Minute no 12/ 00376-----------11 Juin 2012------------------------- RG 09/ 03985----------------------- Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ 06 Novembre 2009 08/ 1030 E---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
onze juin deux mille douze
APPELANT :
Monsieur Jean Louis X... ... 57245 PELTRE
Comparant, assisté par Me PAVEAU (avocat au barreau de METZ) substituant Me DAVID (avocat au barreau de METZ)
INTIMEE :
SA NOVAGRAAF TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal 9 Rue Claude Chappe Technopôle 57070 METZ
Représentée par Me WULVERYCK (avocat au barreau de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller Madame Gisèle METTEN, Conseiller
*** GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier ***
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 avril 2012, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 11 juin 2012 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant demande enregistrée le 9 septembre 2008, Monsieur Jean Louis X... a fait attraire devant le conseil de prud'hommes de METZ son ex employeur, la SA NOVAGRAAF TECHNOLOGIES aux fins d'obtenir sa condamnation à lui verser :
-172 800 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Le tout avec exécution provisoire.
La tentative de conciliation échouait.
La défenderesse s'opposait principalement à ces prétentions et sollicitait la condamnation du demandeur au paiement de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 6 novembre 2009, le conseil de prud'hommes de METZ statuait dans les termes suivants :
" CONFIRME le caractère réel et sérieux du licenciement de Monsieur Jean-Louis X... ;
DEBOUTE Monsieur Jean-Louis X... de l'ensemble de ses demandes ;
DEBOUTE la SA NOVAGRAAF TECHNOLOGIES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur Jean-Louis X... aux entiers frais et dépens de l'instance. "
Suivant déclaration de son avocat enregistrée le 24 novembre 2009 au greffe de la cour d'appel de METZ, Monsieur Jean-Louis X... a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Monsieur X... demande à la cour de :
DIRE et JUGER recevable l'appel formé par Monsieur Jean Louis X... à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de METZ le 6 novembre 2009.
INFIRMER le jugement attaqué,
Et statuant à nouveau,
DIRE et JUGER le licenciement de Monsieur Jean-Louis X... sans cause réelle et sérieuse.
CONDAMNER en conséquence la société NOVAGRAAF TECHNOLOGIES à payer à Monsieur Jean Louis X... la somme nette de 140 000 € et à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.
CONDAMNER la société NOVAGRAAF TECHNOLOGIES à payer à Monsieur Jean Louis X... la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La CONDAMNER aux entiers frais et dépens de la procédure.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la société NOVAGRAAF TECHNOLOGIES demande à la cour de :
A titre principal,
Juger que le licenciement de Monsieur X... repose sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Confirmer le jugement entrepris,
Débouter Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire,
Juger que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve d'un préjudice à hauteur de ses demandes,
En conséquence,
Réduire l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à de plus justes proportions.
En tout état de cause,
Condamner Monsieur X... à 5000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamner Monsieur X... aux entiers dépens.
