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16/01/2012 | FRANCE | N°09/02191

France | France, Cour d'appel de metz, Chambre sociale, 16 janvier 2012, 09/02191


COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
seize janvier deux mille douze
Arrêt no 12/00028---------------RG No 09/02191------------------Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ01 Décembre 200403/00954------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

APPELANTE :
Madame Véronique X......57155 MARLY
Représentée par Me BETTENFELD (avocat au barreau de METZ)

INTIMEE :
SA SOREC, prise en la personne de son représentant légal11, rue des Roberts57000 METZ
Représentée par Me MOREL (avocat au barreau de METZ)
r>COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS...

COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
seize janvier deux mille douze
Arrêt no 12/00028---------------RG No 09/02191------------------Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ01 Décembre 200403/00954------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

APPELANTE :
Madame Véronique X......57155 MARLY
Représentée par Me BETTENFELD (avocat au barreau de METZ)

INTIMEE :
SA SOREC, prise en la personne de son représentant légal11, rue des Roberts57000 METZ
Représentée par Me MOREL (avocat au barreau de METZ)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, ConseillerMadame Gisèle METTEN, Conseiller
GREFFIER (lors des débats) : Madame DESPHELIPPON, Greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 décembre 2011, tenue par Madame Monique DORY, Président de Chambre et magistrat chargé d'instruire l'affaire, lequel a, en présence de Madame Gisèle METTEN, Conseiller, entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées, et en a rendu compte à la cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 16 janvier 2012 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.
EXPOSE DU LITIGE
Véronique X... a été engagée à effet du 4 mars 1992 par la société Sorec au sein de laquelle elle exerçait les fonctions de comptable.
Convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 février 2003 par lettre recommandée du 3 février 2003, elle a été licenciée pour faute grave aux termes d'un courrier recommandé du 14 février 2003.
Suivant demande enregistrée le 16 septembre 2003, Véronique X... a fait attraire son ex employeur devant le conseil de prud'hommes de Metz.
La tentative de conciliation a échoué.
Dans le dernier état de ses prétentions, Véronique X... a demandé à la juridiction prud'homale de condamner la société Sorec à lui verser:
- 468,69 euros brut à titre de salaire durant la mise à pied ;- 150 euros à titre de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire ;- 3 938 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;- 393,80 euros brut à titre de congés payés y afférents ;- 5 414,75 euros à titre d'indemnité de licenciement ;- 19 690 euros à titre de dommages et intérêts ;- 111,37 euros à titre de rappel de salaire de janvier 2003 ;- 346,50 euros au titre du solde des indemnités de sécurité sociale de janvier 2003 ;- 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;avec exécution provisoire du jugement.
La société Sorec s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de Véronique X... à lui payer les sommes de :
- 2 340 euros à titre de remboursement de trop perçu ;- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement du 1er décembre 2004, statué dans les termes suivants :
- déboute Véronique X... de toutes ses demandes ;
- condamne Véronique X... à payer à la SA Sorec les sommes de :* 2 340 euros en remboursement des sommes indûment perçues ;* 300 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ces sommes portant intérêts de droit à compter de la notification du jugement ;* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laisse les dépens éventuels à la charge de Véronique X....
Suivant déclaration de son avocat au greffe du conseil de prud'hommes de Metz enregistrée le 22 décembre 2004, Véronique X... a interjeté appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 3 décembre 2004.
L'affaire a été radiée par ordonnance du 13 juin 2007.
Par acte déposé le 3 juin 2009, Véronique X... a sollicité la reprise de l'instance.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Véronique X... demande à la Cour de :
- recevoir Véronique X... en son appel et le dire bien fondé ;
- infirmer le jugement ;
- condamner la SA Sorec à payer à Véronique X... les sommes de :
* 468,69 euros au titre du salaire durant la mise à pied ;* 510 euros à titre de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire ;* 3 938 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;* 393,80 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur le préavis ;* 5 414,75 euros à titre d'indemnité de licenciement ;* 19 690 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
avec les intérêts de droit à compter de la demande sur l'ensemble des demandes, à l'exception des dommages et intérêts qui seront assortis des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;
- condamner la SA Sorec en tous les frais et dépens et au règlement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la SA Sorec de toutes ses demandes.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la SA Sorec demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner l'appelante à lui payer :
- 1 000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif ;- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ainsi qu'en tous les frais de première instance et d'appel.

