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21/05/2012 | FRANCE | N°10/01439

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 21 mai 2012, 10/01439


Minute no 12/ 00297-----------21 Mai 2012------------------------- RG 10/ 01439----------------------- Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de THIONVILLE 01 Mars 2010 09/ 53 C---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
vingt et un mai deux mille douze
APPELANT :
Monsieur Mohamed X...... 57290 FAMECK

Représenté par MUNIER (avocat au barreau de THIONVILLE), substitué par Me KERN (avocat au barreau de THIONVILLE)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2011/

6241-10. 10. 11 du 10/ 10/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ...

Minute no 12/ 00297-----------21 Mai 2012------------------------- RG 10/ 01439----------------------- Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de THIONVILLE 01 Mars 2010 09/ 53 C---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
vingt et un mai deux mille douze
APPELANT :
Monsieur Mohamed X...... 57290 FAMECK

Représenté par MUNIER (avocat au barreau de THIONVILLE), substitué par Me KERN (avocat au barreau de THIONVILLE)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2011/ 6241-10. 10. 11 du 10/ 10/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)

INTIMEE :

SAS GEPOR, prise en la personne de son représentant légal Port privé de Thionville Illange BP 20014 57192 FLORANCE CEDEX

Représentée par Me SOUMAN (avocat au barreau de THIONVILLE)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller Madame Gisèle METTEN, Conseiller

*** GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier ***

DÉBATS :
A l'audience publique du 26 mars 2012, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 mai 2012 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ. EXPOSE DU LITIGE

La S. A. S. Gepor, filiale d'Arcelormittal, a une activité de manutention portuaire. Par contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein, elle embauche Mohamed X... en qualité de télécommandeur, au coefficient hiérarchique 120. Le contrat prend effet le 12 novembre 2007. La rémunération mensuelle brute est fixée à 1 648 €, outre un treizième mois versé en deux fois.

Par courrier daté du 7 octobre 2008, remis personnellement à Mohamed X... contre récépissé le 8 octobre 2008, la S. A. S. Gepor le convoque à un entretien préalable, au cours duquel son licenciement sera envisagé. L'employeur précise dans ce courrier les faits reprochés à Mohamed X..., soit des menaces physiques et de multiples insultes envers son supérieur hiérarchique. L'entretien a lieu le 16 octobre 2008. Par courrier recommandé daté du 20 octobre 2008, la S. A. S. Gepor notifie à S. A. S. Gepor son licenciement, le dispense d'effectuer son préavis d'un mois et précise que le solde de tout compte, l'attestation Assedic et le certificat de travail lui seront remis au terme de la période de préavis.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mohamed X... saisit le conseil de prud'hommes de Thionville, par acte enregistré au greffe le 3 février 2009, et lui demande de :- dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,- condamner la S. A. S. Gepor à lui payer la somme de 13 446, 00 € à titre de dommages-intérêts,- condamner la S. A. S. Gepor à lui remettre une attestation Assedic rectifiée conformément aux termes du jugement à intervenir, ce sous astreinte de 100 € par jour de retard commençant à courir huit jours après la notification du jugement à intervenir,- condamner la S. A. S. Gepor à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonner l'exécution provisoire du jugement,- condamner la S. A. S. Gepor aux entiers frais et dépens.

Par jugement avant dire droit daté du 7 septembre 2009, le conseil de prud'hommes ordonne l'audition d'un témoin, Badrdin H.... L'audition a lieu le 7 octobre 2009. Le témoin déclare ne pas être intervenu pour emmener Mohamed X... et n'avoir entendu aucune altercation.

Par jugement daté du 1er mars 2010, le conseil de prud'hommes de Thionville a :- dit que le licenciement de Mohamed X... repose sur une faute grave,- débouté Mohamed X... de l'ensemble de ses demandes,- condamné Mohamed X... aux éventuels dépens.

