite départs CCFC " du 19 juillet 2008 au 19 octobre 2008 (contrat de mission du 16 juillet 2008) ;- en qualité d'opérateur régleur pour accroissement temporaire d'activité " lié à la réorganisation des équipes suite départs CCFC " du 1er août 2008 au 19 octobre 2008 (contrat de mission du 1er août 2008) ;- en qualité de machiniste pour accroissement temporaire d'activité justifié par la rénovation technique du site du 20 octobre 2008 au 19 avril 2009 (contrat de mission du 20 octobre 2008) ;- en qualité de machiniste pour accroissement temporaire d'activité justifié par la rénovation technique du site du 1er janvier 2009 au 19 avril 2009 (contrat de mission du 1er janvier 2009) ;
- en qualité de machiniste pour accroissement temporaire d'activité justifié par la rénovation technique du site du 1er avril 2009 au 19 juillet 2009 (contrat de mission du 1er avril 2009) ;- en qualité de machiniste pour accroissement temporaire d'activité justifié par la rénovation technique du site du 20 avril 2009 au 19 juillet 2009 (contrat de mission du 17 avril 2009) ;- en qualité de machiniste pour accroissement temporaire d'activité justifié par la " poursuite des activités obligatoires dans l'attente d'un repreneur pour l'EU, sans possibilité de faire un CDI " du 20 juillet 2009 au 20 septembre 2009 (contrat de mission du 20 juillet 2009) ;- en qualité de machiniste pour accroissement temporaire d'activité justifié par la " poursuite des activités obligatoires dans l'attente d'un repreneur pour l'EU, sans possibilité de faire un CDI " du 1er août 2009 au 20 septembre 2009 (contrat de mission du 1er août 2009) ;- en qualité de machiniste pour accroissement temporaire d'activité justifié par la " poursuite des activités obligatoires dans l'attente d'un repreneur pour l'EU, sans possibilité de faire un CDI " du 21 septembre 2009 au 16 octobre 2009 (contrat de mission du 18 septembre 2009) ;
Attendu que la SAS Cokes de Carling conteste la décision du Conseil de Prud'hommes qui a requalifié les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée en faisant valoir que les différentes justifications mentionnées dans les contrats de mission correspondent chacune au motif d'accroissement temporaire d'activité lié à sa situation extrêmement singulière, caractérisée par les importantes difficultés qu'elle a connues l'ayant contrainte à maintenir ses activités dans l'attente d'une éventuelle reprise ou, dans la pire des hypothèses, jusqu'à sa fermeture définitive qui a finalement eu lieu ;
Que s'agissant de la première justification de l'accroissement temporaire d'activité, elle rappelle que les salariés mis à disposition par Charbonnages de France avaient le droit, à partir de 45 ans d'âge et 25 ans d'ancienneté, de partir en congé charbonnier de fin de carrière (CCFC) ou de rester dans l'entreprise suivant leur convenance et que le départ de ces salariés n'était pas connu à l'avance ; qu'elle ajoute que ce qui justifiait le recours à l'intérim était la nécessaire réorganisation matérielle de l'entreprise et non directement les départs en CCFC ; qu'elle considère que le départ de ces salariés ne peut relever du motif tenant au remplacement d'un salarié ayant quitté l'entreprise dans la mesure où ils ne faisaient pas partie de son propre personnel mais étaient détachés d'une autre entité juridique ;
Que s'agissant de la deuxième justification de l'accroissement temporaire d'activité, elle argue d'une rénovation technique du site rendue nécessaire par les nouvelles normes applicables et les travaux de sécurité, soutenant que ce type de travaux à caractère urgent constitue une tâche non durable et exceptionnelle ne relevant pas de l'activité normale de l'entreprise ; qu'elle précise que les salariés intérimaires concernés n'exerçaient pas forcément leur activité directement sur des postes liés à cette rénovation mais pouvaient prendre le poste laissé temporairement vacant par les salariés réalisant ladite rénovation, l'appelante faisant valoir que cette technique dite du remplacement en cascade est validée par la jurisprudence ;
Que s'agissant de la troisième justification de l'accroissement temporaire d'activité, elle explique qu'afin de ne pas obérer une éventuelle reprise, elle a fait le choix de maintenir une production jusqu'au 18 octobre 2009 tout en assurant en parallèle une mise en conformité technique et en toute sécurité du site si la reprise ne pouvait être réalisée et la fermeture effective ; qu'elle souligne qu'il ne peut en aucun cas être considéré que cette fermeture, faute de repreneur, subie par elle constituait le fonctionnement normal et permanent de l'entreprise ;