MOTIFS DE L'ARRET

Vu le jugement entrepris ;
Vu les conclusions des parties déposées le 29 mai 2007 pour l'appelante et le 1er juin 2011 pour l'intimée, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur le licenciement pour faute grave
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
"Lors de notre entretien du 11 février 2003, nous vous avons fait part des raisons pour lesquelles votre licenciement était envisagé.
A l'issue de cet entretien, nous vous avons indiqué qu'au terme d'un délai de réflexion, nous vous ferions part de notre décision par courrier et que, dans l'intervalle, comme cela vous a été précisé dans votre convocation à entretien préalable, votre mise à pied conservatoire se poursuivait.
Les explications recueillies lors de notre entretien n'ont pas été de nature à modifier notre appréciation de la situation.
Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, aux motifs suivants :
Des investigations comptables menées récemment ont fait ressortir que vous aviez détourné à votre profit personnel la somme de 1 170 € au préjudice de notre entreprise, au moyen de manoeuvres frauduleuses consistant à émettre de votre propre initiative un chèque du compte « cabinet » au profit du compte « gérance », puis à masquer l'opération comptable par une remise globale de plusieurs chèques en banque et sans passation de l'écriture comptable en débit-crédit dans la comptabilité de notre société, et enfin en opérant à l'insu de votre employeur un virement par télétransmission sur votre compte personnel ; fait que vous avez reconnu lors de l'entretien préalable en présence du conseiller extérieur qui vous assistait.
Mise en demeure de rembourser la somme détournée au préjudice de notre société par courrier de notre avocat en date du 27.12.2002, vous n'avez donné aucune suite et vous êtes refusée à procéder au remboursement des fonds détournés.
A la date à laquelle vous auriez dû reprendre votre emploi à la fin de votre congé de maternité, vous vous êtes permise de vous considérer en congés payés et n'avez pas repris votre travail, alors que vous n'aviez sollicité, et a fortiori, pas obtenu, notre autorisation à ce sujet et que vos congés payés n'avaient absolument pas été planifiés à cette époque de l'année.
Enfin, alors que par notre convocation à entretien préalable nous vous avions indiqué que vous étiez placée en mise à pied conservatoire jusqu'à ce que nous vous ayons fait connaître notre décision suite à l'entretien préalable et que la poursuite de cette mise à pied conservatoire vous avait été confirmée verbalement lors de notre entretien préalable et ce, jusqu'à réception de la lettre par laquelle nous vous ferions part de votre décision, vous avez délibérément refusé de respecter cette mise à pied conservatoire et vous êtes introduite sans autorisation à votre poste de travail le jeudi 13 février 2003 au matin et vous y êtes maintenue jusqu'à ce qu'averti de la situation je vous rappelle votre obligation de respecter votre mise à pied conservatoire et vous enjoigne de quitter les lieux.
Les faits ci-dessus relatés constituent, tout à la fois, des manquements graves à vos obligations professionnelles et de loyauté à l'égard de votre employeur, qui, du fait de votre qualité de comptable de l'entreprise sont de nature à faire disparaître irrémédiablement toute confiance à votre égard, et également des manifestations d'insubordination caractérisée.
Ils justifient votre licenciement pour faute grave, qui prendra donc effet dès première présentation de la présente lettre, sans préavis ni indemnité."
* * *
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
L'employeur supporte la charge de la preuve de la matérialité de la faute grave et de son imputation certaine au salarié.
Les griefs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige.
En l'espèce, il convient donc d'examiner successivement les griefs mentionnés dans la lettre du 14 février 2003.
S'agissant du premier grief, Véronique X... prétend tout d'abord que l'employeur l'a déjà invoqué dans un avertissement daté du 18 septembre 2002 et que les faits sont prescrits.
Sur le fond, elle conteste tout détournement. Elle reconnaît que son salaire a été maintenu lors de son arrêt de travail du 24 novembre 2001 au 6 janvier 2002 et que l'employeur a été subrogé dans ses droits pour la perception des indemnités journalières d'un montant de 1 170 euros. Mais elle soutient qu'elle a en fait travaillé durant cette période et qu'il était convenu avec l'employeur qu'elle percevrait les indemnités journalières précitées en paiement de ce travail. Elle fait valoir à cet effet que le chèque de 1 170 euros a été signé par l'employeur, que le règlement ainsi effectué figure sur la fiche de salaire établie le 26 février 2002 et que la pratique de la SA Sorec s'est reproduite pendant son congé maternité durant lequel elle a perçu des primes en compensation de son travail.