SUR CE,
Vu le jugement entrepris,
Vu les conclusions des parties déposées les 28 septembre 2011, 15 février 2012 et 16 avril 2012 pour Monsieur Jean-louis X... et les 20 février 2012 et 23 avril 2012 pour la société NOVAGRAAF TECHNOLOGIES, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;
Attendu que Monsieur Jean-Louis X... a été embauché par la société CABINET BALLOT-SCHMIT, exploitant une activité de conseils en propriété industrielle, à compter du 2 août 1993, à temps complet, " pour développer un nouvel établissement à METZ 18 place du Forum, centre commercial Saint-Jacques, et y exercer des activités libérales dans le domaine de la propriété intellectuelle et industrielle " ;
Que le contrat de travail en date du 8 juin 1993 prévoyait que Monsieur X... avait le statut de cadre et une rémunération annuelle de 380. 160 francs sur 12 mois, soit 31 680 francs par mois, outre commission de 4 % de la partie honoraires des factures des nouveaux clients ; qu'il ressort également des termes du contrat de travail :
- que Monsieur X..., selon ses indications, devait " par ailleurs " se voir confier par son ancien employeur (USINOR-SACILOR) le traitement d'un certain nombre de dossiers de propriété industrielle de l'ordre de 12 dépots de brevets français par an sur deux ans ainsi que leurs extensions à l'étranger, outre quatre autres dossiers ponctuels ;
- qu'au début, selon sa charge de travail, seraient remis au salarié par l'employeur des dossiers à traiter en provenance de l'un des autres établissements ;
- que le développement de l'établissement de METZ et son maintien en activité impliquaient qu'en terme d'honoraires, le chiffre d'affaires annuel généré par les affaires d'origine locale devait dépasser deux millions de francs à la fin de la deuxième année d'exercice sur une base à temps complet ;
Que par courrier du 11 janvier 2008 Monsieur X... était convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 23 janvier suivant ;
Que par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 février 2008, il était licencié pour les motifs ainsi énoncés :
" En votre qualité de responsable de notre agence de METZ, vous aviez contractuellement pour obligation de développer l'activité locale dans le domaine de la propriété intellectuelle et industrielle.
A ce titre et afin de vous permettre de mener à bien vos missions, nous vous avons toujours donné les moyens matériels et humains de telle sorte que votre agence aurait dû présenter des résultats conformes à ceux obtenus au niveau de la société.
Or, il apparaît au regard des données chiffrées en notre possession que les résultats de l'agence de METZ dont vous avez la charge sont particulièrement préoccupants et ne correspondent absolument pas à nos attentes légitimes.
Ces résultats sont d'autant plus incompréhensibles que votre agence est la seule à rencontrer de telles difficultés. Pour mémoire, nous vous rappelons les résultats comparatifs 2007 de votre agence et des autres agences :
METZ : CA total 873 k euros dont 149 k euros fait localement pour 3 ingénieurs et 3 assistantes. LORIENT : CA total 460 k euros dont 370 k euros fait localement pour 1 ingénieur et 1 assistante. BESANCON : CA total 569 k euros dont 442 k euros fait localement pour 1 ingénieur et 1 assistante.
Nous constatons ainsi que la part de développement local de votre agence est faible en comparaison des autres agences et qu'une partie non négligeable du chiffre d'affaires est directement assurée par le siège contrairement aux autres agences.
D'autre part, nous avons aussi constaté que la part de développement local était en forte expansion dans les autres agences alors que la votre est en continuelle diminution depuis trois ans.
Fort de ces constats, nous avons été amenés à chercher les causes de ceux-ci. Une étude a alors été menée au cours du premier semestre 2007 par un cabinet d'études et de conseils indépendant qui a conclu à l'existence d'un marché dans la région. Potentiellement, l'agence aurait donc pu générer de nouvelles affaires et ainsi améliorer ses résultats.
Compte tenu de vos fonctions, vous auriez donc dû tenter depuis plusieurs années de remédier à la situation, plus particulièrement en développant de nouveaux contacts et présentant un plan d'action. A ce titre, nous vous rappelons que cette tâche vous incombait exclusivement puisque les ingénieurs placés sous vos ordres, interviennent d'un point de vue technique mais n'ont ni la compétence, ni la mission en terme de développement de chiffre d'affaires.