Attendu qu'au contraire, le salarié conteste le motif de ses contrats de mission en soutenant que les justifications tenant à la réorganisation des équipes suite aux départs en CCFC ou dans l'attente d'un repreneur relèvent en réalité du motif lié au remplacement d'un salarié, rendant de ce seul fait le recours au travail temporaire irrégulier ; qu'il souligne que c'est bien pour remplacer des agents de Charbonnages de France partis définitivement de l'entreprise qu'il a été recouru au travail temporaire et fait valoir que la SAS Cokes de Carling avait une connaissance précise des dates de départ de ces agents de sorte qu'elle pouvait parfaitement anticiper leur remplacement ; qu'il note que s'il s'agissait de remplacer un salarié dont le poste était supprimé, le comité d'entreprise aurait dû en être informé, ce qui n'a pas été fait ; qu'il relève que la réorganisation des équipes ne constitue pas en soi une tâche occasionnelle précisément définie et non durable pouvant entrer dans le motif d'accroissement temporaire d'activité ;
Qu'il conteste également la justification relative à la rénovation technique du site en faisant valoir que les travaux en cause étaient terminés avant son embauche et que le respect des normes environnementales relevait du fonctionnement normal et permanent de l'entreprise ;
Attendu que dans le premier contrat de mission conclu le 21 avril 2008, Alexandre X... a été embauché pour un motif d'accroissement temporaire d'activité caractérisé, selon le contrat, par la réorganisation des équipes à la suite des départs des salariés mis à disposition par Charbonnages de France en congé charbonnier de fin de carrière ;
Attendu qu'il n'est nullement justifié de la nécessité et de la réalité d'une quelconque réorganisation consécutive à ces départs sauf à compenser ces départs par l'embauche de salariés destinés à les remplacer ;
Or attendu que le remplacement d'un salarié constitue, selon l'article L1251-6 du code du travail anciennement codifié à l'article L 124-2, un motif de recours à un salarié temporaire distinct de celui de l'accroissement temporaire de l'activité, le remplacement d'un salarié par un travailleur intérimaire pouvant notamment intervenir en cas de départ définitif d'un salarié précédant la suppression du poste de travail concerné ou en cas d'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à remplacer le salarié partant ;
Que le texte susvisé n'exige nullement que le salarié destiné à être remplacé fasse partie de l'entreprise au sens d'en être le salarié mais qu'il participe de manière habituelle à l'activité de l'entreprise, ce qui était bien le cas des salariés mis à disposition de la SAS Coke de Carling par Charbonnages de France ;
Que par ailleurs, si le départ définitif de salariés en congé charbonnier de fin de carrière n'est pas contesté à l'époque du premier contrat de mission, il n'est produit aucune justification de ce qu'Alexandre X... ait remplacé un salarié dont la suppression du poste avait été antérieurement décidée, ni d'une consultation préalable du comité d'entreprise à ce sujet ; qu'il n'est pas davantage prouvé qu'au moment de la conclusion du premier contrat de mission, l'employeur avait déjà recruté un nouveau salarié permanent pour occuper le poste concerné ;
Qu'au demeurant, en cas de recours à un salarié temporaire pour remplacer un salarié, le contrat de mission doit mentionner, en application des dispositions combinées des articles L 1251-16 et L 1251-43 anciennement codifiés aux articles L 124-4, L 124-3 et L 124-2-5, le nom et la qualification de la personne remplacée ou à remplacer, ce qui n'a pas été fait dans le contrat de mission d'Alexandre X... ;