Elle admet cependant avoir viré la somme de 1 170 euros à partir du compte gérance de la société et indique avoir régularisé ce virement par l'établissement d'un chèque, signé par le représentant de la SA Sorec, sur le compte du cabinet mais conteste que ce virement puisse caractériser une faute grave dès lors que, selon elle, l'employeur était au courant du règlement en sa faveur.
La SA Sorec prétend que dans un premier temps, elle s'est aperçue que Véronique X... avait majoré son bulletin de paie de février 2002 d'un montant net de 1 170 euros en faisant virer le montant total de son salaire net sur son compte, percevant ainsi à tort 1 170 euros puisque son salaire avait été intégralement maintenu durant son arrêt de travail préalable, et qu'elle avait par ailleurs établi avec le chéquier de la société un chèque de 1 170 euros qui avait été débité. Elle explique en avoir fait le reproche à sa salariée dans la lettre d'avertissement invoquée par l'appelante.
Elle soutient que ce n'est qu'en décembre 2002, à l'occasion de la vérification des écritures comptables des comptes de la société , qu'elle a découvert le processus décrit dans la lettre de licenciement. Elle conteste dès lors que les faits visés dans la lettre de licenciement aient été déjà sanctionnés puisque d'après elle, les manoeuvres mentionnées dans cette lettre n'ont été portées à sa connaissance qu'en décembre 2002.
Si elle reconnaît que le chèque de 1 170 euros a été soumis à la signature de son gérant, elle relève que celui-ci n'avait aucune raison de se méfier, ce d'autant qu'il était libellé au profit de Sorec gérance et non à celui de Véronique X....
Elle nie tout travail de sa salariée durant ses arrêts de maladie et fait valoir que les primes versées à Véronique X..., comme à d'autres salariés, l'ont été en considération de la bonne marche de l'entreprise et pour fidéliser le personnel.
Il résulte des pièces versées aux débats que par lettre du 18 septembre 2002, la SA Sorec a notifié un avertissement à Véronique X... pour différents motifs, dont les faits suivants :
"Lors de votre absence pour maladie pour la période du 25 novembre 2001 au 5 janvier 2002, votre salaire a été intégralement maintenu.
Ensuite vous avez établi un chèque supplémentaire de 1 170 euros, soit le montant que la S.S. nous a reversé pour vos 39 jours d'arrêt.
Sur le salaire de février 2002 vous avez effectivement régularisé la base des cotisations correspondant aux indemnités S.S. perçues par Sorec. Mais vous avez majoré votre salaire de 1 508,70 euros, correspondant au montant net de 1 170 euros, que vous avez fait virer avec votre salaire. Sans aucune raison, votre salaire ayant été maintenu.En procédant ainsi vous avez donc bénéficié du maintien de votre salaire et perçu à tort deux fois 1 170 euros soit 2 340 euros (15 350 euros)".
Il apparaît ainsi que par cet avertissement, Véronique X... a été sanctionnée pour avoir :- d'une part, organisé un premier paiement injustifié en sa faveur de 1 170 euros au moyen d'un chéque établi par ses soins ;- d'autre part, organisé un autre paiement injustifié en sa faveur de 1 170 euros compris dans le virement de son salaire de février 2002, virement effectué sur la base du bulletin de salaire de ce mois-là établi par elle qu'elle avait selon l'employeur indûment majoré.
La lettre de licenciement fait quant à elle grief à Véronique X... d'avoir réalisé un détournement de la somme de 1 170 euros opéré au moyen d'un chéque émis à son initiative du compte cabinet au profit du compte gérance de la société sans passation de l'éciture comptable correspondant à cette opération et d'un virement par télétransmission de cette somme sur son compte personnel.
Il ressort des explications de la société Sorec que le chèque évoqué dans l'avertissement est le même que celui dont il est fait état dans la lettre de licenciement, étant du reste observé que la société Sorec ne produit qu'un seul chèque et même chèque de 1 170 euros (à savoir un chèque émis le 18 février 2002 sur le compte Sorec cabinet et qui a été encaissé sur le compte gérance de la société).
C'est donc le même agissement qui est sanctionné dans l'un et l'autre cas. Si la lettre de licenciement précise son mode opératoire selon les indications ci-dessus rappelées, elle ne fait que détailler davantage les modalités par lesquelles Véronique X... a bénéficié au final de cette somme de 1 170 euros. Il y a lieu de relever à cet égard que la lettre d'avertissement ne mentionne nullement que le chèque établi par Veronique X... était libellé à son ordre et a été directement encaissé par elle.