Ce jugement est notifié le 5 mars 2010 à Mohamed X....
Par courrier recommandé posté le 23 mars 2010, adressé à la cour d'appel de Metz, Mohamed X... fait régulièrement appel du jugement.
Par conclusions reçues au greffe le 22 juin 2010, soutenues oralement à l'audience, Mohamed X... demande à la cour de :- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Thionville le 1er mars 2010,- dire et juger que son licenciement est abusif,- condamner la S. A. S. Gepor à lui payer la somme de 13 446, 00 € à titre de dommages-intérêts,- condamner la S. A. S. Gepor à lui remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée conformément aux termes de l'arrêt à intervenir, ce sous astreinte de 100 € par jour de retard commençant à courir huit jours après la notification de l'arrêt à intervenir,- condamner la S. A. S. Gepor à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner la S. A. S. Gepor aux entiers frais et dépens.

Par conclusions reçues au greffe le 26 mars 2012, soutenues oralement à l'audience, la S. A. S. Gepor demande à la cour de :- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Thionville le 1er mars 2010,- débouter Mohamed X... de toutes ses demandes.

Sur quoi, la cour,

Vu le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Thionville le 1er mars 2010, Vu les conclusions précitées des parties auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens qu'elles invoquent,

Sur le licenciement de Mohamed X...

Vu l'article L1232-1 du code du travail,
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. En l'espèce, la S. A. S. Gepor a justifié ainsi qu'il suit sa décision de licencier Mohamed X... : « Lors de votre prise de poste, à 21 heures, votre chef de poste vous a demandé de vous rendre aux estacades afin de recevoir une formation. Vous vous être opposé à cette demande et avez purement et simplement refusé de vous conformer à l'instruction qui venait de vous être donnée de par votre supérieur. Celui-ci vous a alors indiqué que n'aviez pas à contester cette décision de vous affecter aux estacades. Vous avez maintenu votre refus et avez proféré à l'encontre de votre supérieur des propos déplacés et insultants, à savoir « grosse vache, salope », propos qui portent atteinte à l'intégrité de cette personne. Plus encore, votre énervement et votre comportement emporté ont nécessité l'intervention d'un autre agent, présent sur place au moment des faits, qui vous a emmené au dehors du bureau afin d'éviter que cette altercation ne dégénère. » La S. A. S. Gepor précise dans la lettre de licenciement que Mohamed X... a reconnu la matérialité des faits lors de l'entretien préalable, et a expliqué que ce jour-là, « il disait n'importe quoi ».

Le licenciement est ainsi motivé par deux griefs : refus d'exécuter un ordre et insultes envers le supérieur hiérarchique. Il appartient à l'employeur de prouver la cause réelle et sérieuse du licenciement, étant rappelé que l'article L 1235-1 al. 2 du code du travail dispose que « si un doute subsiste, il profite au salarié ».

Mohamed X... conteste avoir reconnu les faits lors de l'entretien préalable et nie avoir refusé d'exécuter les ordres de son supérieur. Pour prouver que Mohamed X... a reconnu les faits lors de l'entretien préalable, la S. A. S. Gepor produit quatre attestations. La première est établie par Elodie Z..., qui est la supérieure hiérarchique qui aurait été insultée ; cette dernière indique qu'elle a donné l'ordre à Mohamed X... de changer de chantier et d'aller en formation sur le chantier des estacades ; que celui-ci a refusé et l'a suivie dans le bureau des chefs de poste en laissant la porte ouverte derrière lui ; que le ton est monté entre eux ; que suite aux nombreuses protestations de Mohamed X... sur le fait de changer de chantier, elle a dit à Mohamed X... « si tu n'es pas content, tu peux prendre la porte » ; qu'alors il l'a insultée en la traitant de « salope » et de « grosse vache de merde » ; qu'un autre salarié (Badrdin H...) est intervenu et a emmené Mohamed X... pour éviter que la situation dégénère.