Qu'il apparaît ainsi que le motif de recours à un salarié temporaire énoncé dans le contrat ne correspond pas au motif réel pour lequel il a été fait appel à un tel salarié, motif réel qui était de remplacer un ou des salariés partants de l'entreprise mais sans que toutes les conditions permettant le recours au travail temporaire en cas de remplacement d'un salarié aient été réunies et en tout cas justifiées ;
Attendu qu'en toute hypothèse, à supposer que la justification tenant à la réorganisation des équipes à la suite des départs des salariés mis à disposition par Charbonnages de France en CCFC ne corresponde pas au motif du remplacement d'un salarié, il appartient à la SAS Cokes de Carling de prouver la réalité de l'accroissement temporaire d'activité invoqué par elle ;
Or attendu que la réorganisation prétendue des équipes à la suite des départs des salariés en CCFC ne caractérisait pas en elle-même un accroissement temporaire d'activité mais relevait de l'activité normale et permanente de l'entreprise qui, à l'origine exclusivement constituée de salariés mis à sa disposition par Charbonnages de France, se devait, au fur et à mesure de leurs départs, de remplacer les partants en effectuant éventuellement toutes les adaptations nécessaires comme des glissements d'emploi ou des formations ;
Que cela relevait d'autant plus de son activité normale et permamente que l'argument selon lequel le départ des salariés en congé charbonnier de fin de carrière était imprévisible n'est pas sérieux dès lors qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'au moment de la mise à disposition du personnel de Charbonnages de France, il avait été donné connaissance à la SAS Cokes de Carling de la date possible de départ en CCFC pour chaque agent mis à disposition et que la demande de CCFC était faite le plus souvent plusieurs mois et à tout le moins plusieurs semaines avant la cessation effective d'activité ; qu'il y a lieu encore d'observer que la SAS Cokes de Carling ne justifie, ni même ne se prévaut de départs en CCFC plus nombreux qu'à l'habitude dans un temps concomitant à la conclusion du premier contrat de mission d'Alexandre X... ;
Qu'en outre, force est de constater que la réorganisation invoquée repose en tout état de cause sur les seuls dires de la SAS Cokes de Carling qui ne produit pas la moindre pièce de nature à étayer ses allégations ; qu'il n'est en particulier produit aucun schéma de réorganisation, ou compte rendu de réunion faisant état d'une telle réorganisation et de ses modalités ; que le prétendu accroissement d'activité n'est ainsi nullement établi ;
Qu'en réalité, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, le véritable motif du recours au travail temporaire ressort clairement du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise de la SAS Cokes de Carling du 16 décembre 2008 dans lequel il est mentionné en réponse à une question d'un membre titulaire portant sur les intérimaires :- de la part de M. Y..., directeur de la SAS Cokes de Carling : " Ils (les intérimaires) sont là car nous avons besoin d'eux et qu'ils préparent le remplacement d'agents de l'ANGDM (ex Charbonnages de France) qui quitteront CDC. Nous nous permettons d'avoir des personnes supplémentaires pour pouvoir avoir la ressource le moment venu. " ;- de la part de M. Z..., Président Directeur Général de la SAS Cokes de Carling : " Passer par l'intérim nous permet de faire une meilleure sélection avant l'embauche. Il en est de même pour les contrats de professionnalisation. Les meilleurs seront certainement embauchés, mais pas tous. "
Que ces propos ne sont nullement sortis de leur contexte comme le prétend la SAS Cokes de Carling puisqu'ils concernent bien le recours aux intérimaires et pas seulement dans le cadre de contrats de professionnalisation ;

Qu'ils démontrent que le recours à des salariés temporaires en lien avec les départs d'agents en CCFC a été utilisé pour pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permamente de la SAS Cokes de Carling et non pour l'un des motifs visés à l'article L 1251-6 du code du travail ;
Attendu que de l'ensemble de ces énonciations, il s'évince que la SAS Cokes de Carling a, en violation caractérisée des dispositions des articles L1251-5 et L 1251-6 du code du travail anciennement codifiés L124-2, eu recours à un travailleur temporaire en la personne d'Alexandre X... de sorte qu'en application de l'article L 1251-40 du code du travail, anciennement codifié alinéa 2 de l'article L124-7, celui-ci est fondé à faire valoir auprès de la SAS Cokes de Carling pour le contrat conclu le 21 avril 2008 les droits afférents à un contrat de travail à durée indéterminée ; que les contrats ultérieurs, qui se sont succédés sans interruption, relèvent de la même relation de travail à durée indéterminée ; qu'ainsi, il y a lieu de requalifier les contrats de mission conclus entre Alexandre X... et l'entreprise temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée ayant lié à compter du 21 avril 2008 et jusqu'au 16 octobre 2009 Alexandre X... à la SAS Cokes de Carling et ce, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres motifs de recours mentionnés dans les contrats de mission ultérieurs de l'intéressé ;
Attendu que le jugement doit donc être confirmé de ce chef ;

Sur les conséquences de la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée

1. Indemnité de requalification

Attendu qu'en application de l'article L 1251-41 du code du travail, le salarié est fondé à solliciter une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ;
Attendu que c'est en conséquence à juste titre qu'il a été alloué au salarié une indemnité de requalification de 1 478, 75 euros net correspondant à un mois de salaire, montant non contesté ; que le jugement doit être confirmé à ce titre ;