Quant à la prétendue volonté de masquer l'opération aux yeux de son employeur qui est relevée à l'encontre de Véronique X... dans la lettre de licenciement au contraire de la lettre de notification de l'avertissement, elle a manifestement été mise en exergue de manière artificielle dans la lettre de licenciement pour tenter de justifier cette nouvelle sanction par rapport à la précédente. En effet, elle est incompatible avec les explications données par la société Sorec et confirmées par les pièces versées aux débats, à savoir que Véronique X... a elle-même indiqué sur le talon du chèque litigieux et sur le relevé du compte bancaire faisant état de son débit que ce paiement correspondait au remboursement en sa faveur des indemnités journalières versées au titre de son arrêt de travail de sorte qu'en tout état de cause, la finalité de ce chèque a été clairement affichée par l'intéressée.
C'est dès lors à juste titre que Véronique X... se prévaut du principe selon lequel une même faute ne peut faire l'objet de deux sanctions. Il s'ensuit que le premier grief énoncé dans la lettre du 14 février 2003 ne saurait fonder le licenciement quand bien même, comme il sera vu ci-après, rien ne justifie ce paiement de 1 170 euros organisé à l'initiative de Véronique X... et dont elle a bénéficié.
La lettre de licenciement mentionne comme deuxième grief le fait que Véronique X... n'ait donné aucune suite à la mise en demeure de rembourser la somme détournée de 1 170 euros qui lui a été adressée le 27 décembre 2002 et ait même refusé de procéder à ce remboursement.
Or, ce défaut de remboursement ne constitue pas un fait distinct du premier grief mais sa continuation.
Il convient par ailleurs de relever que dans la lettre d'avertissement, la société Sorec demandait déjà à Véronique X... de lui rembourser la somme de 2 340 euros comprenant celle de 1 170 euros, objet du chèque du 18 février 2002. La circonstance que cette première sanction soit restée sans effet n'autorisait pas la société Sorec à appliquer une nouvelle sanction.
L'absence de remboursement de la somme de 1 170 euros ne saurait donc davantage fonder le licenciement.
En ce qui concerne le troisième grief, Véronique X... prétend que son employeur lui avait donné son accord pour qu'elle prenne ses congés payés à l'issue de son congé de maternité.
La société Sorec conteste l'existence d'un tel accord de sa part.
Au soutien de ses affirmations, l'appelante produit une lettre recommandée qu'elle a adressée le 5 janvier 2003 à la société Sorec et que celle-ci a réceptionnée le 8 janvier 2003 aux termes de laquelle Véronique X... "confirme prendre 4 semaines de congés payés à l'issue de (son) congé légal de maternité.Date fin de maternité : 15/01/03Date reprise de travail : 13/02/03."
Si ce courrier établi par Véronique X... ne saurait prouver en lui-même qu'elle avait préalablement sollicité et obtenu l'autorisation de son employeur en vue d'une telle prise de congés payés, force est de constater cependant que la société Sorec ne s'est plaint de la non reprise du travail par sa salariée à la fin de son congé de maternité que dans la lettre de convocation à l'entretien préalable datée du 3 février 2003, soit près de trois semaines après la date où Véronique X... aurait dû recommencer son travail.
En outre, les bulletins de salaire de Véronique X... de janvier et février 2003 mentionnent qu'elle s'est trouvée en congés payés du 15 janvier au 31 janvier 2003 puis du 1er au 12 février 2003 et ne font état d'aucune déduction pour absence injustifiée durant ces périodes.
Il suit de là que la société Sorec était d'accord avec cette prise de congés et qu'elle ne saurait dès lors valablement reprocher à Véronique X... de n'avoir pas repris son travail immédiatement après la fin de son congé de maternité.
Ainsi, aucun des trois premiers griefs énoncés dans la du 14 février 2003 n'est retenu comme pouvant fonder le licenciement.
Dès lors, le seul fait que Véronique X... se soit présentée une fois sur son lieu de travail pendant la mise à pied conservatoire notifiée en même temps que la convocation à l'entretien préalable, ce qu'elle admet même si elle prétend n'être restée que dans l'entrée de l'immeuble de l'employeur, n'est pas fautif puisqu'aucune faute préalable ne pouvant lui être reprochée, la mise à pied a été prononcée à tort.
En conséquence, le licenciement de Véronique X... est dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

