Minute no 12/00307-----------29 Mai 2012-------------------------RG 10/00521-----------------------Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SARREBOURG18 Janvier 200705/105 I----------------------RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
vingt neuf mai deux mille douze
APPELANT :
Monsieur Mohamed X......57830 XOUAXANGE
Représenté par Me VANMANSART (avocat au barreau de METZ), substitué par Me SALANAVE (avocat au barreau de METZ)
INTIMEE :
SA FERCO INTERNATIONAL prise en la personne de son représentant légal2 Rue du Vieux Moulin57445 REDING
Représentée par Me ALEXANDRE (avocat au barreau de STRASBOURG)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, ConseillerMadame Gisèle METTEN, Conseiller
***GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier***DÉBATS :
A l'audience publique du 27 février 2012, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être prononcé publiquement le 23 avril 2012.
Ledit jour le délibéré a été prorogé pour l'arrêt être rendu le 29 mai 2012.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant demande enregistrée le 14 novembre 2005, Monsieur Mohamed X... a fait attraire devant le conseil de prud'hommes de SARREBOURG son ex-employeur, la SA FERCO INTERNATIONAL aux fins d'obtenir sa condamnation à lui verser :
- 50.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice consécutif à son changement de poste en 1999
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Le tout avec exécution provisoire.
La tentative de conciliation échouait.
La défenderesse s'opposait aux prétentions du demandeur dont elle sollicitait la condamnation à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement rendu le 18 janvier 2007, le conseil de prud'hommes de SARREBOURG statuait ainsi qu'il suit :
" DECLARE la demande de Monsieur X... Mohamed, mal fondée.
DEBOUTE Monsieur X... Mohamed, de l'ensemble de ses demandes et prétentions.
DEBOUTE Monsieur X... Mohamed, de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
DEBOUTE la SAS FERCO INTERNATIONAL, en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile . "
Suivant déclaration de son avocat enregistrée le 26 janvier 2007 au greffe de la cour d'appel de METZ, Monsieur X... a fait appel de cette décision.
Par ordonnance du 27 avril 2009, l'affaire a été radiée faute de diligence des parties, puis reprise par Monsieur X... .
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Monsieur X... demande à la cour de :
DECLARER l'appel recevable et bien fondé,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur X... Mohamed de ses demandes, au titre des dommages et intérêts pour dommage subi et préjudice moral, et l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
CONDAMNER la SA FERCO INTERNATIONAL au paiement des sommes suivantes :
• 50.000 euros de dommages et intérêts pour dommage subi et préjudice moral augmentés des intérêts au taux légal à dater de la notification de la décision à intervenir.
• 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile augmentés des intérêts au taux légal à dater de la notification de la décision à intervenir.
CONDAMNER la SA FERCO INTERNATIONAL aux entiers frais et dépens de la procédure y compris ceux de la procédure devant le conseil de prud'hommes de SARREBOURG .
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la société FERCO INTERNATIONAL demande à la cour de :
DECLARER l'appel mal fondé.
Statuant à nouveau
CONFIRMER le jugement du 18 janvier 2007 du conseil de prud'hommes - section industrie de SARREBOURG.
DEBOUTER Monsieur X... de l'intégralité de ses fins et prétentions,
LE CONDAMNER au paiement d'un montant de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
LE CONDAMNER aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.
SUR CE
Vu le jugement entrepris,
Vu les conclusions des parties déposées le 20 novembre 2008 pour Monsieur X... et le 14 avril 2009 pour la société FERCO INTERNATIONAL présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;
Attendu que Monsieur X... a été embauché par la société FERCO INTERNATIONAL en date du 24 avril 1980 ainsi qu'en conviennent les parties, aucun contrat de travail n'étant versé aux débats ;
Qu'il ressort du bulletin de paie de novembre 1998 et de l'attestation de Monsieur Jean Marie Z..., responsable du service outillage chez FERCO INTERNATIONAL, que Monsieur X... occupait un emploi d'ajusteur et que plus précisément, jusqu'en octobre 1999 il était chargé de l'affûtage des outils et de travaux de rectification cylindrique, à l'atelier outillage ;
Que par courrier du 16 septembre 1999 remis en main propre, Monsieur X... était informé par l'employeur d'une modification de son contrat de travail caractérisée par son affectation à l'atelier Presses au poste de conducteur de machine sous réserve de son accord ;
Que par avenant daté du même jour, signé par les deux parties, Monsieur X... était affecté à l'atelier Presses en qualité de conducteur machine P2 coefficient 200 ;