2. Rupture abusive du contrat de travail

Attendu que conformément aux dispositions de l'article L 1251-41 du code du travail, le salarié est fondé à obtenir de la SAS Cokes de Carling, outre l'indemnité de requalification, les indemnités afférentes à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ;

a) indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents

Attendu qu'en l'absence de contestation de la SAS Cokes de Carling sur ce point et en considération du plan de sauvegarde de l'emploi qui fait référence à la convention collective de la sidérurgie, il y a lieu de faire application de la convention collective nationale de la sidérurgie du 20 novembre 2001 ;
Attendu que selon l'article 10 de ladite convention collective, après expiration de la période d'essai et sauf en cas de force majeure ou de faute grave ou lourde, la durée réciproque du préavis est fixée à deux mois pour les salariés classés aux niveaux I, II et III et à 3 mois pour les salariés classés à des niveaux supérieurs ;
Attendu que c'est ainsi à juste titre que le salarié sollicite une indemnité compensatrice de préavis de 2 957, 50 euros brut et la somme de 295, 75 euros brut à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents calculée selon la règle du dixième ; que le jugement doit être réformé en ce sens ;

b) indemnité de licenciement

Attendu qu'il résulte de l'article 11 de la convention collective précitée, en sa version applicable à la date de rupture du contrat de travail, que sauf force majeure ou faute grave ou lourde, il est versé au salarié licencié ayant acquis une ancienneté d'au moins une année accomplie, appréciée à la fin du préavis, une indemnité de licenciement égale à un quart de mois par année d'ancienneté dans l'entreprise jusqu'à 16 ans d'ancienneté, le salaire servant au calcul étant la moyenne des salaires des trois derniers mois ou des douze derniers mois ;
Qu'à défaut de disposition contraire, les fractions d'année incomplète doivent être comptabilisées dans la limite des mois de service accomplis au delà des années pleines, et ce préavis inclus ;
Qu'il s'ensuit que le salarié est fondé à obtenir à une indemnité calculée comme suit :
(1 478, 75/ 4) + (1 478, 75/ 4 x 7/ 12) = 585, 23 euros ;
Que la somme réclamée étant moindre, celle-ci, d'un montant de 551, 45 euros, lui sera intégralement allouée ;
Que le jugement sera réformé en ce sens ;

c) dommages et intérêts pour licenciement abusif

Attendu que la fin de la relation de travail avec la SAS Cokes de Carling, requalifiée en contrat à durée indéterminée, caractérise, alors qu'aucun licenciement n'a été notifié au salarié, une rupture abusive du contrat de travail à la date du 16 octobre 2009 ;
Attendu qu'en application de l'article L 1235-5 du code du travail, eu égard à son ancienneté de moins de deux ans, Alexandre X... est fondé à obtenir une indemnité correspondant au préjudice subi ;
Attendu que son emploi ayant eu pour objet de pourvoir un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et ayant duré jusqu'à l'arrêt de l'activité de la SAS Cokes de Carling qui a motivé l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) afin d'éviter ou de limiter les licenciements liés à cette cessation d'activité, Alexandre X... avait vocation à bénéficier des mesures prévues par ce plan, bénéfice dont il a été privé par la faute de l'employeur qui a eu recours à un contrat de travail temporaire en violation de la législation applicable et qui a rompu le contrat de travail à durée indéterminée qui liait en réalité les parties de manière abusive ;
Que pour autant, rien n'établit que si la SAS Cokes de Carling n'avait pas commis cette faute, le salarié aurait perçu l'indemnité additionnelle de licenciement de 23 000 euros bruts prévue par le PSE en faveur de chaque salarié non reclassé au sein des groupes dont la SAS Cokes de Carling faisait partie, outre l'allocation, d'un montant de 85 % de la rémunération brute mensuelle moyenne, prévue également par le PSE pour les salariés ayant accepté un congé de reclassement et ce, pendant 12 mois hors préavis ;
Attendu en effet que le PSE s'analyse en un engagement unilatéral de la part de l'employeur dont l'économie générale et les différentes mesures qu'il prévoit sont nécessairement fonction du nombre de salariés qu'il concerne ;
Or attendu qu'il est acquis aux débats que la SAS Cokes de Carling faisait appel à de nombreux salariés intérimaires dont plusieurs, à l'instar d'Alexandre X..., ont demandé et obtenu la requalification de leurs contrats en une relation indéterminée avec la SAS Cokes de Carling et ce, par des procédures distinctes, la SAS Cokes de Carling ayant eu recours à ces autres salariés temporaires de manière également illicite ; qu'il s'ensuit que la faute commise à l'égard d'Alexandre X... l'a été à l'égard de nombreux autres salariés de sorte qu'en l'absence d'une telle faute, le nombre de salariés concernés par le PSE, qui a été de 162 selon les indications de la SAS Cokes de Carling, aurait été notablement plus important et que les mesures du PSE auraient en conséquence été très vraisemblablement différentes dans un sens moins favorable pour chacun d'entre eux du moins en ce qui concerne les mesures financières ;
Attendu en outre que si Alexandre X... avait bénéficié des mesures fixées par le PSE, il aurait aussi pu prétendre à l'ensemble des mesures de reclassement prévues dont les recherches de reclassements internes et aurait ainsi peut-être été reclassé au sein des sociétés des groupes dont la SAS Cokes de Carling faisait partie, étant précisé que dans la version du plan produite aux débats, il est fait état de 67 offres de reclassement, ce qui témoigne de possibilités de reclassement non négligeables ; qu'il s'ensuit qu'une telle éventualité de reclassement interne ne peut être exclue ;
Attendu qu'il en résulte que le préjudice subi par le salarié au regard des mesures du PSE ne s'analyse qu'en une perte de chance, dont l'indemnisation ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, perte de chance qui s'inscrit dans le cadre du préjudice lié au caractère abusif du licenciement apprécié également en fonction de l'ancienneté, de l'âge, du montant du salaire et de la situation du salarié depuis la rupture du contrat de travail ;
Attendu en l'espèce qu'Alexandre X... était âgé de 39 ans, avait une ancienneté d'environ une année et demie et disposait d'un salaire mensuel de 1 478, 75 euros ; qu'il justifie avoir été indemnisé par Pôle Emploi du 10 novembre 2009 jusqu'au 31 mars 2011 ; que ces éléments outre la perte de chance ci-dessus évoquée justifient que soit allouée à Alexandre X... une somme de 9 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif, le jugement devant être réformé en ce sens ;