En l'absence de faute grave et compte tenu de son ancienneté de 10 ans au moment du licenciement, Véronique X... est fondée à obtenir une indemnité compensatrice du préavis de 2 mois, tel que prévu par l'article L 122-6 devenu l'article L 1234-1 du Code du travail, dont elle a été privée, soit 1 969,02 x 2 = 3 938 euros, ainsi qu'une indemnité compensatrice des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, soit 393,80 euros, lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la demande, le 23 septembre 2003.

A défaut de faute grave et eu égard à son ancienneté, Véronique X..., qui ne précise pas le mode de calcul de l'indemnité de licenciement revendiquée par elle, ni n'invoque de dispositions conventionnelles au soutien de cette demande, est en droit de prétendre à une indemnité de licenciement calculée conformément au troisième alinéa de l'ancien article R 122-2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date d'expédition de la lettre de licenciement, soit à raison de 1/10 de mois de salaire par année d'ancienneté plus un quinzième de mois par année au delà de 10 ans. Il s'ensuit que l'indemnité s'élève à :(1969,02 x 1/10 x 11) + (1 969,02 x 1/10 x 1/12) + (1 969,02 x 1/15) + (1 969,02 x 1/15 x 1/12) = 2 324,52 euros, étant souligné que son ancienneté est de 11 ans et 1 mois, préavis inclus, et que cette somme emporte intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2003.
A défaut de faute grave, le non paiement du salaire pour la période de mise à pied est injustifié et il y a lieu de condamner la société Sorec à payer à Véronique X... le salaire correspondant à cette période, soit 468,69 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2003.
En revanche, Véronique X... sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour mise à pied vexatoire, faute pour elle de décrire le prétendu préjudice lié à cette mesure et d'en justifier la réalité.
En application des articles L 1235-3 et L 1235-5 du Code travail, anciennement codifiés aux articles L 122-14-4 alinéa 1et L 122-14-5, les dommages et intérêts dus par l'employeur en raison d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peuvent être inférieurs aux salaires des six derniers mois, s'agissant d'un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté travaillant dans une entreprise employant habituellement onze salariés ou plus.
En l'espèce, la société Sorec ne justifie pas d'un seuil d'effectif moindre.
Véronique X... ne fournit aucune information, ni le moindre justificatif concernant ses revenus et sa situation au regard de l'emploi à la suite de son licenciement mais il n'empêche qu'elle a définitivement perdu l'ancienneté qu'elle avait acquise au sein de Sorec. Il y a lieu dès lors de lui allouer la somme de 13 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Enfin, il convient d'ordonner à la société Sorec de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées à Véronique X... du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite d'un mois mois d'indemnités.

Sur le rappel de salaire et d'indemnités journalières au titre de janvier 2003

En l'absence de critique par Véronique X... des dispositions du jugement l'ayant déboutée de ces demandes, le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur le remboursement de la somme de 2 340 euros