Que suivant fiche de visite de reprise du 13 mai 2005, le médecin du travail concluait à l'inaptitude du salarié à son poste dans les termes suivants : " inapte à la reprise au poste. Inapte à tout poste dans l'entreprise. A revoir le 27.5.05 " ;
Que suivant fiche de visite du 27 mai 2005, le médecin du travail confirmait l'inaptitude du salarié ainsi qu'il suit :" Confirmation de mon avis du 13 mai 2005 : inapte à la reprise de son poste. Inapte à tout poste dans l'entreprise. Cette inaptitude est en relation directe avec une maladie professionnelle " ;
Qu'il convient de relever qu'au vu des mentions portées sur ces fiches, l'inaptitude ainsi caractérisée concernait le poste de travail de Monsieur X... sur des soudeuses ;
Qu'il y a lieu également de préciser que Monsieur X... faisait l'objet d'une reconnaissance de maladie professionnelle par la sécurité sociale, à compter du 24 novembre 2004, suivant courriers du 22 février 2005, et ce pour les maladies inscrites au tableau " 057 " du code de la sécurité sociale " Epaule douloureuse " et " tendinite " ;
Que par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juin 2005 Monsieur X... était convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 24 juin suivant et était licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 2005 en raison de son inaptitude et de l'absence de poste dans l'entreprise adapté à son inaptitude, après recueil de l'avis des délégués du personnel ;
Sur la demande de dommages et intérêts
Attendu que Monsieur X... conteste la décision du conseil de prud'hommes qui l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts ; que sans remettre en cause son licenciement, il se prévaut du préjudice consécutif à la modification de son emploi en 1999, qui a été à l'origine de son inaptitude, lequel préjudice est selon lui imputable à la responsabilité de l'employeur ;
Qu'au contraire ce dernier fait valoir que Monsieur X... a consenti à son changement d'emploi par avenant à son contrat de travail, qu'il a été contraint de licencier le salarié en raison de son inaptitude et que ce n'est qu'au 25 août 2003 qu'il a subi une incapacité temporaire de travail alors que prééxistait à son changement d'emploi l'origine de son inaptitude, de sorte que la modification du contrat de travail ne saurait être la cause de cette inaptitude et par suite du préjudice dont il se prévaut ;
Attendu que Monsieur X... a, par avenant du 16 septembre 1999 consenti à son changement d'emploi ;
Qu'il ne fournit aucun élément de nature à justifier qu'il aurait été contraint d'accepter celui-ci même si un de ses collègues de travail qui l'a refusé a été licencié ;
Qu'il ne fournit pas davantage d'élément propre à caractériser la connaissance par l'employeur de ce que la nature de l'emploi confié à Monsieur X... par avenant du 16 septembre 1999 était susceptible d'être incompatible avec l'état de santé du salarié ;
Que seul le médecin du travail avait qualité pour déterminer si l'emploi occupé était compatible avec l'état de santé du salarié ;
Que force est de constater que ce n'est qu'à l'issue des deux visites de reprise des 13 et 27 mai 2005 que Monsieur X... a été déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail ;
Que s'il ressort des fiches de visite médicale établies antérieurement par le médecin du travail que Monsieur X... était apte à son poste de travail sur les presses et les soudeuses :
- sauf rendement intensif et à condition de respecter une position assise ou débout alternée ( fiche de visite du 11 mai 2004 )
- sauf travail répétitif à cadence accélérée mobilisant les coudes et imposant la station assise permanente ( fiche de visite du 11 septembre 2002 )
- avec une position debout ou assise en alternance, sans position assise prolongée ( fiche de visite du 29 août 2001 ),
aucune explication circonstanciée, aucun élément fournis par Monsieur X... ne permettent de caractériser des conditions de travail non conformes aux recommandations médicales ;
Qu'il n'est par ailleurs nullement justifié que le médecin du travail serait intervenu auprès de l'employeur pour essayer d'obtenir la réintégration du salarié à son poste au service outillage, ainsi que l'affirme, dans un certificat médical du 24 octobre 2005 délivré au salarié, le Docteur A... - médecin du travail, et auteur des fiches de visite des 13 et 27 mai 2005 concluant à l'inaptitude - aucun élément, autre que la seule allégation du Docteur A..., ne permettant d'établir quand et en quels termes ces interventions auraient eu lieu, d'autant que le Docteur A... indique que c'est son prédécesseur dont il ne précise pas l'identité, qui en aurait été l'auteur ;
Qu'il est à cet égard pour le moins étonnant que le médecin du travail n'ait pas cru devoir caractériser plus tôt l'inaptitude du salarié dans son nouvel emploi s'il estimait que l'état de santé de celui-ci ne lui permettait pas de l'occuper et nécessitait son retour dans l'emploi précédent ;