Sur les dommages et intérêts pour inégalité de traitement et discrimination

Attendu que la SAS Cokes de Carling s'oppose à cette demande en faisant valoir que la somme de 23 000 euros n'est que la prime supra légale fixée dans le cadre du PSE qui est par nature inapplicable aux salariés intérimaires, que cette demande est d'autant plus abusive que ladite somme est déjà mise en compte au titre de l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et qu'une telle prime n'est pas versée en contrepartie de l'activité du salarié, laquelle pourrait faire seule l'objet d'une discrimination ;
Attendu qu'au contraire, le salarié se prévaut d'une distinction opérée par le PSE entre les salariés en CDI et les salariés intérimaires quant au versement de la prime extra-légale de 23 000 euros, sans qu'aucune raison et objective et pertinente ne soit avancée ; qu'il estime qu'une telle discrimination doit être sanctionnée, ajoutant que la nature du contrat de travail ne saurait dicter l'attribution de ladite prime ; qu'il affirme que la somme réclamée à ce titre est distincte de l'indemnité pour licenciement abusif en relevant que même si le contrat d'intérim avait été régulier et n'avait pu être requalifié, cette différence de traitement aurait existé ;
Mais attendu que le salarié ne précise pas les éléments sur lesquels serait fondée la discrimination dont il se prévaut ; qu'en tout état de cause, il ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'en réalité, il argue seulement d'une inégalité de traitement ;
Or attendu qu'il ne peut se plaindre d'être victime d'une inégalité de traitement liée au statut de travailleur temporaire dès lors que l'existence d'une relation de travail à durée indéterminée le liant à la SAS Cokes de Carling est reconnue, aux lieu et place des contrats de mission conclus dans le cadre du contrat de travail temporaire, et qu'il en est tiré toutes les conséquences par l'allocation d'une somme indemnisant le caractère abusif du licenciement, en ce compris l'indemnisation de la perte de chance d'avoir pu bénéficier des mesures du PSE ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Alexandre X... de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et, ajoutant, de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La SAS Cokes de Carling, qui succombe pour l'essentiel, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu de la condamner à payer au salarié une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement et contradictoirement
Déclare la SAS Cokes de Carling recevable en son appel principal et Alexandre X... recevable en son appel incident, lesdits appels étant dirigés contre un jugement rendu le 29 septembre 2010 par le Conseil de Prud'hommes de Forbach ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SAS Cokes de Carling à payer à Alexandre X... les sommes de :
-1 761, 43 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;-176, 14 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;-528, 43 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;-23 000 euros nets à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat à durée indéterminée ;

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Condamne la SAS Cokes de Carling à payer à Alexandre X... les sommes de :
-2 957, 50 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;-295, 75 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;-551, 45 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;-9 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;-1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la SAS Cokes de Carling aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 18 juin 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.

Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/04567
Date de la décision : 18/06/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2012-06-18;10.04567 ?
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