Or, aucune amélioration sensible n'a pu être constatée et nous avons même dû mettre en place un plan d'actions. Vous comprendrez aisément dans ces conditions que nous ne pouvons plus vous maintenir dans vos fonctions de responsable d'agence, avec la rémunération afférente, et que nous sommes contraints de mettre un terme à nos relations professionnelles. "
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Attendu que Monsieur X... conteste l'insuffisance de résultats qui lui est reprochée, et qui caractérise ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes la cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Attendu qu'il est fait grief à Monsieur X... de la faiblesse anormale de la part de développement local de son agence dans la mesure où une partie importante du chiffre d'affaires réalisé par l'agence de METZ est directement assurée par le siège, contrairement aux autres agences ;
Qu'il ressort des pièces produites contradictoirement aux débats que le chiffre d'affaires de l'agence de METZ a été en 2007 de 873 448 euros et que celui provenant de clients d'origine locale s'est élevé à 149 215 euros ;
Que si du mail en date du 16 mars 2007, il ressort que l'objectif en chiffre d'affaires de l'agence de METZ pour 2007 a été fixé à 900 K euros, force est de constater que, d'une part celui-ci n'a pas été formellement accepté par le salarié et d'autre part qu'il n'est pas précisé quel doit être l'objectif de l'agence de METZ en chiffre d'affaires provenant de clients d'origine locale ;
Que si du contrat de travail il ressort qu'en " termes d'honoraires le chiffre d'affaires annuel généré par des affaires d'origine locale doit dépasser 2 millions de francs (soit 305 000 euros) à la fin de la deuxième année d'exercice ", il ressort des explications fournies par Monsieur X... que les affaires d'origine locale doivent s'entendre, comme celles provenant non seulement de clients locaux, mais de tous les clients qu'il a, à l'origine, apportés à l'entreprise et plus précisément celles venant d'USINOR-SACILOR, de FAURECIA, et de RENAULT ;
Que l'interprétation donnée par le salarié se trouve confortée par le tableau des chiffres d'affaires de 1996 à 2007, produit par l'employeur, faisant apparaître que l'agence de METZ a toujours eu des chiffres d'affaires bien inférieurs à 305 000 euros concernant les affaires ayant pour origine des clients locaux (le chiffre variant de 95 168 euros à 173 065 euros), sans qu'il soit pour autant justifié qu'il ait été reproché à Monsieur X... de ne pas avoir atteint un objectif de 305 000 euros ;
Qu'il apparaît en conséquence que les affaires d'origine locale doivent s'entendre au sens contractuel comme intégrant celles apportées à l'origine à la société par le salarié et traitées par l'agence de METZ même si celles-ci sont actuellement transmises par le siège ;
Or attendu que si aucun élément versé aux débats ne permet de caractériser le chiffre des affaires traitées par l'agence de METZ concernant USINOR-SACILOR, il ressort par contre du tableau des chiffres d'affaires, des années 1996 à 2007 produit par l'employeur, des courriers échangés entre le cabinet BALLOT et RENAULT en février, mars et avril 2002, et de la déclaration sur l'honneur en date du 27 janvier 2012 du directeur de la propriété intellectuelle de la société FAURECIA que Monsieur X... a été directement investi du traitement de dossiers par les sociétés RENAULT et FAURECIA ;
Que force est de constater que pour 2007, les dossier traités par l'agence de METZ ont généré un chiffre d'affaires de 198 291 euros concernant FAURECIA et 89 603 euros concernant RENAULT ;
Qu'il n'est en conséquence nullement justifié que le salarié en cause n'aurait pas rempli les objectifs fixés concernant les affaires d'origine locale au sens contractuel ;
Que s'il est vrai que le chiffre d'affaires global de 2007 a baissé par rapport à 2006, aucun élément comparatif concernant l'évolution des chiffres d'affaires des autres agences et notamment celles de LORIENT et BESANCON ne permet d'établir qu'une telle baisse n'aurait été constatée qu'à l'agence de METZ ;
Que par ailleurs, si l'objectif de 900 K euros fixé pour 2007 n'a pas été complètement atteint, aucun élément comparatif n'est produit, justifiant l'atteinte par les autres agences de la totalité du chiffre d'affaires qui leur avait été fixé pour 2007 ;