Véronique X... s'oppose à cette demande en faisant valoir qu'elle avait droit au maintien de son salaire et que l'employeur n'explique pas les raisons pour lesquelles il sollicite une somme bien supérieure à 1 170 euros.
La société Sorec sollicite la confirmation du jugement.
* * *
Il est acquis aux débats que la société Sorec a maintenu l'intégralité du salaire de Véronique X... pour la période du 25 novembre 2001 au 5 janvier 2002 durant laquelle elle était en arrêt de travail, la société Sorec ayant perçu par subrogation les indemnités journalières dues par la Sécurité Sociale au titre de cet arrêt pour un montant total de 1 170 euros.
Véronique X... n'étaye nullement ses dires selon lesquels elle a travaillé durant son arrêt, raison pour laquelle son employeur aurait convenu de lui reverser les indemnités journalières.
En effet, elle ne produit pas de pièces telles que des attestations corroborant la poursuite par elle d'une quelconque activité pour la société Sorec durant la période susvisée.
La circonstance que le représentant de l'employeur ait signé le chèque du 18 février 2002 de 1 170 euros ne saurait constituer la preuve du prétendu accord passé entre Véronique X... et la société Sorec dès lors que le chèque susvisé n'était pas libellé à l'ordre de Véronique X... mais à celui de la société Sorec et que même si le talon du chèque mentionnait qu'il correspondait au remboursement d'indemnités de sécurité sociale en faveur de l'intéressée, rien n'établit que la personne signataire ait eu connaissance de cette information lorsqu'elle a signé le chèque.
De même la mention sur le bulletin de salaire de février 2003 d'un "rappel de salaire SEC SOC" de 1 508,70 euros bruts, correspondant à 1 170 euros nets, n'est pas davantage probant puisqu'il n'est pas contesté que Véronique X... a elle-même établi ce bulletin de salaire.
Quant au fait que Véronique X... ait perçu des primes exceptionnelles en avril, juin ou juillet 2002, elles ne justifient nullement à elles seules d'une prétendue activité de l'intéressée durant des arrêts maladie ou de grossesse, étant observé d'ailleurs qu'en avril 2002, Véronique X... était bien présente dans l'entreprise.
Ainsi, les allégations de Véronique X... destinées à justifier le paiement à son profit de la somme de 1 170 euros n'apparaissent nullement fondées.
Or, il s'évince des documents versés aux débats que Véronique X... n'a pas perçu une fois mais deux fois cette somme de manière injustifiée.
En effet, d'une part, il ressort des pièces bancaires fournies que le 18 février 2002, elle a obtenu le paiement de la somme de 1 170 euros par virement à la suite d'un ordre donné par elle.
D'autre part, il résulte de son bulletin de salaire de février 2002 que sa rémunération pour ce mois-là a été majorée de 1 170 euros pour atteindre une somme totale nette de 2 959,64 euros, étant observé que le bulletin mentionne un paiement par virement qui n'a pu intervenir au plus tôt que le 26 février 2002, date à laquelle ledit bulletin a été établi.
Or, Véronique X... n'a jamais nié avoir bénéficié à ce titre d'un virement de 2 959,64 euros alors qu'il était déjà fait état de ce virement dans l'avertissement et que si elle a contesté de manière argumentée et circonstanciée cette sanction dans une lettre du 26 septembre 2002, elle n'a pas, aux termes dudit courrier, remis en cause l'existence d'un virement de la somme de 1 170 euros en même temps que son salaire.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Véronique X... au paiement de la somme de 2 340 euros.

Sur les dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs

Le licenciement de Véronique X... étant dénué de cause réelle et sérieuse, la procédure engagée par celle-ci et l'appel qu'elle a interjeté n'ont aucun caractère abusif de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement et de débouter la société Sorec à ces titres.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Succombant pour l'essentiel, la société Sorec doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Par suite, il y a lieu de la débouter de ses demandes au titres des frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel.
Pour des raisons tirées de l'équité, il y a lieu de débouter Véronique X... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire :
Reçoit l'appel de Véronique X... contre un jugement rendu le 1er décembre 2004 par le conseil de prud'hommes de Metz ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- condamné Véronique X... à payer à la SA Sorec la somme de 2 340 euros ;- débouté Véronique X... de ses demandes de rappel de salaire et d'indemnités de sécurité sociale au titre du mois de janvier 2003 ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Condamne la SA Sorec à payer à Véronique X... les sommes de :
* 468,69 euros au titre du salaire durant la mise à pied ;* 3 938 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;* 393,80 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur le préavis ;* 2 324,52 euros à titre d'indemnité de licenciement ;lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2003 ;
* 13 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la SA Sorec de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées à Véronique X... du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite d'un mois d'indemnités ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la société Sorec aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 16 janvier 2012, par Madame Monique DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.
Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/02191
Date de la décision : 16/01/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 26 juin 2013, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 juin 2013, 12-15.592, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2012-01-16;09.02191 ?
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