Que de même l'affirmation du Docteur A... dans le certificat du 24 octobre 2005, selon laquelle " l'examen du dossier de ce salarié montre clairement que ces maladies professionnelles sont apparues après changement de poste en 1999 " est contredite par le certificat de travail du 7 mars 2002 et la demande de reconnaissance de maladie professionnelle établie à la même date desquels il ressort que c'est en septembre 1999 qu'aurait eu lieu la première constatation de la maladie professionnelle , soit avant que le salarié ne prenne son nouveau poste qu'il a commencé à occuper, ainsi qu'il ressort de l'attestation établie par Monsieur Jean Marie Z..., responsable du service outillage, à compter d'octobre 1999 ;
Attendu au surplus qu'il ressort des courriers adressés le 22 février 2005 par la sécurité sociale à Monsieur X... que la maladie professionnelle, pour laquelle il a été reconnu inapte selon la fiche de visite médicale établie par le médecin du travail le 27 mai 2005, est caractérisée par " Epaule douloureuse " et " tendinite ", et est inscrite au tableau 057 du code de la sécurité sociale qui prévoit que les travaux susceptibles de provoquer la maladie "Epaule douloureuse" sont les travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l'épaule et que ceux susceptibles de provoquer la maladie " tendinite " sont les travaux comportant de façon habituelle des mouvements répétés ou prolongés des tendons fléchisseurs ou extenseurs de la main et des doigts, dont il ne ressort nullement des fiches de visite médicale du médecin du travail ou de quelconque autre document qu'ils auraient été interdits au salarié et, qui plus est, que l'employeur aurait été informé d'une telle interdiction ;
Que le fait que Monsieur X... se soit vu reconnaître l'octroi d'une rente correspondant à une incapacité de 5 % le 1er juin 2004 et de 15% le 1er janvier 2005 pour la maladie professionnelle dont il était atteint ne saurait non plus convaincre de ce que l'employeur aurait été en mesure d'apprécier l'incompatibilité du poste occupé par Monsieur X..., en exécution de l'avenant du 16 septembre 1999, alors même que le médecin du travail n'a conclu à une inaptitude à celui-ci qu'en mai 2005 ;
Que Monsieur X... ne justifie nullement avoir alerté l'employeur d'une telle incompatibilité, ce qu'il pouvait faire en application de l'article L 4131-1 du code du travail, anciennement codifié L 231-8 alinéas 1 et 2 ;
Qu'ainsi n'est-il nullement établi que la société FERCO INTERNATIONAL aurait manqué aux obligations résultant de l'article L 4121-1 du code du travail, anciennement codifié L 320 -2 I qui prévoit que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, pas plus qu'il n'est justifié qu'il aurait abusé de son pouvoir directionnel en maintenant Monsieur X... au poste de conducteur de machines après avoir obtenu l'accord de ce dernier par avenant au contrat de travail, alors qu'il ressort de l'attestation établie le 30 janvier 2009 par Monsieur Jean Marie Z..., responsable du service outillage depuis 20 ans, que le poste de Monsieur X... qui procédait aux tâches d'affûtage d'outils coupants et de rectification cylindrique a été supprimé et que sur les dizaines de personnes mutées, six seulement ont été réaffectées par la suite au service outillage, exclusivement pour des travaux de maintenance et de réparation d'outils de presses, en travail posté ( 2 x 8 ou 3 x 8 ), étant précisé que les tâches qui incombaient à Monsieur X... lorsqu'il était au service outillage ont été, pour ce qui concerne l'affûtage des outils coupants, confiées à une société extérieure spécialisée dans la mesure où les moyens de l'entreprise n'étaient plus adaptés aux matériaux de plus en plus durs ( carbure de tungstène ) et pour ce qui concerne la rectification cylindrique, transférés sur des tours à commande numérique ;
Que de l'ensemble de ces énonciations il s'évince que si Monsieur X... a développé une maladie professionnelle ayant abouti à une inaptitude, il n'est nullement établi qu'une telle situation soit imputable, même partiellement à un manquement de l'employeur qui a procédé au licenciement précisément à la suite de l'inaptitude caractérisée par le médecin du travail, lequel licenciement ne se trouve, ainsi qu'il a déjà été précédemment indiqué remis en cause ni en sa régularité, ni en son fondement ;
Que le jugement qui a débouté Monsieur X... de ses prétentions doit en conséquence être confirmé ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que Monsieur X... qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'eu égard à la situation économique respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société FERCO INTERNATIONAL ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement :
- DECLARE Monsieur Mohamed X... recevable en son appel contre un jugement rendu le 18 janvier 2007 par le conseil de prud'hommes de SARREBOURG ;
- CONFIRME le jugement entrepris ;
- DEBOUTE les parties de toute autre demande ;
- CONDAMNE Monsieur Mohamed X... aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé publiquement le 29 mai 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.
Le Greffier, Le Président de Chambre,