Que le fait que les agences de LORIENT et BESANCON aient développé un nombre d'affaires provenant de clients locaux supérieur à celui de l'agence de METZ ne saurait convaincre de la réalité d'une insuffisance de l'activité de celle-ci, et plus précisément de Monsieur X..., alors qu'aucun des éléments produits ne permet de démontrer que le tissu économique et industriel des bassins géographiques d'emploi auxquels appartiennent ces différentes agences présenterait un potentiel exploitable en matière de propriété industrielle, sinon identique, en tout cas comparable, ni que l'état de l'activité concurrentielle dans ces différentes régions serait similaire ;
Que l'étude réalisée par l'organisme " TERRITOIRES PUBLICS " commandé par l'employeur ne permet pas davantage de justifier d'un potentiel réel afférent à la propriété intellectuelle qui ne serait pas exploité par l'agence de METZ faute de fourniture de données suffisamment précises et crédibles relatives notamment aux dépôts de brevets d'entreprises lorraines et au nombre et aux conditions des affaires traitées par les cabinets appartenant à la concurrence, au nombre de trois dans la région couverte par l'activité du salarié ;
Qu'enfin, si les chiffres d'affaires de l'activité se rapportant à des clients locaux apparaissent en augmentation sur les tableaux produits pour 2008, 2009 et 2010, aucune pièce ne permet de certifier l'exactitude des chiffres annoncés, l'origine précise des affaires concernées n'étant même pas indiquée ; qu'en outre, aucun élément comparatif concernant les autres agences n'est produit de nature à justifier que l'augmentation n'aurait pas été due à un phénomène général lié à une évolution dynamique de l'activité économique et industrielle durant la période concernée ;
Attendu dans ces conditions que l'insuffisance professionnelle de Monsieur X... n'étant pas établie, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Que le jugement doit être réformé en ce sens ;
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Attendu qu'au moment du licenciement, Monsieur X... était âgé de 55 ans comme étant né le 17 décembre 1952, avait une ancienneté de 14 ans et demi et percevait un salaire mensuel brut de 7 200 euros ;
Que le salarié justifie par une attestation de Pôle Emploi avoir perçu une allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'en juin 2009 ;
Qu'il produit une attestation d'un expert comptable qui indique que du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, l'EURL ACTALIUM a réalisé un chiffre d'affaires de 83 486 euros et produit un bénéfice de 29 866 euros, étant précisé que Monsieur X... indique avoir créé cette entreprise qui effectue essentiellement de la sous traitance en matière de propriété intellectuelle ;
Qu'il ne fournit pas d'autre élément permettant de connaître de manière exhaustive sa situation au plan matériel, professionnel et financier ni de justifier d'un préjudice moral ;
Que dans ces conditions si Monsieur X..., qui relève de l'application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail a, à raison de son ancienneté, subi un dommage complémentaire non réparé par l'indemnité des 6 derniers mois de salaire, un montant de 60 000 euros, réparera intégralement son préjudice ;
Sur l'application de l'article L 1235-4 du code du travail
Attendu que Monsieur X... relevant des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, il convient de faire application de celles de l'article L 1235-4 du même code, à hauteur de 3 mois d'indemnités ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que la société NOVAGRAAF TECHNOLOGIES qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de ses propres prétentions sur ce même fondement ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement :
- DECLARE Monsieur Jean-Louis X... recevable en son appel contre un jugement rendu le 6 novembre 2009 par le conseil de prud'hommes de METZ ;
- REFORME le jugement entrepris ;
et statuant à nouveau :
- DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur Jean-Louis X... par la société NOVAGRAAF TECHNOLOGIES ;
- CONDAMNE la SA NOVAGRAAF TECHNOLOGIES à verser à Monsieur Jean-Louis X... :
• 60 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
• 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Lesdites sommes produisant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
- ORDONNE le remboursement par la SA NOVAGRAAF TECHNOLOGIES à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié du licenciement au prononcé du jugement dans la limite de 3 mois d'indemnités ;
- DEBOUTE les parties de toute autre demande ;
- CONDAMNE la SA NOVAGRAAF TECHNOLOGIES aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 11 juin 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.
Le Greffier, Le Président de Chambre,