Cette attestation est contredite par les déclarations de Badrdin H... devant les conseillers rapporteurs, lequel affirme qu'il n'est pas intervenu pour calmer Mohamed X..., qu'il n'a entendu aucun échange houleux, et que s'il y avait eu une altercation, il l'aurait entendue depuis son poste de travail, du fait que la porte du bureau était ouverte, ce que confirme l'attestation d'Elodie Z....
Les trois autres attestations sont établies respectivement par Sandrine A..., responsable de l'unité Fer, Bertrand B..., responsable des ressources humaines, ayant tous deux assistés à l'entretien préalable en représentation de l'employeur, et Jean-Charles LOUIS, président de la S. A. S. Gepor et employeur de Mohamed X..., qui n'a pas assisté à l'entretien préalable mais déclare avoir reçu Mohamed X... le 27 octobre, à la demande du délégué syndical, précisant que lors de cet entretien informel, Mohamed X... a reconnu les faits.
Nul ne pouvant témoigner pour soi-même, ces trois attestations seront écartées.
Il existe ainsi un doute sur la matérialité des insultes retenues par l'employeur pour justifier le licenciement de Mohamed X....
S'agissant du refus de rejoindre le poste assigné, la S. A. S. Gepor ne produit aucune pièce autre que les attestations évoquées ci-dessus, le seul argument de la S. A. S. Gepor étant que Mohamed X... a reconnu les faits. Pour sa part, Mohamed X... produit cinq attestations établies par cinq de ses collègues, Badrdin C..., Jérémy D... Khalid E... Julien F... et Alisan G.... Toutes ces attestations sont conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, mais rédigées dans des termes strictement identiques, à savoir : « certifie travailler dans la même société (Gepor) que Mohamed X..., ce dernier s'est bien rendu au poste de travail comme sa responsable le lui avait demandé le mardi 30 septembre 2008. » Il y a manifestement aide à la rédaction du contenu des attestations, mais les témoins les ont écrites personnellement, les ont signées, ont précisé qu'ils ont conscience de ce qu'une fausse déclaration de leur part peut entraîner des sanctions pénales, ces éléments justifiant que les attestations soient retenues. La S. A. S. Gepor relèvent que ces attestations ne précisent pas l'heure à laquelle ce jour-là, Mohamed X... a rejoint le poste qui lui a été assigné, ce qui est constant. En effet, Mohamed X... a pu rejoindre son poste après l'altercation, mais ce faisant, il l'a bien rejoint, sans retard significatif, que la S. A. S. Gepor aurait nécessairement invoqué.

Le grief, non établi, ne peut en conséquence être retenu.
Il résulte de ces éléments qu'un doute subsiste relativement à la matérialité des faits reprochés à S. A. S. Gepor, doute qui doit profiter au salarié, en sorte que son licenciement sera déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts

Vu l'article L 1235-5 du code du travail. Mohamed X... travaillait depuis moins d'un an au sein de la S. A. S. Gepor.

Il lui appartient d'établir le préjudice dont il demande réparation. Mohamed X... demande que la somme de 13 446 € lui soit allouée, soit un an de salaire. Mohamed X... ne donne aucune indication sur le préjudice qu'il a subi suite à son licenciement ni sur sa situation dans les suites du licenciement, ni sur sa situation actuelle. Cependant, le licenciement sans cause réelle et sérieuse cause nécessairement un préjudice au salarié qui en est victime. En l'espèce, ce préjudice sera réparé par des dommages-intérêts d'un montant de 5 000 €, soit trois mois de salaire brut.

Sur l'attestation destinée à l'assurance-chômage

Mohamed X... produit l'attestation établie par Sandrine A..., en sa qualité de responsable, destinée aux Assedic, sur laquelle elle indique que Mohamed X... a été licencié pour faute grave, alors que la lettre de licenciement ne fait aucunement mention d'une faute grave, outre le fait que la cour déclare le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il sera en conséquence fait droit à la demande de Mohamed X... d'enjoindre la S. A. S. Gepor d'établir une attestation conforme, sous astreinte.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La S. A. S. Gepor succombant en appel, sera condamnée à payer à Mohamed X... la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des procédures de première instance et d'appel. Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté Mohamed X... de sa demande au titre de ces dispositions.

Sur les dépens
Vu l'article 696 du code de procédure civile, La S. A. S. Gepor sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance. Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de Mohamed X....

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- DECLARE recevable l'appel formé par Mohamed X...,
- INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Thionville daté du 1er mars 2010 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- DIT le licenciement de Mohamed X... dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- CONDAMNE la S. A. S. Gepor à payer à Mohamed X... la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse,
- CONDAMNE la S. A. S. Gepor à délivrer à Mohamed X... une attestation destinée à l'assurance-chômage conforme à la présente décision, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt,
- CONDAMNE la S. A. S. Gepor à payer à Mohamed X... la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'ensemble des procédures de première instance et d'appel,
- CONDAMNE la S. A. S. Gepor aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 21 mai 2012, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.

Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01439
Date de la décision : 21/05/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2012-05-21;10.01439 ?
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